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Interview   

Dropkick Murphys : marathoniens du punk-folk


Dropkick Murphys a vingt ans. Et là où beaucoup de groupes sautent sur l’occasion de célébrer leurs anniversaires, ou ceux de leurs albums, les Bostoniens ont préféré, au contraire, attendre le début de l’année suivante pour sortir 11 Short Stories Of Pain & Glory, leur nouvel opus. En vingt ans, certains ont aussi le temps de se perdre dans des errances musicales, plus ou moins fructueuses, ou de changer radicalement de style. Ce n’est pas le genre de ces américains-là, qui se revendiquent fidèles à eux-mêmes et à leurs racines, bien que sans cesse élargissant leur horizon musical.

Sur ces onze histoires que le groupe nous propose, certaines sont plus ou moins engagées, plus ou moins personnelles, mais toujours écrites avec les tripes et le cœur, car pour Al Barr, « c’est ça le punk », comme il s’est plu à le répéter dans les lignes qui suivent. Il faut dire qu’entre les événements personnels qu’il nous relate ici, et ceux qui ont touché tout le groupe, notamment les attentats du marathon de Boston, ville chère à leur cœur, les musiciens ont eu suffisamment de matière pour parler de la douleur. Quant à la gloire, pour Al Barr, ce n’est ni plus ni moins que cet album lui-même, alors qu’un successeur se profile déjà à l’horizon pour la fin de l’année !

C’est donc avec un frontman heureux malgré les obstacles et la douleur, plein d’espoir malgré le contexte international, et plein de reconnaissance pour les fans, que nous nous sommes entretenus, exactement une semaine après le tremblement de terre qu’ont été les élections américaines de novembre dernier, auxquelles il ne manquera pas de faire référence.

Pour rappel, le groupe sera de passage en France à la fin du mois. Voir l’agenda concert.

« La musique amène de la joie, la musique amène de l’espoir, et nous amenons de la musique. »

Radio Metal : La biographie promotionnelle fournie avec l’album dit que vous avez passé les vingt dernières années en tournée autour du globe et que tous ces voyages ont renforcé votre amour pour votre ville d’origine, Boston. Peux-tu nous dire à quel point votre ville d’origine est spéciale pour vous ?

Al Barr (chant) : Tu pourrais interpréter ça dans le sens que tu veux, mais ça veut juste dire que plus tu passes [du temps] loin de chez toi, plus tu apprécies d’être chez toi, parce que tu n’es pas là, donc tu dis : « Oh mec, il me manque ci, ou il me manque ça. » Et aussi, je pense que ça te fait réaliser que… Tu sais, chez toi c’est bien sûr là où est ta famille et tout ça, mais nous avons été tellement chanceux d’avoir en quelque sorte la maison de nos fans tout autour du globe. Nos fans sont tellement… Ils donnent beaucoup, partout où nous allons, ce n’est pas juste en Amérique ou à Boston ou quoi. Je veux dire, en Slovénie, où que nous soyons [petits rires], c’est juste incroyable de voir… Surtout dans des pays où l’anglais n’est pas parlé du tout, et ils connaissent chaque mot, c’est incroyable ! Donc ta ville d’origine, c’est chez toi, et c’est là où est ma famille, donc j’adore où je vis, j’adore être chez moi, mais j’ai aussi réalisé que j’adore le boulot que j’ai, si on peut appeler ça comme ça, c’est le meilleur boulot que tu puisses avoir, d’être à même de voyager à travers le monde et d’amener de la musique aux gens qui veulent l’entendre [petits rires], tu vois ce que je veux dire. C’est plutôt génial ! Je ne peux pas me plaindre !

Est-ce que ça te fait penser que c’est important de toujours garder à l’esprit d’où l’on vient, ses racines ?

Oh ouais, carrément ! Je veux dire, qu’est-ce que tu es sans tes racines ? Ça te définit plus ou moins. Je pense que les expériences que tu as, quand tu es jeune, en grandissant, sont les choses qui forgent ce que tu deviens. Chaque mauvaise expérience et chaque bonne expérience te modèle, te façonne. Donc, ouais, tes racines sont… Surtout dans la musique punk, dans la musique que nous jouons, je pense que c’est très important de, A – connaître tes racines, B – ne pas oublier tes racines, et C – honorer tes racines. Il doit y avoir ces trois choses, elles sont très importantes pour les Dropkick Murphys.

