Si Enslaved a pris racine au début du black metal norvégien – Ivar Bjørnson nous raconte d’ailleurs, avec une certaine nostalgie, son excitation au début de l’année 1992, lorsqu’il attendait dans le Helvete que Nocturno Culto apporte les premiers exemplaires d’A Blaze In The Northern Sky de Darkthrone – et a largement contribué à son âge d’or, il s’est vite démarqué de ses congénères jusqu’à emprunter une voie plus progressive inspirée de Pink Floyd. Enslaved est devenu cette passerelle musicale, avec comme fil rouge la mythologie nordique qu’il explore depuis son premier album, Vikingligr Veldi, il y a près de trente ans. Ce n’est donc pas étonnant de voir l’importance qu’a pour le groupe le mystérieux personnage d’Heimdall, gardien du Bifröst, pont entre les mondes, déjà présent en 1994 au travers de « Heimdallr », la toute première chanson composée par Ivar pour Enslaved.
C’est donc sous un effet de circularité qu’Heimdal (oui, avec un seul « l »), nouvel opus des Norvégiens, fait écho à ces premiers pas, tout en poursuivant l’évolution initiée par l’EP Caravans To The Outer Worlds sorti en 2021. C’est donc une interview à cheval entre le passé et le présent, voire également le futur, que nous proposons ci-après pour mieux comprendre l’origine, à la fois, de ce nouvel album, du groupe et du personnage d’Heimdall.
« J’ai entendu une fois un sculpteur dire que tout était déjà là et qu’il suffisait de retirer ce qui faisait obstacle à l’œuvre. C’est un peu ce que je ressens avec la musique. »
Radio Metal : Vous avez sorti l’EP Caravans To The Outer Worlds en 2021. Au-delà du fait que ça vous a permis de rester actifs et de maintenir un lien avec les fans, penses-tu que créer cette musique a été votre havre de paix ou votre échappatoire durant cette période incertaine et difficile ?
Ivar Bjørnson (guitare) : Oui, je dirais que c’était plus un havre de paix. Enfin, même un havre tout simplement. Il ne s’agissait pas tant de nous évader que de poursuivre notre voyage. Je sais que les gens ont abordé de différentes façons cette nouvelle situation très bizarre qui a touché le monde. Peut-être est-ce parce que nous sommes un vieux groupe, mais pour nous, la conclusion logique était de trouver de nouveaux moyens. Il y a toujours la solution numérique pour atteindre les fans. Nous y avons vu une opportunité de travailler différemment. C’était aussi un défi qui nous a permis de rester concentrés. Nous avons la chance d’avoir des gars dans le groupe qui gèrent un studio, comme Iver [Sandøy]. C’est là que nous avons enregistré et c’est aussi là que nous avons dès le début commencé à répéter. Nous pouvions avoir un gars dans la salle d’enregistrement pour le chant, un dans la grande salle et un dans la salle de contrôle, en étant séparés par des vitres. Nous pouvions jouer ensemble et communiquer, sans enfreindre les règles de distanciation. Pour nous, sur le plan personnel, comme pour tout le monde, c’était une période vraiment merdique, mais en tant que groupe, je pense que nous en sommes ressortis plus forts, car nous nous sommes prouvé à nous-mêmes que le piratage sur internet ne pouvait pas nous tuer, que la transition numérique ne nous avait pas tués et que certainement, le Covid-19 ne nous avait pas tués non plus. Soit dit en passant, nous avons aussi sorti l’EP en vinyle. Pour l’instant, il n’est pas prévu que nous sortions l’EP sur CD, même si j’aime aussi ce format, car c’est physique. Je préfère largement les CD et les vinyles au numérique. Or les gens n’arrêtent pas de nous demander si ça sortira en CD et je suis sûr que nous le ferons un jour. En tout, cas nous en avons pris note !
Tu as déclaré que Caravans To The Outer Worlds a été « un énorme bond en avant » pour le groupe, sachant que la biographie promotionnelle précise que « pour Enslaved, chaque étape du voyage prépare le suivant ». Peux-tu nous parler de ce « bond en avant » et nous dire comment cet EP un peu particulier a servi de tremplin pour Heimdal ?
