Deux hommes, deux positions, deux ambiances. Le départ de Mike Portnoy de Dream Theater est un tournant. Qu’il soit musical ou non, ça, nous le verrons dans quelques mois. Mais compte tenu de l’importance que Mike revêtait dans le groupe – ce n’est pas pour rien si Dream Theater était vu comme « le groupe de Portnoy » – les problématiques et les conséquences de ce départ sont nombreuses. Nous avons voulu prendre la température. Tout d’abord chez l’un de ceux qui était déjà là et qui a décidé de continuer, à savoir John Petrucci, guitariste et membre fondateur. Puis chez celui avec qui l’aventure va continuer : l’heureux nouveau élu Mike Mangini.
Le reportage relatant les auditions de différents batteurs nous avait mis la puce à l’oreille, dressant un tableau flatteur de Mike Mangini, un batteur capable et un personnage extrêmement sympathique et frais. Cet entretien sincère ne fera que le confirmer : Mike est chaleureux, avenant, bavard et généreux en anecdotes. Nous avions au bout du fil un homme enfin heureux, soulagé d’une période difficile et éternellement reconnaissant envers Dream Theater.
L’homme a beau avoir parfaitement conscience de sa valeur et de son niveau, il n’en reste pas moins extrêmement humble. Pour l’instant encore trop admiratif pour s’imposer au sein du groupe au-delà du poste de batteur. Comme s’il ne réalisait pas encore pleinement, Mike Mangini reste extrêmement prudent dès qu’il s’agit de parler de long terme, bien qu’il soit catégorique sur une chose : Mike Portnoy ne reviendra pas.
Radio Metal : Salut Mike. Alors, as-tu réussi à t’habituer à dire aux radios et aux journalistes : « Hey, c’est Mike Mangini de Dream Theater » ?
Mike Mangini (batterie) : (Il répète) « Hey, c’est Mike Mangini de Dream Theater ». J’arrive à le dire et à le croire, maintenant. J’ai l’habitude de prendre les choses comme elles viennent. Cet événement est arrivé et maintenant je vais apprécier le simple fait d’aller de l’avant. Mais, en même temps, le fait que ça soit arrivé est complètement fou et très étrange. Je n’arrive toujours pas à croire que l’opportunité se soit présentée.
Il s’est écoulé plusieurs mois entre les auditions et le moment où ton nom a été révélé au grand public. Ne pas pouvoir en parler autour de toi, ça a dû être extrêmement frustrant !
C’était difficile de ne pas pouvoir en parler à ma propre famille. Elle n’a rien su jusqu’au 18 avril, ce qui signifie que j’ai dû me taire du mois de novembre 2010 au 18 avril 2011 ! C’était très difficile.
Tu déconnes ?! Personne n’était au courant ?
Non ! Non, non, non. Très peu de gens savaient. La seule raison pour laquelle ces gens étaient au courant est qu’ils étaient impliqués d’une façon ou d’une autre. C’est tout. C’était une simple question de business. Je ne l’ai dit qu’à quelques personnes. J’en ai parlé à ma femme mais je ne pouvais pas le dire à mes amis ou à ma famille.
Je n’arrive pas à y croire !
Et moi, je n’arrive pas à croire que j’aie gardé le secret. Mais en même temps, je voulais faire bonne impression et prouver qu’on pouvait me faire confiance. Alors je n’ai rien dit pour montrer qu’ils pouvaient se fier à moi.
Le fait d’avoir déjà joué avec James LaBrie t’a-t-il mis plus à l’aise pour cette audition ?
Je ne sais pas, à vrai dire. La seule fois où j’ai joué avec le groupe a été quand Mike Portnoy m’a fait monter sur scène avec son double kit de batterie. J’ai été le tout premier batteur à rejoindre Mike. Ce qui s’est passé quand j’étais sur scène était extrêmement bizarre. Je ne sais même pas quelle était la chanson qu’ils jouaient. Tout ce dont je me souviens, c’est de Mike se tournant vers moi pour me dire : « Viens, suis-moi ». Je l’ai suivi, j’ai copié ce qu’il jouait et essayé de coller à ce qu’il faisait ! Je ne sais pas si ça avait quoi que ce soit à voir avec le fait d’être à l’aise. Ce qui m’a mis à l’aise pour l’audition, c’était d’être bien préparé.
Il apparaît clairement dans le documentaire The Spirit Carries On que tu étais celui qui voulait le plus rentrer dans le groupe. Est-ce que tu penses que cela a joué en ta faveur ?
