Doc’ vous avait fait découvrir cet excellent groupe qu’est Eilera à l’antenne de High Hopes. Le veinard avait même eu l’occasion de laisser la parole à la voix et principale figure du groupe tout en diffusant pas moins de trois extraits de Darker Chapter… And Stars – Part 1 qu’il avait catégorisé lui-même de petite perle. Rien de plus, rien de moins. Mais -Part 1 appelait -Part 2. Et c’est précisément ce que nous avons vu débouler en décembre. Une suite surprenante qui en fit peut-être pâlir parmi les fans de la première heure au moment de sa découverte. Mais le plus beau cadeau de Noël que pouvait nous faire Eilera était de nous mettre à disposition ces cinq fines compositions dont la richesse se dévoile au fil du temps.
La seconde partie tient donc toutes ses promesses, tous les espoirs qu’on avait pu placer en eux après l’apprivoisement de son prédécesseur voire bien avant pour ceux qui connaissaient le groupe depuis plus longtemps. Il ne nous en fallait pas plus pour laisser une nouvelle fois l’occasion au groupe montpelliérain de s’exprimer dans les colonnes de Radio Metal.
Si l’entretien effectué par mon cher comparse d’antenne montrait surtout une bonne connaissance ainsi qu’un point de vue réfléchi sur ce qui touche à la promotion et à l’industrie musicale, cet entretien-ci laisse pleinement se dégager une autre facette du groupe : sa volonté d’évoluer contre vents et marées sans se soucier des qu’en-dira-t-on, une véritable volonté de laisser leur sens artistique s’exprimer, de toujours proposer quelque chose de différent tout en conservant les éléments qui leur tiennent à cœur et qui ont forgé leur identité. Cette sincérité artistique témoigne de leur grande envie d’avancer, de ne jamais stagner. Par conséquent, un groupe méritant d’être surveillé et qui n’aura certainement pas fini de nous surprendre dans le futur.
« Nous sommes allés jusqu’au bout de notre concept et nous avons offert la plus belle qualité que nous pouvions offrir à notre public. A l’heure où le formatage prend une part si grosse dans notre société, nous voulions prouver que modernisme ne doit pas rimer avec formaté et superficiel. »
Radio Metal : Lors de la précédente interview, tu avais dit que la seconde partie de Darker Chapter… And Stars sortirait en octobre. Pourtant, elle n’a vu le jour qu’en décembre. Qu’est-ce qui vous a retardé ?
Eilera : Un changement de cap pour le mix. Plus nous avancions dans l’enregistrement de –Part2 et plus souvent le spectre de Hiili Hiilesmaa venait flotter au-dessus des morceaux. Ils étaient faits pour lui et il nous a vite confirmé qu’il était emballé à l’idée de faire ce mix. Alors nous avons décidé de favoriser le mix plutôt qu’une date de sortie et nous avons fait coller notre planning à celui de Hiili… Le grand cavalier noir du mix nous a rejoints une nouvelle fois ! [NDLR : pour la petite histoire Hiili Hiilesmaa était le producteur du premier album d’Eilera, Fusion, ainsi que de Precious Moment, l’EP qui le précédait.]
Encore une fois, cet EP sort exclusivement en digital. Y a-t-il un espoir pour que l’on retrouve ces deux EPs sur un support physique si l’occasion se présente ou tenez-vous à garder exclusivement le support numérique ?
Si un businessman se présente à nous avec une offre de presser cet album en CD, alors pourquoi pas. En attendant, nous sommes allés jusqu’au bout de notre concept et nous avons offert la plus belle qualité que nous pouvions offrir à notre public. A l’heure où le formatage prend une part si grosse dans notre société, nous voulions prouver que modernisme ne doit pas rimer avec formaté et superficiel. C’est chose faite.
Toujours dans l’interview précédente, tu avouais que tu allais partir en quête d’un label. Où en êtes-vous maintenant ?
Darker Chapter… And Stars a accaparé tout mon temps et toute mon énergie. Je les lui ai donnés bien volontiers. Entre –Part1 et –Part2 nous étions sur scène. Mais en effet il est temps pour nous de nous associer à de nouveaux partenaires qui pourront aussi profiter de notre travail en échange du leur. Affaire à suivre.
