« Hell Bent For Leather, Confessions d’un accro au Heavy Metal » de Seb Hunter est sorti en 2005 dans sa langue natale Outre-Manche, est disponible dans sa traduction française depuis une paire de mois chez l’éditeur Camion Blanc et me pourrit la vie depuis presque un mois.
Non, il ne s’agit pas déjà de ma conclusion sur cet ouvrage. Mon amertume trouve avant tout son origine dans le fait que depuis que j’en ai débuté la lecture (et sa relecture – des fois que j’aurais loupé quelque chose), je me demande comment le chroniquer. Pire que le syndrome de la page blanche, en réalité, ce livre n’a effectivement fait naître, au long de ses quatre cent cinquante pages, aucune opinion profonde à son sujet.
Son auteur, Seb Hunter, n’est pas un mauvais écrivain, même sans avoir inventé la forme « sujet – verbe – complément », et ses « confessions » ne sont pas moins intéressantes (ou moins inintéressantes) que certaines mémoires que j’ai pu lire au cours des derniers mois. Et pourtant j’avais réellement espoir d’y trouver quelque chose de spécial car, après m’être chargé des critiques des autobiographies de certaines stars de la scène metal, j’ai été tenté de trouver du neuf dans ce titre en passant de l’autre côté de la barrière. Au moins celui-ci n’avait pas besoin d’un co-auteur pour écrire ses souvenirs…
Seb Hunter est né presque en même temps et au même endroit que son genre favori, en Angleterre, en 1971, et il ne ment pas en sous-titrant « Confessions d’un accro au heavy metal ». Il est tombé dedans quand il était petit : à l’âge tendre de dix ans il entend les premiers riffs de hard rock de sa jeune vie, « Let’s Get It Up » d’AC/DC, produisant en lui une réaction nucléaire modifiant son ADN sans espoir de retour en arrière. Et c’est presque honteux qu’il va nous confesser son addiction comme il nous le précise au bout d’un informel avant-propos : « ce livre raconte tout ce que j’ai appris, et mes navrantes tentatives d’émulation. Et, avant que vous ne disiez quoi que ce soit, sachez que je n’en suis pas fier. »
Une légère honte qui lui impose de prendre du recul par rapport à cette vilaine passion, ses acteurs, ses tares et autres traits particuliers, ses aficionados et tous ses à-côtés. Un recul qui lui permet aussi d’assaisonner ses écrits d’une pointe d’humour piquant et de second degré. Une drôlerie loin d’être lourde et grasse, propre à ce caractère pince-sans-rire tout britannique qui ne vous fait pas nécessairement vous esclaffer mais dont les mots d’esprit et les analogies cocasses et bien pensés sont comme des clins d’œil complices de l’auteur et apportent sans prévenir un sourire sur les lèvres du lecteur.
Ainsi, pour vous donner un exemple, quand pour expliquer en quoi Slayer est probablement le groupe de thrash le plus intègre (au moins parmi le Big Four), ayant toujours tenu la barre bien droit depuis plus de vingt-cinq ans, il met dans nos esprits la meilleure image possible pour faire comprendre aux non-initiés le style d’Araya, King et compagnie : « Slayer ne pourrait pas enregistrer de ballade même si vous balanciez dans leurs céréales du petit-déjeuner de l’ecstasy et des somnifères et que vous les enfermiez avec des harpes. »
C’est presque caricatural mais ces descriptions en forme de comic-strips littéraires sont souvent justes et c’est ce qui rend la lecture de ce livre tout sauf laborieuse. Sa science du heavy metal est anti-doctorale, pleine de partis pris, des partis pris qu’il n’hésite pas lui-même à exprimer à gros traits prouvant qu’il ne les prend pas lui-même (totalement) au sérieux, créant une polémique bon enfant autour de ses théories parfois bien radicales.
