Evile ne connaît pas la langue de bois, son nouvel effort Hell Unleashed est selon les dires du guitariste Ol Drake « le meilleur album de thrash depuis au moins vingt ans ». Le dernier opus des Britanniques, Skull (2013), remonte à huit ans. Depuis Evile a connu un changement de line-up majeur avec le départ du chanteur Matt Drake l’an dernier pour des raisons à la fois familiales et de santé. C’est justement son frère Ol Drake – de retour dans le groupe après l’avoir quitté en 2013 – qui reprend son rôle en supplément de celui de guitariste lead. Evile a accueilli pour l’occasion Adam Smith (Riptide) en tant que guitariste rythmique. Hell Unleashed est un album sans aucune ambiguïté : Evile veut proposer le thrash le plus incisif, brutal et sombre qui soit. Comme s’il voulait rattraper huit années d’absence.
Hell Unleashed a été produit par Chris Clancy (exit Russ Russell qui avait travaillé sur les trois derniers opus) aux Backstage Studios en Angleterre, appliqué à transformer les quarante minutes de l’opus en assaut inépuisable. Evile a un dessein aussi subtil qu’un maniement de truelle. L’ouverture « Paralyzed » est obsédée par le culte de la vitesse. Le riffing d’Evile se veut extrêmement agressif, profitant heureusement d’une production qui sait considérer autre chose que le spectre sonore des guitares. La basse de Joel Graham bénéficie de courtes plages pour s’exprimer, faisant office de respirations annonçant les élans les plus mélodiques. Evile est toujours prompt à proposer quelques moments de fraternité guitaristique taillés pour le jeu dos-à-dos. Le chant d’Ol Drake s’en sort raisonnablement, plus grave et bestial que celui de son frère, suffisamment incarné pour ne pas décrédibiliser la posture d’Evile. « Gore » prend un malin plaisir à accentuer la brutalité déjà affirmée du premier titre, pouvant compter sur l’intervention du musicien et comédien Brian Posehn invité à faire des chœurs sur le morceau. Evile a conservé son attrait pour les soli effrénés. Sur ce plan, Ol Drake se montre inspiré dans ses amorces et ses déroulés – l’un des véritables moteurs d’Evile. Celui-ci accepte toutefois de lever le pied temporairement : « Incarcerated » propose quelques arpèges aux sonorités résolument malsaines à la manière d’un Slayer. Une accalmie qui n’est qu’un prétexte pour repartir de plus belle ; Evile fuit tout ce qui s’approche de la contemplation. Une respiration est synonyme de riffs mid-tempo ravageurs, à l’instar de celui qui vient s’intercaler au sein de « War Of Attrition » ou des grooves binaires appuyés et des accords relâchés de « Control From Above ».
« Control From Above » propose justement la synthèse parfaite de ce qu’est Evile en conjuguant mélodies grandiloquentes et pratique athlétique. Evile n’a pas toujours la tête baissée, il sait comment sublimer ses moments de fougue, aussi nombreux soient-ils. Quitte à utiliser des artifices à la limite du kitsch, à l’image de ces bruits d’outre-tombe dignes d’une fête foraine qui inaugurent « Hell Unleashed » avant de laisser place à son riffing thrash implacable. Evile en récite consciencieusement le credo : seuls les breaks abrupts ont droit de vie ou de mort sur les déferlantes autrement inarrêtables. Evile explicite en outre sa parenté avec le death en reprenant « Zombie Apocalypse » de Mortician. Un choix de reprise intelligent qui apporte une dynamique bienvenue via le riff massif d’introduction du titre. Une interprétation qui honore d’ailleurs indirectement un certain Pantera…
Non, Hell Unleashed n’a sans doute pas le charisme nécessaire pour répondre en acte à l’ambition d’Ol Drake. Il est terni par une trop grande homogénéité, la contrepartie d’une position ferme quant à son orientation musicale. Il est cependant une réalisation qui honore parfaitement les codes du genre érigés au rang de culte aux préceptes intangibles. Evile sait parfaitement comment rendre son agression digeste, aussi radicale soit-elle. Si quarante minutes pour huit années peuvent paraître menues, Evile ne s’est pas fait piéger en incluant du superflu. Hell Unleashed se concentre sur l’essentiel – vitesse et puissance –, s’éloignant de l’influence de Metallica qui imprégnait ses précédentes réalisations pour mieux embrasser celle plus sinistre de Slayer ainsi qu’un registre flirtant avec le thrash-death, et bénéficie de l’exécution sans failles de ses musiciens. Ces derniers rappellent ainsi pourquoi Evile est l’un des groupes à l’origine du thrash revival de la fin des années 2000, dépassant largement sa fonction de témoin.
Clip vidéo de la chanson « Gore » :
Clip vidéo de la chanson « Hell Unleashed » :
Album Hell Unleashed, sortie le 30 avril 2021 via Napalm Records. Disponible à l’achat ici