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Interview   

Electric Boys suit son cœur


Parfois, on ne peut être mieux servi que par soi-même. C’est en suivant cet adage, et suite aux manquements subis par le pourtant excellent Starflight United (2014), qu’Electric Boys s’est lancé dans l’aventure du financement participatif afin de se rapprocher de ses fans et de leur délivrer The Ghost Ward Diaries, leur sixième opus et troisième depuis la reformation du groupe en 2009.

Plus coloré et varié que jamais, mais respectant dans les grandes lignes le style inimitable des Suédois, à savoir un hard rock groovy voire parfois funky aux quelques touches de psychédélisme, l’opus est l’œuvre d’un Electric Boys toujours au top de sa forme, authentique, se laissant emporter par ses envies versatiles, même si cela pourra parfois légèrement dérouter les fans de la première heure. Espérons que la vague classic rock qui déferle depuis quelque temps profitera à The Ghost Ward Diaries et lèvera la confidentialité sur une des formations les plus talentueuses du style… et ce depuis trente ans ! Nous en discutons avec Conny Bloom, chanteur, guitariste et compositeur du groupe.

« A titre personnel, il y a beaucoup d’angoisse, d’anxiété dans la conception d’un album. Tu commences toujours avec un super feeling et en étant surexcité à l’idée de faire un album fantastique, mais ensuite, parfois, au milieu de l’enregistrement, tout commence à sonner comme de la merde [petits rires], et tu commences à remettre en question les choses : “Oh, merde, ça ne va jamais aboutir, toutes les chansons sont vraiment mauvaises…” [Rires] »

Radio Metal : Tout d’abord, on dirait que votre précédent album, Starflight United, a souffert d’un manque de promotion et distribution. Pour tout dire, à titre personnel, c’était probablement l’album qu’il m’a été le plus difficile à me procurer : il m’a fallu bien un an pour enfin mettre la main dessus pour environ le double du prix d’un album normal. Du côté du groupe, aviez-vous conscience de ces problèmes ?

Conny Bloom (chant & guitare) : Oh merde. Oui, bien sûr ! La pire chose qui puisse arriver est qu’on passe des heures et des heures, enfin, on parle de mois, à composer et enregistrer un album, pour que lorsqu’il est fini, il ne bénéficie pas d’une distribution convenable. Pour nous aussi ça craint vraiment, et c’est pourquoi nous avons désormais une autre organisation en travaillant avec Target Music au Danemark et plein d’autres de leurs connexions à travers le monde. C’est donc une bien meilleure configuration maintenant. Je déteste l’idée de créer de la musique qui n’atteint pas les gens qui veulent vraiment l’acheter ! Je ne veux pas accuser quiconque, mais nous avions un label quand nous avons fait Starflight United et nous en avions un autre pour l’album avant ça, And Them Boys Done Swang… Je ne sais pas qui porte la faute, mais comme je l’ai dit, si nous sortons un album, tout ce que nous voulons, c’est le sortir dans le plus d’endroits possible et ensuite partir sur la route et tourner. C’est donc malheureux.

Est-ce à cause de ces lacunes que vous avez décidé de prendre les choses en main et de lancer une campagne de financement participatif pour The Ghost Ward Diaries ?

Ouais, c’est assurément une des raisons mais j’ai aussi le sentiment que Plegde Music est quelque chose de sympa pour les fans, car on peut obtenir des extras, comme avoir son nom dans les remerciements de l’album, par exemple, des trucs marrants comme ça, ou si on veut profiter d’un cours de guitare sur Skype, on peut l’obtenir. C’est donc une interaction plus directe entre le groupe et les fans, ce qui est amusant. Aussi, évidemment, il y a l’aspect financier : quand on est sur une maison de disques, un fort pourcentage des ventes vont dans cette maison de disques. Donc, avec un peu chance, quand on fait une campagne Pledge, qu’elle marche assez bien et que plein de gens acquièrent l’album, alors au final, on peut soi-même voir la couleur de l’argent, ce qui évidement nous permet d’investir davantage dans les shows et d’améliorer les choses.

Penses-tu que ce soit plus adapté comme fonctionnement aujourd’hui pour des groupes comme Electric Boys ?