Oui, évidemment, quand on utilise des termes comme « énorme bond en avant » et ainsi de suite, c’est très subjectif. J’aurais presque pu dire : « Un bond de géant pour Enslaved, un petit pas pour l’humanité » [rires]. Ce n’est pas comme si nous avions inventé le vaccin pour quelque chose, que nous avions marché sur la Lune ou quoi que ce soit de ce genre. Mais pour nous en tant qu’artistes, nous en sommes arrivés à un point après Utgard, en 2020, où nous avions vraiment l’impression qu’Enslaved était arrivé au bout d’une période et que nous étions prêts pour quelque chose de nouveau. La motivation était très forte dans le groupe, qui pourtant existe depuis longtemps. Deux membres venaient de partir – en bons termes, je dois dire, nous sommes toujours très bons amis avec ces gars. C’était juste une question de feeling, genre : « C’est bon, on est prêt à faire un nouveau pas en avant. »
C’est très agréable quand ça fait trois décennies qu’on fait ça et qu’on ne se sent pas fatigué, qu’on n’a pas envie de ralentir, bien au contraire. Tu te dis : « Comment peut-on travailler encore plus ? Que peut-on faire pour développer le groupe et le rentre plus intéressant pour nous et pour les gens qui nous écoutent, nous regardent lors des concerts et ainsi de suite ? » Nous avons commencé à discuter un petit peu de notre vision des avancées que nous voulions faire. Nous étions prêts avec ce line-up. Je parle encore parfois d’Ice Dale comme du petit nouveau, ce qui est vraiment stupide – il est dans le groupe depuis 2001 ! Il fait clairement partie des meubles maintenant. Håkon [Vinje] est dans le groupe depuis quelques années maintenant, cinq ans passés, bientôt une décennie. Iver, même s’il est assez nouveau dans le groupe, produit avec nous depuis 2010, et notre amitié est encore plus ancienne. Donc maintenant, nous avions l’impression d’être en phase, que nos ambitions et nos motivations étaient synchronisées, et que nous étions prêts à passer un cap. C’était donc naturel que nous fassions un EP qui irait dans ce sens.
Une chose qu’a apportée l’EP… Les petits intermèdes entre les chansons principales étaient le résultat d’une discussion qu’Iver avait amenée et qui était très intéressante. Pendant des années, nous avions des passages ambients sur tous les albums. Par exemple, sur Axioma Ethica Odini, il y avait le morceau « Axioma », c’était de la musique plus ambiante. J’avais travaillé avec les synthétiseurs et intégré certains trucs que je fais en dehors du groupe dans mon projet solo électronique BardSpec. Il était là : « Pourquoi on ne ferait pas revenir dans le groupe ce genre d’influence, ces éléments non rythmiques pas tellement metal, mais en faisant participer tout le monde au lieu de faire des breaks où tu es le seul à jouer ? » Le fait d’intégrer ça davantage dans le groupe est une part importante de l’EP, et on peut maintenant l’entendre aussi dans Heimdal. Certaines choses qui, auparavant, étaient utilisées plus pour des intros, des outros et des parties spéciales sont désormais intégrées dans la musique. En un sens, c’est peut-être une sorte de changement d’orbite. Nous continuons à faire notre truc, mais c’est étendu à un territoire plus vaste. C’était une bonne chose d’avoir fait cet EP et de nous en servir comme d’une rampe de lancement.
« Parmi les éléments centraux d’Enslaved, on trouve la tension entre l’ordre et le chaos, symbolisée par le monde des dieux, et ensuite, il y a le pont arc-en-ciel gardé par Heimdall. Il est donc vraiment au centre de cette tension et il est devenu très important pour Enslaved. »
Mais après avoir composé deux ou trois chansons pour le nouvel album, je me suis rendu compte que je voulais que l’EP fasse aussi partie de l’album. Je me disais que la chanson « Caravans To The Outer Worlds » ne devait pas être seulement sur l’EP. Elle avait le même ADN que les autres chansons de l’album. Je suis donc allé en parler à Grutle [Kjellson] et Iver, qui forment le conseil des sages dans le groupe ou qui sont peut-être parfois comme les deux vieux au balcon dans le Puppet Show, qui sont constamment en train de se plaindre [rires]. Ils connaissant extrêmement bien l’histoire de la musique, en particulier l’histoire des albums, ce qui est intéressant, je trouve. J’ai demandé : « Qu’est-ce que ça donnerait d’inclure dans l’album un morceau de l’EP dans une version légèrement nouvelle ? Est-ce que ça peut se faire ? » Ils ont trouvé plein d’exemples dans le prog des années 70 et le heavy des années 80, c’était totalement normal. C’est donc aussi devenu un petit clin d’œil à l’histoire du format album à cette ère du numérique.
