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Chronique   

Enslaved – In Times


Il ne manquait que très peu de choses à RIITIIR (2012) pour se dégager de l’étiquette d’ « album solide » et la surpasser. Enslaved continuait à explorer sa musique devenue progressive après un Monumension (2001) à la croisée des chemins – c’était il y a quatorze ans, déjà. Enslaved propose désormais assez de diversité et de créativité pour offrir un tremplin aux profanes qui désireraient s’immerger dans le black, sans sombrer dans les clichés. Pourtant, malgré ses expérimentations et longueurs progressives, une impression de déjà-vu venait ternir la performance du groupe. Celui-ci revient avec In Times, avec comme volonté, toujours, de progresser sans (trop) se recycler.

Enslaved, c’est avant tout une forme de stabilité rarement égalée quant à la construction de leur son. Le groupe a fait confiance à la même équipe de producteurs qui avait œuvré sur RIITIIR et Axioma Ethica Odini, avec raison. In Times est un nouvel exemple de l’identité sonore des Norvégiens, qui s’adapte parfaitement à une musique oscillant constamment entre le rock progressif et le black sans jamais desservir l’un des deux genres. Cette hybridation est, à l’instar des œuvres post-2001 du groupe, le fer de lance d’In Times. « Building With Fire » est un aller-retour constant entre rythmiques et mélodies simples et accrocheuses et passages plus sombres et violents. Les performances vocales sont sans doute ce qui illustrent le plus cette dualité. Enslaved n’a pas renoncé aux voix claires, bien au contraire. L’un des points forts d’In Times est justement la synergie avec les passages hurlés. « One Thousand Years Of Rain » illustre le jeu de tensions auquel s’exécute Enslaved avec l’usage de chants différents : force est de constater qu’il en résulte une alchimie maîtrisée, celle qui transforme une brutalité apparente en une chose infiniment plus subtile. Les soli ne dérogent pas à ce caractère, en témoigne l’intervention gracieuse de « Daylight ».

In Times a indéniablement un aspect « épique », ne serait-ce que par la longueur de ses titres, six de huit minutes minimum chacun. Certaines atmosphères cathartiques viennent conclure très justement les morceaux, à l’image de l’outro du titre éponyme et son riff grandiloquent. La longueur des titres n’a rien de novateur pour Enslaved, qui maîtrise sans accrocs tout l’espace que cela lui procure. In Times est encore un album qui nécessite plusieurs écoutes pour être pleinement appréhendé, l’effort est légitime et se trouve récompensé. Toutefois, il subsiste cette impression de « réchauffé » qui survient à plusieurs reprises. Comme si Enslaved laissait entendre malgré lui qu’il se trouvait dans un processus cyclique de composition. Là où l’on apprécie les orchestrations proposées par le groupe, on en déplore la trop grande similarité avec ses œuvres précédentes, et ce dans tous les morceaux. Le pont d’ « In Times » a une progression mélodique similaire à ce que l’on retrouve sur un titre comme « Materal », présent dans RIITIIR. Seul « Daylight » accroche l’oreille d’une manière différente, rappelant les ambiances délivrées par Deftones dans un album comme Koi No Yokan (2012).

Il ne faut pas s’y méprendre, In Times est un album qu’il serait déplorable d’ignorer. Vouloir chercher à tout prix l’innovation est un écueil que l’auditeur doit de temps en temps savoir éviter, surtout lorsque la musique qui est proposée est de qualité et, malgré tout, se démarque de nombreuses productions actuelles. Enslaved assume pleinement son identité progressive et lui rend honneur. Ce qui dérange, c’est qu’In Times nous fait penser que le groupe risque d’atteindre un point de saturation où il ne parviendrait plus à se renouveler, où il ne ferait plus que ressasser ses propres ficelles. Si « recyclage » est peut-être un terme légèrement trop appuyé pour ce dernier album, il faut espérer qu’il ne devienne jamais réellement pertinent à l’avenir.

Ecouter « Thurisaz Dreaming » :

Album In Times, sortie le 6 mars 2015 chez Nuclear Blast Records.



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