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Interview   

Eldovar : rock en fusion


Forcément, quand on est un groupe qui a l’habitude de beaucoup tourner, en cette période de crise sanitaire où les spectacles vivants se font rares voire sont interdits et où les artistes sont contraints de rester chez eux, l’ennui guette. « Comment on va occuper notre temps ? » Voilà une question qui a dû régulièrement se poser chez les musiciens. En tout cas, c’est celle que se sont posée les groupes Kadavar et Elder. Alors autant faire des expériences : l’un invite l’autre autour d’une bière, une chose menant à une autre, les deux groupes basés à Berlin finissent par se retrouver à jammer dans le studio du premier. Et d’un jam sans aucune prétention ou ambition est né un album, A Story Of Darkness & Light, sous le nom d’Eldovar.

Un album libre, à la croisée des genres, essentiellement planant. Une évasion pour oublier un contexte pour le moins déprimant mais aussi pour se sortir de ses automatismes et explorer une autre manière de faire de la musique. A Story Of Darkness & Light est une aventure autant pour les musiciens que pour les fans des deux groupes tant il a peu à voir avec leur discographie passée (ceux qui ont posé leurs oreilles sur The Isolation Tapes de Kadavar auront toutefois été préparés). Nous parlons ci-après avec les deux chanteurs-guitaristes Christoph « Lupus » Lindemann (Kadavar) et Nick DiSalvo (Elder) de cette expérience comme on n’en fait plus à une époque où la musique est devenue beaucoup trop « sérieuse ».

« Ne pas avoir à cent pour cent le contrôle de quelque chose était vraiment super. Je pense que ça m’a aidé à dépasser certains obstacles dans mon propre esprit. »

Radio Metal : Comment la rencontre entre les deux groupes s’est-elle faite ?

Christoph « Lupus » Lindemann (chant & guitare – Kadavar) : Nous nous sommes retrouvés autour de quelques bières parce que nous nous ennuyions un peu durant le confinement. Nous ne nous étions jamais rencontrés avant. Nous nous étions croisés brièvement lors de notre release show en 2019 et deux ou trois autres fois, mais nous n’avions jamais vraiment traîné ensemble. Nous avons donc invité les gars à venir dans notre studio pour boire quelques bières et se raconter des histoires. Une fois là-bas, nous leur avons demandé si ça les intéresserait de faire une session de jam à l’ancienne, juste pour jouer ensemble sans penser à quoi que ce soit. C’était l’idée. Ensuite, nous avons trouvé un weekend où nous avions tous du temps, ce qui n’était pas difficile. Nous avons tout installé et nous avons commencé à jouer de la musique. C’était très simple.

Nick, tu vis à Berlin, tout comme ton guitariste Mike Risberg et ton batteur George Edert. Qu’est-ce que des Américains du Massachusetts peuvent bien faire à Berlin ?

Nick DiSalvo (chant & guitare – Elder) : Pour être tout à fait juste, l’un d’entre nous est allemand : notre batteur. J’ai un lien très fort avec l’Allemagne. Je suis venu ici quand j’étais lycéen, c’était un genre de programme d’échange. J’ai passé beaucoup de temps ici au cours des quinze dernières années et j’ai décidé de déménager à Berlin il y a six ans, simplement parce que j’étais dans une situation merdique aux Etats-Unis, je travaillais dans un boulot stupide que je détestais, et plus généralement, j’avais besoin d’un grand changement. Je suis venu ici et je me suis dit que j’allais me débrouiller pour que ça fonctionne avec le groupe, mais par chance, notre autre guitariste a fini par également aimer cette ville et m’a suivi car il n’avait rien de mieux à faire. Quand notre précédent batteur a quitté le groupe, nous avons recruté un Allemand parce qu’à ce stade, le QG du groupe était ici. Ce n’est pas comme si nous avions tous acheté un billet d’avion et déménagé ici ensemble. Je ne voulais pas laisser le groupe déterminer où je vivais, car il n’y avait rien pour moi dans le Massachusetts à ce stade de ma vie.

T’es-tu facilement adapté au mode de vie berlinois ?

Je pourrais trouver plein de réponses à cette question pour faire le malin, mais oui. Certaines choses concernant Berlin me choquent encore un peu, même si ça fait déjà quatre ans que je vis en Allemagne et que j’ai passé beaucoup de temps ici. Berlin peut être un endroit assez dur et peu amical. J’ai la chance de connaître plein de belles personnes ici et il y a aussi plein de choses géniales dans cette ville. Tout s’équilibre. Honnêtement, je pense qu’il a fallu deux ans pour vraiment m’habituer à vivre ici. Berlin, ce n’est pas l’Allemagne, c’est sûr. C’est à part.

Ton bassiste Jack vit toujours aux Etats-Unis et n’a pas pu vous rejoindre pour ces sessions. Ce n’était pas frustrant pour lui de ne pas prendre part à cette expérience ?

Je sais que ça l’était. Ces deux dernières années ont été marquées par une situation totalement sans précédent pour nous tous. C’est évidemment décevant qu’il n’ait pas pu participer, mais c’était une bonne opportunité pour le groupe de faire quelque chose, donc il a accepté. Je sais qu’il est encore déçu de ne pas avoir pu participer, mais c’était soit nous faisions quelque chose d’intéressant sans lui, soit nous ne faisions rien. C’était les seules options.

Plus généralement, ne se sent-il pas exclu, étant seul aux Etats-Unis tandis que le reste du groupe est à Berlin ?

Il faut imaginer que dans des circonstances normales, nous passons beaucoup de temps ensemble. Nous nous voyons tous tout le temps parce que nous tournons beaucoup. Même si nous ne nous voyons pas dans la vie quotidienne, nous passons quand même probablement trois ou quatre mois ensemble en continu dans un tour bus. Donc avant le Covid-19, nous n’avons jamais vraiment eu de problème avec un sentiment de groupe et de continuité. Je ne voulais plus vivre aux Etats-Unis, donc comme je disais, je ne voulais pas que le groupe me retienne là-bas. Jack ne veut pas vivre en Allemagne parce que sa vie est aux Etats-Unis et il est heureux là-bas. On est en 2021, il y a les avions, il y a internet, on peut faire en sorte que ça fonctionne. C’est juste que le Covid-19 a vraiment foutu la merde.

