Après le départ de Ryan McCombs, Drowning Pool avouait penser être atteint de la maladie des chanteurs. A la suite de quoi, le groupe aurait pu désespérer ou s’enfermer dans la désillusion. Et on aurait difficilement pu leur donner tort. Dave Williams, le premier chanteur, était décédé et les deux chanteurs suivants avaient quitté le groupe.
Mais ce que nous décrit le guitariste CJ Pierce en interview, c’est au contraire un groupe qui prend le taureau par les cornes et qui essaie de tirer des leçons. Ainsi, le recrutement du nouveau frontman Jasen Moreno a été méticuleux. Il fallait trouver quelqu’un qui chante parfaitement et en qui le groupe pouvait avoir pleine confiance. Le choix s’est porté sur Moreno, ami de longue date du groupe.
A résulté de cette expérience un album certes metal et énervé, car empreint d’une frustration liée à ces déboires de chanteur, mais également un album écrit dans un état de sérénité que le groupe avait rarement connu.
CJ nous raconte cela.
Radio Metal : Le premier single, “In Memory Of…”, est sorti en 2012 à l’occasion de l’anniversaire de la mort de votre premier chanteur, Dave Williams : comment avez-vous vécu ce triste moment ?
CJ Pierce (guitare) : Tout le monde a connu la perte d’un ami proche, d’un membre de sa famille, d’un être aimé et tu apprends à l’accepter seulement avec le temps qui passe. L’idée d’une chanson pour Dave est venue tout de suite après sa mort. Nous étions aussi des amis de Dimebag Darell, et lorsqu’il est mort, la chanson a changé aussi. On travaille sur cette chanson depuis dix ans. Avec l’arrivée de Jasen Moreno, on a pensé que le temps était venu de faire cette chanson : on a un peu changé les paroles pour faire de « In Memory Of… » un truc plus général, et non pas réservé seulement à Dave et Dimebag. Si quelqu’un a perdu un ami, un membre de sa famille ou un être aimé, cette chanson lui parlera de leur souvenir. J’ai insisté pour sortir cette chanson pour les dix ans de la mort de Dave, car elle était terminée et que son histoire fait véritablement partie de celle-ci. C’est probablement la seule chanson lente de l’album, le reste est plus metal et agressif. Je ne voulais pas forcer les choses, je voulais que tout cela soit naturel. Le timing était parfait pour cette chanson.
Comment Jasen Moreno, votre nouveau chanteur, a-t-il ressenti cette chanson ?
Il a bien connu Dave Williams. Jasen est apparu sur la scène metal de Dallas en même temps que nous : il jouait dans un groupe qui s’appelait Plastic Tongue et on a fait pas mal de shows ensemble. En fait, lorsqu’on a été signé, on les a amenés sur la route avec nous et ils ont ouvert pour nous sur une poignée de tournées. On est tous des amis de cette scène de Dallas.
Est-ce que le souvenir de Dave Williams vous influence toujours lorsque vous composez ?
Le truc avec Dave, c’était sa personnalité, plus que toute autre chose. Tu sais, c’était un vrai fan de rock. Il adorait le fait de chanter dans un groupe de rock : il adorait ça plus que tout. Il avait cette énergie de dingue, il n’arrêtait jamais ! Il avait une « Pantera attitude », tu sais : j’aime le rock’n’roll, boire, m’éclater et passer du bon temps. On gardera toujours ça au sein du groupe.
Après le départ de Ryan McCombs (NDLR : le précédent chanteur du groupe), tu as déclaré que vous souffriez de « la maladie des chanteurs ». Comment expliquez-vous le fait que vous ayez autant changé de chanteurs ?