Oui, je le pense, mais c’est aussi adapté à plein de groupes. Tant que le groupe en question a une communauté qui le suit, il y a toujours cette possibilité. Nous sommes loin d’être le seul groupe à y avoir recours. Plein de gros groupes y ont recours d’ailleurs – je sais que Def Leppard y a eu recours, Megadeth aussi, The Darkness, plein d’autres groupes –, jusqu’à des groupes de notre niveau. Mais bien sûr, il faut déjà avoir un certain nombre de gens qui te suivent, afin de prendre contact avec eux, que ce soit sur Facebook ou via des newsletters. C’est le prérequis, mais si effectivement tu as une bonne communauté de fans, c’est une option.

Au final, comment a été cette campagne pour vous ? Les gens ont-ils été réceptifs ?

Ouais, ça s’est très bien passé ! Les derniers objets sont en train d’être envoyés en ce moment, à peu près tout a été signé, etc. C’est une période très excitante. Les gens vont enfin recevoir ce qu’ils ont commandé et c’est bien pour nous de voir que nous pouvons refermer la porte là-dessus et sortir l’album. La date de sortie officielle est le 23 novembre mais les Pledgers l’auront avant.

Tu as déclaré que The Ghost Ward Diaries « était l’album le plus facile à enregistrer depuis la reformation ». D’ailleurs tu as récemment dit que tu « adore[s] faire des albums mais [que tu] déteste[s] les faire aussi ». Du coup, qu’est-ce qui a fait que c’était plus facile cette fois ?

A titre personnel, il y a beaucoup d’angoisse, d’anxiété dans la conception d’un album. Tu commences toujours avec un super feeling et en étant surexcité à l’idée de faire un album fantastique, mais ensuite, parfois, au milieu de l’enregistrement, tout commence à sonner comme de la merde [petits rires], et tu commences à remettre en question les choses : « Oh, merde, ça ne va jamais aboutir, toutes les chansons sont vraiment mauvaises… » [Rires] Et ensuite, un petit overdub ou quelque chose, tout d’un coup, te fait dire : « Hmm, c’est pas mal. » Et puis doucement, ça revient, et au final, en général quand tu as fini le mix et que tu sors l’album, tu es content. Mais c’est un long processus ; ce sont vraiment des montagnes russes. Mais cette fois, je n’ai jamais été dans une situation d’inquiétude aussi profonde, c’était assez fluide. Et bien sûr, David Castillo, qui était le producteur, nous a beaucoup aidés avec ça. Mais je pense que ça fait partie du processus artistique, si je puis dire ainsi : il faut être critique et se remettre en question, pour finalement faire quelque chose de bien. Le mauvais vient avec le bon, pour ainsi dire. Mais il y avait plus de bon que de mauvais cette fois.

Tu parles de David Castillo, qu’est-ce qu’il a apporté à Electric Boys dans ce processus ?

Tout d’abord, c’est un mec très gentil et sympa, c’était donc facile de traîner avec lui. En fait, je ne le connaissais pas avant de faire cet album. Des gens nous l’ont suggéré, j’ai été me renseigner sur lui, et j’ai découvert qu’il avait fait plein d’albums heavy, je veux dire, bien plus heavy que les nôtres, genre des trucs de heavy metal. Nous n’étions pas trop sûrs que c’était la bonne personne pour nous compte tenu de la musique qu’il avait faite par le passé, mais nous avons été le rencontrer au studio et lui avons parlé. D’abord, nous avons beaucoup aimé le studio. C’est l’un de ces studios de la vieille école, avec le matériel, les lumières, tout est comme ces studios où nous avons été pour tous nos albums par le passé. Ça nous a donc donné envie d’être ici. Ensuite, nous avons commencé à discuter davantage avec lui et il s’est avéré qu’il est très varié dans ses goûts, il aime plein de musiques différentes. Il est lui-même guitariste, et quand je lui ai demandé qui était son guitariste préféré, j’ai cru qu’il allait me citer un metalleux, mais il a dit David Gilmour de Pink Floyd. Nous avons donc beaucoup en commun. Il est aussi venu voir un de nos concerts à Stockholm et est revenu nous voir après pour nous dire qu’il aimait beaucoup notre son live en tant que tel, pour ainsi dire. Il a dit : « J’ai une idée pour que ce son fonctionne sur un album. » Puis nous avons décidé : « D’accord, tentons le coup. »

« Il y a tellement de musique et de choses qui se passent en permanence sur les réseaux sociaux que dès que quelque chose devient un petit peu prévisible, les gens perdent intérêt et sautent sur autre chose. Je préfère avoir un album avec plein de couleurs et teintes différentes que de rester trop prudent. »

Quand vous vous êtes reformés et avez sorti And Them Boys Done Swang, vous étiez très fidèles à ce que les gens attendaient d’Electric Boys, puis vous avez poussé le bouchon plus loin avec le très funky Starflight United. Mais cette fois, seules deux ou trois chansons sont dans cette veine groovy/funky. Tu as toi-même dit que cet album était « loin d’être prévisible ». Pourquoi avoir décidé d’ouvrir et diversifier encore plus votre son cette fois ?

