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Interview   

Evergrey : la recherche de la libération


Il y a vingt ans, Evergrey sortait l’album emblématique – en tout cas, pour les fans old school du groupe – et gorgé de tubes In Search Of Truth. Voilà un titre qui, finalement, résume bien la démarche artistique d’Evergrey et de son leader Tom S. Englund : être vrai. Et on fait difficilement plus vrai que la trilogie d’albums qu’a conclue The Atlantic (2019) et qui parlait, même métaphoriquement, d’une période spécifique de la vie du chanteur. Une véracité libératrice.

Désormais libéré, justement, de la contrainte conceptuelle, c’est forcément un nouveau chapitre qui s’ouvre avec Escape Of The Phoenix qui voit Evergrey retrouver une musique plus concise et directe, mais pas moins émotionnelle et contrastée. Un chapitre qui s’ouvre mais aussi un autre qui se referme, avec la participation de James LaBrie à un morceau, lui et Dream Theater ayant été une source d’inspiration importante dès les débuts d’Evergrey et dans l’éducation musicale de Tom S. Englund.

C’est donc finalement un Evergrey assez serein, peu impacté par la pandémie et qui n’a pas connu de gros accroc depuis presque dix ans, que l’on retrouve. Le phœnix qui a tant de fois dû renaître peut maintenant profiter, même si la mélancolie ne le lâche jamais vraiment.

« A l’époque où il y avait une compétition entre ceux qui écoutaient les groupes à synthétiseurs comme Depeche Mode ou Alphaville et ceux qui écoutaient Judas Priest et Iron Maiden, moi j’écoutais les deux. Je me disais qu’il y avait un truc qui clochait chez moi ! »

Radio Metal : The Atlantic était la conclusion de ce qui était considéré comme une trilogie d’albums, avec des paroles plus personnelles sur toi et ton parcours de vie. Comment te sens-tu, deux ans plus tard ?

Tom S. Englund (chant & guitare) : Pour être honnête, je n’ai pas du tout réfléchi à comment je me sentais après ces albums ! A la place, j’ai enchaîné sur l’album suivant. Je n’ai pas vraiment songé à si ça m’avait affecté d’une certaine manière ou ce que ça signifiait. C’était simplement une excellente chose de pouvoir le faire à ce moment-là. J’apprécie d’avoir pu me concentrer là-dessus et y plonger mon esprit quand j’éprouvais des difficultés dans ma vie.

La dernière fois qu’on s’est parlé, tu nous as dit que The Atlantic était « le troisième chapitre d’un voyage en cours pour [t]oi, en tant que personne, mais personne n’a dit que c’était une trilogie et que la conclusion était à la fin de la trilogie. Il pourrait même y avoir un quatrième album ! » Du coup, comment avez-vous bordé Escape Of The Phoenix après ça ? Le vois-tu comme une continuité, ou as-tu ressenti le besoin de passer à autre chose ? Après tout, avec The Atlantic il était question de partir d’un point de ta vie pour aller au suivant…

Oui, et en ce sens, je dirais qu’Escape Of The Phoenix est le résultat de ma vie aujourd’hui, bien sûr, mais ce n’est pas basé sur ma vie aujourd’hui. C’est plus un voyage rétrospectif, je dirais, sur certaines choses qui se sont produites dans ma vie par le passé, à peu près comme n’importe quel autre album d’Evergrey qui n’était pas lié à un concept. J’ai trouvé que c’était sympa de sortir du monde conceptuel, d’être plus libre dans ma création et de faire tout ce que je voulais au sein du cadre d’Evergrey. C’était une bouffée d’air frais de ne pas avoir à penser à la même histoire. J’ai commencé à composer en décembre 2019 avec Jonas [Ekdal], le batteur. A ce moment-là, quand on commence à composer, il ne se passe rien de spécial. On n’a qu’une page blanche et on commence à composer, puis des mois plus tard, tu en arrives à un point où tu dis : « Ah ! Voilà comment l’album va sonner ! » Au début de la composition, Noël approchait et je partais en vacances pendant un mois en janvier, donc j’avais hâte d’y être. Je suis revenu de Hong Kong quand le premier cas de Covid-19 a été découvert en Suède. A l’époque, évidemment, on ne savait pas que ça serait aussi grave aujourd’hui mais nous avions déjà réservé du temps en studio. Pour nous, ça ne changeait rien. Ça a en fait mené à plus de tranquillité d’esprit pour créer parce que nous n’étions pas obligés de voyager dans différents pays en pleine création et enregistrement de l’album. Pour nous, jusqu’ici, en dehors de l’aspect économique de la pandémie, ça a été très satisfaisant parce que ça nous a donné du temps pour créer de manière plus relax.

