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Chronique Focus   

Faith No More – Sol Invictus


Faith No More - Sol InvictusIl faut s’attendre à tout avec Faith No More, et surtout à l’inattendu. Pendant longtemps, depuis qu’il s’est remis à fouler les planches, ses membres ont pris un malin plaisir à tuer les espoirs de retour en studio. Et c’est donc par surprise que le groupe a amorcé le processus, affirmant par un tweet : « Le truc de la reformation, c’était fun, mais maintenant il est temps d’être un peu créatif. » Un an plus tard, Sol Invictus devient réalité.

Faith No More n’a jamais fait deux fois le même album. Et dès son amorce, Sol Invictus prend le contre-pied d’Album Of The Year, son prédécesseur de 1997 qui démarrait sur les chapeaux de roues avec « Collision ». « Sol Invictus », la chanson, prend plutôt le parti d’une autre facette de Faith No More, celle du crooner ténébreux qui a écrit des chansons comme « Evidence » ou « Stripsearch ». « Collision », de part sa notion forte en images, est un titre qui avançait déjà des idées rythmiques, des pistes musicales. De son côté, « Sol Invictus » n’est qu’une introduction en douceur, un lent levé de soleil, un compte à rebours pour le vrai top départ que constitue le single « Superhero ». La basse grasse de Billy Gould qui sautille sur la batterie de Mike Bordin, le piano dramatique de Roddy Bottum, le jeu juste de Jon Hudson qui n’en fait ni trop ni trop peu, Mike Patton possédé qui porte un refrain enivrant, aucun doute possible, c’est bien là tout Faith No More, avec le mix de Matt Walace qui aide à faire la liaison avec The Real Thing ou Angel Dust. Nous voilà de suite rassurés quant à la capacité du combo à retrouver ses marques et son esthétique, enviée mais jamais égalée, après plus d’une dizaine d’années d’interruption.

Enfin, ses marques… On avait presque oublié comme Faith No More était doué pour brouiller les pistes et s’amuser à balader d’un registre à un autre l’auditeur passablement décontenancé. Sol Invictus est un album hétérogène et assumé comme tel. Estivale, légère et lumineuse, la bien nommée « Sunny Side Up » contraste diamétralement avec « Separation Anxiety » qui lui succède sans transition, lourde, lugubre, orageuse, sous les chuchotements menaçants de Patton et cette basse qui tapisse le sol et gronde d’un groove hypnotique. Un peu plus loin, « Rise And Fall » chavire dans un sombre tango, en dents de scie à en perdre la tête, renvoyant à l’oeuvre de Mr. Bungle (« Sweet Charity ») ou Peeping Tom (« Caipirinha »). « Matador » donne dans une valse glauque (les connaisseurs se remémoreront l’instrumentale « La Masquerade Infernale » d’Arcturus) mais aussi épique et progressive. Et il faut vraiment se foutre de tout pour proposer comme premier aperçu une chanson comme la grinçante « Motherfucker », assez peu séduisante au premier abord ainsi que prise à part, mais qui apporte tout de même sa pierre à l’édifice. Tout ça pour terminer sur « From The Dead », une petite sucrerie folk/sixties délicieusement ringarde… Comme à son habitude, Faith No More fait fi des règles et « bonnes pratiques » du rock pour n’en faire qu’à sa tête.

Et malgré tout, malgré un ensemble décousu, malgré ce vrai et authentique grain de folie (là où d’autres se donnent un genre), malgré des chansons qui n’entrent vraiment dans aucune case, bref, tout ce qui faisait déjà le charme de ses œuvres passées, Faith No More a toujours ce don pour coupler sa vision originale à des formats de chansons synthétiques, voire simples, et faciles à assimiler, dans un tout qui se tient. Quel plaisir à cet égard de retrouver Patton dans un registre plus « cadré » et mélodique que les délires, frisant parfois l’imbitable, auxquels il s’est adonné ces dernières années ; hormis Tomahawk dont la parenté avec cet album s’avère par moments flagrante (« Cone Of Shame », « Separation Anxiety »). Là réside sans conteste le génie de Faith No More : dire l’inhabituel, et le dire en seulement quelques mots parfaitement intelligibles.

Sol Invictus est, dans ses thématiques, d’une verticalité incroyable, là où Album Of The Year reste terriblement horizontal (d’abord la collision, la fouille au corps, le dernier verre de chagrin). Ici, le soleil, l’idée d’essor, de chute, reviennent à maintes reprises. Il y a le superhéros, que l’on imagine dominer les gratte-ciels avec sauts de l’ange et ascensions vertigineuses. Même « Matador », qui pouvait métaphoriquement sembler propice à une certaine platitude exotique, sort l’idée d’éveil (« we will rise from the killing floor, like a matador »). On peut y voir la symbolique d’un groupe qui aujourd’hui reprend de la hauteur, notamment vis-à-vis des tensions passées, et reprend conscience de lui-même. Et même si ce Sol Invictus pourra paraître un brin en deçà des quatre précédents intouchables albums, il n’en est pas moins, en plus d’être appréciable et rafraîchissant, utile à une époque artistique en manque d’équilibres, d’un côté, codifiée à outrance et, d’un autre côté, où l’innovation se résume souvent à faire n’importe quoi. Dans ce contexte, Faith No More incarne plus que jamais cet équilibre universel, redoutable, brillant et vital ; le soleil invaincu.

Avec la contribution de Fucktoy.

Ecouter « Superhero » et « Motherfucker » :

Album Sol Invictus, sortie le 19 mai 2015 chez Reclamation Recordings/Ipecac Recordings.



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  • pourquoi faire un album après tant d’années et nous livrer une galette inconsistante !!merci pour l’effort mais kenavo!!

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  • Les gars vous m’avaient convaincu: je n’étais aps certain de vouloir retoucher à du FNM tant d’années après, et restant sur mon petit King for A Day Fool For A Lifetime et Angel Dust.

    Mais j’ai craqué, j’ne ai repris.
    Et me voilà sur les sites d’écoute de musique à me passer ce Sol Invictus en boucle.
    Et de me revoir jeune, mes T-Shirt décalés sur les bancs du lycée. L’attitude irrévérente.
    Me revoilà à écouter Patton et sa bande dont j’avais oublié le génie, la folie. C’est musiciens de cirque qui ferait passer un grand écart pour une banalité.

    Merci à FNM et merci à vous de cet article, car bien que j’étais au courant de la sortie de Sol Invictus, j’étais devenu assez con pour passer à côté.

    Le soleil invaincu: je ne sais pas. Le Metal invaincu: c’est une certitude !

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