C’est exactement ce que tu disais : parce que nous avions fait ces deux albums récemment qui sonnaient plus comme ce à quoi les gens pourraient s’attendre, nous trouvions que c’était le moment de ne pas nous limiter, au moins. Au contraire, l’idée était d’essayer d’être ouverts à la nouveauté. Ce que nous avons fait est que nous avons rassemblé toutes les chansons qui étaient écrites et qui nous paraissent être de bonnes chansons, et nous avons choisi les meilleures. Même pour les chansons qui ne sonnaient pas comme des chansons typiques d’Electric Boys, nous nous disions : « Merde, ça pourrait être un single ! » Puis nous avons dit : « Voyons comment on peut faire pour que ça fonctionne et comment ça sonnerait si on le joue et le chante. » Bien sûr, la plupart des chansons, voire toutes les chansons de l’album, même si elles ne sonnent pas si prévisibles, sonnent quand même comme nous, parce que c’est nous qui jouons et chantons. Je pense que nous avons abordé ça un peu plus comme… Enfin, prends des artistes comme l’un de mes préférés, David Bowies, ou même Les Beatles, Queen et tous ces groupes que j’ai toujours aimés, ils ont toujours avancé et fait des choses différentes. Je ne crois pas que nous ayons fait un tel album avant mais ça paraît plus rafraîchissant et amusant, c’est plus stimulant de travailler comme ça désormais, je trouve. On verra ce qui arrivera avec cet album. Parfois j’ai l’impression qu’il est très différent mais, d’un autre côté, d’autres gens m’ont dit : « Non, il n’est pas différent ! Il sonne comme vous. » Donc je ne sais vraiment pas comment les gens vont le prendre. Tout ce que je sais est que les chroniques que nous avons eues jusqu’ici ont été très bonnes. J’espère juste que nos fans, évidemment, l’aimeront, mais peut-être que certains diront : « Oh, ce n’est pas aussi funky. » Mais ce n’est pas un souci si à la fois nous gagnons de nouveaux fans. Mais il faut suivre son cœur, c’est ce qu’il faut retenir. Ces chansons sont celles que nous avons écrites et trouvions être les meilleures que nous pouvions faire sur le moment. Et qui sait ? Le prochain album pourrait être super funky, ou super heavy, on ne peut pas savoir ! Mais il faut suivre son cœur. Ce qu’on ressent être le mieux est ce pour quoi on devrait opter.

Avez-vous eu peur à un moment donné de vous enfermer dans une formule ou un style ?

Pas cette fois, mais avant j’ai trouvé que… Comme avec And Them Boys Done Swang, le premier album quand nous nous sommes reformés, nous avons vraiment essayé de le faire sonner comme nous, exprès, afin que les gens ne soient pas déçus, pour ainsi dire. Et le suivant, je ne me souviens plus quel était notre état d’esprit mais c’était un peu la même chose, j’imagine. Je ne sais pas, ça paraît être une progression naturelle. Je pense que ça continuera comme ça : nous écrirons des chansons et mettrons les meilleurs trucs sur album. Je pense aussi qu’il y a tellement de musique et de choses qui se passent en permanence sur les réseaux sociaux que dès que quelque chose devient un petit peu prévisible, les gens perdent intérêt et sautent sur autre chose. Je veux dire que je préfère avoir un album avec plein de couleurs et teintes différentes que de rester trop prudent.

On dirait presque que cet album est aux deux précédents ce que Freewheelin’ était aux deux premiers, dans la mesure où déjà à l’époque vous aviez diversifié votre son pour aller dans un genre de heavy rock années 70, avec moins de funk. Dresserais-tu un parallèle entre The Ghost Ward Diaries et Freewheelin’ ?

Ouais, mais il y a une grosse différence et c’est qu’avec Freewheelin’, c’était une décision consciente que nous avions prise : nous voulions faire un album qui serait plus heavy et nous éloigner du funk, car plein de groupes en faisaient à l’époque et ça commençait à m’ennuyer. Cette fois, comme je l’ai dit, nous avons juste rassemblé toutes les chansons que nous avions et avons choisi les meilleures. Ce n’était donc pas une décision de faire un album qui sonnerait comme ça. C’est plus que nous avons laissé les chansons nous montrer le chemin pour aboutir à ce que cet album allait devenir.