Tu as qualifié Escape Of The Phoenix de « version plus metal de The Atlantic »…

Juste uen remarque : je ne l’ai pas qualifié comme ça, je crois que c’est quelqu’un chez le label qui l’a fait ! [Petits rires]

D’accord, car les chansons sur Escape Of The Phoenix paraissent, pas forcément plus sombres – The Atlantic était déjà un album assez sombre – mais plus directes. Penses-tu qu’après trois albums émotionnellement profonds et complexes, ce qui se reflétait dans la musique, c’était le moment de faire quelque chose de plus immédiat à apprécier voire de plus « divertissant », pour ainsi dire, même si ça reste très émotionnel ?

C’est peut-être le cas, mais de mon côté ce n’était pas intentionnel. J’écris toujours en fonction de ce que j’ai à l’intérieur. De toute évidence, mon esprit de composition a voulu écrire de la musique dans cette veine. Je n’ai pas énormément écouté l’album, mais je l’ai écouté récemment parce qu’il fallait que je me prépare pour les interviews, et je trouve qu’il est plein d’une énergie qui est à un autre niveau. Je ne suis pas en train de dire que c’est mieux ou pire, mais il a une forme d’avidité. Je le trouve ardent, avide, intense et même exaltant dans certaines parties. J’imagine que c’est ce qu’a apporté le fait de créer en dehors du story-board conceptuel. C’est peut-être dû au fait que j’ai eu le sentiment d’avoir fait face à quelque chose et j’en ai fini avec ce sujet, et une fois ceci terminé, ça m’a apporté une énergie nouvelle. Si The Atlantic parlait de la traversée de l’océan Atlantique et du fait de quitter une chose pour en rejoindre une autre, alors je dirais qu’Escape Of The Phoenix représente au moins où j’en suis aujourd’hui – mais ça a été le cas de chaque album d’Evergrey. C’est un reflet de l’époque et de la vie au moment précis où c’est réalisé. Même si je repense à des choses passées, il reflète quand même mes sentiments au moment où je l’ai fait.

« Dream Theater est en partie responsable de la manière dont Evergrey sonne aujourd’hui, car lorsque j’ai commencé Evergrey, je voulais sonner comme Dream Theater, mais j’ai vite réalisé que je n’étais pas capable de jouer comme eux. »

D’un autre côté, quand les groupes – ou en l’occurrence ici le label – disent qu’un album est « plus metal », on se retrouve avec un bloc très monolithique de musique agressive. Or ce n’est clairement pas le cas d’Escape Of The Phoenix, qui reste très mélodique et parsemé de moments très calmes. Le metal, est-ce autant une question de mélodie et de grâce que d’agressivité, pour toi ?

