Fichu repas de famille ! Chaque fois, c’est la même chose. On se retrouve tous autour d’une immense table, dressée avec quelques-uns des plus beaux couverts de la Tata Huguette. On hume l’odeur des merguez cuisant sur le barbecue, on voit son voisin tirer deux-trois saucisses avec sa fourchette télescopique, le chien remue la queue et le dernier nouveau-né de la cousine éloignée pourrait bien finir la journée en brochette. C’est d’un tel conventionnel qu’on aimerait bien, de temps à autre, y mettre un peu d’anarchie !
Mais de l’anarchie, il y en a, dès lors que la famille traditionnelle française qui vous invite se compose d’AqMe, Black Bomb A et enfin, de Eths. C’est la réunion familiale qui donne le sourire puisque elle brasse vos souvenirs d’enfance, à l’époque où la queue du chien, vous la tiriez. Le but de ce repas : tailler la bavette, raconter des blagues du style « Toto dans l’espace » mais surtout, faire la fête.
Entre deux andouillettes trempées à la bière, le Ninkasi Kao de Lyon a levé son verre à cette soirée de débauche du type « non-organisée » mais profondément assumée. La triplette franchouillarde ouvrait sa tournée commune par la capitale des Gaules. Et en plus, Eths nous présentait sa petite dernière : Rachel Aspe, la successeur de Candice, présentée en bonne et due forme au reste de la famille pour la première fois. Et Dieu sait qu’elle est attendue, cette nouvelle. Car, vous le savez, parfois la famille peut se montrer dure auprès de ses nouveaux membres, qui plus est quand on l’a vu précédemment faire ses cabrioles vocales à la télé. La soirée s’annonce donc riche et le pire, c’est qu’elle n’a pas encore commencé.
Artistes : Eths – Black Bomb A – AqMe
Date : 10 avril 2013
Salle : Ninkasi Kao
Ville : Lyon
AqMe est le premier à venir se montrer en spectacle. C’est un vieux de la vieille, rôdant dans les parages depuis 1999. Sa présence au Ninkasi Kao, ce soir, aurait pu laisser entrevoir une certaine légèreté dans cette affiche massive (surtout avec Black Bomb A, éternelle source de chaos) mais que nenni. Car ce groupe qui a bercé les premières heures métalleuses de quelques-uns présents ce soir a grandi, tout comme eux. Le ton est plus… incisif ? Rentre dedans, incontestablement. D’ailleurs, bientôt un an que le groupe évolue avec son nouveau chanteur : Vincent Peignart-Mancini. Le bougre s’est bien approprié son rôle de frontman, agréable, souriant, c’est un peu le gendre parfait. Il tient bien la maison AqMe, surtout parce qu’il est le membre du groupe le plus mis en avant. A ses côtés Julien Hekking (guitare), Charlotte Poiget (basse) et Étienne Sarthou (batterie) restent le plus souvent à leur place. Cependant, les habitudes scéniques d’un groupe n’empêchent en rien un public d’adhérer ou non au show offert. Et, malgré un petit temps de latence, le public lyonnais parvient enfin à se réveiller, au grand dam des photographes qui ne s’attendaient pas à un tel élan d’énergie si vite. La soirée s’annonce chaude.
La setlist s’articule majoritairement autour d’Épithète, Dominion, Épitaphe, sorti l’an passé. Ce qui donne un ton plus grave au groupe. Certaines sonorités s’approchent plus du metal extrême, du black plus précisément. Ce qui titille évidemment l’oreille de nombre de spectateurs. Cette forme de maturité musicale se traduisant par une évolution plus extrême déchaîne donc un public conquis. C’est un fait, les « Luxes Assassins » et « Épithète, Dominion, Épitaphe » se marient en live avec cohérence à des classiques du combo que sont « Pornographie » ou encore « Superstar ». Le groupe n’use pas de quelconques artifices pour s’attirer les applaudissements du public, sa sincérité et son plaisir d’être sur les planches suffisent et s’avèrent grandement communicatifs. Son chanteur parle même de « famille ». La notion de temps en vient à nous échapper tant le concert semble s’être déroulé à toute vitesse, se concluant avec le très efficace « La Dialectique Des Possédés ». Le public applaudit des deux mains les Parisiens alors que quelques groupies remercient Charlotte Poiget pour… sa nouvelle couleur de cheveux !