Pour cet album, vous avez dit que vous aviez eu besoin de supprimer toutes les distractions, donc vous êtes allés dans un studio au Texas, au milieu de nulle part. Ken Casey a dit que vous n’étiez jamais partis de chez vous pour faire album. Aviez-vous l’impression qu’écrire de la musique à Boston commençait à avoir un impact négatif sur votre musique ?

Non, non, pas du tout, je ne pense pas que c’était ça l’état d’esprit. Je pense que l’état d’esprit était plutôt « ça fait vingt ans qu’on fait ça, on fait des albums depuis vingt ans en tant que groupe » et quand tu arrives à dix ans, c’est dur, mais quand ça fait vingt ans… Et nous savions que nous ne voulions pas sortir un album pour l’anniversaire de nos vingt ans, parce que ça aurait été merdique, nous ne voulions pas que tout notre héritage [pèse là-dessus], donc nous avons pris la décision réfléchie de ne pas sortir l’album pour l’anniversaire des vingt ans, cette année, donc nous avons décidé de le sortir l’an prochain, peut-être par superstition. Mais c’était plutôt que nous voulions tout changer. Tous les albums que nous avions faits auparavant c’était, nous étions en studio à Boston ou en périphérie de Boston, et c’était, tu passes la journée à enregistrer et tu rentres à la maison, donc il y a cette interruption, et ensuite tu es à la maison, avec ta femme et tes enfants, et les distractions de la vie, et donc tu es en quelque sorte complètement… C’est comme si tu avais travaillé sur cette équation algébrique sur un tableau noir, et tu étais presque arrivé à la fin, et ensuite quelqu’un arrive, efface tout et te dit : « C’est pas grave, tu peux recommencer demain ! » [Soupir]. Donc ensuite tu dois y revenir le lendemain, et certains jours, tu te rends compte que tu peux t’y remettre sans problème, et d’autres jours tu vas te retrouver genre : « Oh, j’en étais où hier ? »

Mais avec cette expérience-ci, il n’y avait rien de tout ça, parce que nous ne sortions jamais de cette bulle, tu es là-dedans, constamment, tu es dans le studio jusque tard le soir et ensuite, tu es à cent mètres de ton lit, donc tu vas jusqu’à ton lit, tu vas dormir, et ensuite quand tu te lèves le matin, tu prends un petit-déjeuner, et tu es de retour dans le studio avec la musique, tu es de nouveau entouré par de la musique. Donc tu ne quittes jamais vraiment ce flux de conscience et cette créativité. Donc c’est plus facile de rester concentré, en quelque sorte. Donc je pense que ça s’est prêté à, je ne sais pas, à mon avis, la mine d’or créative qui a jailli de l’écriture de cet album, parce que nous n’avons pas seulement écrit suffisamment pour cet album, mais nous avons presque assez de chansons pour un second album que nous allons sortir à la fin de l’année ! Donc, tu sais, nous avons quelques chansons qu’il faut encore que nous écrivions et que nous enregistrions mais nous avons la part du lion déjà écrite et enregistrée pour un second album [petits rires].

Donc je parie que tu dirais que ce nouvel environnement a revitalisé la créativité du groupe…

Oh, ouais, c’est carrément le cas ! Je ne sais pas si la revitalisation était nécessairement le problème. Je pense que quand tu fais un quelconque album, quand tu le commences, les rouages de… Parce que, tu sais, tu fais un album, et ensuite tu pars en tournée, et ensuite tu tournes pendant un an et demi, deux ans, sur cet album, et ensuite tu veux passer au moins six mois à un an à juste ne pas tourner autant, à passer du temps avec ta famille, et ensuite il est temps de recommencer ! Et c’est… un défi pour moi, en tant que parolier, quelqu’un qui écrit… Parce que Ken [Casey, basse] et moi sommes les principaux paroliers du groupe, nous écrivons la plupart des paroles, et donc le défi pour moi est de toujours écrire, rentrer dans la fluidité de l’écriture, et donc je dirais que je vais commencer à écrire pour écrire, j’écris constamment, ce qui ne veut pas dire que j’écris tout le temps ce qui, je pense, pourrait être une bonne chanson, je suis toujours… Par exemple, si j’ai un enchaînement de mots qui, je trouve, riment ensemble, eh bien, je vais juste l’écrire, si je suis à la maison, et je me dis « c’est marrant, je vais l’écrire », si j’ai juste quelques phrases qui, je trouve, disent quelque chose de profond, je vais l’écrire. [Petits rires] Dans les notes de mon téléphone, il y a des centaines et des centaines de petites bribes de trucs. Donc ensuite, quand je vais pour commencer à écrire pour un album avec mes camarades du groupe, je reviens à ces choses et parfois je vais trouver des petits bijoux qui pourraient s’adapter à une idée sur laquelle nous travaillons, mais pour la majeure partie, c’est juste une question d’inspiration et de rentrer dans l’écriture, donc j’écris pour écrire, je rentre dans l’écriture pour écrire. Donc le défi est surtout de se dérouiller et d’huiler à nouveau les engrenages.