La dernière fois, nous t’avions fait remarquer que les chansons d’Utgard était assez concises, mais tu avais dit que tu étais toi-même surpris de le constater. Sur Heimdal, il y a un retour à des chansons plus longues, plus mystiques et épiques, qui prennent plus de temps à s’installer et à être assimilées…
Oui, et je suis une nouvelle fois un peu surpris de la tournure des chansons sur Heimdal ! Je n’y pense pas quand je compose, mais je m’en suis aussi rendu compte après coup, je crois lorsque Grutle parlait des nouveaux morceaux à quelqu’un d’autre, avec sa façon de les décrire. Je me disais : « Il a raison, on est revenus à des structures plus progressives ! » Je ne m’y attendais pas, mais qui suis-je pour me critiquer ? [Rires]
On dirait que la musique est une expérience inconsciente pour toi, comme si ça venait d’ailleurs…
C’est effectivement ainsi que je le vis. Je pense qu’en un sens, c’est la clé pour être productif. Je n’ai rien de spécial, mais peut-être que le processus que j’ai trouvé a fait de moi quelqu’un d’assez productif. J’ai entendu une fois un sculpteur dire que tout était déjà là et qu’il suffisait de retirer ce qui faisait obstacle à l’œuvre. C’est un peu ce que je ressens avec la musique : tout est déjà là, prêt à être mis en forme et arrangé pour devenir de la musique. Disons que je me vois plus comme un artisan. La composition n’a pas plus de valeur que la pratique de l’instrument, c’est juste ma fonction dans le groupe, d’être là pour attraper la bulle quand elle remonte à la surface du lac.
Il y a de nombreuses couches, des pics et des creux, et même des surprises dans l’album. A ce propos, Grutle a dit que ce ne sont pas des choses « qu’on remarque à la première écoute, mais [que] les albums qu’il fallait creuser ont toujours été les plus attrayants pour [lui] ». Dirais-tu qu’un album d’Enslaved comme Heimdal est fait pour être exploré et qu’il doit se gagner ?
C’est très individuel. Je suis d’accord avec Grutle, certains de mes albums préférés sont ceux à travers lesquels il faut se frayer un chemin, mais je dois dire qu’il m’arrive aussi d’écouter des albums que j’adore immédiatement. J’ai aimé dès la première écoute tout ce que j’ai entendu de Pink Floyd, c’est ainsi que ma relation avec ce groupe s’est construite. Il m’arrive même d’aimer certaines des musiques les plus simples qui soient, ça peut aussi fonctionner en surface. Il y a les Motörhead et les AC/DC, et ça fonctionne différemment. Mais avec Enslaved, nous avons choisi de créer plusieurs couches et d’enrichir la musique. Si les gens veulent se concentrer et chercher de nouvelles choses, si c’est leur manière d’apprécier la musique, il n’y a absolument aucun souci. Et si, en tant que compositeur et musicien, les gens me disent qu’ils mettent le disque et se contentent de profiter, c’est très bien aussi. Chacun a le droit d’avoir sa propre approche pour apprécier la musique.
Les éléments électroniques, dark wave et krautrock sont toujours présents, mais peut-être mieux fondus dans votre son que sur Utgard, tout en ayant une musique moins rock et plus extrême/black. Est-ce parce qu’il s’agit du second album d’Håkon avec le groupe et qu’il est plus à l’aise avec ce qu’est Enslaved ?
Clairement. C’est déjà très dur de trouver sa place dans un groupe qui existe depuis aussi longtemps, mais c’est un plus gros défi encore si on veut être le claviériste d’Enslaved, car ça a toujours été un peu ma seconde casquette en studio. C’est comme ça qu’Herbrand [Larsen] a commencé dans le groupe dans le temps, il jouait en live les parties de clavier qui avaient été faites en studio, et ensuite, il est davantage devenu un claviériste à part entière. Mais dans le cas d’Håkon, c’est son instrument. Ce n’est pas moi qui en joue, tout en ayant la guitare comme instrument principal. Donc oui, il a gagné en assurance. C’est un fantastique claviériste. Maintenant, j’ai aussi recommencé à faire pas mal de trucs au clavier en live, mais plus des séquenceurs et ce genre de chose. Evidemment, mes mains sont prises, mais je peux encore faire des choses avec mes pieds. J’avais l’habitude de faire un peu ça dans les années 90 et je m’y suis remis. Je suis donc maintenant un peu une sorte de second claviériste, et nous faisons tous les deux beaucoup de choses au clavier sur l’album. Avec Håkon, je peux avoir des idées en tant que claviériste amateur, il les comprendra et il pourra les jouer. Ça a donc vraiment changé la donne d’avoir un vrai claviériste dans le groupe.
« D’après mon expérience, on passe la moitié de sa vie à chercher ce qu’on veut devenir et à le devenir, et ensuite, arrive un moment où on commence à être ce qu’on est devenu. Pour ma part, ça m’a libéré l’esprit. »
La chanson « Heimdallr », sur le tout premier album, est la première que tu aies écrite pour Enslaved. Qu’est-ce qui t’a poussé à revenir sur ce personnage mystérieux de la mythologie nordique toutes ces années après ?