Oui, cela a joué en ma faveur – jusqu’à un certain point. Cela a joué en ma faveur car mon cœur et mon esprit étaient particulièrement ouverts. J’étais extrêmement alerte. Je me suis présenté à l’audition en étant très préparé et parfaitement qualifié. Comme je voulais vraiment faire partie du groupe, j’ai appris les parties de tout le monde. J’ai profondément respecté tout le monde. Vouloir entrer dans le groupe était comme une graine : tout ce qui est issu d’une bonne graine sera bon. Ça a donc joué en ma faveur car ça m’a beaucoup facilité les choses. Là où ça n’a pas joué en ma faveur, c’est que le groupe se fichait pas mal de savoir si vingt batteurs différents voulaient vraiment faire partie du groupe. Ce qu’il leur fallait, c’était la personne qui jouait le mieux. Mon audition a été parfaite, je n’ai fait aucune erreur. Je pense être le seul à avoir fait montre d’un tel niveau et c’est la raison pour laquelle j’ai été choisi.
Lorsqu’un nouveau membre est introduit aux fans dans un groupe, les réactions peuvent être négatives, voire agressives par rapport au fait qu’il remplace un membre aimé de tous. Cependant, il semble que sur les forums tu aies été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme. À ton avis, pourquoi ?
Je pense que c’est parce que je suis ce que les fans apprécient. Ils doivent me voir comme un membre de leur famille. Pendant toute ma carrière, j’ai fait des choses qui ont prouvé cet état de faits. Quand on m’a offert la possibilité de rejoindre Dream Theater, je n’ai pas changé de personnalité. J’ai toujours apprécié Mike, je l’ai toujours respecté, tout comme j’ai toujours aimé Dream Theater et que je les ai toujours respectés. J’ai toujours aimé faire de la batterie. Je me suis offert au monde. Je signe tous les autographes qu’on me demande, je parle aux gens. Et je fais ça depuis vingt ans. Je n’ai pas changé. Et parce que les fans de Dream Theater me semblent être des gens très intelligents et très bien renseignés, je pense qu’ils ont fait leurs propres recherches. Je n’ai pas besoin de faire semblant : ils me connaissent déjà, j’ai fait ça toute ma vie. Je pense que c’est la raison pour laquelle ils sont à l’aise avec moi.
Tout groupe qui change de line-up se voit ensuite harcelé par les fans puristes obsédés par le concept de « la reformation du line-up originel ». C’est le cas avec Kiss ou Guns N’ Roses, et c’est plutôt irrespectueux pour les nouveaux membres. Comment comptes-tu gérer cette demande à laquelle vous ferez forcément face ?
Je suis du genre accommodant ! (rires) Je suivrai le mouvement et je me montrerai coopératif. C’est ma nature.
Dans une récente interview, tu déclarais qu’avant de te voir proposer cette audition, tu te rappelais d’un moment où tu étais allongé sur le sol, à te demander où allait ta vie. D’où venait ce désespoir ?
Je ne suis pas très sûr. Je me demandais où allait ma vie car j’étais blessé, à l’époque. L’autre raison était que je n’avais pas beaucoup de temps pour mon instrument parce que je travaillais énormément et je n’avais aucune idée de quand la situation allait changer. J’avais aussi construit un nouveau kit que la plupart des groupes… En fait, c’était un kit que personne ne voulait me laisser utiliser. J’étais donc en train de me demander : « Quand mes jambes vont-elles guérir ? Comment trouver le temps de travailler mon instrument ? Comment vais-je utiliser ce nouveau kit unique et magnifique ? » Et je n’avais aucune idée de la réponse.
Le fait de ne pas avoir de groupe fixe te pesait ?
Oui, c’était pesant de ne pas pouvoir être dans un groupe pendant au moins quelques années. Entre 2000 et 2005, ça ne m’était pas difficile parce que je voulais vraiment rester chez moi, enseigner et fonder une famille. Quand j’ai commencé à vouloir autre chose, ce n’était pas évident.
Ne pas avoir de groupe fixe peut-il être une situation comparable au manque de relation sérieuse et durable avec une femme ?
Oui, exactement ! (rires) Participer à plusieurs projets peut être intéressant, mais en ce qui me concerne, je suis beaucoup plus heureux avec un seul groupe, comme je suis plus heureux avec une famille.
Comment est-il possible, avec ton niveau, que tu n’aies pas trouvé de groupe plus tôt ? Te réservais-tu pour LE groupe parfait ?
