
Nous sommes nombreux à nous souvenir d’un Metallica profitant du développement grandissant d’Internet pour annoncer, en 2004, que leurs lives seraient dorénavant enregistrés et mis en vente sur leur site. Ce fut ensuite le tour de Pearl Jam[/urlb] quatre ans plus tard d’annoncer une offre similaire. Désormais c’est au tour de Linkin Park[/urlb] de mettre en ligne ses bootlegs, plus d’une centaine de concerts enregistrés entre 2007 et 2009. Cette annonce est une aubaine pour les fans mais elle suscite un certain nombre de questions sur l’avenir de la production de disques.
Ce genre de démarche ne concerne d’ailleurs pas que les concerts enregistrés. Un groupe comme Radiohead avait par exemple décidé de vendre son dernier album In Rainbows en pré-vente à prix libre sur son site Internet. Trent Reznor avait pour sa part fait une offre semblable en proposant Ghost I-IV et The Slip, ses deux derniers albums, en téléchargement libre. Est-ce un pas en avant pour tous les groupes à travers le monde ? Va-t-on voir se développer ce genre d’offre un peu partout sur le web ? Peut-on imaginer que d’ici quelques années tous les groupes de musique proposeront leurs albums, lives ou studios, en téléchargement sur leur site web ?
Concernant cette démarche a priori positive de distribution il nous apparait en fait que la réalité est un peu plus complexe. En effet, si le développement de la toile est une véritable aubaine pour les musiciens car ils ont la possibilité de diffuser leur musique dans des espaces géographiques moins restreins que par le passé, tout n’est pas si facile pour autant. Des sites tels que MySpace ou ReverbNation[/urlb] permettent par exemple aux artistes de mettre leurs titres en écoute sur le net de manière à ce que les auditeurs écoutent leurs compositions. Mais, c’est quand même à préciser, les artistes ne vivent pas de l’écoute sur ces sites qui n’est bien évidemment pas rémunérée…

L’alternative présentée par les initiatives des groupes cités plus haut pourrait être alléchante, malheureusement ce n’est pas non plus la panacée pour les artistes émergents ou qui bénéficient d’une notoriété moyenne. Il faut prendre la chaîne par le bon bout pour comprendre cela. Tout d’abord, pour enregistrer un album ou un live, il faut du matériel. Aujourd’hui, pour un enregistrement live, la technologie nécessaire est plus facile à obtenir qu’il y a 20 ans. Mais le matériel reste cher et le résultat, sans être forcément mauvais, ne sera pas du niveau d’un enregistrement professionnel. Donc si vous souhaitez investir dans un bon enregistrement digne de ce nom cela vous fera relativement mal au portefeuille. Or tous les groupes, surtout quand ils débutent, n’ont pas cet argent sous leur matelas. Dans ce cas il n’y a qu’une solution : démarcher les labels avec une maquette…
Coup de chance vous signez ! Seulement voilà, maintenant c’est votre producteur qui est en grande partie propriétaire de votre enregistrement. Donc il ne vous reste que les droits d’auteurs et d’interprétation pour vous refaire la cerise. Votre producteur va donc avoir le droit de distribuer sur le support qu’il choisira votre opus, (mp3, cd, vinyles, etc.) et par le réseau qu’il choisira (disquaires, plateforme de téléchargement…). Dans ce cas il n’est même plus envisageable de distribuer votre album par l’intermédiaire de votre site Internet sans l’accord de l’éditeur et du producteur. La solution pour ne pas avoir de contrainte est donc l’auto-production.
Logiquement, vous décidez d’investir vos économies dans un bon enregistrement. Vous devenez donc votre propre producteur. Il n’y a plus aucun frein pour vous et vous décidez de mettre votre album en ligne. Malheureusement, tout n’est pas si simple…Pourquoi ? Car vous ne vous appelez pas Linkin Park, Metallica[/urlb], Radiohead[/urlb] ou Trent Reznor. Et ça change tout.
Vous serez donc confronté à un premier problème de taille : votre visibilité. Et oui, il vous faut une fenêtre médiatique afin de vous faire connaître du grand public. Si vous n’avez pas de maisons de disques derrière vous il va falloir avoir les reins solides pour tirer votre épingle du jeu. Car si les producteurs ne vous reversent pas tout le fruit des ventes de vos créations, ils vous font en revanche un minimum de pub…
Vous constaterez, dans le même ordre d’idée, qu’à part cas exceptionnel, la plupart des groupes ou musiciens cités ci-dessus ont commencé en vendant des disques par l’intermédiaire de labels qui ont fait pour eux la pub qu’ils n’auraient pas pu faire seuls. Ce n’est qu’une fois leur notoriété assurée et après avoir négocié leur départ de leurs maisons de disques respectives – ou après avoir négocié de nouveaux contrats plus avantageux – qu’ils ont réellement commencé à distribuer eux-mêmes leurs albums et leurs lives.
Moralité : ce genre d’annonce est surtout un coup médiatique pour le groupe qui l’effectue. Il faut voir ce genre de choses sous l’angle publicitaire. Ce type d’offre rapporte forcément de l’argent mais il donne aussi aux groupes concernés une occasion, en or, de faire parler d’eux dans les médias et de faire (encore plus) monter leur côte de popularité…