Vous êtes arrivés aux sessions de jam sans plan, sans pression, sans même l’intention de faire un album. Dans quelle mesure avez-vous été surpris de ce qui est ressorti de cette connivence créative ?

Lupus : Je n’étais pas surpris, honnêtement, mais maintenant que j’ai l’album complet, je suis surpris que nous ayons fait tout ça ensemble. C’était un processus. Quand nous avons commencé à jammer les deux premières heures, on pouvait sentir que tout le monde essayait de trouver sa place. Mais comme c’était un processus qui s’est étalé sur de nombreuses heures au cours de tout le weekend, je pense que chacun d’entre nous a assez vite réalisé qu’il y avait du potentiel et que tout le monde savait jouer de son instrument. C’était sympa de voir que ça fonctionnait. Les deux groupes n’avaient jamais joué ensemble et ne s’étaient pas rencontrés avant mais ils ont pu se réunir dans une pièce, commencer à jouer et quelque chose en est ressorti. Ça, c’était très surprenant. Mais comme c’était un processus, il était clair que le résultat était suffisamment bon pour être montré à d’autres gens.

« J’ai l’impression d’être un être humain qui ne fonctionne qu’à moitié quand l’ensemble du monde musical ne marche pas comme il le devrait. »

Il y a un groupe américain – plus ou moins – et un groupe européen : la musique était-elle votre langue et votre culture communes ou étiez-vous parfois confrontés à des différents culturels ?

Je dois dire que Nick est capable de sauter entre les deux mondes.

Nick : Je pensais que tu allais dire autre chose ! [Rires]

Lupus : Non ! [Rires] Il est déjà très allemand. Son allemand est extraordinaire. On n’entend pas d’accent. Ça fait tellement longtemps qu’il vit ici qu’il est capable de passer d’un monde à l’autre, l’ancien et le nouveau, ou peu importe comment on veut appeler ça. Je ne pense pas qu’il y avait le moindre conflit, mais la musique est toujours une bonne langue, bien sûr. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes réunis, c’est clair.

Nick : Oui. Le rock n’ roll est un excellent égaliseur. On m’a déjà dit avant que j’étais plus allemand que les Allemands. C’est toujours la plaisanterie. Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens chez moi ici. Je pense aussi qu’il n’y a pas une énorme différence entre, au moins, les Américains qui sont capables de vivre en Europe et les Européens. Quoi qu’il en soit, c’est juste moi et Michael – l’autre guitariste –, et il est ici depuis deux ans aussi. Mais la musique est évidemment le point de connexion entre moi et quasiment tous ceux que je connais, donc il y a toujours un bon terrain d’entente.

J’imagine que les deux groupes ont leur manière de travailler. N’y avait-il pas de clash ou de pressions-tractations dans les habitudes, routines ou méthodes pour faire de la musique ?

Lupus : Je crois que nous n’en sommes même pas arrivés au stade qui impliquait les habitudes ou quoi que ce soit. Nous ne faisions que jouer de la musique. Nous étions très concentrés sur la musique elle-même parce que le processus d’enregistrement était juste en toile de fond. Il n’était pas très présent. Nous savions que nous allions tout enregistrer, mais à la fois, nous savions que nous n’allions peut-être même pas l’utiliser. Au final, des sessions de jam, ce qui fait plus de dix heures d’enregistrement, seulement dix ou quinze minutes sont sur l’album. En temps normal, j’aurais procédé différemment, mais ce n’était pas le but du projet.

Nick : Je pense aussi que nous avons tous beaucoup aimé essayer de faire quelque chose de différent, être challengés, sortir de notre zone de confort et travailler avec d’autres gens. Heureusement, personne dans l’un ou l’autre des groupes n’a vraiment la grosse tête ou si c’est le cas, ils ont réussi à la garder froide pendant tout ce temps. Il y a eu quelques petits moments de frustration, mais rien qui serait comparable à ce que nous vivons en temps normal durant le cycle d’un album.

Lupus : Oui, c’est vrai. Je pense que nous avons essayé d’être rapides et spontanés. Si nous aimions une idée, nous la faisions, sans essayer d’aller trop en profondeur et de se concentrer sur trop de détails, car avec autant de gens, certains peuvent s’ennuyer ou être frustrés. Donc nous avons essayé d’entretenir une atmosphère spontanée et d’agir rapidement. Si quelqu’un trouvait quelque chose, nous étions là : « Ajoutons ça ici. Essayons telle partie quatre fois et essayons telle partie huit fois. Ok, c’est bon, on le fait. » C’est aussi ce qu’on entend sur l’album. Ça sonne frais et pas trop composé, d’une certaine façon.

Nick, tu as déclaré que le processus était « à la fois amusant, gratifiant, étrange et difficile ». Qu’est-ce qui a été le plus étrange et le plus difficile durant ce processus ?

Nick : A peu près tout. Ce qui, je pense, était le plus étrange et le plus difficile, c’était de travailler avec autant de gens, donc autant de voix créatives et d’idées différentes, et d’essayer de concilier tout ceci avec sa propre manière de faire les choses. J’ai l’habitude de faire la majorité de la musique dans Elder et là, c’était la toute première fois que j’étais impliqué dans un projet musical avec autant de gens où chaque voix comptait autant que les autres. J’avais parfois du mal à savoir exactement : « Est-ce que j’aime cette partie ? Qu’est-ce que je pense de ça ? Est-ce que ça profite à l’album globalement ? » A la fois, ne pas avoir à cent pour cent le contrôle de quelque chose était vraiment super. Je pense que ça m’a aidé à dépasser certains obstacles dans mon propre esprit. De même, il y a le fait de travailler avec des contraintes de temps – enfin, je n’ai pas envie d’appeler ça des « contraintes » comme si c’était quelque chose de négatif, mais une fois que nous avons réalisé que ça allait devenir un album, nous nous sommes imposés une deadline pour le finir, car nous ne voulions pas que ça devienne un truc que l’on repousse indéfiniment et finisse dix ans plus tard, nous voulions vraiment avoir une date de fin –, je pense que c’était parfois difficile pour nous, dans cette relativement courte période de temps, d’en arriver à un point où nous étions tous contents de l’album. Mais je pense que nous avons réussi.