Encore une fois, je voulais fonder une famille et rester à la maison. Dans cette situation, il fallait que je me concentre sur le fait d’avoir un revenu. Je ne pouvais pas aller avec n’importe quel groupe. En d’autres termes, il n’était pas facile de trouver un groupe qui pouvait m’apporter le revenu que je cherchais. J’étais professeur à l’université de Berklee, j’étais l’un des cliniciens de batterie les plus investis et j’arrivais même à me créer du travail. Quand je voulais travailler, il me suffisait d’envoyer des e-mails pour participer à un projet en studio. Trouver un groupe capable de payer aussi bien était difficile. Pour qu’un poste se libère, il faut qu’un batteur démissionne ou décède ! Comme ça n’arrive pas souvent, c’est très difficile !
C’est ta première expérience fixe au sein de groupe. C’est quelque chose d’inédit pour toi ; comment vis-tu cela ?
Oui, c’est vraiment nouveau et je suis vraiment enthousiaste. La raison pour laquelle le groupe est stable est que John, James, John et Jordan eux-mêmes sont stables. Ce sont des gens extraordinaires, avec les pieds sur terre et qui travaillent énormément. Voilà pourquoi le groupe est si stable. Je n’ai pas eu souvent l’occasion de croiser le chemin d’un groupe composé de gens stables qui voulaient aller de l’avant. Et ils sont aussi très populaires. C’est très rare !
Tu n’as pas participé à l’écriture du disque car il avait déjà été écrit. Qu’en sera-t-il pour les suivants ?
Oh, je ne sais pas. Je veux faire les choses étape par étape. Je n’ai pas été impliqué dans le processus d’écriture pour deux raisons. La première est que John, John, James et Jordan voulaient écrire ensemble sans batteur pour la toute première fois. En tant que fan du groupe, je voulais vraiment voir ça, alors j’ai accepté. Je voulais vraiment qu’ils soient heureux et composent tous les quatre sans batteur. L’autre raison pour laquelle je n’ai pas participé à l’écriture est que j’avais trop de choses à faire ! J’avais toujours un emploi à temps plein à Berklee et il fallait que je prépare mon équipement pour l’enregistrement. Comme je ne pouvais en parler à personne, j’ai mis trois mois à réunir tout l’équipement nécessaire ! J’avais besoin de beaucoup de choses et j’ai dû me débrouiller tout seul.
Tu as déjà mentionné deux fois ton désir de faire les choses étape par étape. Tu as l’air extrêmement prudent, tu refuses de te montrer trop enthousiaste. Aurais-tu peur de quelque chose ?
Voyons voir… Je suis extrêmement reconnaissant pour ce qui se passe avec le groupe et j’en reconnais la valeur. Je suis tout simplement heureux d’avoir la possibilité de jouer de la batterie. Il y a longtemps que je n’avais pas fait cela et j’y prends beaucoup de plaisir. Je n’ai pas d’autre aspiration au-delà de ça pour le moment. Je veux seulement m’immerger dans mon instrument. C’est plus une question d’être reconnaissant pour ce qui m’arrive.
Sais-tu si John Myung et James LaBrie sont plus impliqués sur cet album que sur les précédents ? Vont-ils recommencer à écrire des paroles ?
John, John et James ont tous les trois écrit des paroles.
Qui reprendra les parties vocales de Mike Portnoy ? Toi ?
Pas moi ! (rires) Je ne sais pas ce qu’ils veulent en faire. On s’occupera de ça lors des répétitions.
Jordan Rudess sait chanter. Pourrait-il commencer à chanter dans Dream Theater ?
Je ne sais pas. Encore une fois, le groupe devra prendre ces décisions pendant les répétitions. Je suis très concentré sur ma propre partie du travail qui ne consiste pas seulement à apprendre les chansons. Il faut que j’apprenne à coller aux différents tempi des albums. Ce sera ma préoccupation principale pendant les répétitions. Je vais devoir jouer les tempi des albums, ce que le groupe n’a jamais fait et veut commencer à faire. Et je travaille très dur à l’apprentissage des chansons pour cette tournée car je sais que je vais être scruté et que le public fera attention à tout ce que je ferai. Il y a davantage de travail pour moi cette fois, alors je ne me préoccupe pas du chant.
Mike Portnoy et John Petrucci ont déclaré qu’il était impossible qu’ils ne rejouent pas ensemble dans le futur, compte tenu du lien fort qui les unit. Sens-tu une sorte d’épée de Damoclès au-dessus de ta tête ?
Non, pas du tout. La raison, c’est que j’apprécie beaucoup Mike. C’est un ami. J’ai trouvé une nouvelle famille en Dream Theater, et quand on aime quelqu’un, on laisse cette personne faire ce qu’elle a à faire. Je ne ressens aucune menace au-dessus de ma tête. Je suis convaincu que je suis dans le groupe pour de bon. Mike ne reviendra pas. Je suis le batteur maintenant, point final. J’en suis intimement convaincu. Cette confiance ne me vient pas du fait qu’on me l’aurait dit ; j’ai confiance parce que je sais que je continuerai à travailler dur pour qu’on continue à avoir besoin de moi.
