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Interview   

Fates Warning : debriefing avec le commandant de bord


Jim Matheos - Fates WarningDans le monde de la musique on rencontre parfois d’authentiques génies qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas forcément un succès et une reconnaissance à la hauteur de leur talent. Nombre de fans de Fates Warning, un des grands pionniers du metal progressif, diront que le guitariste-compositeur Jim Matheos fait partie de ceux-là. Il a à la fois un style inimitable et une capacité créative à se renouveler d’album en album. Il suffit de plonger dans des albums tels que le « catchy » Parallels (1991), l’ambitieux A Pleasant Shade Of Gray (1997) – constitué d’une seule chanson de 60 minutes – ou le quasi industriel Disconnected (2000) pour se perdre dans des univers très différents mais aussi passionnants les uns que les autres, tous sortis de l’esprit d’un même homme. Et le nouvel opus Theories Of Flight, qui suit l’orientation plus centrée sur les guitares de son prédécesseur, tend a prouver que la source d’inspiration n’est pas tarie.

Nous avons rencontré Jim Matheos pour qu’il nous parle de ce nouvel opus mais aussi pour creuser un peu sa personnalité singulière d’artiste et sa façon d’aborder sa musique. Nous sommes également revenus sur les albums Awaken The Guardian (1986) et A Pleasant Shade Of Gray, qui fêtent respectivement leurs trente et vingt ans cette année et l’année prochaine, parmi de nombreux autres sujets.

Fates Warning 2016

« Je préférerais entendre quelqu’un dire que nous sonnons horriblement ou que nous ne sommes pas bons plutôt qu’il dise que nous sommes médiocres ou que nous sonnons comme tout le monde. »

Radio Metal : Votre précédent album Darkness In A Different Light est sorti neuf ans après FWX. Du coup, est-ce que vous vous êtes cette fois-ci imposés un laps de temps plus normal – trois ans, ça semble être une durée standard de nos jours – avant de sortir un nouvel album ?

Jim Matheos (guitare) : Ouais, c’était clairement ce que nous avions prévu. Lorsque nous avons fait X, nous savions en nous attelant à cet album qu’après nous allions faire une petite pause avec Fates Warning et que tout le monde allait partir faire quelques projets parallèles. Donc nous savions qu’il y aurait une petite pause mais je ne pense pas que nous nous attendions à ce que ça dure neuf ou dix ans, mais c’était le cas. En 2012, lorsque nous avons commencé à penser à faire le prochain album de Fates, nous l’avons écrit et nous étions très contents de l’album et de la réponse qu’il a reçue. Donc nous avons à partir de là décidé que nous voulions nous concentrer sur le groupe, au moins pour les quelques prochaines années. Nous savions donc, en nous mettant sur cet album et en partant sur cette tournée, que très vite après nous ferions le suivant, qui est devenu l’album actuel. Et nous verrons ce qui se passera après celui-ci. Avec un peu de chance, ça restera notre priorité, au moins pendant quelques années de plus.

Lorsque nous avons parlé à Ray en 2013, il était désolé pour les neuf années qui ont précédé Darkness In A Different Light. Penses-tu que cette longue attente a été préjudiciable pour le groupe ?

Je ne sais pas. La façon dont je vois les choses, personnellement, c’est que c’était une super expérience parce que, ouais, nous n’avons pas fait Fates Warning mais j’ai pu faire quelques albums d’OSI, dont je suis très fier, j’ai pu faire un album avec John Arch, dont je suis extrêmement fier… C’était donc des années très productives. Et je ne suis pas forcément d’accord pour dire que ça a été au détriment de Fates Warning parce que les gens ont anticipé un genre de retour et je pense que nous avons honoré leurs attentes avec Darkness. Donc tout va bien !

Ray nous a aussi dit, un peu en blaguant, qu’au début de la conception de Darkness In A Different Light, il y avait beaucoup de confusion, que « ça a mis longtemps pour que [vous] statui[ez] sur la direction que [vous] vouli[ez] prendre. » Du coup, est-ce que c’était plus clair cette fois avec Theories Of Flight ?