L’album contient une instrumentale intitulée « Swampmotofrog ». Vous aviez déjà une instrumentale, « March Of The Spirit », clôturant Groovus Maximus, et une autre, « 59 High Mountain St. », clôturant cette fois Starflight United. Mais ici, l’instrumental est en plein milieu de l’album…

C’est une histoire marrante parce que je suis tombé sur Mikkey Dee après le split de Motörhead. C’est un gars très sociable et tout le monde par ici le connaît plus ou moins, il est toujours à traîner dehors. Quand je suis tombé sur lui, il a dit : « Qu’est-ce que tu fais en ce moment ? Peut-être qu’on devrait monter un groupe ensemble, un genre de trio, et faire des concerts. » J’étais là : « Ouais, ce serait marrant ! Mais qu’est-ce qu’on va faire ? » Il a dit : « Je n’en ai aucune idée ! » [Petits rires] Evidemment, je suppose qu’il voulait juste faire de la musique après la mort de Lemmy et tout. Donc j’ai dit : « Restons en contact. » Et puis, j’ai trouvé deux ou trois riffs en ayant ça en tête. Je les ai enregistrés dans mon mémo vocal, et je me souviens en avoir appelé un « Swampmotofrog ». Je n’avais aucune idée d’où c’était venu mais il fallait bien que je lui donne un nom [rires]. C’était dans mon téléphone. Et ensuite, quand j’ai regardé dans mes mémos vocaux, dans le but de faire des chansons pour l’album d’Electric Boys, j’ai trouvé ça et j’ai pensé : « Oh, j’aime bien ce riff ! » Et c’est devenu la chanson « Swampmotofrog ». Avec Mikkey, nous n’avons finalement, grosso modo, rien fait parce qu’il n’y avait pas de vraie idée derrière et puis, bien sûr, il a eu le poste au sein de Scorpions, ce qui est super pour lui. Mais c’était une bonne discussion parce que quelques idées de chansons en sont ressorties.

N’as-tu pas songé à l’inviter à jouer sur la chanson ?

Non, car il est trop occupé, et je savais que Niklas la jouerait super bien.

« J’ai toujours l’impression que les gens aiment le bon rock quand ils ont l’occasion d’en entendre. […] En tout cas en Suède, il y a un écart entre les gens qui diffusent la musique et ceux qui l’écoutent ; je parle de la radio et de la télévision. Les gens ne sont pas exposés au rock autant qu’ils le devraient. »

Une des autres surprises de l’album est aussi l’outro horrifique inattendue de « One Of The Fallen Angels », la dernière chanson de l’album.

C’est un peu la bande-son de ce que je ressens en plein milieu d’un enregistrement [rires]. L’idée de cette dernière chanson, l’idée du riff principal vient du bassiste, et ensuite j’ai écrit les paroles et une mélodie de refrain. Je crois que pour la fin, il avait cette partie de basse [il chante la partie] mais elle était au milieu de la chanson, et c’était tellement étrange que nous n’arrivions pas à bien l’intégrer à cet endroit. Au final, nous avons décidé que ça pourrait marcher si nous mettions une extension après la chanson. Et c’est là que nous avons réalisé que ça pourrait faire une fin pour l’album. C’était amusant à faire, ceci dit. Nous avons essayé de mettre toutes sortes de trucs là-dedans qui sonneraient flippants et donneraient l’impression de vivre un de ces cauchemars fiévreux [petits rires].

Cet effet de seconde fin peut un peu rappeler « Sleeping In The World’s Smallest Bed », qui avait également recours à ce procédé…

Oh, c’est vrai. Ça fait un moment que je n’ai pas entendu cette chanson mais je vois ce que tu veux dire. Parfois tu trouves un truc que tu ne peux pas placer au milieu parce qu’alors tu n’arrives pas à retrouver ton chemin pour revenir à la chanson [petits rires], car ça part trop loin. Dans ce cas, la solution serait de le mettre à la fin.

Sur la plupart des albums d’Electric Boys, l’illustration représente le groupe, à l’exception de Groovus Maximus et Starflight United. Est-ce parce que c’est important pour vous d’associer vos visages à la musique, de mettre en avant le côté humain ?

