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Live Report   

Dream Theater : un concert réglé comme du papier à musique


Après avoir occupé la tribune médiatique (ne serait-ce qu’avec « l’affaire » Mike Portnoy) durant une bonne partie de l’année dernière, Dream Theater est en pleine tournée promo pour son nouvel album A Dramatic Turn Of Events avec un unique passage en France, à Paris, pour la seule date confirmée en France pour 2012 jusqu’alors.

Et si l’on ajoute, en l’occurrence, à l’affiche Periphery, alors autant dire que ce vendredi 3 février, au Zénith, était une date à ne pas manquer pour tout fan de metal progressif, le lieu se transformant pour un soir en haut lieu du genre. Et, si vous n’étiez pas dans la salle parisienne, nous sommes allés au plus près de l’événement pour vous relater ce concert épique.

Artistes : Dream TheaterPeriphery
Date : 3 février 2012
Lieu : Paris
Salle : Zénith

Les lumières s’éteignent à 19h30, tandis qu’une ambiance électro s’installe dans la salle, à grand renfort de synthé et de boîtes à rythmes. Mais l’intro est de courte durée et les membres de Periphery font leur apparition dans une semi-pénombre, tandis que le premier morceau, « New Groove » démarre sur les chapeaux de roues.

Première constatation : pas moins de trois guitaristes se donnent la réplique sur scène. Les morceaux, d’une richesse technique et musicale impressionnante, justifient largement ce choix : chacun assurera tour à tour la partie soliste et rythmique et le public assiste intimidé à une véritable débauche de technique et de dextérité, à l’image de ce riff sur le morceau « Buttersnips » qui pourrait sobrement s’intituler « Concerto en tapping pour six mains ». Les compositions ne laissent cependant pas beaucoup de place à la basse qui se retrouve noyée par l’omniprésence des six et sept cordes, malgré une technique vigoureuse et une balance impeccable.

La rythmique quant à elle, constitue la pierre angulaire de la formation : le batteur Matt Halpern est d’ailleurs un spectacle à lui seul, investi à 200% dans l’interprétation de sa partition. Doté d’une énergie débordante, il se démène comme un beau diable derrière son kit afin de caler le tempo de tout ce petit monde, et l’exercice n’est pas de tout repos. Les rythmes cassés si particuliers au mathcore sont légions et seuls les initiés parviendront à saisir la construction complexe, à première vue anarchique des morceaux. L’oreille profane tente, malgré elle, par habitude sans doute, de se raccrocher à ce qu’elle reconnaît, de distinguer une structure qui se répète ou un semblant de régularité, sans succès… Periphery parvient à surprendre l’auditeur à tous les niveaux, que ce soit un solo qui introduit un morceau, un pont qui tombe de nulle part en plein milieu d’un refrain, ou encore un refrain qui n’arrive jamais alors que tout le morceau semble l’amener. La dissonance apparente du chant contribue à cet effet déstabilisant et il arrive inévitablement un moment où l’on se demande si Spencer Sotelo chante volontairement faux ?

Le résultat de cette alchimie complexe nécessite de la curiosité, de la réflexion et beaucoup d’analyse de la part de l’auditeur qui peut rapidement se retrouver submergé par la richesse des morceaux et la multitude de sonorités et de rythmes. Heureusement, la setlist plutôt courte est entrecoupée par « Jetpacks Was Yes ! », morceau beaucoup plus accessible qui permet un break bien mérité dans cette gymnastique auditive.

Après six morceaux et un peu plus d’une demi-heure de scène, le groupe se retire sous les applaudissements empreints de respect du public, dont beaucoup ce soir-là savaient à quoi s’attendre : par acquis de conscience, le chanteur avait demandé un peu plus tôt si dans la salle quelqu’un connaissait déjà le groupe et de nombreux bras s’étaient levés.

Au final, un concert de Periphery ressemble beaucoup à la dégustation d’un grand vin : les vrais connaisseurs seront en mesure d’en apprécier toutes les nuances complexes, d’en débattre durant des heures, tandis que les amateurs moins aguerris se contenteront d’un sobre « sympa mais avec modération ».

