Considérés comme perdus et morts au combat à l’instar des héros oubliés qu’ils célébraient sur leur précédent Unsung Heroes en 2012, les membres d’Ensiferum étaient quelque peu plongés dans la torpeur, tant ce disque mitigé avait déçu de par son sérieux ralentissement du tempo, la multiplication de ballades, parfois mièvres, ou son attachement plus prononcé à un pagan plaintif. Pourtant ces composantes ne présageaient rien de mal sur le papier, mais le sentiment qui prédominait le plus à l’oreille s’avérait souvent être l’ennui. Il fut vite acquis chez Ensiferum qu’il fallait remettre de l’ordre et de la cohérence dans tout ça. Le changement se vérifie d’abord à sa pochette, puisque pour la première fois dans la carrière des Finlandais, leur fétiche guerrier viking n’apparaît plus au premier plan. Tout du moins, il semble avoir perdu son existence physique pour ne survivre plus que sous une forme astrale et ainsi veiller depuis les cieux du Valhalla sur les simples mortels. Cette symbolique de résurrection résume bien la prise de recul opérée par le groupe sur sa musique.
Sans revenir uniformément à la fougue juvénile de son premier et acclamé album éponyme de 2001, il y a bien rédemption pour Ensiferum dans ce One Man Army, en renouant grandement avec le registre rapide, nordique et élancé qu’on lui connaissait jadis. Il n’a pour autant pas renié la dimension épique et symphonique qu’il a incorporé depuis l’album From Afar (2009), qui représente à ce jour le grand tournant dans la carrière du groupe, multipliant avec succès les différentes orchestrations, les superpositions de lignes folk, de chœurs ou de pianos. Immédiatement, on sent qu’Ensiferum veut se faire pardonner du manque de vivacité qui hantait symptomatiquement son opus antérieur, car passé l’intrigante introduction montante « March Of War », « Axe Of Judgment » démarre en trombe, ou plutôt explose – le mot n’est pas vain -, et le groupe enchaîne les morceaux musclés, tels que « One Man Army » ou la chevauchée héroïque « Warrior Without A War ».
Evidemment le groupe n’échappe pas au mal qui guette désormais les formations de death-folk, à savoir parfois un certain sentiment de redondance et de déjà entendu/déjà fait, bien qu’avec ce sixième effort Ensiferum a, semble-t-il, eu la volonté de se dépasser. Tout au plus, on rajoutera un petit grain de sable sur des engrenages jusque-là très (trop ?) propres en notant par exemple qu’ « Heathen Horde », au refrain diablement attrapeur, semble avoir germé sur la même branche que « Unsung Heroes », que la veine mélodique et orchestrale, par ailleurs très achalandée, chasse sur les terres de From Afar, ou encore que Finntroll, Turisas et consorts ne sont jamais très loin. Mais, en plus de quelques respirations fort bienvenues pour briser la linéarité du disque – l’interlude-ballade folk « Burden Of The Fallen » ou le pont scintillant de « Cry For The Earth Bounds » chanté au féminin -, Ensiferum se plaît également à débouler là où on ne l’attend pas et se permet même deux surprenantes expérimentations.
Car soudain, en effet, l’on retrouve niché au milieu des cavalcades de « Two Of Spades », un passage disco. Oui un gros rétro à la musique populaire des années 70. Un peu comme si l’esprit du regretté Bobby Farrell du groupe Boney M. avait enfoncé la porte de la taverne pour s’emparer de tous les convives, tous tombant la cotte de maille et le bouclier pour une veste scintillante et se contorsionnant sous une boule à facettes le temps d’un pont. De quoi désarçonner les fans purs et durs d’Ensiferum tant cet enchaînement paraissait inattendu et improbable, pourtant il semble procéder d’une bonne dose d’humour de nos Finlandais et demeure finement amené (avec, en sus, ce qui pourrait bien être un petit clin d’œil à la ligne de basse du « Another Brick In The Wall, Part 2 » de Pink Floyd). « Neito Pohjolan » qui clôture l’album surprend elle aussi, scandée en finnois par un chant féminin, rythmée d’un tambourin, de son petit accordéon, ornée d’une guitare rock des années 60 et qui reflète un certain côté western. En rupture totale avec ce qui précède mais loin d’être ridicule, et pour le commun des mortels cinéphiles, ce final à l’esprit luxuriant mais décalé pourrait aisément convenir au générique de fin d’un film de Quentin Tarantino.
Au rayon des pièces maîtresses, il reste enfin à évoquer « Descendants, Defiance, Domination », dans son approche progressive et homérique de plus de onze minutes, parfaitement représentative de la dimension épique de One Man Army, qui ne manquera pas de rappeler le folklore qui entourait la saga au long cours du « Heathen Throne » dans ses deux parties présentes sur From Afar. Une dernière preuve musicale que les Scandinaves d’Ensiferum ont su retrouver un état d’esprit et une inspiration conformes à leur statut de cador du death metal nordique aux accents folk et viking.
Voir le clip pour la chanson « One Man Army » :
Album One Man Army sortie le 20 février 2015 chez Metal Blade Records.
Cet album est AMHA une réussite totale !!!
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« Neito Pohjolan » m’intrigue du coup, j’avais deja beaucoup aimé leur petite incursion dans l’univers western avec Stold Cold Metal. Ils voudraient faire un deuxieme groupe pour explorer cet univers, que je serais pas contre…
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j’a.d.o.r.e littéralement ce groupe, ils ne m’ont jamais déçu. J’ai hâte d’écouter l’album…
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