Dans le domaine du hard rock, il est difficile d’occulter les Suédois d’Electric Boys lorsqu’il s’agit d’évoquer les groupes les plus atypiques, notamment en matière de mélange des styles musicaux. À la différence de nombre de groupes au cachet « vintage », Electric Boys ne se contente pas de calquer sa musique sur un souvenir enchanté des seventies. Il la mêle habilement avec des corps étrangers tels que le funk, la folk ou la pop ; il se libère du dogme pour accroître sa créativité. Le groupe officie depuis 1988 et a acquis un statut culte, justement par cette capacité à syncrétiser, porté par l’écriture et le charisme de Conny Bloom. La pandémie n’a pas vraiment altéré les plans d’Electric Boys, elle l’a au contraire inspiré pour élaborer les thématiques de son septième album intitulé Ups!de Down. Electric Boys cherche à s’insurger contre les défaillances de notre société mises en exergue par la crise sanitaire, notamment le déferlement de haine systématique qui s’exprime à travers les réseaux sociaux et le chaos créé par l’afflux d’informations douteuses et d’opinions instantanées. Ups!de Down est justement explicite : tout est à revoir car tout est complètement chamboulé.
La pandémie n’a pas empêché Electric Boys d’entreprendre une session studio collective pour l’enregistrement de son album, à nouveau assisté par le producteur David Castillo. L’occasion d’accueillir le guitariste Martin « Slim » Thomander bien connu du groupe puisqu’il avait déjà officié sur l’album Freewheelin’ (1994). La véritable contrainte a été l’enregistrement de la batterie, réalisé intégralement par Jolle Atlagic puisque le batteur originel Niclas Sigevall ne pouvait pas se déplacer. Electric Boys n’a pas pour autant modifié son cahier des charges. Il se paie même le luxe d’introduire son effort par un instrumental de sept minutes, « Upside Down Theme ». Le groupe parcourt ainsi ses influences, ouvrant les débats par un rock énergique proche du stoner par ce son de guitare légèrement sourd, et atterrissant sur des accords de guitare folk qui introduisent une sorte de blues groovy et langoureux. « Upside Down Theme » a ainsi le mérite de confronter immédiatement l’auditeur avec l’univers protéiforme d’Electric Boys. « Super God » – une chanson sur le besoin d’avoir un super héros tel Superman à disposition en ce moment – renoue avec une approche moins débridée. Conny Bloom s’exprime sur un hard rock aux rythmes dansants et articulations funk, prétexte à un refrain ouvert qui fait la part belle aux accords lâchés de guitare et d’orgue Hammond. « Tumblin’ Dominoes » met quant à lui sur un piédestal la science mélodique du groupe, une sorte de rock FM qui lorgne du côté de la pop et dans une moindre mesure le glam, à l’instar de ce chœur a cappella qui ouvre le titre. Electric Boys sait se montrer fédérateur à l’envi.
Même si les touches funk et psychédéliques sont moins explicites que par le passé, au profit d’un rock allant jusqu’aux distorsions fuzzées, Ups!de Down regorge tout de même d’influences extérieures. Si « Never Again Your Slave » intègre des couplets tout juste portés par la basse, des accords de guitare trafiqués et un Conny Bloom qui sort sa plus belle voix de crooner, il ne se détache jamais vraiment de son groove fusion qui parcourt le titre. « She Never Turns Around » délaisse l’énergie pour se laisser aller à la ballade grandiloquente beatles-esque (les « na na na » en chœur sont indémodables). « The Dudes & The Dancers » mise quant à lui sur une sorte de valse-blues qui profite des arrangements ingénieux de claviers et de guitare, notamment sur sa surprenante accalmie. Et si Electric Boys peut captiver par l’aisance de ses mélodies et l’efficacité de la guitare acoustique sur l’optimiste « It’s Not The End » ou la vigueur de « Twang ‘em & Kerrang ‘em », il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il se débride. C’est la réussite d’« Interstellafella », de sa multitude d’effets « cosmiques », du phrasé accentué de Conny et de cette petite surprise idiote au terme du morceau…
Electric Boys est l’un des groupes les plus à même d’honorer le rock des seventies parce qu’il ne cherche justement pas à l’imiter. Il l’a remanié et sublimé par l’art de la fusion. Ups!de Down fait honneur à ce savoir-faire unique, peut-être plus concentré et moins déluré qu’il ne l’a été parfois, sans pour autant perdre sa singularité. Comme si Electric Boys lui-même cherchait à remettre un peu d’ordre dans un monde à l’envers.
Clip vidéo de la chanson « Super God » :
Album Ups!de Down, sortie le 30 avril 2021 via Mighty Music. Disponible à l’achat ici
Sur la pochette, j’ai cru que c’était écrit « ELECTRIC BOUSe ».
Bien vu!! en plus ça sonne bien.