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Interview   

Evergrey s’est relevé


A l’issue de cet entretien vous saurez tout, non pas sur le zizi (admirez la performance que d’avoir réussi à placer ce terme dans un tel contexte. On est un obsédé ou on ne l’est pas), mais sur la crise qu’a traversé Evergrey et plus particulièrement Tom Englund (chant/guitare) et Rikard Zander (claviers/chœurs), seuls rescapés d’une séparation déchirante.

Nous avons en effet passé la majeure partie de cet entretien avec Tom à évoquer cet épisode qui a failli coûter la vie au groupe. Le leader se montre particulièrement loquace quant au déroulement des faits et sincère quant à son ressenti. Il partage volontiers avec nous quelques dialogues (« J’avais le sentiment de vouloir te prouver de quoi j’étais capable ») et quelques pensées (« peut-être que nous avions fait sept albums géniaux et que je devrais m’en contenter ») qu’il a eus à l’époque.

Glorious Collision, album percutant, au titre évocateur est une réaction tant au niveau de la musique que des textes à cette difficile année 2010. Un disque qui pourrait être la bande son de ces moments que l’on a mis pour se relever après un choc dévastateur.

« Je pensais « peut-être que nous avions fait sept albums géniaux et que je devrais m’en contenter […] Est-ce que je dois simplement arrêter de faire de la musique ? ». […] Puis nous avons composé trois titres pour cet album en une semaine. Puis nous nous sommes dit « eh bien, voilà, c’est ça la réponse donc c’est ça que nous allons faire. » « 

L’année 2010 a dû être difficile pour toi entre le départ des musiciens et le vol du matériel du groupe. Ma première question est simple : comment ça va ?

Je vais très bien. Je vais bien mieux qu’en 2010 (rires). Mais, encore une fois, les membres du groupe sont partis parce que je voulais qu’ils partent et eux le voulaient également. Ça s’est fait d’un commun accord, nous avons pris cette décision ensemble et ce dans le but de rester amis et de peut-être garder Evergrey en vie. À ce moment-là, ça n’était même pas quelque chose d’important pour nous. Nous avions juste l’impression que nous ne pourrions pas continuer de cette manière-là. Ensuite il y a eu cette putain de merde avec le cambriolage de notre bus de tournée mais bon, ça, c’est une autre histoire. L’un dans l’autre, je crois que, mentalement, je suis certainement la personne la plus solide à qui il te sera jamais donné de parler (rires).

Tu as déclaré que la poursuite de la carrière d’Evergrey n’avait jamais été remise en question par cette série de départs…

Si. Je leur ai dit : “Hey les gars, on ne peut pas continuer comme ça, vous ne pouvez plus être dans le même groupe que moi”, et ces mecs sont mes meilleurs amis, tu vois. Immédiatement après, Henrik est sorti de chez moi, la seconde suivante, une autre pensée m’a traversé l’esprit : “oh merde, qu’est-ce que je vais bien pouvoir foutre maintenant ? Est-ce que je vais continuer ?”. Alors j’ai commencé à réfléchir et j’ai demandé à Rikard, le claviériste : “hey mec qu’est-ce que tu veux faire ?” et il m’a répondu “qu’est-ce que tu veux dire ?” alors je lui ai expliqué : “je ne sais plus si j’ai encore envie de faire ça.” Je savais uniquement que je ne voulais plus continuer avec eux. Par conséquent j’ai annoncé à Rikard que j’avais besoin de temps pour réfléchir. Une semaine, dix jours ou quel que soit le temps que ça allait me prendre. C’est ce que j’ai fait.

Lorsqu’il ne restait plus que vous deux, avez-vous à un moment ou à un autre perdu espoir ? N’avez-vous jamais pensé que ça pouvait être la fin du groupe ?

À vrai dire je n’en savais rien. Je n’avais pas la moindre opinion sur le sujet car je ne savais même pas si j’avais envie de continuer. Tu sais, je pensais « peut-être que nous avons fait sept albums géniaux et que je devrais m’en contenter ». On aurait alors eu une carrière dont nous pourrions être fiers. D’un autre côté (il soupire) je me suis tout de suite dit “est-ce que cela signifie qu’il faudrait que je reparte à zéro avec un autre groupe ou alors est-ce que je dois simplement arrêter de faire de la musique ?”. La musique a toujours fait partie de ma vie. J’ai commencé à me poser toutes ces questions existentielles. À la fin, il ne restait plus que Rikard et moi en train d’essayer d’écrire des chansons. Nous avons composé trois titres pour cet album en une semaine. Puis nous nous sommes dit “eh bien, voilà, c’est ça la réponse donc c’est ça que nous allons faire.”