Il n’y a pas de profonde réflexion derrière tout ça. Nous avons fait un shooting photo avec le groupe et, ensuite, nous avons simplement trouvé que certaines des photos étaient vraiment bonnes. J’ai demandé à mon ami Charlie, qui a fait un certain nombre de nos pochettes, à quoi ça ressemblerait si on ajoutait des couleurs et faisait quelques modifications. J’aime beaucoup l’esthétique de cette pochette. En fait, je trouve que c’est vraiment une super illustration, j’en suis très fier. C’est probablement une des meilleures illustrations que nous ayons eues, de mon point de vue. J’aime les illustrations sur lesquelles les groupes apparaissent, et d’autres sans les groupes. Il n’y a aucun plan ou quoi là-derrière.

Tu as déclaré que tu aimes « les riffs de guitare, les grosses accroches et les grooves heavy, joués sur des instruments analogiques. J’imagine qu’on appellerait ça du classic rock. » Es-tu attaché à ce côté analogique et organique du rock ?

Nous employons plein de trucs digitaux, évidemment. Je veux dire que c’est aussi d’une grande aide quand on édite des choses. La plupart des gens travaillent sur ordinateur et ils seraient fous de vouloir s’en passer, parce que ça va tellement plus vite. Mais nous aimons le son de l’analogique, et il y a aussi plein d’effets et programmes qui permettent de sonner analogique, même si c’est digital. Et ceux-ci sont tellement bons de nos jours que si tu demandais à n’importe qui dans la rue, ils n’auraient aucune chance de faire la différence. Je ne suis pas geek du son. Si ça sonne bien, alors c’est bien. Le plus important est toujours la musique elle-même, la prestation et la mélodie. Il y a de grands albums que n’ont pas de super productions, et pourtant on les adore quand même, car ils sont géniaux. Mais oui, j’aime l’idée de l’analogique, ce joli son humain et chaleureux. Je n’aime pas la musique qui sonne comme un ordinateur. J’aime entendre que ce sont des gens qui jouent de leur instrument.

C’est d’ailleurs une forme de musique qui a regagné beaucoup de popularité ces dernières années, avec des groupes comme Rival Sons, Blues Pills ou Greta Van Fleet. Penses-tu que ça a manqué aux gens ?

Oui, je le pense. Je ne sais pas comment ça se passe dans votre pays, mais en Suède, il n’y a quasi aucune radio rock. Il n’y a que quelques stations et le reste diffuse un paquet d’autres musiques. J’ai toujours l’impression que les gens aiment le bon rock quand ils ont l’occasion d’en entendre. C’est comme mes enfants, par exemple : mon fils a quinze ans, ma fille vingt, je n’ai jamais essayé de les forcer à écouter quoi que ce soit, et d’ailleurs je ne joue pas beaucoup de musique à la maison. Ils écoutent beaucoup de musique quand ils jouent aux jeux vidéo et ce genre de choses, mais je me suis rendu compte qu’ils écoutaient énormément de musiques différentes. Mon fils peut écouter de la techno, Swedish House Mafia et des trucs comme ça, et il est passé par plein de choses différentes, et puis tout d’un coup, il va se poser et kiffer à fond du Black Sabbath, AC/DC ou Metallica. J’ai toujours l’impression que le rock et le hard rock, c’est quelque chose qui vient des tripes. Donc si les gens entendent ce type de musique, et que c’est bien joué et avec attitude, alors la plupart d’entre eux aiment vraiment, justement en raison de ce côté instinctif. En tout cas en Suède, il y a un écart entre les gens qui diffusent la musique et ceux qui l’écoutent ; je parle de la radio et de la télévision. Les gens ne sont pas exposés au rock autant qu’ils le devraient, je trouve. Mais comme tu l’as dit, des groupes comme Greta Van Fleet, en l’occurrence, parce qu’ils sont jeunes et qu’ils attirent un jeune public, peut-être que ça ouvre des portes, et les gens se disent : « Oh, donc tout le monde dit que ça sonne comme Led Zeppelin, peut-être que je devrais y jeter une oreille. » Et s’ils aiment Led Zeppelin, il se peut qu’ils commencent à écouter aussi d’autres groupes et finissent par tomber sur des groupes comme Electric boys. Ça pourrait être une bonne chose. Mais tout tourne en rond, donc ça ne me surprend pas. Les gens disent : « Le classic rock revient ! » [Petits rires] Je suis là : « Evidemment ! Ce n’est qu’une question de temps. »

Durant la campagne Pledge, vous avez sorti deux singles : « Dishes » et « Suffer », mais aucune de ces deux chansons n’apparaît sur l’album. Pourquoi ne pas les avoir incluses ?