Tu as parfaitement compris en parlant de personnage mystérieux. Parfois, des choses planent au-dessus nous, et on ne sait pas pourquoi, mais arrive un moment où c’est le bon moment. On dirait que ce personnage tournait autour du groupe, comme tu l’as dit, depuis le début, on le retrouvait dans les paroles. Parmi les éléments centraux d’Enslaved, on trouve la tension entre l’ordre et le chaos, symbolisée par le monde des dieux, et ensuite, il y a le pont arc-en-ciel gardé par Heimdall. Il est donc vraiment au centre de cette tension et il est devenu très important pour Enslaved. Avec Utgard, nous traversons ce pont pour aller dans l’obscurité, en quelque sorte. Je suppose que c’était naturel qu’il se rapproche encore plus de nous. C’est presque comme si on était depuis longtemps dans une pièce et, tout d’un coup, on prend conscience de la présence d’un personnage haut de trois cents mètres qu’on n’avait pas vu avant, genre : « Oh merde, le voilà ! » C’était un peu ce que nous avons ressenti après Utgard : il est maintenant temps d’entrer dans le monde d’Heimdall, car, comme tu l’as justement dit, c’est un personnage très mystérieux. Il est mentionné partout dans la mythologie, il est très central, mais aussi très contradictoire. On peut trouver plein d’informations à son sujet, mais quand on les rassemble toutes, on se demande, par exemple, qui sont vraiment les parents d’Heimdall. Il y a plusieurs allusions. L’identité de son père est peut-être le plus grand mystère. Nous avons trouvé des petits indices et nous avons commencé à suivre le fil d’Ariane. Odin est-il son père ? Ou est-ce l’inverse ? Et ainsi de suite.
C’est aussi très intéressant – en tout cas pour nous, et nous espérons pour vous aussi – de voir que dans les illustrations qui accompagnent l’album, on a des représentations, dont certaines ont été dessinées récemment, mais aussi des photos de grottes qui laissent penser qu’Heimdall aurait existé avant la mythologie nordique. Quand nous étions gamins, nous étions toujours furieux que les chrétiens aient volé Noël, car avant c’était Yule, c’était la même chose. La seule différence, c’est qu’à la place d’un arbre de Noël, on mettait le sang de son chat sur le pas de la porte, mais la mythologie viking est exactement la même. Or c’est venu des régions germaniques en remontant vers les pays nordiques où se trouvaient déjà des peuples. La culture sami avait déjà établi sa mythologie et ainsi de suite. Il y a donc un mélange, et avec le personnage d’Heimdall, j’aime beaucoup le fait qu’au lieu de simplement se l’approprier, ils ont laissé une grande partie des vieilles histoires et des mystères qui l’entouraient, même si ça n’a pas toujours du sens et que ça nous laisse pas mal d’énigmes bizarres. Nous avons donc vu ce gigantesque personnage et il a ouvert une sorte de puits sans fond, et nous avons décidé d’y descendre. Ça a été un superbe voyage. Nous ne sommes pas plus intelligents maintenant, mais nous nous sommes bien amusés !
Quels sont tes souvenirs à composer « Heimdallr » quand tu étais adolescent ?
J’étais très inspiré par ce qu’il se passait à l’époque. C’est d’ailleurs toujours le cas. Ma première source d’inspiration, ce sont les autres musiques. Je n’ai pas peur d’admettre que je suis très inspiré par le son d’autres groupes et par le jeu d’autres musiciens. J’ai juste la chance d’être capable de traduire ça dans notre propre langage musical. A l’époque, nous venions d’avoir nos instruments et nous répétions dans la chambre de Trym [Torson], là où il vivait avec sa mère. Il avait un kit de batterie metal et il était capable de jouer des blast beats. Je me souviens que, chez moi, je répétais avec un vieux synthétiseur Casio merdique et que si je programmais une boîte à rythmes qui s’appelait Country And Western au tempo maximum, ça sonnait comme du blast beat lent. J’étais assis là en train d’headbanguer et faire ces riffs. Comme tout le monde le sait, j’ai pas mal écouté Master’s Hammer et j’adore ce son majestueux, mais je voulais aussi un côté un peu cru. J’étais très inspiré par la mythologie et les images grandioses de ces dieux qui dépassent l’entendement, les guerres auxquelles ils se livrent, le danger qui guette dehors et ainsi de suite. J’ai vraiment essayé de reproduire cette idée de bataille.
Dans la mythologie nordique, Heimdall est celui qui nous emmène dans d’autres mondes : n’est-ce pas, en quelques sorte, une métaphore pour cet album et pour le groupe qui emmène l’auditeur en voyage ? Vous voyez-vous comme le pendant musical d’Heimball, d’une certaine façon ?
