Philip H. Anselmo dans tous ses états. L’ancienne icône de Pantera et frontman de Down a cette capacité à occuper la sphère médiatique, que ce soit pour ses « débordements » ou, plus souvent et heureusement, ses projets musicaux. Récemment, Philip H. Anselmo s’est illustré au sein de formations hardcore nourries de la musique underground telles que Philip H. Anselmo & The Illegals. Rien qui ne dénote vraiment avec sa carrière au sein de Pantera ou de Down. En Minor est un autre animal. Exit les guitares saturées et l’agressivité franche pour laquelle le chanteur est connu. En Minor joue sur un autre registre, une sorte de « folk gothique » délicate en apparence et pourtant sombre dans son contenu. Philip H. Anselmo est peut-être moins bas du front, pas moins puissant.
Les chansons d’En Minor puisent leur inspiration dans la vie du chanteur, et ce dès ses neuf ans, l’âge auquel il reçut sa première guitare et se mit à composer ses propres chansons, trop peu patient pour s’exercer sur celles des autres. Certaines compositions ont été réalisées au sein d’une pseudo-formation nommée Body & Blood, un regroupement de musiciens dans la maison de Philip à La Nouvelle-Orléans en 1993. Body & Blood s’apparente aux Desert Sessions de Joshua Homme. L’occasion de jammer sans plan de carrière, juste pour le plaisir de la musique et rien d’autre. Il a fallu attendre 2012 et la rencontre avec Steve Taylor (Woven Hand, 16 Horsepower) et la participation de Kevin Bond (Superjoint Ritual) pour donner vie au En Minor qui nous parvient aujourd’hui. Philip H. Anselmo s’est entouré d’un violoncelliste, d’un claviériste, d’un bassiste, d’un percussionniste et du batteur Jimmy Bower (Down, Crowbar, Superjoint Ritual, Eyehategod) pour aboutir à un total de huit musiciens afin d’enregistrer chez lui, au Nodferatu’s Lair Studio. Les premières notes de guitare acoustique de « Mausoleums » et les arrangements de cloche donnent très vite le ton. En Minor est résolument sombre, laissant la part belle au timbre rauque de Philip H. Anselmo qui arpente les terres de Johnny Cash et, dans une moindre mesure, celles de Mark Lanegan. Il y a une recherche constante de la langueur et de l’élégie. En Minor peut emprunter une direction plus rock, à l’instar de « Blue » qui rappelle les titres plus nuancés de Down tels que « Stone The Crow » avec un Phil Anselmo moins juvénile. En Minor transmet parfaitement les atmosphères de jam qui lui ont donné vie, on imagine les salles enfumées et les lumières tamisées sans forcer. Parfois Phil Anselmo force volontairement le trait : il murmure sur « On The Floor », laissant traîner sa grosse voix en accompagnant les arrangements de guitare slide et de violoncelle.
En Minor fonctionne par ce sens du spleen qui transparaît dans chaque titre. Le narrateur est déçu, désabusé, ennuyé. La ritournelle tragique de « Love Needs Love » donne le ton : « Somewhere, something is broken ». Phil prend des airs résolus et s’abandonne aux déboires. Les chœurs n’y changent rien, bien au contraire. Ils amplifient le côté tragique d’un abandon de soi. « Melancholia » honore parfaitement son titre : les arpèges de guitare ne laissent paraître aucune lumière. Ce qu’En Minor réalise parfaitement, c’est de distiller des arrangements qui évitent de se confondre dans la lourdeur. Ne serait-ce que les quelques dissonances des cordes de « Melancholia » qui viennent accrocher l’oreille. Le travail apporté aux rythmiques de « Disposable For You » et sa conclusion aux cordes sont un exemple de nuance et de délicatesse, s’accordant à merveille avec le phrasé ondulant de Philip. Même les titres en apparence plus enjoués comme « This Is Not Your Day » et son travail de percussion existent pour maudire l’existence et l’infortune avec à peine une pointe d’ironie.
En Minor n’apporte rien de résolument neuf. Il ne le souhaite aucunement. Il dévoile ses influences blues, folk, cette musicalité propre à La Nouvelle-Orléans qui ne se résume pas à sa pléthore de génies des cuivres (quoique « Warm Sharp Bath Sleep » flirte avec un côté jazzy). Il est le versant plus sombre d’un monument, puissant parce qu’il ne cherche pas à réagir au désespoir par la colère. Il l’accueille et le décrit élégamment, l’accepte avec une forme de détachement émouvant. En prenant des risques, Philip H. Anselmo rappelle que sa réputation se fonde en premier lieu sur ses talents de chanteur. Au vu de sa carrière, rien de surprenant. En Minor prouve que Philip H. Anselmo, comme toujours, est un homme des extrêmes.
Chanson « Blue » :
Album When The Cold Truth Has Worn Its Miserable Welcome Out, sortie le 4 septembre 2020 via Season Of Mist. Disponible à l’achat ici
Enfin une chronique intelligente et juste. J’ai adoré cet zlbum, Phil s’est explosé la voix, et il a trouvé un moyen de rebondir et de séduire encore. Effectivement, ca fait penser à Cash, Lanegan, un de de Steve von Till mais c’est surtout du vrai Phil H Anselmo et je trouve cela vraiment touchant pour le coup. Ca envoie plus qu’avec son projet qui a été relativement médiocre, avec les illegals, et Anselmo prouve qu’il peut être grand et respectable sans brailler. Je suis vraiment surpris et jeme suis pas gêné pourlui envoyer un message. Et ceux qui comparent EN Minor à une intro ou outro de Down sont juste cons. Cet album est un album à part entière,humble,vivant, avec un vrai univers. Et entre 2 albums de bourinaille extrême , une pause qui impose le respect. Ceux qui veulent écouter du Down n’ont qu’à écouter du Down logique. Pour moi, L’artiste Anselmo n’aurait pu faire une carrière complète sans cela. C’est logique, ça coule de source. La vie le lui a fait savoir. Tous les excès se paient et parfois très cher. La résilience permet de rester créatif avec classe. 9/10 pour ma part.
[Reply]