Ceux qui considèrent encore Europe comme le groupe kitsch par excellence, exclusivement auteur de « The Final Countdown », ont un train de retard. Non seulement il a réussi son retour en 2004 là où on ne l’attendait pas, depuis 2012 et l’album Bag Of Bones, le groupe est rentré dans ce qui s’apparente à une seconde voire troisième jeunesse. La musique des Suédois est revenue pour l’essentiel aux fondamentaux des années 70, trait qui s’est confirmé avec War Of Kings (2015). Leur onzième disque, Walk The Earth, ne compte pas briser le nouvel élan du groupe. Dave Cobb, producteur de Rival Sons, récemment récompensé aux Grammy, est une nouvelle fois aux manettes. Comptez un enregistrement réalisé dans les célèbres Abbey Road Studios et vous obtenez un album qui a des airs de machine à remonter le temps, fonctionnelle.
Le soin de respecter l’héritage musical des années 70 se perçoit jusque dans le choix de la pochette, réalisée par Mike Sportes qui avait pour influence principale les artworks de Pink Floyd justement. Ce Walk The Earth a effectivement des airs de grandiloquence propres aux expérimentations progressives de l’époque. Au fond, pour ceux qui l’ignoraient, le nom même du groupe est issu de l’album live Made In Europe (1976) de Deep Purple… À ce titre, la comparaison apparaît évidente, d’une part via l’usage fréquent du mellotron et de l’orgue dans l’ensemble des compositions, d’autre part avec des similarités flagrantes au sein d’un titre comme « GTO » et son riff up-tempo proche d’un « Burn », couplé aux lignes de chant de Joey Tempest qui se mue en Ian Gillan des grandes heures. Le travail réalisé par le frontman d’Europe est remarquable de maîtrise, suffisamment extraverti pour donner corps à des titres audacieux tout en conservant ce qu’il faut de retenue pour ne pas devenir exubérant. Il y a parfois une familiarité avec Robert Plant, notamment sur le titre d’ouverture « Walk The Earth » qui remémore immédiatement « Kashmir » (avec une introduction qui semble tout droit tirée d’un vieux Final Fantasy pour les connaisseurs…). La panoplie serait incomplète sans une référence à Pink Floyd à travers « Pictures », sans doute le titre le plus incongru de l’album tant il se démarque de ce qu’a écrit Europe jusqu’alors à travers un groove plus lent et des arrangements de piano limpides. Pour l’anecdote, les paroles de « Pictures » sont la suite directe de l’histoire développée dans « The Final Countdown ». Pour autant, si les références se multiplient comme une évidence à l’écoute de Walk The Earth, l’album n’est pas qu’une anthologie du rock des seventies. Europe a toujours une marque de fabrique singulière qui va de pair avec l’approche du rock contemporaine. Elle se perçoit dans le travail sur le son des guitares dans un titre aux allures psychédéliques tel que « Wolves » et dans cet art du refrain fédérateur clamé à l’instar d’ « Election Day ».
Car si l’approche sonore d’Europe puise inévitablement dans les décennies de l’âge d’or du rock, les thématiques développées dans Walk The Earth trouvent un écho dans les événements contemporains. « Election Day » fait évidemment référence aux élections américaines et britanniques, tandis que d’autres titres soulignent la volonté de comprendre les fondements du système politique tel qu’on le connaît aujourd’hui. « The Siege » évoque le tour de force de Napoléon qui a évincé les vieilles aristocraties, considéré comme l’un des prémices de la démocratie moderne (information à prendre avec retenue toutefois…). Si Europe a souhaité ne pas utiliser un concept unique pour l’album, se considérant avant tout comme un « entertainer rock », pour reprendre les dires de Joey Tempest, il a néanmoins une certaine cohérence dans les thématiques abordées. À un son vintage, une conscience contemporaine.
Europe n’a rien perdu de sa pertinence. Au contraire, il ne fait que le devenir de plus en plus. Il est l’un des représentants les plus inspirés des grandes heures du rock, depuis longtemps délesté du poids « The Final Countdown » en termes de crédibilité musicale. Walk The Earth a indéniablement un cachet vintage qui en fera un album presque nostalgique pour certains. À l’heure où nombre de formations souhaitent honorer les formules du grand rock jusque dans les techniques d’enregistrement, peu le font avec l’authenticité et l’efficacité d’Europe.
Clip vidéo pour la chanson « Walk The Earth » :
Album Walk The Earth, sortie le 20 octobre 2017 via Hell & Back / Silver Lining Music. Disponible à l’achat ici
Pas d’accord, on commence à tourner en rond. Rien à dire côté prod et performance du groupe, c’est au niveau des compos que ça passe moins bien. Walk the earth, Election Day, Gto… pour le reste, je cherche encore les refrains accrocheurs. Ça manque cruellement de mélodies facilement indentifiables, et les délires psyché de Pictures et surtout Wolves très peu pour moi. Par ailleurs, pourquoi nous faire le coup de la panne de courant pour conclure le très chouette Turn to dust, qui aurait mérité une fin plus travaillée ??
Avec WOK, ça fait deux albums de suite dans le même « style », et il serait peut-être temps de passer à autre chose, non ??
[Reply]
Tout ça reste très subjectif et reste à l’appréciation de chaque fan. Évitons de parler pour les autres et contentons nous de donner notre propre avis.
Pour ma part, c’est du grand Europe, inspiré et parfaitement maîtrisé.