Black Bomb A grimpe alors sur scène, Jacou (basse) déjà possédé. Son allure élancée et sa grande taille lui confèrent une présence scénique atypique et plaisante à observer. Mais en plus, instrument en main, le sieur maîtrise son sujet. Sur « Pedal To The Metal » qui ouvre le set du combo, sa basse claque et résonne. Trop peut-être. Devant la scène, la guitare est quasi inaudible pour ceux un peu trop excentrés sur la gauche. Le hardcore du groupe, teinté de thrash, est explicite. La foule, plus dense désormais, pogote sans concession. Le duo de chanteurs Poun et Shaun Davidson invective la foule. Ce sont deux véritables frontmen, arrivant sans conteste à provoquer l’euphorie et l’anarchie dans la fosse. « My Mind Is A Pussy », « You Can’t Save Me », « We Don’t Care » : que de titres propices à bouger, se déchirer et extérioriser un surplus d’énergie ! Le public se laisse aller aux directives du groupe. Sur scène, ça transpire, ça bouge, ça saute et ça lance les pieds dans tous les sens. Poun avoue être, comme à chacun des passages du groupe à Lyon, impressionné par ce public.
Le concert devient véritablement un grand n’importe quoi. Le son fait grésiller les enceintes de la salle. Le public, lui, est grillé. « Look At The Pain », « Fear » et le grand classique « Mary » et son intro à la basse fait chanter un public de connaisseurs. Incontestablement, une grosse partie de l’audience est venue afin de voir la formation Viroflaysienne. Le groupe rigole sur scène et les premiers slams pointent le bout de leur nez. La scène se fait même investir par un étrange personnage, portant un masque de la Bête (666 et tout le tralala). Repéré par Shaun Davidson à sa descente de scène, le chanteur l’encourage à remonter sur les planches afin de nous faire une belle démonstration de air-guitar. Derrière ses fûts, Hervé Coquerel est tout sourire. De son côté, l’intenable Poun se lâche, sautant à son tour dans le public, porté par des bras moites pendant que lui chante à pleins poumons ; hurlant dans son micro dont le câble se tend seconde après seconde. La proximité de la bande avec son public n’est plus à prouver, mais il est toujours impressionnant de voir une telle osmose entre un groupe et son public. Poun va même jusqu’à descendre dans la fosse pogoter avec le public comme un beau diable, recevant de nombreuses tapes amicales sur l’épaule et nombreux applaudissements.
« No Way » puis « Police Stopped Da Way » conduisent le combo vers la fin de son set. La virulence du show n’a pas faibli une seconde. Le groupe puise dans ses dernières réserves. Le public aussi. Le groupe s’apprête alors à quitter la scène jusqu’à ce que ce sacré Poun revienne devant l’audience hurlant qu’ils n’en n’ont pas fini. Et là, surprise ! C’est une rythmique dubstep qui sort des enceintes alors qu’Hervé Coquerel est de nouveau derrière sa batterie. Le reste du groupe lui, saute sur scène au rythme du morceau. Le public, un peu déstabilisé sur le coup, se prend au jeu et accompagne le groupe dans ce dernier élan de débauche. Black Bomb A quitte enfin la scène sous de nombreux applaudissements mérités. La fosse se vide, direction le bar. En attendant, depuis le début de soirée ce sont les deux mêmes titres de Motörhead qui passent dans la sono entre chaque changement de plateau… lassant quand même !
Setlist Black Bomb A :
Intro
Pedal To The Metal
My Mind Is A Pussy
You Can’t Save Me
Come On Down
We Don’t Care
Look At The Pain
Fear
Mary
No Way
Police Stopped Da Way
La tête d’affiche de ce soir est attendue. Eths ouvre une nouvelle page dans son histoire avec le recrutement de Rachel Aspe afin de palier au départ de l’emblématique Candice Clot. Un recrutement atypique puisque la douce a été découverte sur M6. Cette dernière, déjà confrontée aux feux des projecteurs télévisuels doit, ce soir, et pour la toute première fois depuis cette exposition, affronter la « famille », la communauté metal qui l’observe avec curiosité et impatience. Cette dernière observe ses collègues qui peaufinent leurs réglages depuis le bord de scène. L’anxiété se ressent jusqu’au premier rang. Le décor est finalement installé, les projecteurs se dirigent sur le backdrop à l’image de l’album III. Le show va débuter.