Pour moi, le metal c’est une question d’attitude. C’est un ensemble. L’attitude peut être sombre, elle peut être exaltante, elle peut être… En fait, je n’y avais jamais réfléchi avant que tu poses la question. Ce n’est pas tant le fait d’avoir le riff de guitare le plus heavy. C’est ce qu’on délivre. Evidemment, il faut de la guitare saturée, mais à mon sens, certains des morceaux les plus sombres d’artistes metal n’ont pas de guitare. C’est une question de contraste, de hauts et de bas, c’est ça le metal pour moi, par opposition à la pop qui reste plus ou moins tout le temps sur le même feeling. Le metal se permet de faire des vagues et de prendre des formes différentes, ce qui n’est pas le cas d’autres choses dans le monde, et c’est ce que j’aime. A l’époque où il y avait une compétition entre ceux qui écoutaient les groupes à synthétiseurs comme Depeche Mode ou Alphaville et ceux qui écoutaient Judas Priest et Iron Maiden, moi j’écoutais les deux. Je me disais qu’il y avait un truc qui clochait chez moi ! Car il fallait porter des clous, des pantalons et des vestes en cuir et on ne pouvait pas écouter une autre musique que du metal. Je trouve que c’est très étroit d’esprit parce que ça nous fait passer à côté de plein de superbes musiques qui nous inspirent aussi à créer de la meilleure musique pour nous-mêmes, quand on est musiciens. Avec Evergrey, notre truc c’est juste de faire ce dont la chanson a besoin. Nous basons vraiment notre musique sur l’émotion et si l’émotion est intense et compliquée, ou si les paroles parlent de quelque chose de complexe, nous voulons que la musique le reflète et vice versa. Ce qui fait qu’il nous arrive, par exemple, d’avoir des parties complexes, mais nous ne sommes jamais excessivement techniques. Il y a des parties difficiles à jouer mais nous ne sommes pas un groupe technique en ce sens, tout comme nous ne sommes pas un groupe très brutal et agressif.

James Labrie apparaît sur la chanson « The Beholder ». L’une des forces de James est de parvenir à créer des lignes de chant accrocheuses et entêtantes pour Dream Thearer, un groupe qui autrement joue de la musique complexe et technique. Dirais-tu que c’est ce dont une chanson sombre et heavy comme « The Beholder » avait besoin ?

En fait, j’ai écrit toutes les parties pour James. Je considère James comme étant une grande inspiration dans mon éducation de musicien et je dirais même que Dream Theater est en partie responsable de la manière dont Evergrey sonne aujourd’hui, car lorsque j’ai commencé Evergrey, je voulais sonner comme Dream Theater, mais j’ai vite réalisé que je n’étais pas capable de jouer comme eux. Mais c’était sympa de voir un groupe faire preuve d’imagination et montrer au monde qu’il était possible de jouer ce genre de musique tout en ayant du succès. En ce sens, pendant longtemps, James était un peu la voix qui a donné une bande-son à mon éducation musicale. Nous avons tourné et joué un paquet de fois avec Dream Theater, donc James et moi, nous nous connaissons. A la fois, le fait qu’il chante sur notre musique était génial, ça boucle la boucle. Je suis très reconnaissant qu’il l’ait fait mais aussi qu’un chapitre dans le livre de mon éducation musicale se soit refermé : « Tu étais là quand j’ai commencé à faire de la musique et tu es aussi là à participer à mon douzième album ! » L’une des grandes qualités de James est qu’il arrive à nous faire ressentir quelque chose, surtout quand il chante avec ce caractère, avec cette voix qu’il utilise sur « The Beholder ». C’est pourquoi je l’ai écrit pour lui de cette manière. C’est juste super ! La chanson était déjà écrite mais quand nous sommes arrivés à cette partie au milieu, tous les cinq dans le groupe, nous étions assis dans notre studio, et j’ai suggéré qu’il fallait que nous invitions un chanteur. Puis tout le monde a dit : « Il faut que ce soit James ! » Peut-être parce que ça sonnait comme une partie faite pour James. Rikard [Zander], le claviériste, n’arrêtait pas de sauter en disant : « Il va dire oui, je te le promets ! » [Rires] Je lui ai donc écrit un e-mail et il a dit oui !