C’était simplement parce que nous avions plus de chansons. Vu qu’elles étaient déjà sorties, nous nous sommes dit qu’au lieu de gaspiller… Bon, non pas gaspiller [petits rires], mais vu qu’elles étaient sorties, ça aurait été un peu étrange de les ressortir. Donc nous avons pensé que nous pouvions utiliser cet espace dans l’album pour ajouter d’autres chansons à la place. C’est comme en offrir plus pour le même prix. Mais il y avait une autre raison, car c’était un autre producteur qui a fait ces morceaux et nous pensions que si elles devaient apparaître sur l’album, il faudrait probablement les remixer. Donc nous avons tous trouvé que c’était mieux d’utiliser ce temps en studio – vu que nous payions David – à mixer de nouvelles choses. Nous préférions le payer pour faire ça plutôt que pour revenir sur quelque chose qui était déjà sorti et le changer.

« Je suis moins rigide maintenant, j’aime travailler avec d’autres gens et voir ce qui en ressort, donc c’est quelque chose que je dirais au jeune moi : “Ecoute, prends des conseils, peut-être y a-t-il autre chose venant de quelqu’un qui pourrait t’aider.” »

« Dishes » parle de ne plus vouloir faire la vaisselle, renvoyant à lorsque tu étais jeune, la tête pleine de rêves rock n’ roll…

Oui, dans cette chanson, je repense à mon adolescence et à l’époque où j’allais à l’école, et quand j’ai découvert le rock, quand j’ai entendu « The Ballroom Blitz » de Sweet et l’album Killer d’Alice Cooper quand j’avais neuf ans. Evidemment, ma vie a changé après ça. Je n’avais que ça en tête quand j’étais à l’école, je n’arrivais pas à me concentrer sur les cours, tout ce que je voulais, c’était rentrer à la maison juste après l’école, jouer de la guitare et écouter ces albums. C’est ce sentiment de vouloir dégager et ne travailler pour personne d’autre, juste faire mon rock n’ roll, en gros.

Qu’est-ce que le jeune Conny Bloom penserait du vieux Conny Bloom ?

[Rires] Oh merde ! [Réfléchit] Je n’en ai aucune idée !

Alors, inversement, qu’est-ce que le vieux Conny Bloom dirait au jeune Conny Bloom ?

[Rires] C’est facile. [Réfléchit] Si j’avais l’occasion de parler au jeune Conny Bloom, je dirais… Tu vois, quand tu es plus jeune – ou au moins quand j’étais plus jeune – et que tu écris des chansons, ce sont comme tes enfants, tu veux que personne n’interfère avec eux, c’est bien sûr très important pour toi. Je suis moins rigide maintenant, j’aime travailler avec d’autres gens et voir ce qui en ressort, donc c’est quelque chose que je dirais au jeune moi : « Ecoute, prends des conseils, peut-être y a-t-il autre chose venant de quelqu’un qui pourrait t’aider. » Je ne sais pas, c’est à ça que je pense. J’étais toujours très focalisé sur la musique. Donc, de mon point de vue, j’ai rapidement progressé. J’ai commencé à jouer à l’âge de onze ans. Quand j’avais quatorze ans, j’avais un groupe, et Andy, le bassiste, et moi nous sommes rencontrés à l’école, donc j’ai commencé à jouer avec lui peu de temps après. J’ai commencé à tourner assez tôt, à mon adolescence. Ce n’est pas comme si je voulais changer quoi que ce soit. Ça a été une belle aventure, en fait.

Tu viens de dire que tu conseillerais au jeune Conny Bloom d’être plus à l’écoute : est-ce que ça signifie que tu étais égocentrique à l’époque ?

Ouais ! J’avais peur de laisser quelqu’un venir et changer les choses. Tous les compositeurs, artistes ou chanteurs ont une forme d’ego, c’est nécessaire parce que c’est comme ça que ça fonctionne, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas être humble et se soucier des gens. Le terme « ego » a l’air d’être négatif, mais tout le monde en a besoin d’un peu, autrement on se fait bouffer. En l’occurrence, le fait de travailler avec des producteurs, c’est quelque chose que j’apprécie bien mieux aujourd’hui. S’ils viennent et disent « non, je pense que tu devrais changer ça. Je pense qu’on devrait faire plutôt comme ci et ça », c’est un challenge et c’est amusant d’essayer. Le jeune moi aurait dit : « Non, c’est bien comme ça », en étant très protecteur.