Coup d’envoi avec le titre « Sidus », dynamique à souhait bien que les samples manquent de présence, se trouvant à la limite de l’inaudible pour toute personne ne connaissant pas le morceau. Rachel est sur scène, gruntant avec conviction. De ce point de vue, le doute est levé : la ressemblance entre son chant guttural et celui de Candice est quasi totale. Cependant, le stress semble lui couper le souffle et certains passages sont chantés à bout de course. Mais Eths n’a pas choisi sa chanteuse suite à un quelconque buzz médiatique mais bien par choix artistique et professionnel. Une nouvelle chanteuse qui parvient à convaincre l’audience dès lors qu’elle se met à chanter en voix claire. Limpide, précise, cette dernière se rapproche grandement – là aussi – de celle de Candice. Indéniablement, Rachel Aspe démontre qu’elle a sa place au sein du combo marseillais. « Sidus » rassure, « Méléna » confirme. Le public reste encore stoïque, regardant avec délectation ce nouveau visage.
Tout juste nouvelle dans ce rôle de frontwoman, c’est essentiellement Stéphane Bihl (guitare et samples) qui s’occupe des prises de parole et interactions avec le public. Du côté de la playlist, c’est un savoureux mélange des différents opus qui est offert au public lyonnais. En effet, s’enchaînent « Le Mâle », « Détruis Moi » puis enfin « Ondine », brassant ainsi cette setlist avant de revenir sur le titre ouvrant III : « Voragine ». Plus réactif, le public se remet à bouger. Sur scène, Rachel adopte la même attitude scénique que pouvait avoir Candice, à savoir, assez distante, sombre, le regard souvent dans le vague, ne fixant que très rarement les regards. Attitude accentuée par un stress qui semble ne pas vouloir lâcher la chanteuse. Le groupe est appliqué à l’œuvre, offrant une performance carrée. Pendant ce temps, « Adonaï » et « Boulimiarexia » confirment les talents vocaux de Rachel, notamment en chant clair. Une prestation saluée par des «Rachel, Rachel !» qui retentissent dans la salle du Kao. La demoiselle ne bronche pas, contenant un léger sourire flatté.
« Harmaguedon » impose sa loi ! La foule bouge encore beaucoup malgré les shows éreintants de Black Bomb A et d’AqMe. « Samantha » et son esprit malsain suivi par la très linéaire mais brutale « Je Vous Hais » font évoluer la nouvelle dans un registre particulier qu’est celui du chuchotement. Malheureusement, le son assez fort des instruments couvre trop largement les vocaux de ces deux titres. Le groupe s’éclipse alors le temps des rappels avant de revenir, tambour battant, asséner un « Crucifère » et un « Hercolubus ».
Le concert a convaincu le public, ce qui n’était pas chose aisée pour cette toute première de Rachel Aspe au poste de chanteuse de Eths. Son stress indéboulonnable offrit tout de même quelques moments légers poussant à sourire, tels que ses remerciements envers la salle, le groupe, le ci, le ça, à toute vitesse, comme une leçon apprise par cœur pour être sûre de n’en oublier aucun ! Ou encore, cette petite chute en voulant se redresser après avoir pris une pose accroupie sur le dernier titre. Mais, comme il est si souvent dit : « si l’on tombe c’est pour mieux se relever » et ici, la chute n’est qu’anecdotique puisque la maison Eths tient encore debout. Maintenant, la question est : Rachel aura t-elle le talent de parolière de Candice ? A voir, bien entendu.
Setlist Eths :
Sidus
Méléna
Le Mâle
Détruis Moi
Ondine
Voragine
Adonaï
Boulimiarexia
Harmaguedon
Samantha
Je Vous Hais
Rappels :
Crucifère
Hercolubus
Tératologie
Photos : Claudia Mollard
A voir également :
Galerie photo du set de Eths
Galerie photo du set de Black Bomb A
Galerie photo du set de Aqme
La chanson du dernier rappel était Tératologie…
[Reply]
Ah, merci. Il me semblait bien qu’elle avait été jouée mais j’en étais plus du tout sûr 🙂