Quelles sont ces chansons qui vous ont fait revenir dans la course ?

C’était la première chanson “Leave It Behind”, le premier single “Wrong” et “Out Of Reach”.

« ‘Frozen’ parle du point de non retour, peu importe la relation. Tu continues avec ton train-train quotidien comme n’importe qui d’autre. Tu ne peux pas t’empêcher de constamment te répéter ‘Suis-je vraiment heureux comme ça ou est-ce que je reste simplement par habitude ?' »

Du coup, les paroles et le titre “Leave It Behind” sont évocatrices : tu voulais aller de l’avant et laisser toute cette merde derrière toi.

Oui, absolument ! Chacune des cinq premières chansons a vraiment quelque chose à voir avec la relation à l’intérieur du groupe, avant et après. “Leave It Behind” parle de moi et de mon impression de me retrouver au milieu d’un dialogue de sourds, d’être incompris car personne ne pouvait entendre ce que je disais. Et j’avais le sentiment que lorsqu’ils parlaient, ils voulaient que je lise entre les lignes. “You” traitait de certains aspects de la trahison et “Wrong” est le titre au cours duquel je me rend compte que c’est moi qui ai eu tort après avoir cru pendant dix ans que j’avais raison. “Frozen” parle du point de non retour, peu importe la relation. Quand tout se transforme en routine et où l’on n’arrive plus à s’apprécier l’un l’autre pour ce que l’on est. Tu continues  avec ton train-train quotidien comme n’importe qui d’autre. Tu ne peux pas t’empêcher de constamment te répéter « Suis-je vraiment heureux comme ça ou est-ce que je reste simplement par habitude ? » Et enfin “Restoring The Loss” aborde le moment où nous avons commencé à rassembler les morceaux et aller de l’avant.

Le titre de l’album marie l’adjectif très positif « Glorious » à un terme négatif « Collision ». Cette opposition est-elle un symbole de votre retour. Comme si l’explosion du groupe, l’an dernier, était un mal pour un bien ?

Ouais. Dans la vie tu passes ton temps à encaisser des chocs, à entrer en collision avec des obstacles. Au travail, avec tes collègues pour des différences d’opinion ou bien quand tu perds des proches. Ce genre de collision peut être dévastatrice. Mais cela transforme ta façon de voir les choses, cela peut guider ta boussole, ton esprit vers une nouvelle direction. Au début, tu n’arrives pas à voir le positif, c’est naturel. Tu sais, quand j’ai dû dire à mes meilleurs amis que je ne voulais plus jouer avec eux, ça a été une de ces collisions, c’était destructeur. Mais ce choix et ce choc m’ont conduit là où je suis. C’est pour ça que l’album s’appelle Glorious Collision.

L’album est très percutant. Compte-tenu de la situation que vous avez vécue avec Rikard, on s’attendait à un album plus aigre. Même s’il y a quelques titres tristes, comme « Wrong » ou « Free », il semble que vous ayez plutôt eu, au contraire, envie de montrer votre enthousiasme d’avoir survécu et d’être de retour…

Oui peut-être qu’inconsciemment c’était ça (rires). J’ai parlé à Henrik, le guitariste, qui a également un nouveau groupe, et à l’heure d’aujourd’hui nous avons chacun enregistré de nouveaux albums, je lui ai dit « c’est vraiment bizarre mais durant tout le processus j’avais le sentiment de vouloir te prouver de quoi j’étais capable ». Dans un sens c’était très important pour Rikard et moi de faire nos preuves vis-à-vis des anciens membres du groupe. Mais c’était inconscient ; nous ne nous sommes pas assis en disant « hey, montrons à ces enfoirés comment on écrit un super album ! », ça n’était vraiment pas ça du tout.

« Le jour de ce concert, avant que nous commencions à jouer, nous ne savions pas si nous allions rentrer chez nous ou si la compagnie de bus allait nous laisser à Lyon. Ensuite deux minutes avant, on a décidé de donner à ce putain de bus 6000 Euros pour pouvoir rentrer. »

Vous êtes passés en France en mai dernier à l’occasion de la reprogrammation de vos dates précédentes qui avaient été annulées. C’était l’occasion de découvrir le nouveau line-up. Les nouveaux musiciens sont très bons mais savent également bien chanter. Est-ce qu’une bonne maîtrise du chant était une des conditions du recrutement ?