C’est juste les cartes qui ont été tirées d’une certaine manière, mec. D’une certaine façon, ça va le frustrer, mais je suis très fier de l’album que nous avons fait avec lui. On a fait de très bons shows et passé du bon temps ensemble, mais les choses se sont gâtées lors de la dernière tournée et du dernier album : on a simplement perdu ce lien qui existait entre lui et nous. On ne progressait plus. Je sais combien cela est frustrant pour le groupe, mais lorsque je regarde en arrière, si nous n’avions pas traversé tout ça, nous ne serions pas où nous en sommes aujourd’hui avec ce nouvel album. Jasen est le musicien avec qui j’ai pris le plus de plaisir à travailler : j’ai écrit avec lui plus de chansons que dans toute ma carrière. Il est si passionné, tu sais. J’ai le sentiment que nous avons trouvé le bon gars. Je ne suis pas en colère ou contrarié contre quoi que ce soit, je prends beaucoup de plaisir en ce moment. Je m’éclate plus que jamais.
Penses-tu que les chanteurs ont une personnalité à part, qu’ils sont différents des autres musiciens, ce qui les rend plus difficiles à aborder et à garder dans un groupe ?
Tu sais, je pense que nous, les musiciens, chanteurs, bassistes, batteurs, sommes des farfelus. Les zicos sont des gens délirants. Mais en tant que chanteur tu dois rentrer dans un certain état d’esprit : tu es face à tous ces gens et tu es la voix du groupe. Avec certains chanteurs, ça leur monte à la tête, d’autres se renferment sur eux-même ou peu importe. C’est du rock, t’es là pour une seule raison : prendre du bon temps, faire des shows et si tu trouves quelqu’un qui aime ça, comme nous avec Jasen, c’est super ; cela a tellement été facile. On a eu notre part de « LSD », « Lead Singer Disorder » (NDLR: « syndrome du chanteur principal »), si tu veux l’appeler comme ça. C’est l’apprentissage de la vie : tu apprends de ça, tu te laisses influencer par ça, tu écris une chanson à propos de ça et puis tu passes à autre chose.
Tu as déclaré que cet album était une continuation logique de l’héritage de Drowning Pool. Était-ce important pour toi de maintenir cette continuité, de ne pas trop dérouter ?
Stevie (NDLR : Stevie Benton, bassiste de Drowning Pool), Mike (NDLR : Mike Luce, batteur de Drowning Pool) et moi-même, on écrit de la musique ensemble depuis quinze ans. On était potes au lycée, donc je pense que ce son typique de Drowning Pool existera toujours. Bien sûr, on est passé par plusieurs chanteurs et ça a certainement apporté des nouvelles choses sur la table et ça a toujours été un défi. Je ne pourrais pas être plus satisfait d’un album que celui-ci. Une fois que Jasen est entré dans le local, tout a été très facile. Cela a tout bonnement été le processus d’enregistrement et de composition le plus facile que nous ayons connu. On a déjà connu quelques changements de chanteurs, donc ça n’a pas été tant un problème pour nous. Mais, d’un autre côté, on ne veut pas connaître ça de nouveau : on a pris notre temps et fait beaucoup d’auditions. On voulait trouver le bon mec pour le groupe et les fans, quelqu’un qui resterait avec le groupe et qui se projetterait dans l’avenir avec nous. On sent vraiment que c’est ce que nous avons avec Jasen.
Concrètement, comment travaillez vous pour maintenir cette continuité ?
Encore une fois, Mike, Stevie et moi écrivons ensemble. Pour chaque disque, nous essayons toujours des nouveaux trucs, mais le noyau reste le même : si tu choisis une chanson sur n’importe lequel de nos albums, tu l’écoutes et tu sais que c’est du Drowning Pool. C’est juste notre style que nous avons développé depuis quinze ans. Je pense que plus tu le fais, plus tu réalises qui tu es vraiment et comment tu veux sonner, processus de composition inclus. C’est quelque chose que nous avons voulu exprimer dans une chanson. L’impression est que nous travaillons plus vite qu’auparavant. La communication n’a jamais été aussi bonne dans ce groupe.
Resilience est un disque très metal : d’où cela vient-il ?
