Parmi les valeurs que véhicule le projet français Except One, celle qui ressort le plus dans le discours comme dans les choix est l’honnêteté. Cette dernière persiste même alors que le groupe a changé d’ampleur et envisage de se professionnaliser.
Except One ne s’est pas arrêté sur un style prédéfini, assume l’éclectisme de ses goûts et laisse les changements de line-up guider son évolution musicale. Le groupe met un point d’honneur à ce que ce qu’il produit soit en adéquation avec qui ils sont. Chaque composante de leur production, du line-up (comme en l’occurrence le questionnement qu’ils ont eu au moment d’ajouter une seconde guitare et des chœurs) aux textes, fait donc l’objet d’un soin particulier. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant que ce premier album pour lequel nous avons interviewé le guitariste Junior sorte après plusieurs EP de test.
« C’est du metal, mais on ne sait pas dire si c’est plus un metal qu’un autre. »
Radio Metal : Le nom du groupe, Except One, suggère très fortement l’idée d’exception. Est-ce que l’exception, c’est vous, qui vous démarquez des autres ? Et si oui, comment ?
Junior (guitare) ! En fait, Except One, à la base, c’était pour nous qualifier, parce que nous sommes tous différents, dans ce groupe. On dira : « Oui, mais les gens sont tous différents, ils ne se ressemblent pas, etc. » Mais chez nous, ça se retransmet sur la musique, parce qu’au départ, nous n’étions pas du tout de l’univers metal ; nous n’étions pas du tout partis pour faire du metal. Donc nous nous sommes appelés Except One parce que nous étions tous différents. C’était une espèce de blague entre nous ! [Rires]
Qu’est-ce qui vous a fait venir au metal, vu que ça n’était pas votre univers à la base ?
En fait, nous ne savions pas que c’était ce que nous voulions jouer. Metalleux, nous l’étions, mais nous ne savions pas que c’était naturellement du metal que nous voulions faire. C’est quand nous avons commencé à composer réellement, que nous avons arrêté de faire seulement des reprises – parce qu’au départ nous ne faisions que ça quand nous jouions ensemble –, et nous sommes venus au metal naturellement parce que c’était notre manière de nous exprimer. Nous nous sommes rendu compte que nous préférions la musique saturée. Du coup, nous nous sommes dit : « Vas-y, on va vraiment faire un truc de metal, assumé et tout ! »
Quand vous réfléchissiez à tout ça, avez-vous essayé d’autres styles, d’autres choses ?
Au départ, c’était il y a longtemps, il y a dix ans, avec l’ancien line-up, nous avions essayé de jouer du rock français, un peu punk, et puis en fait, nous nous sommes rendu compte qu’avec les influences de chacun c’était très, genre, Devil Driver, metal un peu généraliste, aussi hardcore et black metal, nous avons décidé de mélanger tout ça, de garder cette touche black metal, hardcore, que nous pouvions avoir. C’est pour ça que nous n’avons pas de style à proprement parler dans Except One.
Except One peut faire penser au « dernier village gaulois qui résiste à l’envahisseur ». Y avait-il une idée de résistance derrière cela ?
Il y avait l’idée de proposer quelque chose de différent. En tout cas, niveau metal français, parce que nous en sommes à notre troisième CD, nous ne voulions pas copier ce qui se faisait. Nous voulions garder quelque chose d’assez naturel et qui s’affranchisse des « règles » musicales. Parce que nous, c’est très organique. Ça suit une logique musicale, mais ce sont des intentions sur les moments où tous les riffs sont réfléchis ensemble, et c’est vrai que c’est venu aider sur la recherche du « Except One ». C’est que c’est du metal, mais on ne sait pas dire si c’est plus un metal qu’un autre. Ça reste peut-être un style de death metal. Nous, nous appelons ça du groovy death metal [rires].
Trouves-tu que ça soit réussi, que vous arriviez à tirer votre épingle du jeu ?
À mon sens personnel, je pense que sur la scène française, oui, parce que nous sommes connus sur la scène française et nous avons la chance d’avoir des salles remplies à chaque fois que nous jouons. Je pense que nous proposons quelque chose de vraiment différent, du fait de l’instrumentale qui est derrière, et du fait que nous ne suivions pas des vagues, nous ne faisons pas un truc de deathcore copié, nous ne faisons pas de metal copié… Nous proposons vraiment quelque chose à nous parce que nous avons envie de parler de ces sujets-là, de jouer comme ça et d’avoir quelque chose de très naturel en live, qui soit chipé ailleurs. Je pense que ça peut se ressentir.