Setlist de Periphery :

New Groove
Letter Experiment
Jetpacks Was Yes!
Buttersnips
Icarus Lives!
Racecar

Dream Theater ne fait pas dans la demi-mesure…

C’est dans une salle comble que la lumière s’éteint peu avant 21h pour le clou de la soirée : les Américains de Dream Theater. Un rideau tombe et dévoile l’impressionnante batterie de Mike Mangini, tandis que trois écrans géants se mettent à diffuser un petit film d’animation mettant en scène les personnages du groupe (une mention toute spéciale à John Myung la chauve-souris et Mike Mangini le génie de la lampe). Cette petite intro comique contraste avec le fond musical solennel de Hans Zimmer, mais qui aura bien eu le mérite de nous faire sourire.

Les musiciens prennent leurs quartiers tandis que le grondement introductif de « Bridges In The Sky » résonne dans la salle, suivi de ses chœurs liturgiques, et c’est le coup d’envoi. Un morceau particulièrement long que les musiciens mettent à profit pour s’échauffer, se mettre dans l’ambiance de la salle : à l’exception de James Labrie, chacun se concentre sur son interprétation, avec de trop rares regards vers le public, à tel point qu’on commence à se demander s’ils ont remarqué sa présence.

… car Dream theater, c’est du sérieux. (John Myung, Dream Theater)

Mais l’ambiance se réchauffe rapidement et nos craintes se dissipent tandis que le quintet retrouve peu à peu toute l’aisance que leur prestation scénique exige : C’est un Mike Mangini rigolard et très à l’aise qui s’en donne à cœur joie derrière ses fûts, bien loin de l’image timide et presque hésitante qu’il nous avait laissée au Sonisphere quelques mois auparavant. Remplacer Mike Portnoy n’était sans doute pas chose aisée, mais se faire accepter par un public parmi les plus exigeants a probablement constitué la partie la plus complexe de l’opération. Le musicien a désormais pris ses marques et peut désormais revendiquer son rôle de membre à part entière ; un impressionnant solo de plus de six minutes aura d’ailleurs prouvé aux plus sceptiques que la relève est assurée. Par ailleurs, c’est lui qui décroche sans conteste la palme du membre le plus souriant, à l’opposé de John Myung qui ne desserrera pas les lèvres de la soirée, même au moment de saluer le public.

Mais ils pourraient au moins sourire un peu… (John Petrucci, Dream Theater)

Mais c’est John Petrucci qui sera au centre de toutes les attentions ce soir-là : jouissant d’une présence scénique remarquable, il déclenche la clameur du public dès son entrée comme à chacune de ses interventions. Il faut dire qu’il incarne pour beaucoup LE « guitar hero », ce qu’il n’aura de cesse de nous démontrer tout au long du show. A chacun de ses soli, il s’avance au bord de la scène et, sa guitare bien en évidence, nous prouve tel un magicien que rien n’est truqué lorsqu’il exécute sa partition. La complémentarité entre le clavier et la guitare a été largement exploitée, et l’on assiste à plusieurs reprises à des dialogues musicaux entre Petrucci et Rudess. Il est à noter que les parties de synthé, parfois envahissantes et tapageuses sur les albums studio, sont restées ce soir là plutôt raisonnables.

Au cours du set, sans grande surprise c’est le dernier album qui est très largement représenté. Les incontournables tels que « Build Me Up, Break Me Down » ou « On The Backs Of Angels » recevront un excellent accueil du public. Même si l’album est plutôt récent, les fans connaissent déjà toutes les paroles par cœur et ne se privent pas d’accompagner James Labrie à l’unisson. Pour autant, les anciens albums ne sont pas oubliés : les fans de la première heure sont gâtés car nous avons droit à cinq morceaux issus des toutes premières galettes.

Eh bien, voilà ! Merci Jordan Rudess (Dream Theater) pour ce beau sourire.