[Rires] Ce serait génial si ça fonctionnait comme ça, absolument. C’est étrange, la façon dont je m’identifie à ma propre musique. Je n’y avais pas pensé de cette façon, mais ce que tu dis sur le fait d’aller dans d’autres mondes, ça a toujours été ma motivation. Ce n’est pas parce que j’éprouve le besoin de fuir quoi que ce soit, c’est juste parce que j’adore utiliser d’autres parties de l’esprit. C’est tout simplement une expérience différente pour l’être humain, qui sort de ce qu’on vit au quotidien. C’est pourquoi j’ai toujours été attiré par ce genre de musique, depuis le début, peu importe le style, que ce soit quand les gens m’ont fait découvrir le classique, la musique contemporaine ou le black metal. Quand la musique ne m’emmène nulle part, j’ai tendance à perdre assez rapidement intérêt. Dans ce cas, c’est sans doute mieux d’écouter un livre audio ou quelque chose comme ça, si c’est ce qu’on veut. Mais c’est une belle métaphore, merci !
« Certaines personnes que je connais – nous l’avons appris après – étaient un peu sceptiques envers Enslaved parce que nous ne donnions pas dans le satanisme et ils trouvaient qu’il y avait un côté trop joyeux dans la mythologie nordique, mais nous n’en avons toujours eu un peu rien à faire. »
On entend un gros son de corne, joué par Eilif Gundersen de Wardruna, au début de l’album. C’est censé représenter la corne d’Heimdall. Quel genre de signal est-ce pour vous ?
Oui, c’est précisément la question ! C’est celle que nous voulons que vous vous posiez au début de l’album. Nous avions l’illustration de la pochette avec l’eau, la brume et tout, et c’est ce que nous voulions dépeindre avec l’intro où on entend le son d’Heimdall. Pour moi, ça signifie qu’on est en train d’approcher. On peut décider d’être du côté de l’ordre et de prendre ceci comme un avertissement. Sans que ce soit forcément négatif, c’est le signal que quelque chose arrive, que l’ordre tel qu’on le connaît, sur le plan personnel ou à plus grande échelle, est sur le point de connaître un bouleversement. C’est à nous de décider de voir ça comme quelque chose de positif ou de négatif. Heimdall est aussi connu comme le dieu de l’aurore, donc c’est une belle façon de commencer. Personnellement, je trouve que ça décrit bien le sentiment que nous a procuré ce seizième album au départ, mais étrangement, on dirait aussi que, pour moi, il était marqué par des sentiments semblables à ceux que j’ai ressentis quand nous avons enregistré les premiers albums, Frost et Vikingligr Veldi, également à Bergen. Parfois, le temps est circulaire dans la mythologie nordique, or cet album m’a démontré qu’un moment vécu il y a trente ans peut sembler plus proche qu’un moment vécu il y a trois ans. C’est bizarre !
Apparemment, quand vous l’avez enregistré, cette corne était incroyablement bruyante !
En effet ! Ça a été fait dans la petite municipalité où vit Grutle. Tout le groupe est parti dans deux bateaux, avec Eilif et son énorme corne en bronze, pour les emmener à l’endroit qu’on voit sur la pochette. Nous l’avons enregistré sur l’un des bateaux au moyen de l’installation mobile d’Iver. On pouvait l’entendre résonner dans tous les environs ! Tu peux imaginer jusqu’où le son a pu aller. Il y a d’ailleurs eu des gens qui avaient entendu la corne et qui sont venus à notre retour. Ils étaient curieux : « C’était quoi ça ? » C’était vraiment spécial. Ça m’a fait m’imaginer comment ça devait être il y a cinq ou six cents ans quand ces cornes étaient fabriquées. Elles étaient placées au sommet des montagnes. Quand on entendait ce genre de corne, on savait que quelque chose était en approche. Ce pouvait être bon ou mauvais, mais on pouvait être certain que ce qui arrivait était soit très bon, soit très mauvais, car ces cornes n’étaient utilisées qu’en cas de réel besoin. C’est incroyable quand on y songe.
Le morceau éponyme est divisé en trois parties et, fait intéressant, pour la seconde partie, vous avez demandé à des amis d’enregistrer un message pour eux-mêmes dans le futur. C’est aussi associé à des lectures d’un ancien texte connu comme étant « le sort d’Heimdall ». Ça signifie qu’il y a, sur cette chanson, une convergence entre les temps anciens, le présent et le futur. Penses-tu que toutes ces temporalités sont connectées ?
C’était l’idée. Sur la seconde partie, nous imaginons en quelque sorte le subconscient d’un dieu, et oui, ce serait clairement la convergence de toutes ces temporalités. Curieusement, en même temps que j’essaye d’expliquer ça, j’essaye aussi de comprendre le temps en tant que dimension physique. Notre esprit peut le percevoir comme une série d’instants, comme un temps linéaire, mais ce qui se passe, en réalité, c’est que tout se déroule en même temps. C’est l’association du temps et de l’espace qui fait que ça se passe séquentiellement. Donc, peu importe ce qu’on vit, on le vit comme une histoire plutôt que comme un ensemble chaotique. Mais ça, ce serait notre façon d’imaginer Heimdall, le dieu qui est capable de tout entendre et de tout voir. Il aurait une perception circulaire du temps ou comme d’un espace, en un sens, au lieu que ce soit le passé, le présent et le futur. J’ai l’impression que ce que je raconte n’a pas beaucoup de sens, mais tu es journaliste, donc je suis sûr que tu peux donner un sens à ce que j’essaye de dire, merci [rires].