A propos de l’album, tu as déclaré que, « au niveau textes, c’est un peu plus sombre qu’avant ; c’est un genre de journal intime sur la vie sur la route et les galères ». Dirais-tu que le mode de vie rock n’ roll, et la vie sur la route, ce n’est pas aussi marrant et glamour que les gens peuvent le penser ?

Absolument. Evidemment, c’est amusant mais le côté amusant, c’est principalement la musique. On passe beaucoup d’heures soit à ne rien faire, soit à travailler en répondant à des mails, à faire des interviews ou autre. Mais le temps qu’on passe à vraiment jouer de la musique, qui est la raison pour laquelle on part sur les routes, c’est très peu. Ce ne sont que ces quelques heures chaque soir ; enfin, c’est chaque soir si on a de la chance. Pour les paroles des chansons, c’est difficile à dire, parfois on peut écrire un texte inspiré par quelque chose qui s’est produit mais on peut aussi écrire un texte inspiré par plein de choses différentes, renvoyant à une émotion qu’on a ressentie et qui n’a peut-être pas forcément une historie spécifique derrière. Je suppose que c’est aussi un petit peu plus intéressant d’écrire des chansons qui ont un sens un peu plus profond ou quelque chose qui soit un peu plus sombre que simplement : « Hey, buvons une bière et faisons l’amour », ou peu importe. En fait, je ne parle pas tellement de mes textes, parce que j’ai remarqué au fil des années que les gens entendent ce qu’ils veulent, quand ils écoutent les paroles. Je peux avoir une idée de quoi parle une chanson, et puis quelqu’un d’autre écoute et dit : « J’adore cette chanson parce que ça parle de ci et ça ! » Et je suis là : « Euh ? » [Petits rires] Je trouve que c’est ça la beauté des textes, et de l’art en général, le fait que les gens peuvent s’y identifier de différentes manières. Une fois que l’album est sorti, je préfère largement laisser les gens écouter les chansons, se faire leur propre opinion et penser ce qu’ils en pensent avant de commencer à leur dire quoi en penser, pour ainsi dire. C’est plus amusant ainsi. Mais la vie est faite de hauts et de bas, parfois on se sent super bien, parfois on se sent comme une merde, parfois on est déprimé, triste ou peu importe. Je suppose que c’est à propos de ces choses que j’écris.

Est-ce que le fait de te remémorer ce que vous avez traversé t’aide à chérir ce que tu as aujourd’hui, avec le groupe ?

Je ne sais pas, peut-être. [Réfléchit] Je suppose que ça peut faire du bien de l’écrire si on a traversé des choses qui n’étaient pas très plaisantes ou autre, ça peut aider d’en parler et de l’écrire comme ça. Je ne sais pas vraiment [petits rires]. Parfois, on pourrait probablement s’attendre à ce que je sache ces choses, mais ça se fait naturellement, tu écris de la musique et des textes, et c’est difficile de dire pourquoi certaines choses ressortent et pourquoi d’autres non. Au bout du compte, je fais quand même de la musique. La chose la plus importante est que ça devienne, de mon point vue, une bonne chanson.

« Tous les compositeurs, artistes ou chanteurs ont une forme d’ego, c’est nécessaire parce que c’est comme ça que ça fonctionne, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas être humble et se soucier des gens. Le terme “ego” a l’air d’être négatif, mais tout le monde en a besoin d’un peu, autrement on se fait bouffer. »

La chanson « Gone, Gone, Gone » est très émotionnelle et paraît très nostalgique. As-tu beaucoup de nostalgie en toi ?

Pas du tout, mais c’est un bon exemple de la manière dont les gens peuvent aborder la musique. Cette chanson parle d’un ami à nous qui est décédé il y a quelques années. C’était un saxophoniste et il a, en l’occurrence, joué sur Starflight United. Je crois qu’il est mort un mois après avoir été en studio avec nous. Ça parle donc de lui, mais si tu ne sais pas que ça parle de lui, alors il se peut que tu voies ça autrement, ou ça peut te rappeler une autre musique ou autre chose du passé. Mais en fait ça parle de lui.