Je sais que c’est différent pour tout le monde, mais pour moi, les meilleures chansons où j’ai participé à l’écriture, ont été celles qui sont sorties de moi en cinq minutes, c’est aussi rapide que ça, et peut-être que la chanson n’était pas finie en cinq minutes mais le corps principal de ce que j’essaie de dire sort, « boum ! C’est là », tu vois ce que je veux dire ? Et je sais que les chansons auxquelles j’ai pris part, ça a toujours été comme ça avec moi. Il y a eu d’autres chansons où ça a été la croix et la bannière, et ensuite, tout à coup, quelqu’un arrivait avec quelque chose et c’est genre : « C’est ça ! C’est ce qu’il nous fallait, la pièce manquante du puzzle ! » Mais mon sentiment est que les meilleures chansons sont [celles qui sont] écrites en [il claque des doigts] cinq minutes [petits rires]. A la Ramones !

« J’ai vu quelqu’un qui avait écrit l’autre jour : ‘Si tu veux changer le monde, rentre à la maison et fais un câlin à tes enfants.’ Peut-être que c’est aussi simple que ça. »

L’album s’appelle 11 Short Stories Of Pain & Glory. Vous voyez-vous, en premier lieu, comme des conteurs ?

Ouais. Ouais, je veux dire, je me vois carrément comme un conteur, c’est sûr. Si tu parlais à n’importe qui qui me connaisse, il te dirait que je suis un conteur, c’est sûr. [Réfléchit] Ouais…

Penses-tu que la douleur et la gloire soient toujours liées ?

[Réfléchit] Eh bien, je pense que quand tu vis ta vie, tu te rends compte qu’elles le sont. Je veux dire, tu dois… Pour profiter de la gloire, c’est beaucoup plus agréable quand il y a eu de la douleur. Mais si quelque chose t’a juste été donné, tu ne l’apprécies pas vraiment autant que s’il a fallu que tu travailles pour ça, et quand il faut que tu travailles pour quelque chose, il va y avoir des sacrifices, il va y avoir de la douleur, ça va être inconfortable, il va y avoir de la laideur, il va y avoir quelque chose qui en sort, mais la gloire est la récompense à la fin, tu vois ce que je veux dire, et je pense que la gloire est cet album, pour moi. J’en suis très content.

Par moments, l’album allie une narration crue avec une musique joyeuse et entraînante. Comment arrivez-vous à allier des thèmes sombres avec une musique enjouée, et même festive ?

Encore une fois, je pense que c’est un sentiment, parfois les chansons sombres… Je vais être inspiré si Tim, par exemple, qui est assis là-bas (Tim Brennan, guitariste, qui était dans la même pièce à donner des interviews également, NDLR), arrive avec un riff sur sa guitare, ça pourrait inspirer Ken et moi-même à trouver des paroles pour une chanson, et pas mal de fois, ce qui se passe musicalement n’est pas forcément le reflet de ce qui est dit, tu peux avoir une chanson qui sonne festive et qui a quand même de la noirceur en elle. Mais je pense que c’est aussi ça la vie, dans chaque journée ensoleillée il y a un nuage, donc…

L’album a été écrit à la suite de nombreux évènements dramatiques, comment avez-vous réussi à surmonter ça et à injecter de la positivité là-dedans ?