D’ailleurs, qui a participé à ces messages ? Y a-t-il des gens que l’on connaît ?
Oui, il y a de tout. Mon manageur parle là-dedans, ma mère parle, mes filles parlent, Einar [Selvik] de Wardruna parle un peu… Je crois que j’ai envoyé ça par téléphone, e-mail et texto à pratiquement tous ceux que je connaissais, et ceux qui avaient le temps m’ont répondu. Il y a des gens de partout sur la planète, il y en a qui parlent en japonais, en français, en néerlandais, en anglais, en norvégien, en suédois. J’ai essayé de faire en sorte que les gens puissent soit avoir une approche mythologique, soit y mettre ce qu’ils voulaient. Toute l’idée était de représenter le subconscient d’Heimdall entre le Ragnarok et l’émergence d’un nouveau monde, et que ce moment serait perçu comme éternel d’un point de vue divin et comme une fraction de seconde d’un point de vue humain. C’est le saut entre l’ancien et le nouveau monde, et donc, que voudriez-vous dire à ce moment-là ? Il y a plein de choses bizarres. Une amie à moi a enregistré dans un parc à New York ses pensées et divagations, et on pouvait entendre les oiseaux gazouiller dans le fond. Une autre a lu un poème pendant que son enfant chantait dans une autre langue derrière elle. Ma mère, qui est psychologue clinicienne – j’imagine que ça explique pourquoi je suis un peu timbré – lit l’un de ses poèmes préférés. Mes filles parlent de leur moment de la journée préféré – c’était la question : « Quel moment de la journée préfères-tu ? », je voulais juste savoir et elles ont toutes les deux eu la même réponse, c’est-à-dire la fin de la nuit, juste avant que le nouveau jour commence, car alors on a l’occasion de prendre ce qu’on a fait hier pour l’emmener aujourd’hui et faire mieux. C’était une étrange interprétation mythologique de la question, je trouve.
« Je ne suis pas allé voir Lords Of Chaos. Pour moi, la mort d’Euronymous, ce n’est pas une histoire de bon gars / mauvais gars pour faire du divertissement. C’est la perte d’un ami. »
Selon toi, le fait que ta mère soit psychologique a-t-il eu un effet sur ta propre psychologie ?
Oui, j’en suis sûr. La psychologie m’intéresse beaucoup et je suppose que ça vient de là. J’admire énormément ma mère pour avoir consacré sa vie à ça. Elle a travaillé toute sa vie avec des enfants et des jeunes. Sa spécialité était d’aider les enfants, les jeunes et les familles. Elle nous disait que les enfants de cordonniers sont toujours les plus mal chaussés. Je pense qu’elle a essayé de le dire en plaisantant, mais parfois il y a un peu de vérité dans les plaisanteries. Qui sait ? Ça a éveillé en moi un grand intérêt pour la psychologie, mais peut-être que ça veut aussi dire que j’analyse trop les choses. Que ce soit bien ou pas, au moins je m’amuse !
Tu as mentionné la circularité de l’histoire d’Enslaved et la biographie promotionnelle déclare que « la relation père/fils entre Heimdall et Odin reflète le voyage qu’Enslaved a entrepris pendant trente ans : le dialogue entre une vieille et une jeune version de soi-même ». Dans quelle mesure est-ce que le jeune toi fait toujours partie du vieux toi ? Le ressens-tu toujours vivre en toi ?
Absolument. Surtout au cours, je dirais, des cinq dernières années. J’ai quarante-cinq ans maintenant, et je suppose que quarante-cinq est le nouveau vingt… Non, je plaisante. J’ai eu un étrange sentiment, j’ai eu l’impression d’être à mi-parcours. Normalement, j’ai vécu la moitié de ma vie, mais cette idée m’est apparue très réconfortante. D’après mon expérience, on passe la moitié de sa vie à chercher ce qu’on veut devenir et à le devenir, et ensuite, arrive un moment où on commence à être ce qu’on est devenu. Pour ma part, ça m’a libéré l’esprit. Au travers d’Enslaved, en particulier, nous avons commencé à accepter de faire – et à vouloir faire – ces interprétations de vieux albums avec le nouveau line-up, et c’était une superbe expérience. J’ai vraiment passé du temps à me reconnecter à une version plus jeune de moi-même, car quand on est jeune, il y a une part de simplification qui ensuite se perd un peu dans le sens politique, l’intelligence ou peu importe ce qu’on développe quand on arrive dans l’âge adulte, vers vingt ou trente ans. Maintenant, j’ai l’impression de retrouver cette espèce d’état d’esprit que j’avais lors de mes premières années. Ce n’est pas si difficile ou problématique. Faisons juste ce qui nous semble bien et on verra ce que ça donne. Je trouve beaucoup d’inspiration là-dedans. D’un autre côté, je n’y pense pas tellement, car je n’ai jamais vraiment fait de pause. Quand j’ai commencé à avoir conscience de moi-même, ce qui, j’imagine, arrive durant la préadolescence, lorsqu’on commence à réfléchir davantage à qui on est et ainsi de suite, c’est là que je suis devenu le gars d’Enslaved, et c’est ce que j’ai été depuis tout ce temps. Je ne sais pas ce que ça fait de ne pas être ça.