« Avant, je pensais toujours que ma musique avait besoin de beaucoup de puissance et d’énergie pour m’exprimer […], mais maintenant, je trouve que la dynamique et la création sonore sont bien plus intéressantes. »

La musique d’A Story Of Darkness & Light est très progressive et psychédélique, mais en combinant vos deux univers musicaux, vous auriez pu finir avec un résultat très différent. Pensez-vous que c’est le résultat – consciemment ou pas – d’une envie d’évasion ?

Lupus : Oui. La réalité était très frustrante à ce moment-là. Nous n’avions pas le droit de tourner. Nous étions coincés à Berlin. Nous avons amené tous nos instruments, synthétiseurs, guitares et tout ce qui nous plaisait dans cette pièce. Ensuite, nous avons rempli cette pièce de musique pendant trois jours. Je pense que ça nous a beaucoup aidés à nous mettre dedans et à faire de cette musique psychédélique ce qu’elle est devenue.

La musique a-t-elle toujours été une forme d’évasion dans votre vie ?

Nick : Pour moi, durant la majorité de ma vie, ça a simplement été la seule chose que je pouvais faire et que j’aimais vraiment. Ça représente tout pour moi. Maintenant, évidemment, dans ma vie d’adulte, ce n’est plus juste un hobby, une passion et une évasion, ça a aussi – pour le meilleur et pour le pire – une fonction économique, c’est aussi un travail. Surtout en temps de pandémie, ne pas avoir l’opportunité de tourner, alors que c’est une part très importante de nos vies, ça a souligné à quel point tout ça était important. J’ai l’impression d’être un être humain qui ne fonctionne qu’à moitié quand l’ensemble du monde musical ne marche pas comme il le devrait.

Lupus : J’ai toujours voulu jouer de la musique. J’ai toujours pensé que c’était le seul moyen qui me permettait de m’exprimer comme je le voulais. J’ai toujours joué dans des groupes. En gros, c’est moi. Ça fait douze ans que je fais ça maintenant. Je joue quinze heures par jour. J’aime ça et ça fait partie de moi.

La plus grande caractéristique de l’album, c’est le sentiment de liberté qu’il procure : diriez-vous que c’est une réaction directe aux confinements et à la diminution des libertés que l’on a dû subir ? Diriez-vous que cette musique compense la perte de liberté physique ?

Je ne sais pas si c’est le confinement. Je pense que cette liberté est venue du fait qu’habituellement, nous avons une sorte de structure dans la manière dont les albums de Kadavar ou d’Elder doivent sonner. Nous composons généralement la musique au sein de ces structures. Alors que cette fois, nous ne savions pas à quoi nous attendre, donc nous n’avons pas pensé à ça. Je pense que ça nous a donné une certaine liberté, en tout cas pour ma part. Quand nous avons fait l’album précédent, The Isolation Tapes, c’était clairement lié au confinement car c’était très nouveau. Je n’ai pas envie de dire que je m’y suis déjà habitué, mais ça fait davantage partie de la vie aujourd’hui qu’en 2020. Je pense que la liberté dans cette musique vient bien plus du fait que les deux groupes n’ont pas été obligés d’écrire un album typique pour leur public.

Nick : Nous avons aussi commencé ce projet sans pression. Ce n’était qu’une session de jam. Nous avons installé des microphones et nous avons commencé à enregistrer, mais personne ne disait dès le début : « On va faire un album et ce sera fantastique. » Le fait de ne pas s’imposer de but autre que de s’amuser et d’explorer nos influences musicales mutuelles a créé un environnement au sein duquel nous pouvions ne pas nous soucier des attentes. Quand nous avons commencé à composer l’album, je pense que cette attitude et cet état d’esprit nous ont suivis.

Lupus : Au début, je m’intéressais plus à leur manière de faire. Je voulais aussi apprendre des choses, en retirer quelque chose. Je voulais voir comment d’autres groupes travaillaient, comment ils se mettaient à composer une chanson et comment ils faisaient de la musique ensemble. Quand nous avons commencé à jouer ou à nous installer, c’est vraiment quelque chose que je voulais retirer de ce weekend. Ensuite, il s’avère que nous avons trouvé un équilibre, un groove commun et une manière de faire de la musique ensemble et de créer un album. Mais au début, je voulais surtout découvrir comment ils travaillaient.

« J’ai créé Kadavar uniquement pour gagner assez d’argent pour m’acheter des synthétiseurs, mais maintenant je suis coincé dans ce groupe de rock [rires]. »

On dirait que Pink Floyd était une influence majeure sur cet album, comme ça l’était sur The Isolation Tapes et en partie sur Omens, le dernier album d’Elder. La dernière fois, Tiger nous expliquait à quel point « Pink Floyd est l’un des groupes les plus importants dans [son] éducation » avec les Beatles. Qu’en est-il de vous ? Quelle a été la place de Pink Floyd dans votre éducation musicale ? Car si l’on écoute votre discographie passée, ce n’est pas la première influence qui saute aux oreilles…

Peut-être que nous vieillissons.

Nick : C’est même sûr.

