ENVOYEZ VOS INFOS :

CONTACT [at] RADIOMETAL [dot] FR

Chronique Focus   

Einar Solberg – 16


Parfois accusé d’accaparer l’attention dans les compositions récentes de Leprous, malgré le talent indéniable des autres membres du groupe, Einar Solberg fait partie de ces artistes hyperactifs pour qui le besoin d’une soupape solo s’est fait ressentir. Le pas est maintenant franchi avec 16, album dans lequel même les plus aigris ne pourront légitimement lui reprocher de mettre sa voix unique en avant. Thématiquement, le disque (« le plus proche qu’il ait été d’écrire un album conceptuel ») retrace le parcours effectué par le chanteur de ses seize à dix-neuf ans. Une période riche en transformations, durant laquelle il a réalisé que la vie n’était pas un long fleuve tranquille mais était aussi faite de belles rencontres et découvertes. 16 a aussi des airs de fête entre amis et proches : il a été conçu comme une collection de collaborations, jusqu’à la composition, avec en ligne de mire le fait de s’amuser avant tout. Entraîné par son élan, l’artiste a fini par y laisser bien plus que le budget initialement alloué (le titre final en témoignera plutôt bien), vagabondant de studio en studio comme de pays en pays.

La première chose qui marque sur 16, que ce soit un premier contact avec Einar ou non, c’est sa délicatesse. L’artiste et ses compagnons se déplacent à pas feutrés, ne nous brusquant que lorsque cela sert un réel objectif. L’auditeur est accueilli avec attention dans ce qui s’apparente à un volume d’une biographie, et la production chiadée renforce ces caractéristiques intimistes. L’album ne manque cependant pas d’intensité, et prend bien souvent aux tripes. La majeure partie des pistes sont chargées en émotion de bout en bout. Einar est depuis longtemps passé maître dans l’art de créer des développements et conclusions dantesques, et même un titre comme « Over The Top » qui commence de manière relativement paisible et convenue n’y échappera pas. Le revers de cette médaille est que l’effet de surprise prend du plomb dans l’aile, mais il reste sur 16 bon nombre de titres débridés, aux saveurs inattendues, qui osent et réussissent. L’instrumentation, si variée soit-elle, fait souvent une entrée graduelle, laissant à Einar le temps de prendre et imposer ses marques. À l’instar d’autres touche-à-tout comme Steven Wilson, Einar, par ses compositions, établit des ponts entre les genres, avec des accroches pop entremêlées en leur centre. Si 16 est vendu comme du rock progressif un brin cinématographique dans l’âme, il n’en demeure pas moins inclassable – et probablement fier de l’être. À ce titre, l’album fera rapidement taire ceux qui auraient pu accuser Einar de produire l’équivalent d’un best-of des titres « calmes » de Leprous.

Parfois épuré, jusqu’à flirter avec la musique de chambre ou le piano-voix, parfois plus électronique, 16 fait également la part belle aux arrangements de cordes dont Einar est de plus en plus friand. Des parties de claviers fougueuses évoquent les débuts du groupe (« Where All The Twigs Broke », conçu avec sa sœur Heidi, alias Star Of Ash), avec même un côté néoclassique surprenant. Même si les cuivres ne sont pas en reste, le plus grand choc réside peut-être en « Home », avec son accompagnement façon big band de jazz-funk moderne et sa section rappée par le surprenant Ben Levin (Bent Knee) – un titre composé sous l’égide de ce dernier. Force est de constater que même sur « Remember Me », la section rythmique possédait déjà un groove très hip-hop, un genre très présent dans la jeunesse d’Einar. Autre featuring notable : « Blue Light », avec Asger Mygind (Vola), dont on réalise alors à quel point la voix peut être soul. L’album a beau ne pas être très « metal », cela n’empêche nullement Ihsahn (beau-frère d’Einar) de nous accorder du chant black sur « Splitting The Soul », renvoyant à ses fameuses apparitions sur « Thorn » et « Contaminate Me » de Leprous.

On l’aura compris : 16 est un terrain d’expérimentations. Extravagant ? Peut-être, mais réfléchi et censé, sans caricature ni extrémités autodestructrices. L’album nécessite moins d’écoutes que du Leprous pour être cerné, mais en supportera autant. Il faut dire que cette galette est armée d’autant de mélodies addictives que d’objets de curiosité ; les plus motivés ne manqueront pas d’éléments à décortiquer. Einar déclare avec transparence que ce projet n’a nullement vocation à faire péricliter Leprous ; les deux entités entament une « coexistence pacifique », ce qui pourrait d’ailleurs mener le groupe à se recentrer. Et après ? Einar exprime le désir de réaliser un album plus personnel encore, moins collaboratif – quelque chose d’encore plus inédit pour lui. La porte n’est pas fermée non plus – voire est carrément ouverte – pour quelques concerts dédiés à son projet solo (il a même déjà commencé dans le cadre du Prognosis Festival en avril dernier).

Clip vidéo de la chanson « Over The Top » :

Clip vidéo de la chanson « A Beautiful Life » :

Clip vidéo de la chanson « Grotto » :

Album 16, sorti le 2 juin 2023 via Inside Out Music. Disponible à l’achat ici



Laisser un commentaire

  • Arrow
    Arrow
    Metallica @ Saint-Denis
    Slider
  • 1/3