C’est drôle que tu dises que James a été une grande influence pour toi, car vos voix sont très différentes ! C’est d’ailleurs aussi pour ça que le duo fonctionne si bien dans la chanson…

Oui, c’est ce qui est cool ! Enfin, je n’ai pas dit qu’il m’avait influencé vocalement, il m’influence en tant que musicien et en tant que personne. Selon moi, personne dans le monde ne sonne comme James et je suis presque sûr qu’il n’y a pas beaucoup de gens non plus qui sonnent comme moi. Quand nous avons chanté ensemble, ça avait aussi du sens. Ça sonne super bien, même si nous avons des voix très différentes. Ensemble – sans trop me flatter – je trouve que nous sonnons extraordinairement bien, pour être honnête !

« Quand nous sommes en mode créatif, mon esprit est tellement verrouillé sur tout ce que je dois faire pour l’album que je me fiche un peu de tout le reste. […] Je ne suis pas la meilleure personne à côtoyer quand je suis en mode créatif. Être en mode créatif pendant neuf mois, ça laisse des séquelles chez n’importe qui ! »

Comme tu l’as mentionné, Escape The Phoenix a été écrit et enregistré pendant la pandémie. Avec le confinement et la distanciation sociale, on a vécu – et on vit toujours – une période très mélancolique. Vu à quel point la musique d’Evergrey joue sur la mélancolie, vous êtes-vous nourris de cette atmosphère particulière ?

Je ne dirais pas que la pandémie nous a consciemment affectés. Je dirais que si l’album donne un sentiment d’avidité, d’exaltation et de force, c’est peut-être parce que nous avons très envie de pouvoir jouer cette musique en concert un jour ! Mais nous étions déjà bien avancés dans la composition de l’album au moment où le monde a compris la sévérité de cette pandémie, et comme je l’ai dit, nous avions déjà planifié de faire l’album, donc ça n’a strictement rien changé à nos plans, si ce n’est que nous avons annulé environ dix concerts. Comme nous travaillons dans le business des tournées, bien sûr, ça nous a affectés sur le plan logistique. Nous avons annulé deux tournées jusqu’à présent et nous avons une troisième tournée callée en octobre que j’imagine mal se maintenir. J’espère encore mais au lieu de sauter dans un trou noir, à commencer à se dire que rien n’ira plus, on peut se concentrer sur ce qu’on peut faire, c’est-à-dire plus de musique. Donc nous sommes déjà en train de parler du prochain album alors que celui-ci n’est même pas encore sorti ! Autrement, la seule différence du point de vue de l’enregistrement, c’est que nous ne sommes pas allés au Danemark pour mixer l’album, il a fallu que nous envoyions les choses là-bas, mais pour tout le reste, nous avons enregistré cet album exactement comme nous avons enregistré le précédent. Le truc, c’est que durant l’été, les chiffres semblaient bons et nous n’étions de toute façon pas plus de quatre personnes dans la salle d’enregistrement – on ne nous a jamais interdit d’être moins de huit. Donc ça n’a rien changé. Nous avons eu plus de temps, donc en ce sens, ça nous a influencés mais de manière positive. Maintenant que j’y pense, je me dis que peut-être cette période poussera les gens à penser aux choses importantes et à apprécier ce qu’ils ont et ce qui rend la vie si belle ! Pour nous, c’est la musique.

Paradoxalement, avez-vous abordé cet album avec plus de sérénité grâce à la pandémie ?