Ce premier album fait suite à deux EP. Qu’est-ce qui vous a fait sentir que c’était le bon moment pour aller plus loin qu’un EP et sortir un album complet ?
Déjà, c’était le changement de line-up, parce que nous avons recruté la nouvelle section rythmique à la moitié de vie de l’EP, et du coup, il y a eu de nouvelles envies, des afflux d’envies, et tout notre cercle, tous les fans nous disaient : « Vous êtes prêts, allez-y, lancez-vous ! » Et aussi nous, tous ensemble, le fait de nous dire que nous pouvions faire quelque chose de mieux, que nous pouvions vraiment exister en tant que musiciens, assumer le fait que nous soyons un groupe de musique, que nous voulions aller plus loin, que nous voulions dépasser le stade amateur, etc.
Vous avez sorti deux EP, vous avez pas mal tourné, vous avez même fait des grosses dates, des premières parties qui étaient intéressantes, notamment Dagoba et Lacuna Coil. Quels enseignements avez-vous tirés de l’expérience de sortir ces deux disques, des retours que vous avez eus, et puis du public ? Est-ce que vous avez essayé de prendre cela en compte pour cet album-là ?
Ouais. En fait, nous nous sommes rendu compte, et c’est notre point de vue, que chez les artistes, c’est ce qu’ils sont naturellement qui fait qu’ils réussissent ou pas. C’est-à-dire qu’un public vient embrasser une musique, une attitude sur scène, mais il vient surtout embrasser ce qu’un artiste représente pour eux. Nous, quand nous recevons des messages qui disent : « Ça nous aide dans notre vie, merci d’exister, merci de faire ce que vous faites », ça nous touche, et tout ça, c’est naturel, chez nous. Et quand on voit Lacuna Coil, avec qui nous avons bien pu parler, rigoler, discuter, ça se ressent dans leur attitude aussi, ils sont très proches, il n’y a pas d’artifice, si ce n’est les tenues de scène, mais leur personnalité et les échanges qu’on peut avoir avec eux, ils sont très naturels, et c’est quelque chose que nous voulons garder en tête pour grandir.
« Chez les artistes, c’est ce qu’ils sont naturellement qui fait qu’ils réussissent ou pas. C’est-à-dire qu’un public vient embrasser une musique, une attitude sur scène, mais il vient surtout embrasser ce qu’un artiste représente pour eux. »
Apparemment, le deuxième EP avait été un moyen pour vous de tester la réaction du public, du fait de l’arrivée d’Ad’ibou. Du coup, quelle a été cette réaction ?
D’abord de l’étonnement, parce qu’avant il n’y avait pas deux guitares, il n’y en avait qu’une, et il n’y avait pas deux voix, il n’y en avait qu’une. Du coup, c’était l’étonnement de la part du public, mais ça a plutôt bien marché puisque maintenant, quand tu t’attends à Except One, tu t’attends à cinq personnes, à deux guitares, à du back vocal, et c’est vrai qu’Ad’ibou, sur ça, a été très précieux, et musicalement hyper important pour le projet. Lui aussi a su s’exprimer comme musicien, en entier. Il était totalement libre sur son apport et les gens ont été agréablement surpris. Certains te diraient que ça perdait un peu de son côté underground, mais c’est parce que nous cherchions à faire un produit beaucoup plus léché.
Vous aviez vraiment besoin d’une deuxième guitare, tant en termes de compo que de scène ?
Oui, parce qu’il y avait un petit sentiment d’inachevé, de « on peut faire mieux, on peut faire plus ». Nous y avons réfléchi pendant longtemps, parce qu’intégrer une deuxième guitare, en l’occurrence Ad’ibou à l’époque, une deuxième voix, ça nous a quand même pris un an et demi, deux ans, de réflexion, de « est-ce que c’est vers là qu’on veut aller, est-ce qu’on veut l’assumer ? » Maintenant, Ad’ibou n’est plus dans le projet, mais c’est vrai que la configuration d’Except One reste avec deux guitares et du back vocal.
Tu dis que vous avez beaucoup réfléchi à ce sujet-là. Il y a quand même une composante qui peut avoir son importance, qui fait que quand vous passez de quatre à cinq musiciens, c’est peut-être un petit peu plus compliqué dans la mesure où il y a un musicien de plus à payer. Est-ce que c’est un truc qui vous est passé par la tête à un moment ou pas du tout ?
Non, parce que le projet n’était pas rémunérateur à l’époque. Nous dépensions de l’argent pour le projet. Du coup, ça n’est pas entré en ligne de mire. Maintenant, aujourd’hui, à notre tout petit niveau, nous ne gagnons pas notre vie avec ça, mais oui, ça reste une composante en plus, et nous nous disons qu’il va peut-être falloir que nous donnions encore plus de nous pour peut-être arriver à devenir professionnels et pouvoir vivre de notre art. Mais nous ne nous sommes pas bridés pour une logique de sous.