Lupus : Avant, je pensais toujours que ma musique avait besoin de beaucoup de puissance et d’énergie pour m’exprimer. Je pensais que le punk et le garage rock étaient mes influences principales, donc c’était la direction que je voulais prendre, mais maintenant, je trouve que la dynamique et la création sonore sont bien plus intéressantes pour m’exprimer. Ça a donc un peu changé, peut-être à cause de The Isolation Tapes où nous avons compris qu’il était possible de créer une telle musique. Nous étions un peu surpris que nous puissions faire quelque chose comme ça. J’ai beaucoup aimé. Si tu te réunis avec des gens pour jammer, tu ne peux pas faire une musique comme celle de nos premiers albums. Ce n’est pas forcément du Pink Floyd, mais tu finis toujours dans cette veine parce que c’est le style le plus simple pour se regrouper et que chacun apporte au son. Je ne sais pas si on peut vraiment jammer avec des riffs hard rock… Mais j’ai toujours écouté Pink Floyd. J’ai toujours été plus dans les trucs psychédéliques des années 60 que dans le metal ou le hard rock. J’ai toujours aimé plein de groupes du milieu et de la fin des années 60. Ça n’a jamais été facile pour un trio, par exemple, de créer quelque chose comme ça, parce qu’il manque toujours au moins un instrument mélodique, soit un orgue, soit une autre guitare, soit autre chose. Mais depuis le premier album, nous avons toujours eu des chansons psychédéliques.

Nick : J’adore Pink Floyd, mais je n’ai pas vraiment commencé à les écouter avant d’avoir environ vingt ans. J’étais un gros metalleux quand j’étais gamin et j’écoutais pas mal de musiques hard. Finalement, plus je vieillis, plus je m’intéresse aux trucs calmes et moins je suis dans le metal, donc c’est un peu la direction opposée. Ce n’est pas un groupe que j’écoute quotidiennement ou que je vénère particulièrement. Je pense que ce sont assurément les inventeurs du son rock psychédélique, planant, très mélodique, un peu mélancolique et atmosphérique des années 70. Dans tous les cas, si tu écris une chanson avec des riffs, quelqu’un te comparera à Black Sabbath. Si tu fais une chanson qui est un peu plus aérienne, quelqu’un te comparera à Pink Floyd. C’est toujours comme ça.

Et si tu mélanges la folk et le rock, on te comparera à Led Zeppelin, comme dans « In The Way »…

Lupus : [Rires] Oui. Il semblerait. Je n’ai pas fait toutes les interviews, mais Nick a dit qu’il a déjà souvent entendu ça et je n’en croyais pas mes oreilles !

Vous sentez-vous proches de cette approche très libre, expérimentale et même instinctive de la musique et des sons que ces groupes de la fin des années 60 et des années 70 avaient ?

Nick : Non. Pour ma part, je pense que nous vivons à une époque complètement différente. Je ne peux même pas imaginer. J’ai l’impression que ne serait-ce que depuis les années 90, tellement de choses ont changé dans la manière dont la musique est conçue, consommée et appréciée. Notre façon de faire de la musique implique généralement beaucoup de technologie. Ça paraît très éloigné de cette manière de faire qui consiste à se réunir dans un espace de répétition, allumer les amplis, fumer un joint et ensuite commencer à jouer. Ça peut paraître stupide dit comme ça, mais c’est plus sérieux maintenant. C’est une vraie galère d’être un musicien professionnel. On prend les choses très au sérieux et c’est dur d’adopter ce genre d’attitude amusante, affectueuse, libre, insouciante, et c’est dommage parce que je suis sûr que plein de choses extraordinaires ressortent de ce type d’environnement. Evidemment, je parle seulement pour moi.

Lupus : C’est dur de le dire sans avoir l’air stupide, mais les deux groupes, Kadavar et Elder, sont probablement assez gros dans la scène. Nous sommes probablement parmi les plus gros groupes de cette scène et malgré tout, nous galérons à en vivre. Je pense que dans le temps, on était tellement poussé par son management ou son label qu’on pouvait être libre de jouer ce qu’on voulait, car on avait toujours une grande audience qui nous suivait, alors que maintenant, c’est très sérieux parce qu’il faut bosser comme un fou tous les jours pour réussir à en vivre. Je ne sais pas si ce que je dis est suffisamment intelligent pour que ce soit dit, mais ça explique pourquoi on ne fait plus les choses pour s’amuser. On fait entre quatre-vingt et cent concerts par an, on voyage partout dans le monde et on essaye de survivre. Maintenant, nous avons eu le temps de le faire et j’ai beaucoup aimé parce que j’ai toujours eu envie de faire un quelque chose comme ça. J’aimerais avoir plus de temps pour ça.

« J’admire la capacité qu’a Kadavar de faire un album à trois sans essayer de faire comme s’il y avait dix personnes et malgré tout de parvenir à faire effet avec ce qu’ils ont. »

Lupus, nous avons discuté par le passé du fait que tu avais poussé le groupe à utiliser de plus en plus de clavier, mais que tu t’es heurté à une résistance de la part des autres gars. Le fait est que Tiger a joué du piano sur The Isolation Tapes et il joue un peu de synthé sur cet album d’Eldovar – il a même commencé les sessions en bidouillant un synthé. La dernière fois que nous lui avons parlé, il a dit que tu les avais enfin ensorcelés, lui et Simon : es-tu surpris de ce revirement, notamment de la part de Tiger ?

Non, je ne suis pas surpris parce que je savais qu’il jouait très bien du piano. Je n’ai jamais compris pourquoi il était tellement contre ça. Peut-être qu’il avait peur d’essayer, mais je savais que s’il avait l’occasion de le faire, il le ferait. Maintenant, il a son propre piano chez lui et ça nous a ouvert pas mal de portes en tant que groupe. J’avais toujours pour habitude de dire que j’avais créé Kadavar uniquement pour gagner assez d’argent pour m’acheter des synthétiseurs, mais maintenant je suis coincé dans ce groupe de rock [rires]. Je suis très content que nous soyons plus ouverts d’esprit et que nous rajoutions plus de claviers et de synthés dans notre musique. Je trouve que ça fonctionne très bien.