Peut-être inconsciemment. Quand nous sommes en mode créatif, mon esprit est tellement verrouillé sur tout ce que je dois faire pour l’album que je me fiche un peu de tout le reste. Ça peut paraître égoïste et un peu bizarre mais c’est la seule solution pour que je puisse gérer la charge de travail que représentent la composition de la musique, l’écriture des paroles, la production et le fait de chanter. C’est une énorme tâche, pour être honnête ! Ça nécessite une grande volonté de l’esprit pour rester concentré pendant sept mois d’affilée. Je crois que je ne suis pas la meilleure personne à côtoyer quand je suis en mode créatif. Être en mode créatif pendant neuf mois, ça laisse des séquelles chez n’importe qui ! Mais je m’améliore, j’arrive mieux à penser à autre chose une fois que la journée de travail est terminée. Généralement, je travaille dix à douze heures par jour et j’essaye de réserver le reste du temps pour faire de l’exercice, pour dîner et socialiser avec ma famille.

Quelle est la place des autres membres du groupe durant cette période quand tu es aussi concentré sur la musique ?

La plupart d’entre eux sont pareils. Je dirais que Jonas et moi, nous sommes les capitaines du navire et c’est notre boulot de nous assurer que nous allons d’un point A à un point B et en conséquence, notre concentration est constamment à cent pour cent, tandis que les autres gars peuvent entrer et sortir de leur mode créatif. En fait, je ne sais pas trop, car je n’ai pas le temps de leur demander comment se passe le processus créatif à ce moment-là parce que je suis trop occupé à faire mes propres trucs [petits rires].

Le titre de l’album, Escape Of The Phoenix, suggère que le phénix ne veut pas ressusciter. Tu as commenté sur le sujet en disant que « parfois on en a marre de se relever et d’être fort ». Evergrey a souvent été confronté à des coups durs dans sa carrière, donc le parallèle avec le phénix est évident : en as-tu parfois marre de toujours te relever voire de tes propres responsabilités en tant que leader du groupe ?

Oui, ça t’use mais quelle est l’option ? Rester démoralisé ? Ce n’est pas du tout une option pour moi, quel que soit le domaine dans ma vie. Je dirais que oui, bien sûr, nous avons connu nos moments de tourment, de galère et de d’adversité, mais à la fois, connais-tu quelqu’un qui n’a jamais vécu d’épreuve sur une période de vingt-six ans ? C’est presque une vie. C’est ma vie ! J’ai joué dans Evergrey pendant plus de la moitié de ma vie ! Ce n’est plus un choix, c’est qui je suis et même si ceci était le dernier album d’Evergrey, je continuerais à faire de la musique d’une manière ou d’une autre qui serait quand même fortement influencée par l’univers d’Evergrey. Pour moi, ce n’est pas un choix à proprement parler, c’est qui je suis et c’est mon identité, c’est le sang qui coule dans mes veines, c’est l’air que je respire, c’est tout ce à quoi je pense constamment. D’un autre côté, je dirais qu’au cours des dix dernières années, nous avons eu beaucoup de chance de ne pas avoir connu de galère en dehors d’événements banals, comme le fait d’être cambriolé au studio et d’autres trucs dans le genre. Ce sont des choses qui arrivent et ça continuera de nous arriver. Si tu t’attends à ce que la vie se passe sans problème, alors des problèmes surviendront et la vie deviendra d’autant plus difficile pour toi, car je dirais que l’ordre n’est pas la norme dans la vie. Le chaos est la norme et ensuite on essaye d’y mettre de l’ordre.

« Si tu t’attends à ce que la vie se passe sans problème, alors des problèmes surviendront et la vie deviendra d’autant plus difficile pour toi, car je dirais que l’ordre n’est pas la norme dans la vie. Le chaos est la norme et ensuite on essaye d’y mettre de l’ordre. »

Quand était le moment où le phénix – Evergrey – a été le plus proche de ne pas renaitre de ses cendres ?

Je pense que c’était en 2010 après que nous ayons sorti l’album Glorious Collision. J’avais plus ou moins décidé que ça allait être le dernier album d’Evergrey. Mais tu vois, les choses changent, tu retrouves l’inspiration, tu rencontres quelqu’un ou une personne qui te relève, t’inspire ou te motive et c’est exactement ce qui s’est passé. Nous avons retrouvé Jonas et Henrik à l’époque, en 2011, et dix ans se sont écoulés depuis. C’est juste extraordinaire !