Beaucoup de cette agressivité et de ce côté metal vient de toutes ces frustrations accumulées avec nos différents chanteurs. Ce n’est pas quelque chose que nous voulons connaître à nouveau. On a eu du bon temps et comme je l’ai dit, nous sommes très fiers de ce que nous avons fait avec Ryan McCombs, mais il nous a mis dans une position où nous n’avions pas le choix. Il y a pour sûr quelques chansons qui expriment cette exaspération et frustration, du style « On doit tenir bon et continuer ». Mais il y a aussi le business et la vie en général, mec : cela a été dur pour nous, comme si on était sur un grand-huit ces dix dernières années. Une grande part de cette frustration ressort dans la musique et cette agressivité. C’est le noyau, comme « Bodies » sur notre premier album : c’est ce que les gens connaissent de nous, et ce qu’ils veulent entendre de toute façon. C’est simplement une progression naturelle pour nous. Les choses se sont faites naturellement. Tout se passe bien. Je trouve que de nombreuses chansons sur l’album donnent l’impression de sortir de Sinner, notre premier album. J’ai donc le sentiment que nous sommes de retour sur le bon chemin, là où nous devons être.
Avez-vous engagé Jasen car c’était une personne que vous connaissiez depuis longtemps et que vous aviez besoin d’avoir quelqu’un de confiance ?
Cela a été définitivement une des raisons. Encore une fois, les deux derniers chanteurs avaient de superbes voix, mais au niveau relationnel, on n’avait pas de connexion. C’est important d’être amis ou de la famille quand tu écris de la musique ensemble. Jasen avait déjà un bon feeling avec tout le monde, c’est sûr, car nous le connaissions déjà depuis longtemps. Ce qui fait qu’il a décroché le gros lot, c’est qu’il a pris le temps, par respect pour les fans de Drowning Pool et les autres membres, d’apprendre chaque chanson de notre répertoire : les deux derniers chanteurs ne l’avaient pas vraiment fait. Ils apprenaient les singles et ensuite on jouait de nouvelles chansons. Je respecte ça : il voulait le job et a travaillé dur pour l’avoir. Et pour lui, venir et apprendre chaque chanson de notre répertoire, tout en apportant son nouveau grain de voix : c’est beaucoup de travail. On joue des chansons du premier album que nous n’avons pas joué depuis des années et on n’aurait jamais fait cela avec Ryan McCombs ou Jason Jones. Maintenant, quand on joue live, on peut jouer ce qu’on veut. Des fans viennent nous voir et nous demandent de jouer une chanson et on se dit : « Yeah, on le fait ! »
Qu’a donné le premier concert du groupe avec Jasen au chant ?
C’était comme si on avait toujours joué ensemble. Peut-être parce qu’on a déjà partagé des tournées dans le passé. Au moment de commencer notre tournée, on a passé énormément de temps à répéter, à jouer les vieilles chansons, à en composer de nouvelles et ensuite nous sommes allé enregistrer le nouvel album. Les six premiers mois, on était ensemble 12 à 15 heures par jour, sept jours sur sept, donc monter sur scène et jouer, c’était facile. Autre chose, Jasen aime répéter. C’est un professionnel, comme nous tous, donc on a probablement eu plus de répétitions avec lui qu’avec tous les autres chanteurs. Il voulait venir chanter avec nous et il l’a fait. Il voulait être parfait. Notre premier show, c’était comme si on était ensemble depuis des années.
Interview réalisée le 8 avril 2013 par téléphone
Retranscription et traduction : Jean Martinez – Traduction(s) Net
Site internet officiel de Drowning Pool : www.drowningpool.com
Album Resilience, sorti le 2 avril 2013 chez Eleven Seven Music
Très bon album! Ça fait grand plaisir de les voir de retour!
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Voilà un groupe qui s’est remis dans le droit chemin!
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Et bien ça confirme le ressenti de l’album : ils ont enfin trouvé de la stabilité depuis Dave Williams.
Tant mieux que ça leurs fasse plaisir, nous aussi on prendra plaisir à les voir du coup !!
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