Mais qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire d’Ephel Duath et son Hemmed By Light, Shaped By Darkness ? Déjà l’EP On Death And Cosmos était plein de promesses avec un line-up en partie renouvelé, à la fois intrigant et alléchant : une section rythmique de haut standing, Marco Minnemann et Steve DiGiorgio (remplacé depuis par Bryan Beller), et l’arrivée d’une chanteuse/grogneuse en la personne de Karyn Crisis, femme du guitariste et tête pensante de la formation Davide Tiso. Mais finalement ces trois chansons se sont avérées relativement barbantes, ne retrouvant rien de la folie et des expérimentations audacieuses d’albums tels que The Painter’s Palette ou Pain Necessary To Know. « Barbant », on pouvait tout reprocher à Ephel Duath : indigeste, prétentieux, délirant, bancal, etc. mais quand même pas d’être barbant ou ennuyeux. Ou peut-être cet EP était-il juste incompris.
C’est donc avec appréhension qu’on aborde ce nouvel opus. A raison, car on comprend vite que l’EP offrait une jonction avec Through My Dog’s Eyes et les prémices à ce long format. Grise, rampante, lancinante, voilà la musique que propose Hemmed By Light, Shaped By Darkness. Les longues chansons s’enchaînent et se ressemblent. Ephel Duath tourne en rond et prend son temps pour ce faire. On est même surpris par ce chant rustre, mis en avant par la production brute d’Erik Rutan, au grain pas toujours très maîtrisé, presque amateur en fait. Et, paradoxalement, ce sont peut-être ces grommellements qui donneront le déclic, ils rappellent à quel point les esthétiques développées par Ephel Duath sont à part, marginales parmi les marginaux même. C’est à partir de cette prise de conscience que le charme peut éventuellement opérer. Dans ces litanies qui serpentent sous les riffs dissonants et tortueux de Tiso, on finit par y voir des incantations hypnotiques doucement vallonnées où quelques climax se dégagent sous les rythmes tordus qui se redressent et des semblants de refrains, quasi suggérés, qui se dessinent (« Within This Soil », « Through Flames I Shield »).
Beaucoup se diront que ce n’est que du baratin pseudo-intellectuel cherchant à justifier un tableau vide de sens. Et peut-être n’ont-ils par tort. D’autres commenceront l’écoute sans bien comprendre, la trouveront peut-être même pénible mais, sans trop savoir pourquoi, voudront aller jusqu’au bout, fascinés par le spectacle mélancolique de cette créature qui se tortille. Au bout du compte, Ephel Duath ne pouvait pas être plus fidèle à son hétérodoxie, semant le doute jusqu’aux habitués de sa surprenante plastique.
Ci-dessous les titres « Feathers Under My Skin » et « Shaped By Darkness » :
Album Hemmed By Light, Shaped By Darkness sorti le 19 novembre 2013 chez Agonia Records.