Un petit interlude acoustique au milieu du set permet d’assister au duo Labrie/Petrucci sur une magnifique interprétation de « Beneath The Surface » et « The Silent Man ». James Labrie assure aussi la partie communication durant toute la soirée : quelques paroles échangées avec le public, la présentation des différents membres du groupe, une petite plaisanterie sur la nourriture française – le strict minimum en somme, dommage. Les autres membres ne seront guère plus loquaces et resteront d’ailleurs très statiques sur scène : pas d’exubérance, pas de mouvements frénétiques, juste un grand sérieux et un professionnalisme qui en dit long sur le bagage du groupe.

Du côté du public, les oreilles sont attentives, les têtes marquent parfois la cadence mais ça ne va pas plus loin. Ni frénésie, ni mouvement de foule, chacun dans la fosse comme dans les gradins savoure ce moment musical comme s’il s’agissait d’un concert d’opéra ou d’une pièce de théâtre. Venant de n’importe quel autre groupe, ce manque d’interaction flagrant entre artiste et public aurait énervé et laissé un goût amer au spectateur, mais pas ici. Visiblement, les fans tiennent avant tout à profiter de la musique, s’en mettre plein les oreilles et admirer les virtuoses à l’œuvre. Que ces derniers préfèrent délaisser le jeu de scène leur est finalement pardonné, du moment que le travail est fait, et bien fait.

James Labrie (Dream Theater)… et son doigt.

Après « The Spirit Carries On » et sa levée de briquets, le concert touche déjà à sa fin, et « Breaking All Illusions » vient clôturer une setlist de presque deux heures sans que nous ayons vu le temps passer. Mais le groupe ne s’en tirera pas à si bon compte et le public réclame son bis à grands coups de pieds dans les gradins. Le suspens sera de courte durée et les musiciens reviennent sur les planches pour un « Pull Me Under » magistral. La prestation s’achève sous un tonnerre d’applaudissements et pas une paire de bras ne manque à l’appel même au fin fond de la salle. Le groupe prend plusieurs minutes pour remercier chaleureusement son public, sourire aux lèvres, avec la satisfaction du devoir accompli.

La soirée s’achève donc sans fausse note, au propre comme au figuré. Le spectacle était au rendez-vous et les jeunes musiciens en herbe présents dans le public ont pris une belle leçon d’humilité. On reproche parfois au metal progressif son côté lisse et perfectionné et il est vrai que le show de ce soir allait dans ce sens car un concert de Dream Theater ne laisse de place à aucune improvisation hasardeuse, aucune note de travers, le perfectionnisme poussé à son paroxysme en somme. Mais la réponse chaleureuse du public ne permet pas le doute : c’est exactement ce pourquoi il s’était déplacé ce soir là.

Setlist de Dream Theater :

Bridges In The Sky
6:00
Build Me Up, Break Me Down
Surrounded
The Root Of All Evil
A Fortune In Lies
Outcry
The Silent Man
Beneath The Surface
On The Backs Of Angels
War Inside My Head
The Test That Stumped Them All
The Spirit Carries On
Breaking All Illusions

Rappel:
Pull Me Under

Live report : Philippe Ehrhart
Photos : Olivier Gestin



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  • MyOpinionSucks dit :

    Bon live report, effectivement on en a pris plein la gueule et c’était un grand moment de musique dans une ambiance très sympathique et à mon avis totalement approprié à ce type de concert. J’ai personnellement jouit sur place au moment du riff d’Outcry, une compo que je trouve excellente en tout point. A noter tout de même le petit Circle Pit sur Pull Me Under 😀

    Par contre, de là où j’étais placé(le centre de la fosse), le son de Periphery était anarchique. Je connaissais les compos et j’avais pourtant du mal à distinguer les partoches des bonhommes. Après, le groupe souffre évidemment de ses faiblesses présentent en studio, un chant faux et au scream approximatif(il touchait sans cesse son oreillette) et un songwriting finalement trop faiblard pour donner une véritable ambiance à des compos trop mathématiques. Finalement, le seul moment où les gratteux ont joué les mêmes notes fut le passage jouissif de leur certes et le seul avec un son de qualité, le riff d’Icarus Lives simplement destructeur!

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