Le groupe a été fondé en 1991 et vous sembliez déjà être assez à part, à certains égards. Comment vous sentiez-vous au sein de la scène norvégienne de l’époque, parmi vos pairs, avec le satanisme, les incendies d’églises, les drames et les controverses ?
Au tout début, nous venions d’une autre scène. Nous sommes arrivés avec les gars d’Emperor, en l’occurrence. Nous avions un groupe qui s’appelait Phobia et eux avaient Thou Shalt Suffer et Embryonic. Ensuite, grâce à l’inspiration et la transition opérée par Darkthrone de Soulside Journey à A Blaze In The Northern Sky… J’étais au magasin Helvete à Oslo, géré par Euronymous, et j’attendais Nocturno Culto. Il était dans le bus et le tram, il venait de chez lui avec un carton des premiers pressages d’A Blaze In The Northern Sky. Il y avait un groupe de quinze à vingt personnes là-bas qui attendait leur exemplaire de l’album ou le début de la scène black metal norvégienne. Nous n’étions pas là autour de bougies à chanter à la gloire de Satan ou quoi que ce soit de ce genre, mais vous pouvez imaginer que l’excitation et le côté nerd crevaient le plafond. Nous avions entendu une démo et des gens qui racontaient que c’était un nouveau son, genre : « Ceci est l’invention du true black metal norvégien et ça va arriver dans une demi-heure pour qu’on puisse l’écouter. »
Je considère Euronymous comme un mentor et un ami. Nous ne parlions jamais de satanisme. J’étais un gamin de treize ans en qui, je suppose, il voyait un talent de compositeur et à qui il donnait des conseils. Il est venu à un moment chez moi, à l’autre bout de la Norvège, avec sa guitare Gibson. Je jouais sur ma guitare Hagström et il m’a montré différentes techniques de riffs sur lesquelles il travaillait pour De Mysteriis Dom Sathanas. Voilà la relation que nous avions avec ces groupes. Ensuite, quand les gens ont commencé à dérailler, quand il y a eu les histoires de criminalité et, bien sûr, Varg Vikernes et ses trucs de nazi, nous sommes plus ou moins restés dans notre ville, sans trop nous bouger. Il n’y avait pas d’internet – c’est étrange de se dire ça aussi. On n’était pas obligé de s’impliquer si on ne voulait pas. Nous étions toujours un peu en marge de la scène. Certaines personnes que je connais – nous l’avons appris après – étaient un peu sceptiques envers Enslaved parce que nous ne donnions pas dans le satanisme et ils trouvaient qu’il y avait un côté trop joyeux et bla bla bla dans la mythologie nordique, mais nous n’en avons toujours eu un peu rien à faire. Nous faisions notre truc et nous avions les mêmes inspirations qu’eux ; nous étions inspirés par ces groupes et c’était de très bons amis. Je ne suis pas allé voir Lords Of Chaos. Pour moi, la mort d’Euronymous, ce n’est pas une histoire de bon gars / mauvais gars pour faire du divertissement. C’est la perte d’un ami.
« Quand nous parlons d’aller dans l’obscurité, il s’agit de reconnexion, de complétude. Il ne s’agit pas de le faire simplement parce que l’obscurité c’est cool, c’est metal, ça nous donne l’air d’être des durs. Il y a de ça aussi, bien sûr, mais il y a aussi un courage à le faire et on devrait s’en récompenser avec une forme de fierté, car ça comporte des risques. »
Le communiqué de presse d’Utgard, il y a deux ans et demi, commençait avec la phrase : « Il ne s’agit pas d’éviter la peur de l’obscurité, mais de plonger dans l’obscurité. » Il est clair qu’Enslaved a toujours exploré l’obscurité sous diverses formes, tout comme une grande partie de la mythologie sur laquelle vous vous basez. Mais que trouves-tu exactement dans cette obscurité ? Qu’est-ce qui t’attire dans celle-ci ?