D’un autre côté, on peut aussi voir ce titre sous l’angle positif de la libération, tout comme dans cette illustration où le phénix se libère de ses chaînes. La musique a-t-elle représenté une forme de libération pour toi ?

Absolument ! C’est à peu près tout ce que c’est ! C’est un exutoire. C’est une porte de sortie du système dans laquelle je peux mettre tous mes trucs et les filtrer. Alors ça me permet de continuer à être qui je suis dans ma vie privée. Clairement, la musique est censée être libératrice, donner de la force et de l’énergie ! Devenir une meilleure personne, c’est la plus grande mission qu’on puisse avoir dans la vie. Chaque jour on s’efforce de devenir une meilleure personne ou on essaye de faire mieux qu’avant. C’est la même chose avec la composition et c’est exactement la même chose avec Evergrey, car il a toujours été question d’écrire la meilleure chanson. C’est notre seul objectif, pour chacune des chansons que nous faisons. Il n’y a pas la moindre seconde sur le moindre album tout au long de nos vingt-six ans d’histoire et de nos douze albums que je n’assume pas à cent pour cent. C’est dire à quel point c’est important pour nous. La libération vient de la volonté de devenir meilleur et de faire mieux, de voire d’autres choses, de ne pas stagner.

Tu as déclaré que la musique « a été [ta] thérapie durant les vingt-cinq dernières années [et que tu es] sûr que si [tu] ne faisais pas ça, [tu] serais une personne beaucoup plus malheureuse ». D’un autre côté, d’autres gens soutiendraient qu’être musicien est un boulot éreintant et que ça pourrait être la raison pour laquelle on aurait besoin d’une thérapie – on a tous vu ces musiciens souffrir de burn-out durant ces dix dernières années. Quel est ton sentiment à cet égard ? La musique, et en particulier l’industrie musicale, pourrait-elle être la solution, mais aussi une partie du problème ?

Oui, mais je pense que ça fait partie d’un problème différent. Je ne peux pas parler à la place des autres, je ne peux que parler pour moi-même : j’ai aussi été épuisé par l’industrie musicale vers 2010 et 2011, quand je ne ressentais plus du tout un désir irrépressible de faire ça. Bien sûr, quand on est dans une industrie où l’alcool et la drogue sont aussi banals que l’eau et les petits déjeuners, c’est facile de s’égarer et de se perdre dans peu importe ce dont on a envie de se perdre, surtout quand au bout d’un moment on ne sait plus où on habite parce que ça fait longtemps qu’on est en tournée. C’est facile de céder à n’importe quoi qui nous convient. Et les labels ne sont pas connus pour se soucier de leurs employés. En ce sens, c’est une industrie merdique. C’est une industrie – comme tout le reste dans le monde – où tout est une question d’argent. Il faut prendre soin de soi et faire attention aux contrats qu’on signe, de telle façon que les labels et les manageurs soient obligés de bien nous traiter, qu’ils soient corrects et justes avec nous. Avec Evergrey, nous sommes dans une situation où nous pouvons décider avec qui et comment nous travaillons, et en tirer le meilleur parti, mais oui, bien sûr, si tu ne prends pas soin de toi, c’est une industrie qui peut mener à des problèmes de santé et psychologiques. D’un autre côté, n’importe quel autre boulot peut faire ça.

Cette année marque le vingtième anniversaire d’In Search Of Truth, qui est considéré comme l’un des grands classiques et des albums les plus emblématiques d’Evergrey. Quels sont tes souvenirs de cette époque ?