L’album s’intitule A Story Of Darkness & Light, ce qui est bien transcrit dans le morceau progressif de onze minutes « Blood Moon Night », mais lequel de Kadavar ou de Elder apporte l’obscurité et lequel apporte la lumière ?

Nick : Je pense que les deux groupes sont assez variés dans la gamme d’émotions qu’ils peuvent transmettre. Je dirais qu’on retrouve ces deux éléments et plus encore dans chaque chanson d’Elder dans le dernier album, donc il s’agit moins de savoir quel groupe apporte l’obscurité et lequel apporte la lumière. On ne devrait pas le voir ainsi. Ça décrit plus, de façon générale, une atmosphère et un concept qu’on retrouve dans l’album.

D’un autre côté, ça fait d’A Story Of Darkness & light une expérience multi-dimensionnelle, où tout n’est pas prévisible et conserve probablement une part de mystère : cette musique est-elle votre représentation de la vie ?

Oui, tu tapes en plein dans le mille. Sans dire les choses de manière trop banale, c’est un peu l’histoire de la vie. Ça parle des hauts et des bas. Parfois, c’est une histoire qui parle d’un personnage de fiction et parfois ça parle de sujets plus vastes. Il s’agit un peu du périple de la vie, ou en tout cas, c’est l’idée que je m’en fais.

Vous parliez tout à l’heure de ne pas toujours « avoir à cent pour cent le contrôle »…

Lupus : Oui, tout le temps même, et là aussi, c’est comme la vie, on ne contrôle pas tout. Il faut soit faire avec et apprécier, soit se refermer sur soi-même et pester contre tout le monde. Je pense que nous étions vraiment ouverts d’esprit. Tous ensemble, nous avons pris cette direction et avons trouvé une bonne manière de faire de la musique et obtenir de bons résultats.

« Blood Moon Night » contient le passage le plus agressif du disque, en allant sur un terrain plus post-rock : dans quel état d’esprit étiez-vous quand cette partie vous est venue ?

La majorité de cette chanson vient de Tiger, mais je me souviens aussi que nous avions déjà deux ou trois chansons plus lentes et il voulait vraiment créer quelque chose sur la face B. Sur la face A, on a des choses comme « El Matator » qui sont très calmes et lentes, donc il voulait créer un morceau qui fasse monter légèrement l’intensité et, d’une certaine façon, qui emmène l’auditeur sur le final. L’album commence de manière très heavy. Pour les fans d’Elder et de Kadavar, le démarrage sonne très prometteur, mais ensuite ça part dans tout un tas de directions différentes. Je trouve que c’était sympa de faire une boucle et de finir à peu près là où ça a commencé.

Vous étiez déjà trois guitaristes lors de ces sessions, mais Kristof Hahn de Swans s’est également joint à vous sur « El Matador » pour jouer de son fameux lap steel. Comment ça s’est passé ?

Il était déjà venu deux ou trois fois dans notre studio, pour enregistrer avec d’autres groupes. Nous le connaissons et nous savions qu’il était à Berlin, donc nous lui avons demandé si ça l’intéressait et s’il avait une idée de ce qu’il pourrait apporter à cette chanson. Il a dit qu’il passerait et verrait si ça pourrait marcher. Il est passé, nous avons bu quelques bières, il a aimé la chanson, il a fait deux ou trois prises et ça a très bien fonctionné. Je trouve qu’au final, ça apporte vraiment quelque chose à la chanson.

« Personnellement, je n’ai pas l’impression d’avoir grandi spirituellement durant cette pandémie. J’ai l’impression d’être davantage devenu un mécréant introverti qui déteste le monde. »

Vous êtes tous les deux chanteurs et guitaristes dans vos groupes respectifs, donc vous avez le même rôle : comment la dynamique entre vous deux a fonctionné afin de vous partager les tâches sans vous marcher sur les pieds ?

Nick : Nous avions aussi un autre guitariste, Michael. Mais tout comme Lupus s’intéresse aux synthétiseurs, je m’intéresse aussi à d’autres instruments, sons et textures. Personne ne s’agrippait à la guitare en disant : « Il faut que je joue tout le temps de cet instrument. » En général, c’est assez révélateur pour savoir comment on fonctionne tous ensemble. Personne n’a exigé d’être tout le temps à une position particulière. Nous étions tous contents de prendre les choses comme elles venaient et de changer de rôle suivant ce que dictait le moment. Pour certaines chansons, soit je ne joue pas de guitare, soit c’est Lupus qui n’en joue pas. Il y a même une chanson où je suis à la batterie et Tiger joue du synthétiseur. Nous nous fichions de savoir qui jouait de quel instrument. Le plus important, c’était le produit. Heureusement, aucun de nous n’avait un gros égo à cet égard. C’est honnêtement ce qui a fait que c’était amusant.

Lupus : Les deux groupes existent depuis de nombreuses années et nous respectons beaucoup ce qu’Elder a fait et je pense qu’ils respectent notre travail. Il y avait beaucoup de respect, donc si quelqu’un avait une idée, nous ne la remettions pas en cause, nous essayions de la suivre et de voir où elle nous menait. J’ai beaucoup apprécié ça aussi. C’était facile pour moi de lâcher prise et de dire : « D’accord, on va faire ça maintenant. » Parfois, je réalisais que je ne pouvais rien apporter pour améliorer certaines parties. Ce n’est pas un problème de s’en rendre compte, d’arrêter de jouer et de laisser les autres faire et finir le morceau. Si tu as un gros égo, tu ne ferais probablement pas ça, ça compliquerait peut-être les choses.

En tant que chanteurs, est-ce que cette musique plus psychédélique et le fait de travailler ensemble vous ont permis d’explorer de nouveaux territoires vocaux ?

Je pense que c’était le cas pour Nick. Il a probablement essayé des choses qu’il n’avait jamais faites avant.