[Soupir] Je ne sais pas, je pense que nous sommes toujours en train d’essayer de nous remettre de certains de ces trucs. Je ne pense pas que tu te remettes jamais vraiment de la tragédie. Quand mon beau-frère est décédé, ça affecte toujours ma famille, et ma sœur est toujours très triste et passe des moments très difficiles, [même encore] maintenant, c’était seulement le deuxième anniversaire le mois dernier, et ma sœur était [là quand son corps a été trouvé]. Donc, je ne pense pas que tu te remettes jamais d’une tragédie, mais ça fait un peu moins mal, le temps atténue un peu la douleur. Je pense que c’est dans la nature humaine de se rappeler du bon et pas du mauvais, heureusement. Donc, tu essaies de célébrer la vie quand tu t’en rappelles, au lieu de… Tu sais, quand je me rappelle de Keith (note : son beau-frère qui est décédé d’une overdose d’héroïne), je n’aime pas penser à comment il est mort, j’aime penser à comment il a vécu. J’aime penser au temps que j’ai passé avec lui, j’aime penser à combien il rendait ma sœur heureuse, et… ouais, je pense que tu dois… Je pense qu’il y a des endroits dans ton cœur où tu mets les émotions, du moins pour moi, et je les garde toutes. Donc il y a de la joie, il y a de la tristesse, il y a de la colère, beaucoup de colère, et je rassemble tout ça quand je monte sur scène, et tout ressort. Je ne sais pas comment expliquer ça, ça a juste toujours été ce que j’ai fait depuis que j’ai pris pour la première fois un microphone quand j’avais treize ans.

Dirais-tu que le message de l’album est de ne jamais abandonner le monde, peu importe à quel point il est sombre ?

Ouais ! Ouais, je veux dire, je ne dirais pas que… Je veux dire que si c’est ce que tu entends, c’est super. Je pense que nous, en tant que groupe, pensons que tu ne peux jamais abandonner, c’est pourquoi nous continuons à faire ce que nous faisons. Tu ne peux pas abandonner ! J’ai trois enfants, je ne peux pas abandonner ! Je dois continuer à garder la tête haute parce qu’ils se tournent vers moi et ils se tournent vers ma femme et ils se tournent vers le futur avec espoir, comme je le faisais quand j’étais enfant, et je veux que mes enfants aient un monde où vivre comme celui que j’ai eu. Je ne veux pas que ce qui arrive en ce moment arrive, et c’est dur de voir ce qui arrive maintenant. Et je ne parle pas seulement de l’élection. Je ne parle pas de ça, en fait. Je ne parle pas du tout de ça. Je parle du monde, de son état, parce que ce qui est arrivé avec l’élection, c’est une réaction à ce qui se passe dans le monde, et c’est ce qu’il faut apprendre de toute cette situation, et la réaction à ça, c’est là que nous perdons. C’est là que nous perdons parce qu’au lieu de réagir avec tout ce [il fait un son avec une voix énervée] il faut que nous disions : “Non, non, non, non, non ! Comprenons ça, comprenons ça pour ce que c’est.” C’est de la haine hors de contrôle. Et ce n’est pas seulement de la haine de la droite, c’est de haine de la gauche, du milieu, c’est de la haine. C’est de la haine. De la haine c’est de la haine, quoi qu’il en soit. Peu importe d’où elle vient, de la haine c’est de la haine. C’est malsain. Quand une personne est haineuse, elle ne va pas vivre aussi longtemps que quelqu’un qui est heureux. Donc la musique amène de la joie, la musique amène de l’espoir, et nous amenons de la musique.

Il y a une chanson qui s’appelle « Paying My Way », qui parle de « faire ce que tu dois faire pour être une bonne personne. » Le titre suggère que ce n’est pas nécessairement quelque chose qui est naturel à faire. Penses-tu que l’humanité ne soit pas bonne par nature ?

Je pense qu’une partie de l’humanité est… Je veux dire que tout vient des valeurs dans [lesquelles] tu as été élevé, si tu es élevé dans un monde où tout t’est donné et où tu sens que tu as le droit aux choses, les chances que tu deviennes un membre productif de la société ne sont pas aussi bonnes que, disons, quelqu’un qui est élevé dans un monde où on t’apprend que tu dois travailler pour les choses, où on t’apprend que tu dois apprendre à partager les choses, où on t’apprend que tu n’es pas meilleur que quelqu’un d’autre à cause de ta couleur de cheveux, ou de tes baskets, ou de ce que ton père fait comme métier… Je pense que tout vient des valeurs qu’on t’apprend quand tu es enfant, et je pense que c’est pour ça que l’éducation des enfants est la chose la plus importante. Tu sais, j’ai vu quelqu’un qui avait écrit l’autre jour : « Si tu veux changer le monde, rentre à la maison et fais un câlin à tes enfants. » Peut-être que c’est aussi simple que ça.

« 4-15-13 » rend hommage aux victimes de l’attentat du marathon de Boston, que le groupe connaissait personnellement pour la plupart. Comment cet évènement vous a-t-il impactés ?