En même temps, ce que les gens aiment chez vous, c’est votre côté honnête, donc vous avez dû vous dire qu’il fallait que vous restiez naturels, quitte à ce que ça soit un peu plus compliqué derrière…
Tout à fait. En plus, nous sommes engagés, dans le sens où nous avons des paroles qu’il faut défendre, qu’il faut assumer. Nous exprimons notre opinion, nous existons en tant que « personnalité », et par rapport à tout ça, notre réflexion a été : « Est-ce qu’on s’exprime de la bonne manière ? Est-ce que ça a une valeur d’être à cinq plutôt que d’être à quatre ? » Mais aujourd’hui, quand nous voyons que nous vendons à l’international, que nous avons des CD sold out, etc. c’est incroyable, pour nous c’est une histoire de dingue, dans le sens positif !
Tim a remplacé Ad’ibou au poste de second guitariste. Que s’est-il passé ?
Je pense qu’Except One, c’est un état esprit. À un moment, il y a eu le souhait d’assumer le côté engagé, d’assumer le temps que ça prend, et c’est vrai que tout le monde n’est pas capable de donner autant de temps à un projet, et Ad’ibou a émis le souhait de partir pour ne pas brider le projet. C’est plus ça. De la même manière que lorsque nous avions changé de bassiste et de batteur, ce premier changement de line-up était déjà arrivé à cause de ça. Chacun a sa vie perso à côté, ses envies personnelles, et à un moment, le projet prenait énormément de temps.
Il y a donc eu plusieurs changements dans les rangs du groupe. Comment décrirais-tu l’impact que cela a eu sur la musique du groupe et sur ce qu’est le groupe sur scène ?
Je pense que le changement de line-up nous a « obligés » à réapprendre à connaître des personnes, à les réintégrer, parce qu’Estelle et moi sommes là depuis le début. Moi, j’ai découvert une famille dans ce groupe. Nous passons énormément de temps tous ensemble, nous sommes tous dans la même région, du coup c’est assez naturel, que ce soit pour la musique ou en dehors. Et sur scène, c’est assez incroyable, car nous connaissons les envies de chacun et les mouvements sont assez naturels. Nous savons quand nous devons faire ça ou pas, parce que nous nous connaissons tous ensemble !
Par rapport au deuxième EP, qui était un moyen de faire connaître le nouveau visage du groupe à l’époque ; vu que vous avez changé de line-up entre-temps, est-ce que ça ne vous a pas freinés pour l’album ? Et ne vous êtes pas dit qu’il faudrait encore retarder ça, refaire découvrir un nouveau visage, ou bien vous vous êtes dit : « On y va » ?
En fait, c’était plus « on y va », parce que nous étions trop avancés dans l’album. Nous avions disparu pendant trop longtemps déjà pour nous permettre d’encore « perdre » un an, etc. Et puis surtout, ça aurait été moche, parce qu’Ad’ibou a composé sur l’album, mais il y a aussi sa voix, et c’était aussi le respect du travail qu’il a fourni que de sortir cet album. Je suis content, car ça nous permet de « finir » un moment de vie d’Except One et d’en recommencer un nouveau avec Tim.
« Nous sommes engagés, dans le sens où nous avons des paroles qu’il faut défendre, qu’il faut assumer. Nous exprimons notre opinion, nous existons en tant que ‘personnalité’, et par rapport à tout ça, notre réflexion a été : ‘Est-ce qu’on s’exprime de la bonne manière ? Est-ce que ça a une valeur d’être à cinq plutôt que d’être à quatre ?’ »
Penses-tu qu’il va y avoir un changement par rapport à ça ?
Je pense que la musique va encore évoluer, comme elle a pu évoluer entre les deux Ep, puis entre l’EP et l’album. De toute façon, à chaque fois que nous avons changé de line-up, dans le set, ça a été pour le mieux. Du coup, je pense que ça va nous permettre de sortir quelque chose d’encore mieux.
Et est-ce que à chaque fois que vous avez changé, il y a eu un travail vraiment conscient pour essayer de maintenir une cohérence d’ensemble, ou est-ce que c’est venu spontanément ?