On trouve… J’essaye de rester sur un plan général. Je ne veux pas rentrer dans des choses trop personnelles. Ça fait partie de notre nature humaine et de la nature existentielle qui… non pas qu’elle nous ait été retirée, mais nous avons oublié de la cultiver. Toute l’expérience humaine et le potentiel de développement sont basés sur une dynamique entre des opposés, c’est la dualité de la vie en somme. Si on ne connaît pas le chagrin et la perte, comment peut-on profiter de la joie et de la naissance ? D’accord, je ne prétends pas avoir inventé ça. Je suppose que les bouddhistes ont déjà formulé cette idée depuis longtemps, mais comment peut-on vivre sans relation à la mort et ainsi de suite ? Quand nous parlons d’aller dans l’obscurité, il s’agit de reconnexion, de complétude. Il ne s’agit pas de le faire simplement parce que l’obscurité c’est cool, c’est metal, ça nous donne l’air d’être des durs. Il y a de ça aussi, bien sûr, mais il y a aussi un courage à le faire et on devrait s’en récompenser avec une forme de fierté, car ça comporte des risques.
Tous les spécialistes de l’occulte ont toujours dit : assurez-vous d’avoir une corde de sécurité, de parler avec des gens, de ne pas faire ces choses seul. Peu importe si on fait ça d’un point de vue occulte, psychologique ou athée pour simplement explorer l’esprit humain, il faut s’assurer d’être prudent. Nietzsche avait raison quand il a dit : « Si tu plonges longtemps ton regard dans l’abîme, l’abîme te regarde aussi. » Il faut un équilibre. On rencontre ce problème quand on bascule et que tout devient obscurité. J’ai l’impression qu’on est très peu équilibrés aujourd’hui. Je pense que beaucoup de gens le constatent, pas seulement des jeunes, mais aussi des gens de notre âge voire plus vieux. L’être humain est fait d’histoires mythologiques, religieuses, surnaturelles, occultes et ésotériques. Elles sont puissantes car elles contiennent énormément d’informations sur l’esprit et la psychologie humaine à travers les âges, et maintenant, on s’en éloigne, à se regarder dans miroir ou à développer des histoires de fou sur le monde qui serait contrôlé par des reptiliens dans des costumes d’humains. On prend une dangereuse direction.
Tu as mentionné le fait que ça faisait longtemps que tu œuvrais au sein d’Enslaved. Le dernier à avoir quitté le groupe était Cato Bekkevold en 2018, en partie parce qu’à cinquante ans, il commençait à se faire vieux et que jouer « comme une mitrailleuse soir après soir » a laissé des traces sur son corps. Commences-tu parfois à ressentir le poids de l’âge en ayant cette carrière dans le metal extrême depuis plus de trente ans ?
Pas vraiment, mais d’un autre côté, je suis toujours stupéfait quand je vois un batteur de metal. Je me dis : « Comment diable peut-on décider volontairement de faire ça ? » Quel boulot ! Dans le cas de Cato, je l’ai aussi un peu interprété comme n’étant pas qu’une question physique, car c’est un homme qui est en très bonne forme. Nous avions dû le convaincre de rejoindre Enslaved en 2004. Il avait déjà quitté la scène musicale après y avoir passé plusieurs décennies. Son premier groupe a été créé en 1983 et il a commencé à jouer de la batterie en 1979 quand j’avais deux ans. Donc oui, il avait déjà fait son service. Pour ma part, jouer de la guitare… Bon, ok, je l’admets, quand nous avons joué « Caravans To The Outer Worlds » en live pour la première fois, c’est là que j’ai senti mon âge. Mon bras me faisait tellement mal que je me suis promis de commencer à beaucoup plus m’exercer. Donc maintenant, je me pose chez moi avec ma guitare. Les répétitions avec le groupe ne sont pas suffisantes. Avec les nouvelles chansons, je suis obligé de répéter à côté aussi, car j’aime jouer vite, mais ce n’est pas aussi facile qu’avant.
Interview réalisée par téléphone le 13 janvier 2023 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Roy Bjørge.
Site officiel d’Enslaved : enslaved.no
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Très belle interview.
J’avais adoré « Monumension » sorti en 2001 et là me replonger dans l’actualité du groupe, mes souvenirs de Bergen qui est sans doute ma ville préférée au monde, écouter ce nouvel album: c’est très encourageant pour continuer de vivre en musique, avec la leur et celle des autres fabuleux artistes de musiques actuelles amplifiées.
Le groupe vieillit si bien en tout cas !
Merci pour l’interview, merci pour l’album, c’est génial. Leur discographie est un plaisir à parcourir, chaque album est l’évolution du précédent, avec beaucoup de hauts et très peu de bas.
C’est tout à leur honneur d’être resté de côté de ces histoires dans les années 90. Ceci dit, j’aurai bien aimé savoir s’il avait côtoyé Valfar et ce qu’il pensait de la musique de Windir qui elle aussi était dans un délire viking / médiéval / historique.