Henrik est arrivé dans le groupe à cette époque ; nous avions trois nouveaux membres dans le groupe sur cet album ! C’était donc une période où nous étions en pleine ascension et avions vraiment la niaque, mais nous n’avions aucune économie ou quoi que ce soit pour nous aider. Ça n’avait pas d’importance, nous étions prêts à faire l’album ! Nous avons commencé à tourner… C’est un peu là où Evergrey est devenu un business. Ça a commencé à cette époque, en 2001. Mais la vision que nous avions à l’époque reste la même qu’aujourd’hui : faire les meilleures chansons possible, voyager dans le monde, rencontrer autant de gens que possible, faire autant de concerts que possible et avec un peu de chance gagner notre vie. A l’époque, nous ne pouvions pas du tout gagner notre vie, donc c’était un rêve. Ça ne paraissait pas inatteignable mais ça semblait très lointain. C’était une époque très inspirante. A la fois, nous avions l’impression que tout était possible à l’époque – et c’est ce que nous ressentons encore aujourd’hui. Je suis peut-être irréaliste avec mes visions et mes espoirs, mais il le faut, je pense que c’est aussi ce qui nous donne une liberté créative.

Quand avez-vous commencé à gagner votre vie avec le groupe ?

Après Recreation Day je crois, l’album suivant, mais ça allait et venait et nous avons fait d’autres choses liées à la musique : de la musique pour des publicités à la télévision, j’ai enregistré et produit d’autres groupes en studio… Mais ça a toujours été lié à la musique.

« En tant que vieux fans, moi y compris, on a une certaine perception de ce qui est la chanson la plus populaire ou le plus gros album, mais ça ne reflète pas toujours la réalité. Nombre de nos fans aujourd’hui n’ont pas du tout entendu In Search Of Truth ! »

Comme je disais, In Search Of Truth est un classique pour les fans. Comment expliques-tu la magie qui a opéré sur cet album ?

Je ne sais pas l’expliquer ! A la fois, il faut comprendre qu’à l’époque, Evergrey a peut-être vendu dix mille exemplaires d’In Search Of Truth, alors que The Atlantic, nous en avons vendu quatre fois plus ! [Rires] Ce n’est pas notre plus gros album – ça l’était – mais ça reste l’un de nos classiques. C’est sûr qu’il a eu un impact, mais commercialement, déjà Recreation Day était un plus gros album qu’In Search Of Truth ; nous avons tourné plus et vendu plus d’exemplaires. Je suis en train de regarder sur Spotify, en l’occurrence, dans les dix premières chansons, il n’y en a pas une seule d’In Search Of Truth ! Je regarde… « The Masterplan » a été autant écoutée que la chanson la moins écoutée de The Atlantic [rires]. « Forever Outsider » a plus souvent été écoutée que « The Masterplan », alors qu’elle est sortie il y a à peine un mois ! Notre chanson la plus écoutée est « My Allied Ocean ». J’essaye juste de faire remarquer que ça dit quelque chose : nous, en tant que vieux fans, moi y compris, on a une certaine perception de ce qui est la chanson la plus populaire ou le plus gros album, mais ça ne reflète pas toujours la réalité. Nombre de nos fans aujourd’hui n’ont pas du tout entendu In Search Of Truth ! Nombre de nos fans ont découvert le groupe avec l’album Hymns For The Broken, dix ans plus tard. C’est une des choses qui sont géniales quand on est dans un groupe : on a des fans qui nous rejoignent sur trois décennies, c’est dingue quand on y pense ! Quand nous avons sorti les deux premières nouvelles chansons, nous avons vu des commentaires en provenance de pays où nous n’avions jamais beaucoup de commentaires, ou de requêtes de fans, ou d’interviews. C’est vraiment étrange de se dire qu’on peut encore progresser et grandir avec son douzième album. Honnêtement, je ne crois pas avoir ressenti les choses différemment durant l’époque In Search Of Truth par rapport à maintenant. C’est pareil : il s’agit de créer la meilleure musique possible.

Pourquoi n’avoir pas continué à travailler avec Andy LaRocque à la production ensuite et avoir opté principalement pour de l’autoproduction – même s’il était encore là en tant qu’ingénieur sur Recreation Day ?