Nick : Kadavar a presque eu un rôle de coach vocal sur nombre de ces parties. C’était même eux qui ont eu l’idée de mettre du chant, car nous ne savions pas comment ça allait se faire. J’ai voulu me mettre à utiliser de plus en plus la voix comme un instrument parce que nous ne faisons pas vraiment ça dans Elder. C’est toujours un défi pour moi parce que je ne chante pas beaucoup et je ne passe pas beaucoup de temps à y réfléchir. Je trouve que c’était cool et la manière dont ces gars pensent le chant comme ayant un rôle important dans la musique, c’est une tout autre approche. Vous étiez responsables de la majorité des idées, mélodies et parties vocales.

Lupus : Au fil des années, nous avons un peu développé cet aspect. Je trouve ça très intéressant de créer des harmonies vocales, différentes couches, et d’ajouter quelque chose dans la chanson qui lui donne un certain feeling. On peut faire tellement de choses avec le chant si on fait ça bien. C’est parfois très difficile et ça prend du temps, mais quand tu comprends quelle est ta tessiture et ce que tu peux faire, ça fonctionne vraiment bien et c’est très amusant à faire. Nous avons fait ça sur The Isolation Tapes et encore avant déjà sur For The Dead Travel Fast. Nous avions inclus plus de chant et d’harmonies vocales. Tiger ne chantait jamais – alors qu’il en avait l’habitude avant – mais maintenant il chante lui aussi beaucoup et il essaye de faire des harmonies. Il a un très bon sens pour ça. Il n’a pas la meilleure voix, mais il a la meilleure oreille pour trouver une bonne mélodie. Ça fait qu’il est facile de travailler ensemble. Enfin, retire ce que j’ai dit sur sa voix [rires].

Nick : J’aime beaucoup sa voix ! Je trouve qu’il a une très belle voix.

Vous avez mentionné plusieurs fois que vous avez appris les uns des autres. Qu’est-ce que Elder a appris de Kadavar ? Et vice versa, qu’est-ce que Kadavar a appris d’Elder ?

Je pense que ça va sans dire que nous nous regardions jouer et apprenions des choses dans la façon dont chacun abordait son instrument. En tout cas, pour ma part, en tant que guitariste, à chaque fois que je prends mon instrument, je commence machinalement à faire les mêmes choses, juste pour m’échauffer, même rien qu’avec des exercices simples. Au fil des années, j’en suis arrivé à me considérer principalement comme un compositeur et pas juste un guitariste, un batteur ou je ne sais quoi. Je peux jouer de ces instruments. Je ne suis pas le meilleur, mais ça va. Je veux composer des chansons et je me concentre vraiment sur la composition. En regardant Kadavar et en voyant comment ces gars composaient des chansons et comment nous composions ensemble, et rien que la façon dont ils structurent les choses, j’ai remarqué qu’ils ont une autre éthique de travail et un regard différent sur la manière de faire les choses. Leur processus et leur charge de travail ont été très éclairants pour moi. Puis, comme je l’ai déjà dit, un autre gros point-clé et déclic était aussi le travail vocal. Je me suis beaucoup amusé à faire ça. C’est assurément quelque chose auquel je suis déjà en train de penser pour les prochains morceaux d’Elder, c’est-à-dire aborder cet aspect de la musique sous un angle différent et comme ayant une autre valeur.

« C’est un peu un test pour voir à quel point nos fans seront ouverts d’esprit. Mais au bout du compte, dans le fond, c’est de la musique gratuite qu’ils peuvent écouter sur internet. Donc si vous n’aimez pas, fermez-la. »

Lupus : Je pense que pour moi, c’était très intéressant de voir comment un groupe travaillait avec deux guitares, car c’est quelque chose que nous n’avons pas. J’ai beaucoup aimé voir comment Michael et Nick jouaient ensemble et comment ils partageaient les riffs ou le travail des guitares pour apporter de la dynamique aux chansons. Quand l’un joue juste des accords, l’autre joue un genre d’arpège par-dessus, et ça donne beaucoup de profondeur à la chanson. J’adore comment ils font ça. Ils utilisent beaucoup plus d’harmonies que nous. Je pense que nous essayions toujours de faire plus simple, tandis qu’eux trouvent toujours un moyen de jouer sans arrêt un accord de différentes manières de façon à ce que ça ne sonne jamais pareil. Ça m’a ouvert à tout un univers d’harmonies. J’étais beaucoup plus étroit d’esprit avant ça, je dirais. Donc maintenant, je me pose chez moi avec ma guitare et je me demande : « Comment ont-ils fait ça ? » [Rires]

Nick : D’un autre côté, si j’écoute certains trucs qui sont principalement des créations de Kadavar et comment ça dit émotionnellement beaucoup avec peu d’éléments, pour moi c’est presque plus impressionnant d’être capable d’obtenir le même impact avec moins. Mon proprio jouait dans un groupe de krautrock dans les années 60, donc je mets toujours des CD d’Elder dans sa boîte aux lettres quand nous en avons un nouveau. Un jour, il est venu me voir et m’a dit : « C’est super, mais vous en faites trop, vous n’êtes pas tout le temps obligés de montrer ce que vous êtes capables de faire. » Honnêtement, il a raison. C’est un peu le problème d’Elder. Nous essayons toujours de constamment faire énormément de trucs. Je n’appelle pas ça de la musique simple, mais j’admire la capacité qu’a Kadavar de faire un album à trois sans essayer de faire comme s’il y avait dix personnes et malgré tout de parvenir à faire effet avec ce qu’ils ont. Me souvenir de ça et essayer de me concentrer sur cette approche, c’est bien pour moi. C’est un précieux enseignement.

La dernière fois, Tiger m’a dit que les six mois de pandémie « ont été une période d’essor spirituel, parce que [vous aviez] beaucoup de temps pour penser ». Lupus, vois-tu A Story Of Darness & Light comme une continuation ou un résultat de cet essor spirituel ?

Lupus : C’est probablement un résultat.

Nick : Personnellement, je n’ai pas l’impression d’avoir grandi spirituellement durant cette pandémie, mais je suis content que Tiger le ressent [rires]. J’ai l’impression d’être davantage devenu un mécréant introverti qui déteste le monde. Mais je suis content pour Tiger.