Non mec, on n’en a même pas auditionné un seul ! (rires) Nous les avons simplement rencontrés grâce à des amis communs. Nous avons demandé à des amis s’ils connaissaient du monde et ils nous ont répondu “oui, lui c’est un mec bien… Lui aussi c’est un mec bien… Et lui aussi”.

Leur as-tu demandé s’ils pouvaient chanter ?

Non, je n’ai pas demandé. Ça a été une bonne surprise.

Tu as eu de la chance !

Oui. D’ailleurs c’était à ce concert à Lyon que tu évoquais que tous nos instruments ont été volés ! (rires)

Oui, mais finalement ce show avait quelque chose de spécial, de magique

Le jour de ce concert, avant que nous commencions à jouer, nous ne savions pas si nous allions rentrer chez nous ou si la compagnie de bus allait nous laisser à Lyon. Ensuite deux minutes avant, on a décidé de donner à ce putain de bus 6000 euros pour pouvoir rentrer. Ça a coûté un paquet d’argent mais au moins nous étions sûrs de pouvoir retourner chez nous.

Lors de ce concert, vous aviez vraiment l’air crevés, mais il était impressionnant de voir à quel point vous avez respecté le public et donné le meilleur de vous-mêmes malgré les circonstances.

Je suis content que ça ait ressemblé à ça car dans nos têtes, c’était on ne peut plus chaotique.

C’était comme si vous vous disiez que les fans ne méritent pas ça…

Ouais : « Oublions ça pendant une heure et demi. Nous avions aussi besoin d’une pause et de rester optimiste pendant au moins une heure trente ».

Le travail des claviers est excellent sur cet album. Les arrangements de Rikard sont très discrets mais judicieux. Il semble qu’il se complaise aujourd’hui beaucoup plus dans le rôle d’arrangeur que de claviériste soliste. Es-tu d’accord avec cette analyse ?

Rikard et moi nous comprenons très bien. Je peux lui dire que j’ai besoin de telle ou telle chose et, dans les secondes qui, suivent j’obtiens très souvent exactement ce que je voulais et vice-versa. Rikard a confiance à 100 % en moi et en mes compositions. Il est très facile pour nous ne nous asseoir et de composer sans penser à quoi que ce soit d’autre. Rikard et moi avons une façon de penser très similaire lorsqu’il s’agit de musique. C’est la chanson qui est la plus importante. Ce sont les arrangements, la structure et les dynamiques qui font une chanson. C’est peut-être dans ce domaine que nous différons des Guitar Heroes d’Evergrey. (rires) Y compris du nouveau. Mais je crois que c’est cool que nous arrivions avec des angles et des points de vues différents sur la musique.

Ton épouse Carina apparaît une fois de plus sur un morceau bonus de l’album comme c’est le cas depuis des années. N’avez-vous jamais envisagé une présence plus importante de sa part sur tes albums ?

N’as-tu pas l’impression que je viens de le faire ? (rires) Je lui ai donné une chanson entière !

Ouais, mais ça n’est qu’une chanson sur un album.

Oui mais c’est mon groupe. Elle n’a qu’à avoir son propre groupe ! (rires). Mais d’ailleurs, il faut savoir que pour cet album elle a écrit le refrain du titre “Out Of Reach” ainsi que celui de “Frozen” donc elle a vraiment un rôle important sur cet album.

On connaît finalement très peu sa carrière en dehors d’Evergrey. Pourrais-tu nous en dire plus ?

Eh bien il n’y en a pas. Elle commence en ce moment un projet avec un ami qui est tout sauf metal. Ce n’est même pas du rock. C’est très électronique et ça vient tout juste de démarrer. J’espère qu’elle fait ça pour se faire plaisir.

Est-ce son premier projet ?

Oui. Elle n’a jamais été vraiment intéressée par le fait de devenir une rock star. Elle adore chanter mais elle n’a jamais voulu faire carrière. Nous avons aussi un enfant, ça altère un train de vie.

« Les vidéos les plus simples ne sont pas nécessairement les moins chères. C’est même le contraire (rires) ! La qualité du film coûte cher. Lorsque tu fais une vidéo avec un scénario, tu te concentres plus dessus que sur la qualité du film. »

La vidéo de « Wrong » est très dépouillée, on n’y voit que le groupe en train de jouer. C’était déjà le cas pour « Monday Morning Apocalypse »…

Il y avait deux versions pour « Monday Morning Apocalypse ». La deuxième avait un scénario. C’est la première fois, avec « Wrong », qu’il n’y en a pas du tout. Je crois que ces styles de vidéos sont les plus durs à réaliser car c’est difficile de les rendre suffisamment intéressants.