En regardant le line-up du groupe, ainsi que les photos promo, on se rend compte que vous avez désormais deux batteurs, le membre originel Niklas Sigevall et puis Jolle Atlagic. Comment ça se fait ?

Nous adorons la batterie ! [Rires] Le truc, c’est que notre batteur originel, Niklas, vit à Los Angeles, et le reste d’entre nous vit en Suède. Donc nous ne pouvions tout simplement pas nous permettre de le faire venir en avion pour seulement un concert par-ci par-là. Il peut faire des tournées mais pas des concerts isolés, ça finit par nous coûter trop cher au bout d’un moment. Et Jolle était le dernier batteur a avoir joué dans Hanoi Rocks quand j’étais dans le groupe, ainsi que notre bassiste, et eux deux avaient une très bonne connexion au niveau de leur jeu. C’était donc naturel pour nous de décider de lui demander s’il voulait nous rejoindre et faire quelques concerts avec nous. Et ça a très bien fonctionné, c’était très simple. Les deux se respectent. Je veux dire que Niklas est content que Jolle soit là, parce que lui ne peut pas, car il veut que le groupe avance, et Jolle a toujours admiré Niklas car c’était un grand fan du groupe depuis les vieux albums et il aime le style de jeu de Niklas. Ça se passe vraiment bien. Ce serait marrant que les deux montent sur scène en même temps, à un moment donné.

Pourquoi était-ce si important que Niklas reste malgré tout dans le groupe, de ne pas le remplacer et se retrouver donc avec deux batteurs ?

Niklas est vraiment unique, de par son caractère, en tant que mec, en tant qu’ami, mais aussi en tant que batteur. C’est le batteur le plus proche de John Bonham en termes de style que je connaisse. Il a un feeling extraordinaire. Ça ne serait pas la même chose sans lui. Enfin, s’il ne voulait pas jouer, nous continuerions quand même, j’imagine, mais tant qu’il voudra jouer, il sera dans le groupe. C’est certain.

Du coup, qui a joué sur l’album ?

Les deux. C’est Jolle qui a joué sur « Dishes » et « Suffer ». Donc, à cause de ça, ça semblait être bien que Niklas fasse plus de chansons sur l’album. Niklas en a probablement joué sept et Jolle trois, je crois.

N’avez-vous pas songé à faire une chanson à deux batteurs ?

Ouais, ça m’a traversé l’esprit. Ce serait amusant d’essayer ou au moins le faire en live à un moment donné.

Tu as mentionné le fait que Niklas vit à Los Angeles : est-ce quelque chose que tu as toi-même, pour ta propre carrière, envisagé, le fait de déménager là-bas ? Car c’est quelque chose que beaucoup de musiciens ont fait.

Il y avait toujours des discussions à ce sujet dans le temps, mais nous étions de toute façon déjà tellement souvent là-bas, à répéter, et puis nous avons été à Vancouver avec Bob Rock pour enregistrer… Donc nous avions l’impression d’être déjà très souvent à Los Angeles. Et puis il y avait aussi le fait que dans les années 80, il y avait tout ce mouvement de Sunset Strip, avec tous ces groupes. Je pense que nous avons eu les retours que nous avons eus sur notre premier album parce que nous n’étions pas mêlés à ça, pour ainsi dire. Nous regardions cette scène avec un regard de spectateur extérieur, et nous avions une approche différente de la musique. C’est donc ce que les gens ressentaient quand ils entendaient notre album, ils trouvaient que nous sonnions différents à l’époque. J’imagine que si nous avions été basés à Sunset Strip, à cette époque, peut-être que nous n’aurions pas eu ce son d’Electric Boys que nous avons fini par avoir. Je ne fais que supposer, je ne sais pas, mais c’est ce que je ressens. Donc, je me disais un peu qu’après avoir été en Amérique et avoir tourné là-bas, c’était toujours bien de revenir à Stockholm, afin de recharger les batteries et de rester dans notre propre bulle, pour ainsi dire. Mais j’adore Los Angeles, tout comme j’adore Londres… Evidemment, il y a des endroits où il serait marrant d’aller mais on peut y aller quand on en a envie, pour y traîner quelques semaines et s’imprégner de l’atmosphère. On n’est pas obligé d’y déménager, je pense, surtout de nos jours, le monde est tellement petit avec internet, de toute façon.

Interview réalisée par téléphone le 7 novembre 2018 par Nicolas Gricourt.
Transcription : Adrien Cabiran & Nicolas Gricourt
Traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel d’Electric Boys : www.electricboys.com

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