Lupus : Oui, je suis peut-être quelque part entre les deux [rires]. Ça peut rapidement changer. Je ne dirais pas que je déteste le monde tous les jours, mais parfois c’est le cas. Tu sais, on a des hauts et des bas.

Elder et surtout Kadavar dernièrement ont traversé pas mal de transformations. N’avez-vous pas peur de déstabiliser vos fans et qu’ils se sentent perdus ? Ou est-ce justement le but ?

Je peux seulement parler pour nos fans, mais je pense que nous leur avons vraiment appris au cours des deux dernières années qu’ils ne peuvent pas s’attendre à obtenir toujours la même chose de notre part. Je pense que nos fans sont très ouverts d’esprit. Enfin, je suis certain que nous avons perdu quelques fans au fil des années, mais je pense aussi que nous en avons gagné beaucoup plus en dehors de la bulle communautaire typiquement stoner rock. A la fois, en tant qu’artiste, je n’ai pas envie de m’enfermer. J’ai envie de pouvoir m’exprimer librement et de la manière que je pense être la bonne. Nos fans aiment la musique de qualité, donc le genre importe peu.

Nick : Je trouve que c’est une bonne expression pour décrire ce projet : ne pas vouloir s’enfermer. Ca résume bien ce que je ressens aussi, mais je n’ai jamais vraiment pensé le groupe en ces termes. Elder a toujours, à chaque album, lentement poussé plus loin dans une direction différente, de façon à étendre ce que nous faisons. Nous avons toujours une communauté de fans divisée et il faut deux ou trois ans pour que les gens se fassent à ce qu’était le dernier album. Parfois les gens ne l’aiment pas au moment où il sort et quelques années plus tard, c’est justement celui-là qu’ils veulent entendre. Nous avons aussi une communauté de fans vraiment cool qui est généralement partante pour n’importe quoi. Je ne vais pas te mentir, j’étais… tendu n’est pas le bon mot, mais peut-être que j’avais un peu d’appréhension par rapport à ce que nous avions fait avec cet album, car je l’aime beaucoup et je suis très fier de ce que nous avons accompli, mais il ne sonne en rien comme ce qu’ont fait les deux groupes auparavant. Donc sortir ça sous le nom du groupe, c’est un peu un test pour voir à quel point nos fans seront ouverts d’esprit. Mais au bout du compte, dans le fond, c’est de la musique gratuite qu’ils peuvent écouter sur internet. Donc si vous n’aimez pas, fermez-la.

« Quand nous avons sorti The Isolation Tapes, j’étais un peu tendu. Je me souviens avant que nous ne sortions le premier single, deux jours avant, j’ai appelé Tiger et je lui ai dit : « On ne le fait pas. On oublie ça » [rires]. »

Lupus : Oui, je pense que nous sommes déjà passés par là l’année dernière, donc je suis très détendu. Quand nous avons sorti The Isolation Tapes, j’étais un peu tendu. Je me souviens avant que nous ne sortions le premier single, deux jours avant, j’ai appelé Tiger et je lui ai dit : « On ne le fait pas. On oublie ça » [rires].

Nick : Ceci dit, la plupart des groupes que j’aime et respecte, ou en tout cas une grande partie d’en eux, et ceux qui sont légendaires – on a passé beaucoup de temps à parler de Pink Floyd, par exemple – sont les groupes qui tracent leur propre route et dont chaque album ne sera pas forcément un hit ou parfait. Parfois, il y a des faux pas, mais c’est une aventure et il s’agit d’explorer sa propre créativité. C’est ce qui rend un artiste réellement intéressant.

Lupus : Oui, absolument. Tu peux encore et encore jouer le même riff ou faire un album à la Black Sabbath, mais combien de ces albums peux-tu vraiment faire avec passion ? Je pense qu’à un moment donné, tout a été dit et que tu passes à autre chose, la vie passe, tout le monde évolue. Je pense que c’est naturel aussi pour un groupe d’évoluer. Certaines personnes évoluent avec toi, d’autres partent parce qu’elles ne veulent que des riffs de hard rock. Très bien, allez-y et écoutez un autre groupe de stoner, il y en a suffisamment. Il n’y a jamais eu autant de groupes de stoner qu’aujourd’hui, donc vous pouvez facilement en trouver que vous aimerez.

Nick : C’est vrai.

Est-ce que cette expérience vous donne envie de continuer à explorer dans cette direction dans vos groupes respectifs ou, au contraire, voulez-vous maintenant revenir à quelque chose de plus brut, direct et terre à terre ?

Lupus : Il est clair que pour Kadavar, sortir un genre d’album de garage serait la bonne réponse à ce que nous avons fait ces deux dernières années. Très simple, brut, rentre-dedans, enregistré avec deux micros au cours d’un weekend. Mais à savoir si c’est ce qui va arriver ou si nous irons plus loin, je n’en suis pas encore sûr. Je trouve les deux options intéressantes. J’aime être sur scène et envoyer avec ma guitare en jouant de la musique de garage très simple, mais j’aime aussi le processus consistant à écrire des chansons et structures plus complexes. Je pense que pouvoir faire les deux est déjà quelque chose dont je suis très fier. Peut-être qu’il y a un moyen de combiner les deux sur un nouvel album, ce serait sympa.

Nick : Notre prochain album est déjà enregistré. Nous étions en train de finir la composition pendant que nous faisions cet album. Il est possible que ça nous a influencés. Je peux dire que le prochain album d’Elder est un peu plus heavy et chargé en riff qu’Omens. Peut-être que c’est lié. J’ai clairement l’impression que ça fait un petit moment que nous jouons une musique plus calme et j’ai personnellement besoin de revenir à quelque chose de plus dur et heavy. Disons que ça a répondu à une envie et peut-être qu’au moment où nous composerons un autre album, ça se manifestera encore plus.