Passons au gros du morceau : la deuxième partie de Darker Chapter… And Stars. Cet EP est quand même très surprenant. Vous aviez introduit quelque chose sur la première partie et au lieu de proposer une musique similaire – ce qui semblait certainement le plus logique – vous partez encore dans une direction différente. Qu’est-ce qui explique ceci ?
Le similaire m’ennuie. -Part2 n’est pas une direction différente de –Part1, elle est sa continuité. Si tu réécoutes, tu entendras finalement que tous les éléments de –Part2 étaient déjà dans –Part1.
En premier lieu, à l’écoute de ce nouvel EP, on pourrait croire que vous vous êtes uniquement dirigés vers quelque chose de plus électrique et immédiat, dans la lignée de « Don’t Go Fight… » par exemple, tout en délaissant les côtés celtique, folk et épique de votre musique. Mais lorsque l’on écoute plus en profondeur, on se rend compte que tous les aspects de votre musique sont néanmoins présents. On sent que les compositions ont été très travaillées, vos influences bien digérées pour livrer cinq titres appartenant à une seule et même unité. C’est une grande première pour Eilera puisque vous sépariez bien plus les différentes couleurs de votre musique auparavant. Es-tu d’accord avec cette analyse ?
Oui, je suis d’accord. Il y a en effet un point central dans ces morceaux. Une stabilité, une force qui rassemble les côtés lumineux et obscure d’Eilera. Les côtés celtiques et épiques sont toujours là, mais ils se mêlent à la noirceur puissante du rock et du gothique et leur laissent le devant de la scène.
Peut-on dire que cet EP marque en quelque sorte la maturité pour Eilera ?
Si « maturité » veut dire que nous sommes arrivés à notre point culminant, alors non. Nous pouvons encore progresser. Nous pouvons toujours progresser. –Part2 montre que rien ne pourra nous arrêter, à part notre propre volonté.
« Enlevez à U2 son excellente maison de disque et son management, et par conséquent son énorme promotion… Qui connaît alors U2 ? Ajoutez à ceci trop de piratage de leur album et par conséquent moins de moyens pour tourner… et voilà.
Ton timbre de voix a des consonances assez typées Irish. En es-tu consciente ? Quelque part, on ne pourrait pas dire que ta voix ne suffit pas à elle-même pour donner un côté celtique à votre musique ?
Je n’en suis pas vraiment consciente. Pour moi chanter doit rester quelque chose de très spontané, davantage de l’ordre de l’inconscient. Quand je dois chanter une chanson, même si je dois organiser ma structure de chant, je laisse toujours ma voix libre de ce qu’elle veut faire. C’est aussi comme ça que je découvre de nouvelles choses comme, par exemple, si je chante un jour avec une voix enrouée. Je pense que la musique est tout aussi importante que la voix pour déterminer un esprit. Si je chantais sur une chanson de salsa par exemple la chanson ne serait pas celtique. Elle serait métisse. Une âme celtique dans un corps cubain (sourire téléphoné).
Ça fait plus d’un mois maintenant que votre EP est sorti. Avez-vous commencé à avoir des retours, que ce soit de la part des médias ou du public ? Comment est-il accueilli pour le moment ?
Les médias pour la plupart n’ont pas encore reçu les Promo CDs, c’est donc encore trop tôt pour en parler. Par contre les personnes qui nous ont écrit après avoir acheté –Part2 ont été très enthousiastes, ce qui nous fait toujours très plaisir.
Revenons un peu sur le passé du groupe. Vous étiez signés chez Spinefarm auparavant. Vous avez sorti chez eux l’EP Precious Moment et votre premier album, Fusion. Le fait que vous, « simple » groupe français étiez signés sur ce label finlandais qui, en plus de cela, est plutôt réputé était un fait vraiment exceptionnel. Sans compter que Spinefarm signe surtout des groupes de son pays. Qu’est-ce que cette situation vous a apporté en termes de retour ?