Nous nous sommes toujours autoproduits, d’une certaine façon. Nous l’avons fait à chaque album, même si Andy LaRocque a mixé les premiers albums et que nous avons enregistré les quatre premiers albums avec lui. Je pense que c’est l’une des clés : tu ne peux pas t’attendre à progresser et à aller plus loin si tu fais tout le temps la même chose, c’est impossible. Il faut progresser et faire de nouvelles choses, avoir envie, être sur le qui-vive. Il faut que ce soit un peu difficile plutôt que de rester là à sans arrêt faire la même chose. Ce qui me mène au fait que nous avons maintenant fait plusieurs albums avec Jacob Hansen. A la fois, Jonas et moi, nous faisons de plus en plus de production nous-mêmes. Hansen est un mixeur fantastique pour nous mais nous gérons une grande partie de la production, de l’enregistrement et du boulot d’ingénieur avant de lui envoyer les morceaux.

Peu de temps après In Search Of Truth, vous avez sorti Recreation Day, qui est également un album important – en tout cas pour les vieux fans d’Evergrey. Dirais-tu que c’était sur ces deux albums que vous avez trouvé la formule d’Evergrey et les principes fondateurs de votre musique qui vous ont permis d’avoir cette longévité ?

Je pense que je les ai trouvés avec l’album Solitude, Dominance, Tragedy, pour être honnête. Je pense qu’à l’époque de The Dark Discovery, ma vision n’était pas aussi claire, mais au moment de Solitude, Dominance, Tragedy c’était très clair. Nous avons enregistré le premier album en 1996 mais il est sorti en 1998, beaucoup de temps s’est donc écoulé entre l’enregistrement et la sortie, ce qui fait que quand nous avons fait l’album Solitude, Dominance, Tragedy, j’avais eu trois ans pour réfléchir à la manière dont Evergrey devait sonner. Donc je pense que Solitude, Dominance, Tragedy a posé les bases du son d’Evergrey mais ensuite, bien sûr, celui-ci s’est développé à chaque album. Il n’y a pas un seul album dans la discographie d’Evergrey qui sonne comme un autre.

Le concept d’In Search Of Truth traitait des enlèvements extraterrestres, en s’inspirant du livre Communion de Whitley Strieber qui aurait vécu ce genre d’expérience. Comment as-tu évolué sur ce sujet vingt ans plus tard ?

Je pense que ma compréhension de la psyché humaine est plus ou moins la même. La chose la plus importante est qu’il croyait avoir vécu ces choses. Je pense en tout cas qu’il a ressenti ce qu’il dit avoir ressenti, même si je n’ai pas été dans sa tête. Ce n’est pas important ce qui s’est réellement passé. L’important dans l’histoire est qu’il a cru que ça lui arrivait, donc dans sa tête c’était en train d’arriver. Personnellement, je pense que ça relève de l’ignorance de dire qu’il n’y a pas de vie en dehors de la Terre, vu l’immensité de l’univers. Mathématiquement, il y a beaucoup plus de chance qu’il existe de la vie ailleurs que le contraire.

Pour finir, peux-tu nous donner des nouvelles de Redemption ? Avez-vous commencé à travailler sur la suite de Long Night’s Journey Into Day ?

Oui. Nick [van Dyk] et Vikram [Shankar] sont actuellement en train de composer autant que possible pour le nouvel album. Je crois que je vais enregistrer le chant en avril ou mai cette année. Nous avons hâte. Je suis aussi en train de me mettre sur le nouvel album de Silent Skies. L’année va être chargée !

Interview réalisée par téléphone le 18 février 2021 par Nicolas Gricourt.
fiche de questions : Nicolas Gricourt & Philippe Sliwa.
Retranscription : Floriane Wittner.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Patric Ullaeus / Giannis Nakos.

Site officiel d’Evergrey : www.evergrey.net

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