L’album sort sur le label de Kadavar, Robotor Records, que vous avez créé il y a à peu près un an et demi ou deux ans. Lupus, si tu devais faire le bilan des premiers mois, comment est cette expérience à gérer un label ?

Lupus : Je viens de m’acheter mon premier bateau [rires]. Je plaisante, je n’ai rien acheté. Je savais ce que faisait un label et je savais, comme l’ont prouvé ces derniers mois, que ce serait beaucoup de travail. Mais actuellement, nous avons le temps de nous occuper de ça, donc ça me plaît beaucoup. Nous l’avons fait pour The Isolation Tapes parce que nous venions de quitter Nuclear Blast et nous ne savions pas quoi en faire. Nous nous sommes dit que ce n’était pas le bon moment pour trouver un nouveau label, donc nous avons décidé d’essayer de faire ça et de garder un contrôle total sur notre musique et le produit en tant que tel. C’était très important pour moi d’avoir la main sur l’allure qu’allait avoir l’album, comment tout serait fait, etc. Il y a plein de choses qu’on peut faire mieux, mais nous y travaillons. Aujourd’hui, on vit à l’ère du numérique, je n’ai pas besoin de vraiment rentrer dans le sujet parce que tout le monde sait que les albums sont secondaires maintenant. Nous sommes contents de toujours vendre des albums – et pas mal, si on compare à d’autres genres musicaux ou d’autres groupes. On n’a plus besoin d’un gros label pour promouvoir sa musique, c’est possible de le faire via Instagram et Facebook. On touche plus de gens ainsi qu’avec la vieille méthode, comme probablement Nuclear Blast le faisait. Je pense que si on est un petit label, on peut réagir plus vite. On peut mieux suivre les tendances et quand ça marche bien, on peut aussi garder un peu plus d’argent pour soi. Parfois, je ne suis pas assez doué pour promouvoir mes propres trucs, donc nous embauchons aussi quelqu’un d’autre qui travaille pour le label et qui a de l’expérience dans le domaine. J’aime beaucoup l’idée de continuer comme ça, mais qui sait ce que l’avenir nous réserve ? Peut-être que les temps vont encore changer et que nous signerons ailleurs. Surtout avec cette pandémie, une chose que l’on apprend est qu’on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait, donc je ne vais pas faire de plans.

« Si on est un petit label, on peut réagir plus vite. On peut mieux suivre les tendances et quand ça marche bien, on peut aussi garder un peu plus d’argent pour soi. »

Vous aviez un accord à un moment donné avec Pelagic Records pour travailler avec eux, mais on dirait qu’il n’existe plus ?

Il n’y avait pas d’accord. C’était juste des gens que nous connaissions, des amis d’amis. Ils nous ont aidés à faire cet album parce que les usines de pressage ont énormément de délais actuellement. Ils ont aussi fait notre boutique en ligne pendant un temps parce que quand la pandémie a commencé, les gens nous soutenaient beaucoup et nous n’arrivions plus à tout gérer. Ils sont aussi basés à Berlin. D’ailleurs, c’est peut-être une des raisons aussi : Mike, le guitariste d’Elder, travaille pour Pelagic, donc nous l’avons vu deux ou trois fois là-bas et avons parlé, et ensuite, nous avons décidé de prendre quelques bières ensemble. Donc je pense que cet album d’Eldovar, c’est la faute de Pelagic !

J’imagine qu’il faudra maintenant que vous tourniez ensemble pour emmener Eldovar sur scène ?

Oui, mais il n’y a pas de tournée pour le moment…

Nick : Avec un orchestre aussi !

Lupus : Oui, ce serait sympa. Enfin, c’est toujours difficile de faire des plans. Nous avons déjà des tournées repoussées de l’an dernier et Elder est censé partir en tournée avec Pallbearer. Nous allons aussi bientôt annoncer une tournée pour l’automne prochain. Ça veut dire que 2022 est déjà calée. Ça nous renvoie donc à 2023, ce qui fait déjà dans deux ans, et il est probable qu’à ce moment-là, plus personne ne se souviendra que nous avons fait cet album. Le temps passe tellement vite, et l’industrie va très vite aujourd’hui. Peut-être qu’un jour nous aurons l’occasion de le faire. Nous vivons dans la même ville, comme nous l’avons mentionné au début de la conversation. Ça aurait du sens de tourner ensemble un jour.

Nick : Nous y allons pas à pas et voyons ce qui se passe.

D’un autre côté, autant la situation actuelle est un coup dur, autant elle a offert aux groupes du temps pour explorer de nouvelles choses. Ça a presque été un mal pour un bien en ce sens…

Lupus : C’est probablement l’une des bonnes choses concernant cette pandémie. Il n’y a pas beaucoup de points positifs, mais s’il y en avait un, ce serait effectivement que nous avons eu le temps d’essayer de nouvelles choses. Mais j’ai eu suffisamment de temps maintenant, ça me va, j’aimerais revenir là où nous étions avant. Je préfèrerais avoir moins de temps et faire ce que je suis censé faire [rires]. Je pense que nous avons utilisé le temps très intelligemment durant l’année et demie passée. Nous avons fait deux albums et j’ai beaucoup apprécié, mais nous venons d’annuler notre tournée aujourd’hui, donc on dirait bien que nous aurons encore un peu de temps en plus.

Nick : Le prochain album de Kadavar va arriver plus tôt que prévu !

Lupus : Oui, nous allons sans doute nous revoir dans deux semaines. J’en ai tellement marre ! Je suis assis là et je joue tous les jours. Si nous ne repartons pas sur les routes, nous aurons bientôt une autre discussion sur un nouvel album. Donc tout le monde devrait se faire vacciner s’ils ne veulent pas que j’écrive un autre album, peut-être que ça marchera. Si vous voulez que j’arrête, vaccinez-vous [rires].

Interview réalisée par téléphone le 24 novembre 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel d’Elder : beholdtheelder.com
Site officiel de Kadavar : www.kadavar.com

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