Nous étions sur la route quand c’est arrivé, donc je pense qu’il y avait un vrai sentiment d’impuissance. Je veux dire que si nous avions été là, il y aurait aussi eu un sentiment d’impuissance, mais l’impuissance est venue parce que nous étions… Bien sûr, c’était une chose horrible qui est arrivée, mais alors nous étions à cinq mille kilomètres de là, en Californie, à l’apprendre. Notre première réponse était que nous allions annuler le concert que nous donnions ce soir-là et rentrer à la maison, mais ensuite nous avons pensé : « Qu’allons-nous faire là-bas ? Il n’y a rien qu’on puisse faire, mais ce que nous pouvons faire est d’essayer de guérir les gens avec de la musique. » Et donc, nous avons essayé de faire ça. Nous avons continué à tourner et à ouvrir les yeux des gens sur, bien sûr, ce qui s’est passé, mais aussi à les pousser à réaliser que, encore une fois, la musique est la seule chose qui va unir les gens. Parce que tout le reste nous éloigne, simplement.

« Le punk n’est pas ce genre bien défini comme certains pourraient le penser. Le punk c’est mettre ton cœur là-dedans, et ne pas avoir peur de le faire, et y croire, et se battre pour ça. »

Peux-tu nous parler du processus d’écriture d’une chanson aussi émotionnelle ? Comment, par exemple, avez-vous choisi les bons mots ou la bonne atmosphère musicale ?

C’était quelque chose qui était tellement personnel… Je veux dire que le marathon de Boston est un évènement qui se déroule chaque année, bien sûr, et qui a eu lieu depuis si longtemps dans la ville de Boston et c’est devenu l’un des marathons les plus connus au monde, les gens viennent de partout dans le monde pour y courir. D’habitude, c’est toujours une belle journée à Boston, et je pense que ça a juste fait prendre conscience à tout le monde que ce qui se passe dans le monde est… Nous ne sommes pas immunisés contre ça. Tu vois ce que je veux dire ? Nous ne sommes pas immunisés contre ça, ça peut arriver n’importe où.

Je me souviens qu’il y a un moment dans ma vie où [on considérait que les bombes étaient pour] d’autres pays, le terrorisme a toujours été quelque chose qui était normal en Europe, pas normal mais… quelque chose qui arrive. Quand mon père et ma mère ont déménagé à Vienne en 1986, c’était l’année où les terroristes ont amené des sacs explosifs et tué quatre-vingt-six personnes, cette même année. Des choses comme ça. Je me rappelle avoir rendu visite à mon père et ma mère ce Noël-là – parce que j’étais resté en Amérique car j’avais dix-huit ans, donc ils m’ont laissé et je pouvais vivre à la maison – donc, j’ai pris l’avion pour aller les voir et quand j’ai quitté Vienne, je me rappelle sortir du taxi et il y avait un garde, là, qui posait des questions, avant que j’y arrive, ensuite quand j’ai atteint les portes de l’aéroport, il y avait un autre garde, là, et quand je suis arrivé à la porte d’embarquement il y avait un autre garde, et on m’a reposé les mêmes questions. « Wow, ils deviennent vraiment dingues de sécurité ! » Ensuite j’ai atterri à New York City, c’était en 1986, j’ai atterri à New York City pour prendre l’avion pour Boston et je suis sorti de l’avion, et il y avait comme un grand mur de verre, et il y avait un banc derrière, et sur le banc il y avait huit officiers de la police de New York… [Il se couche sur le côté dans le canapé où nous faisions l’interview] Qui dormaient ! Et, intérieurement, à ce moment-là, je me suis dit : « Tu sais, nous ne sommes pas immunisés contre ça, ce qui arrive en Autriche peut arriver ici, et regarde notre sécurité ! » J’étais loin de me douter, quand j’ai pensé ça, que quelques années plus tard, quelque chose allait arriver en Amérique, quelque chose de si gros que ça allait changer complètement la face du monde. Les tragédies… Tu sais, tu recherches toujours l’humanité dans une tragédie, donc quand tu écris là-dessus, tu regardes tes propres sentiments, comment tu te sens, comment ça t’a fait te sentir, et les sentiments auxquels tu peux t’identifier, parce que tes pensées vont vers les personnes qui ont perdu des proches, et tes pensées vont vers les personnes qui ont été affectées en termes d’avoir perdu des proches ou d’avoir été blessées, juste être là et voir ce qui se produit. Donc quand tu te mets à écrire, tu écris bien sûr avec respect, mais tu mets aussi tes propres sentiments, comment tu te sentirais si ça t’arrivait, et c’est facile à faire si tu es père, si tu es marié, si tu as une famille. C’est plus facile à faire et nous avons toujours été ce genre de groupe, nous avons toujours été un groupe basé sur la famille, ça a toujours été très important pour nous.