Ainsi la portion historicienne de sa science métallique est bornée à deux dates. Point de départ : 1969, naissance du heavy avec le premier album de Led Zeppelin ; toujours discutable – l’auteur donne lui-même d’autres dates alternatives – mais acceptable. Beaucoup plus sensible : il n’hésite pas à donner une date de mort au metal (1991) et le nom de ses meurtriers (Nirvana). Dans le même état d’esprit, il refuse l’appellation de « metal » à tout ce qui comporte des orgues ou des synthés, rejetant ainsi – et sans hésitation – des groupes comme Deep Purple : « Les claviers ne sont pas metal. […] Si Lemmy croise un clavier, il vomira. Slayer n’arriverait sans doute même pas à prononcer le mot. »
Le début des années 90 est aussi la dernière escale (si on excepte l’épilogue) de ces confessions. Car si Seb Hunter peut détailler chaque aspect définissant le heavy metal – depuis ce « sabre laser phallique horizontal » qu’est la guitare électrique jusqu’à la place de la femme dans le metal (le plus souvent : « à genoux avec ma **** dans la bouche »), en passant par la longueur des cheveux et l’importance des soli instrumentaux – c’est à chaque fois en rebondissant sur certains passages de sa vie de métalleux.
Non, Seb ne fait pas que ramener sa science musicale, il nous offre aussi son autobiographie et en cela, au début, elle n’est pas si différente de celle de la plupart de ses coreligionnaires. Enfant presque naïf malgré le caractère sulfureux palpable de ce qui lui passe par les oreilles, confronté à l’incompréhension – voire la terreur – de ses parents ; puis, adolescent maladroitement rebelle en quête de ce qu’il y a de plus extrême – donc sataniste – pour casser les pieds de son père ; cette partie est un véritable miroir du parcours du lecteur fan de metal.
Il entre finalement dans les statistiques en faisant comme la majorité des metalheads : il se met à jouer d’un instrument, comme ses idoles. Mais c’est là qu’il prend un chemin différent de celui pris par le plus grand nombre : il décide de se consacrer exclusivement à la musique, de monter un groupe, de réussir et de devenir célèbre. Et voilà que le pauvre chroniqueur que je suis se retrouve avec, entre ses mains, le récit d’un énième artisan de la scène metal, à la seule différence que le chapitre du succès et de l’entrée dans les charts ne vient jamais et cantonne cette partie du bouquin à des suites de concerts foireux avec des zicos aux talents douteux, d’excès de drogues, d’alcool, de femmes et – époque glam oblige – de gel pour les cheveux (le tout dans la limite des moyens accordés par leur misère).
Par chance, les contes de ce « not such a magnificent loser » sont toujours entrecoupés de ses articles extraits de son savoir relatif et absolu du metal. Mais même ces derniers, en dehors de leur ton décalé, commencent à perdre de leur intérêt pour qui est déjà suffisamment initié aux arcanes de l’art métallique.
Mais alors, à part à l’apprenti métalleux, à qui servirait ces miscellanées ? Souvent, au cours de la compulsion de cette œuvre, le chroniqueur s’est dit qu’il pourrait faire lire ce livre à sa mère, pour qu’elle comprenne la passion de son chevelu de fiston. Mais elle serait sans doute horrifiée de voir dans quels abysses a pu parfois tomber l’antihéros de cette aventure.
Ce livre est fait pour vous si vous cherchez un ami (ayant le sens de l’humour et de l’auto-dérision de surcroit) qui comprendrait pourquoi vous aimez cette musique diabolique mais on ne saurait trop vous conseiller de vous trouver de vrais amis (dans la vraie vie de préférence). Pour ceux qui seraient plus attirés par la science de l’auteur, il existe des ouvrages bien plus pointus qui vous permettront de briller en société et prouver à Maman que vous n’écoutez pas une musique d’abrutis. Pour cela visez plutôt le « Hard Rock, Heavy Metal, Metal – Histoires, Cultures et Pratiques » du sociologue métalleux Fabien Hein qui est une bible en science métallogique.
Animalement vôtre.
“Slayer ne pourrait pas enregistrer de ballade même si vous balanciez dans leurs céréales du petit-déjeuner de l’ecstasy et des somnifères et que vous les enfermiez avec des harpes.”
NON, L’ANIMAL. JE NE CAUTIONNE PAS CE PETIT’DEJEUNER !
“Les claviers ne sont pas metal. […] Si Lemmy croise un clavier, il vomira. Slayer n’arriverait sans doute même pas à prononcer le mot.”
MERCI A TOUTE L’EQUIPE DE RADIO METAL D’EN PRENDRE NOTE !
« Hard Rock, Heavy Metal, Metal – Histoires, Cultures et Pratiques »
merci pour le conseil! je vais voir si je le trouve pas celui-là