Oui, il faut réussir à intéresser.

Exactement. Mais celle-là représente aussi un nouveau groupe d’une très bonne façon et je peux m’en rendre compte grâce aux réactions et commentaires des gens. Ils aiment l’approche. Je crois qu’il y a eu aux alentours de 11 000 visites sur la vidéo depuis hier soir (NDLR : interview réalisée le 9 février 2011). Je trouve que c’est pas mal.

Du coup, considères-tu que la musique et les paroles de « Wrong » parlent d’elles-mêmes et qu’il n’y a pas besoin d’en faire plus avec la vidéo ?

Oui, je crois que c’est moi qui vous raconte que j’ai eu tort. Je pense qu’on ne devrait pas trop chercher la complexité pour raconter ça. L’important, ce sont les paroles. Cela dit, les vidéos les plus simples ne sont pas nécessairement les moins chères. C’est même le contraire (rires) ! La qualité du film coûte cher. Lorsque tu fais une vidéo avec un scénario, tu te concentres plus dessus que sur la qualité du film.

« Il y a tellement de heavy metalleux dans le monde qui essayent d’être foutrement forts. […] Je crois que la plupart des musiciens sont des personnes très fragiles qui ont dû affronter pas mal de merdes. C’est la principale raison pour laquelle ils ont choisi de faire de la musique. »

Tu as déclaré à propos de cette vidéo : « Cette chanson donnera à tous les durs, les personnages sombres et dépressifs, une bande son et une raison légitime de pleurer à chaudes larmes” (NDLR : Tom éclate de rire). Peut-on dire que cette chanson encourage à se laisser aller et à pleurer un bon coup au lieu de ressasser ?

Ce que je voulais dire c’est qu’il y a tellement de heavy metalleux dans le monde qui essayent d’être foutrement forts. Je crois que nous avons toujours été un groupe à cœur ouvert. C’est un titre où on joue les durs mais on joue une chanson très douce. Dans un sens, on vous arnaque (rires) ! Et quand je lis les réactions sur des sites metal, je tombe sur des phrases comme  “c’est bien plus dur que la plupart des chansons et c’est une putain de ballade” ou d’autres trucs du genre. C’est assez drôle.

Dans cette chanson et, plus généralement dans la discographie d’Evergrey, ta voix dégage une telle sincérité que l’on a l’impression que tu te confies à cœur ouvert. Evergrey est-il effectivement ce genre d’exutoire pour toi ?

Absolument. C’est mon seul exutoire et aussi ma seule thérapie consciente. Je crois que la plupart des musiciens sont des personnes très fragiles qui ont dû affronter pas mal de merdes. C’est la principale raison pour laquelle ils ont choisi de faire de la musique. Alors, oui, c’est ma façon de me canaliser et mon exutoire pour me débarrasser des merdes qui encombrent mon esprit.

En France, Evergrey est de moins en moins populaire. Nous avons été déçus de constater la diminution des audiences aux concerts et, récemment, les quelques titres mis en ligne en avant-première, n’ont généré que peu de réactions… Pourquoi ce phénomène à ton avis ?

Je ne sais pas et je crois que ça aussi ça va changer. J’ai eu les statistiques de RadioMetal.com l’autre jour par rapport au morceau que nous avons mis en ligne chez vous et je peux te dire que ça n’était pas si catastrophique que ça (rires). Quant aux concerts, il faut que nous travaillons avec les bonnes personnes et le faire au bon moment tu vois. Lorsque nous avons joué en France en 2010, ça faisait deux ans et demi que nous n’avions pas sorti d’album. Forcément, ça joue un rôle. Il faut produire des albums et se faire connaître pour de nouvelles choses dans le but de rester intéressant. Nous verrons bien ce que l’avenir nous réserve.

Entretien réalisé le 9 février 2011 par phoner

Retranscription et Traduction : Izzy et Isa
Site internet EVERGREY : www.evergrey.net



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  • Hernandez Ofelia dit :

    He bien , je dit qu’il y aura toujours au moins une fan de Evergrey. Et je dois l’avouer je prefere le groupe à l’heure actuel que avant. Il y a une complicité entre les musiciens et ca se ressent. Je n’ai pas été decus du concert a L’Alhambra et c’était vraiment fantastique !!
    Pouvoir parler un peu avec quelques membres c’etait genial !
    Je vous remercie les gars pour ce concert !
    Et biensur merci pour l’interview et la traduction !

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