La question stupide de l’interview : as-tu vu le DVD de Metallica « Some Kind Of Monster » ?
Oui, je l’ai vu.
Dans ce DVD, lorsque le groupe apprend à Robert Trujillo qu’il est pris, les membres de Metallica lui annoncent qu’ils lui offrent un chèque d’un million de dollars en guise de cadeau de bienvenue. Et pour toi, c’était combien ?
(rires) Non, non, non. Je vais te dire ce qu’ils m’ont offert. C’est très important pour moi : ils m’ont offert leur confiance et une nouvelle vie. Et ça, c’est beaucoup, beaucoup plus précieux. Si tu tiens à parler d’argent, cela pourrait potentiellement créer des centaines de millions de dollars, si nous restons ensemble, si nous écrivons bien et que nous devenons encore plus populaires. Tout ça peut arriver là où il y a de la confiance et là où on forme une famille, surtout si on te fait sentir important et bienvenu. Mais ils n’ont rien fait de ce genre ! (rires)
Interview réalisée le 8 juin 2011 par phoner.
Retranscription et Traduction : Saff’
Site Internet Dream Theater : www.dreamtheater.net
Peut-être que le groupe veut jouer au clic sur scène, chose que ne faisait pas Portnoy.
Some Kind of Monster est un reportage très édifiant (même mes parents, qui ne supportent pas le métal, ont adoré voir ça !). Mais quand Metallica offre le chèque de bienvenue, on a l’impression que c’est plutôt Robert Trujillo qui aurait été prêt à donner le million pour pouvoir rentrer dans le groupe !
Je n’ai pas non plus compris l’histoire des tempi… (en passant, le singulier en o et le pluriel en i ce n’est pas du latin, mais de l’italien) Peut-être qu’en jargon de batterie, on ne dit pas apprendre la partition d’une chanson, mais apprendre son tempo ? (il nous faut un batteur pour répondre à cette question !)
toutes ces théories sont crédibles, mais je ne suis toujours pas fixé. Dans l’ensemble, je suppose qu’il est très exigeant avec lui-meme et veut jouer exactement comme sur les CD. par contre je reste étonné que ça soit une volonté de la part du groupe.
@ Simon
tempi, c’est le véritable pluriel de tempo, celui qui nous vient du latin.
sinon, tu disais qu’il était humble, j’ai pas totalement eu cette impression pendant l’interview. j’imagine qu’il doit savoir qu’il est connu, mais on dirait que ça lui monte un peu à la tête… Enfin, bon c’est mon avis, si vous êtes pas d’accord, c’est pas plus grave 🙂
@AB
Merci, je le savais, mais ça ne m’explique pas la phrase en fait.
Sauf si ça veut dire qu’ils vont jouer les morceaux à leur vitesse d’origine ? DT n’avait pourtant pas pour habitude jusqu’ici d’accélérer particulièrement leurs morceaux en live. Et je vois pas en quoi ce serait particulièrement difficile pour lui ni pourquoi DT aurait pris cette décision.
Bref, je reste perplexe.
@ Simon
j’imagine que ça veut dire que Mike connaît les chansons, mais à un tempo plus lent qu’elles devraient l’être, ce qui fait qu’il va travailler avec le groupe pour avoir le bon tempo
Je crois que ça veut dire que sur le nouvel album il va simplement donner le tempo des chansons sans ajouter des breaks toutes les 10 secondes contrairement à Portnoy. Un jeu de batterie plus simple et moins démonstratif donc. Je crois que c’est ça, sinon j’ai rien compris non plus.
J’ai pas compris l’histoire des tempi, je suis le seul ?
« Je vais devoir jouer les tempi des albums, ce que le groupe n’a jamais fait et veut commencer à faire. »
C’est vrai que tu fait plein de faute d’orthographe Metal’O Phil?
lol !
Mais tu sais pas lire Fatal_Blood !! Je te disais sur le chat que mon travail sur Dream Theater était de relire et de corriger le max de fautes que je pouvais sur ces deux interviews !! Pas que Metalo faisait des fautes ! 🙂
Ou alors il en fait mais comme tout le monde… bref on s’en fout non ?!
S’il y avait des fautes à corriger, ce n’étaient pas celles de Phil mais plutôt les miennes, non ? 😉
Doc’ j’était fatiguer avec mon oral de français c’est pour ça. Et oui on s’en fout