Nous avons acquis beaucoup d’expérience et compris comment les choses fonctionnent dans le business. Davantage de monde connaît Eilera grâce au travail fait avec Spinefarm. Je pense que cette période nous a rendus plus forts. Elle a été difficile et très exigeante. Il était capital pour nous d’honorer ce contrat et de donner le meilleur de nous-mêmes. C’était une opportunité de faire connaître Eilera davantage mais aussi de montrer à plus large échelle que le rock/metal français existe. Les changements au sein même de Spinefarm dus à son rachat par Universal ont malheureusement écourté notre travail en commun et minimisé les retours.
On peut trouver que malgré votre travail avec un tel label et également malgré la qualité des deux disques que vous avez sorti avec Spinefarm, la notoriété du groupe est restée assez confidentielle, même trop à vrai dire. Comment le voyez-vous ? Avez-vous une idée des raisons qui font qu’Eilera ne bénéficie pas d’un statut plus important aujourd’hui ?
Oh oui, c’est très simple. Prenons n’importe quel groupe connu : U2 par exemple. Enlevez à U2 son excellente maison de disque et son management et par conséquent son énorme promotion. Qui connaît alors U2 ? Ajoutez à ceci trop de piratage de leur album et par conséquent moins de moyens pour tourner. Et voilà ! Même le meilleur groupe du monde a besoin d’une structure solide de promotion. Notre travail à nous est d’être musiciens et de donner le meilleur de nous-mêmes. Quant à notre notoriété elle dépend directement d’autres personnes.
Par le passé, tu as prouvé que tu étais capable d’avoir un registre vocal beaucoup plus large, un chant plus agressif sur « The Angel You Love, The Angel You Hate » notamment. Comment ça se fait qu’on ne retrouve plus ça aujourd’hui ? Est-il possible que tu réutilises ces aspects de ta voix dans le futur ou n’est-ce vraiment plus dans l’ordre des choses ?
Oui, c’est possible bien sûr, si la chanson le demande. J’ai aussi développé des aspects de ma voix dans « Darker Chapter… And Stars » que je n’avais pas développés auparavant. Ma voix a un panel large mais elle est, en quelque sorte, l’esclave de la chanson. Je ne crois pas que mon travail soit de faire tout ce que je peux dans un album pour en mettre plein les oreilles aux auditeurs mais plutôt de donner aux chansons la voix qui leur va le mieux.
Il y a quelques temps, vous étiez en première partie de Skyclad à Luynes. C’était un show assez exceptionnel puisque le groupe anglais n’avait pas foulé les terres françaises depuis de nombreuses années, d’autant plus qu’ils n’ont pas été avares en temps et investissement. Quel souvenir gardez-vous de cette date ?
Excellent ! Un bon concert, une soirée pleine de générosité où se mêlaient les mondes du rock, du metal, du folk et du classique, avec des accents « so british », finlandais et français, en toute amitié et en partageant des bières.
« Si on a peur, on ne fait plus rien et on n’essaie plus rien de nouveau.[…]
Skyclad est considéré comme un précurseur en matière de folk. Connaissiez-vous un peu leur musique ? Si oui, vous ont-ils influencés plus ou moins directement ?
Non, je ne les connaissais que de nom et idem pour les garçons.
En matière de concerts, où en êtes-vous ? Des dates se profilent-elles à l’horizon ? Quelles sont vos attentes quant au live à moyen terme ?
Il n’y a rien de confirmé pour le moment. Notre volonté est bien sûr de donner un maximum de concerts. Nous tiendrons tout le monde informé via nos sites.
On arrive à la dernière question : y aura-t-il une troisième partie à Darker Chapter… And Stars ou le chapitre est-il clos pour de bon ?
Ce chapitre-là est clos, en termes de composition en tout cas. Nous le poursuivrons sur scène, et de manière épique !
Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Ne perdez pas plus de temps à lire, venez écouter ! Horns up !
Entretien réalisé en janvier 2011 par mail.
MySpace d’Eilera : www.myspace.com/eilera
Site Officiel d’Eilera : www.eilera.com