Tim, nous ne le connaissions pas. Ce n’est pas quelqu’un que nous avions rencontré, il est vraiment extérieur à notre cercle de connaissances et d’amis. Du coup, une fois la rencontre faite, ça s’est fait naturellement, mais c’est vrai que nous nous sommes posé la question : « Est-ce qu’on se prend un membre actif à cent pour cent ou est-ce qu’on se prend juste un musicien pour la session ? » Mais ça s’est fait naturellement, même s’il y a eu plein de questions jusqu’au recrutement. Et lui est super bien avec nous ! [Petits rires]
Dans les dossiers de presse qu’il y a sur l’album, il y a cette phrase qui revient et qui dit que vous voulez vous battre contre un système destructeur, avec cet album-là. Qu’est-ce que ça veut dire ?
Ça a plusieurs significations. Ça signifie la destruction, principalement, de ceux qui sont tombés. Et nous souhaitons que l’humain prenne conscience qu’il n’a pas d’intérêt à se détruire et qu’il faut se battre pour un système qui soit meilleur, que ça n’est pas normal que des gens souffrent pour le bien d’autres, des gens qui sont de bonne foi, etc. Donc nous nous battons contre ça, nous resterons engagés contre ça, mais ça fait partie des thèmes, ça n’est pas que le thème principal.
Au niveau du chant, il y a quand même une question qui revient souvent, qui est la comparaison avec l’ancienne chanteuse d’Arch Enemy, Angela Gossow. À chaque fois qu’il y a une chanteuse qui fait du chant saturé, il y a quelqu’un qui va faire cette comparaison-là. Est-ce que ça n’est pas devenu assez agaçant pour vous avec le temps ?
Nous avons appris à dépasser ça. En fait, c’est une référence. Quand tu penses à « chanteuse » dans le metal, quand tu n’es pas français, tu penses à Arch Enemy, quoi qu’il arrive, tu ne penses pas à Eths. Quand t’es français, tu penses à Eths, tu penses à Arch Enemy, etc. et puis maintenant il y a d’autres noms qui sortent. Nous, nous disons que c’est plutôt bien d’y être comparés, car Arch Enemy, c’est de la qualité, donc on nous compare à quelque chose de qualité, ce qui est vachement bien [rires]. Maintenant, nous sommes quand même différents sur la musique qu’il y a derrière. Nous faisons du death mélo, mais pas autant que ce qu’ils pratiquent. Je pense qu’Estelle a la même tessiture de voix qu’Angela. Je pense qu’il n’y a plus autant d’Angela dans le metal, mais pour un fan d’Arch Enemy, tu peux retrouver la tessiture d’Angela dans Except One.
Étant donné l’importance de l’influence qu’a eue Angela Gossow sur les chanteuses de metal extrême, penses-tu que ce soit difficile d’exister en tant que chanteuse ou bien que petit à petit cela commence à se résorber ?
Il y a de plus en plus de chanteuses saturées, et je pense qu’au fur et à mesure, les metalleux acceptent plus naturellement, ne sont pas surpris lorsqu’il y a une chanteuse, une screameuse même. Je pense qu’il n’y a plus cet effet de surprise, et on dépasse le fait que ce soit simplement une chanteuse. On juge la musique globalement et pas juste la personne. Mais il y a encore du travail à faire ! [Rires]
Dans tous les dossiers de presse que j’ai vus, il y a une vanne qui revient, qui est celle du mixeur. Il y a un dossier qui parle du fait que vous avez un sixième membre, qui est un chat. Peux-tu nous parler de ces trucs-là ?
Il s’avère que nous avons toujours eu un chat, dans Except One, un chat qui existe. Si tu veux, ce sont des choses insouciantes, mignonnes : un chat, un enfant – c’est normalement mignon, sauf quand ça bave trop, etc. –, des fleurs pour le côté gnangnan… Et en fait, nous avons essayé de dire : « On mélange tout ça, mais on détruit tout ça, parce que la vie, ce n’est pas que ça. » C’est juste : tu prends tout ce qui est mignon, tu le mets dans un mixeur, et voilà ! [Rires]
Mais il y a vraiment un chat dans le groupe ?
Non, c’est chez nos proches. Il y a eu un chat pendant cinq ans dans notre vie, mais non, maintenant, il n’y a plus de chat. Enfin, il y a un chat, mais ce n’est plus le même [rires]. On n’a pas de chat du groupe, il n’y a pas de chat qu’on se partage le lundi, le mardi, le mercredi… D’ailleurs, je suis plus chiens.
Et est-ce que dans le local de répète, il y a un mixeur ?
Ouais ! Nous avons un mixeur, et c’est d’ailleurs le même mixeur qui apparaît dans les clips. Il est toujours là. C’est notre petite blague à nous.
Interview réalisée par téléphone le 10 janvier 2019 par Philippe Sliwa.
Retranscription : Robin Collas.
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