Le groupe est très engagé sur plusieurs causes, comme les addictions aux drogues. Quelle est la source de ce militantisme ?

Nous avons un avis très tranché sur le bien et le mal, je pense que nous nous sommes toujours battus pour ce que nous pensons être bien, et nous nous sommes toujours battus contre ce que nous pensons être mal. Et ça a toujours été un groupe de conscience, de cette façon. Je pense que la plupart de nos auditeurs font la différence. Et ceux qui ne la font pas… Il y a l’ignorance pardonnable et ensuite il y a juste le mal. Et je pense que certaines personnes sont ignorantes parce qu’elles n’ont pas pu voyager, voir d’autres façons de vivre et donc ils ont été élevés et peut-être influencés par le mal, mais ne veulent pas intentionnellement être malfaisants. Et ensuite il y a des gens qui sont juste intrinsèquement malfaisants, comme Hillary Clinton !

Bernie Sanders aurait dû être notre président !

Vous avez dit : « Nous sommes restés fidèles à ce que le groupe est et a toujours été. Et nous sommes toujours en train d’étendre notre son et le contenu des paroles. » Comment définirais-tu « ce que le groupe est et a toujours été » ?

Ça fait vingt ans que nous sommes un groupe, donc nous sommes un groupe de punk-folk américain, de Boston, Massachusetts. C’est vraiment la meilleure façon de le décrire. Je veux dire, nous avons toujours eu un adage dans le groupe qui est que « ce que tu fais est beaucoup plus important que ce que tu dis. » Les actes parlent plus fort que les mots.

Comment arrivez-vous à diversifier votre son tout en restant fidèles à ce que vous êtes vraiment ?

Je pense que rester fidèle à toi-même, tu n’y penses pas en ces termes, parce qu’autrement c’est forcé. Tout ce que nous faisons est très organique, ou il faut que ça le soit, il y a une honnêteté là-dedans, et être organique c’est comme… Donc si tu penses que quelque chose l’est, pour moi, c’est ça le punk. C’est comme jeter ton cœur là-dedans. Quand nous avons écrit “Forever” en 2001, sur Sing Loud, Sing Proud!, et nous venions de faire Do Or Die et The Gang’s All Here, [personne ne s’attendait à ce que nous fassions] une ballade. Nous n’avions pas la moindre idée à l’époque que cette chanson finirait par transcender autant de gens. Je ne peux pas te dire combien de personnes sont venues me dire qu’elles ont fait jouer cette chanson à des funérailles de leur famille, ou à leur mariage, ou… tu vois, des trucs de famille. Pour moi, c’est ça le punk. Donc, le punk n’est pas ce genre bien défini comme certains pourraient le penser. Le punk c’est mettre ton cœur là-dedans, et ne pas avoir peur de le faire, et y croire, et se battre pour ça. C’est aussi honnête que… Et c’est ce pour quoi nous luttons, peu importe quoi et qui c’est, et ça sort à travers ce filtre, c’est ça que nous cherchons.

La biographie conclut que « 11 Short Stories Of Pain & Glory est la façon parfaite de repartir pour vingt ans de Dropkick Murphys. » Vous voyez-vous durer vingt ans de plus ?

Non ! [Petits rires] Je veux dire, honnêtement, pas parce que nous ne serions pas capables de le faire… Je veux dire que ouais, nous pourrions, mais pense à quel âge j’aurai dans vingt ans ! [Petits rires] Donc c’est ce qui me fait dire immédiatement non, mais j’adorerais pouvoir dire oui. Je pense juste de manière réaliste que ça paraît un peu fou. Mais idéalement, je pense, ouais, que notre musique sera toujours pertinente dans vingt ans. Je pense que nos valeurs et les valeurs que ce groupe proclame ne s’évanouiront jamais, parce que ce n’est pas comme si nous étions… Ces valeurs sont importantes pour tout le monde, donc je pense que c’est pour ça que ça parle à tant de gens.

Interview réalisée en face à face le 15 novembre 2016 par Aline Meyer.
Fiche de questions : Philippe Sliwa.
Introduction, retranscription & traduction : Aline Meyer.

Site officiel de Dropkick Murphys : www.dropkickmurphys.com

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