Ouais. En fait, cet album s’est fait assez rapidement. Je ne sais même si c’était vraiment le cas… Peut-être que Ray a un souvenir différent du mien par rapport à Darkness. Je suis d’accord que ça a pris un moment pour enfin nous poser et commencer à travailler sur l’album mais une fois que nous avions commencé, la direction que nous allions prendre était assez claire. Donc pour moi, encore une fois, ça a pris du temps pour démarrer sur Darkness mais dès que nous avons commencé à écrire, les choses se sont faites de façon fluide entre les deux albums et les tournées. Nous n’avons pas vraiment eu beaucoup d’indécision ou de confusion par rapport à la direction que nous voulions prendre depuis que nous avons repris les activités. Bon, lorsque nous nous posons pour démarrer l’écriture d’un album, nous n’établissons pas un plan pour déterminer où nous voulons aller, nous voulons juste créer de la bonne musique dont nous sommes fiers. C’est la seule véritable chose à laquelle nous pensons en nous mettant à faire un album. Et ensuite, une fois que la première, seconde et même troisième chanson est faite, ça mène tout seul dans la direction que tu veux continuer à suivre mais je ne me souviens pas, à l’exception de peut-être A Pleasant Shade Of Gray, d’avoir commencé un album en ayant un plan en tête pour établir la direction à prendre. C’est plus un processus libre et ouvert où nous laissons les chansons nous emmener où elles veulent nous emmener.

Tout comme avec Darkness In A Different Light, on dirait qu’il n’y a aucun clavier dans Theories Of Flight. Qu’est-ce qui t’as poussé vers ce son plus orienté et déterminé par la guitare ?

C’est exact. Pendant un moment, surtout avec les travaux de OSI, j’étais très porté sur les sons de clavier et ce côté des choses, et heureusement, avec OSI, je pense que j’ai pu faire sortir ça de mon système. Et si l’on considère certaines choses que nous avons faites par le passé avec Fates et qui étaient plus orientées clavier, ça ne paraît peut-être pas tout à fait à sa place. Et nombre des choses que j’écris pour des claviers sont, de toute façon, généralement écrites sur une guitare, donc pourquoi ne pas laisser ça à la guitare et essayer de séparer les deux entités ? Donc avec OSI, je peux faire plus les trucs atmosphériques et ambiants avec les claviers, et avec Fates, faire en sorte que ça reste centré sur la guitare, ce qui est, à mon avis, de toute façon ce que les fans préfèrent. Et c’est quelque chose qui est probablement plus gratifiant pour moi actuellement.

Donc tu es en train de dire que ceci est un genre de contre-réaction au projet OSI ?

Tu sais, je pense que beaucoup de choses que je fais sont des contre-réactions. Donc je suis d’accord avec ça. Je pense que faire OSI est une contre-réaction au fait d’être dans Fates Warning. Et avoir fait A Pleasant Shade Of Gray était une contre-réaction au fait d’avoir fait Inside Out et Parallels. Et Parallels et Inside Out étaient des contre-réactions au fait d’avoir fait Perfect Symetry. Donc une bonne part de ce que je fais est motivé par un besoin de changement et de faire autre chose que ce que j’ai fait précédemment. Donc c’est vrai, ça façonne plein de choses que je fais.

Comment comparerais-tu les processus créatifs entre OSI et Fates Warning ?

Fates Warning, encore une fois, est bien plus déterminé par la guitare et OSI est différent de bien des façons. Les structures de chansons, pour la majeure partie, sont bien plus dépouillées, idem pour le chant, et les paroles sont complètement différentes. C’est juste une entité totalement différente et la façon dont j’approche la composition dans ce groupe est complètement différente de ce que je fais dans Fates Warning. C’est bien plus collaboratif entre Kevin [Moore] et moi, musicalement. Avec Fates, grosso-modo, j’écris la musique et tout le monde vient ensuite apporter son propre truc mais les chansons sont plus ou moins terminées lorsqu’elles sont transmises aux autres membres pour qu’ils travaillent dessus. Alors qu’avec Kevin et moi, ça commence parfois avec seulement une idée à moi et nous la mettons en forme ensemble, généralement séparément mais il y a bien plus d’effort collaboratif dans la composition entre Kevin et moi. Et c’est quelque chose que j’aime bien, en fait, parce que ça m’enlève un peu de pression.

Theories OF Flights est le second album avec Bobby Jarzombek à la batterie qui a un type de jeu bien plus metal que Mark Zonder. Est-ce que son jeu t’a inspiré pour prendre une direction plus metal ?

Je pense que c’est très vrai, en fait ! Ouais, c’est quelque chose dont nous nous sommes rendus compte dès que nous avons commencé à jouer avec Bobby, je crois que c’était en 2005, peut-être 2007, je ne me souviens plus exactement. Mais ouais, même en jouant les anciennes musiques avec Bobby et même en jouant plus ou moins les parties de Mark, pour une raison ou une autre, elles sonnent effectivement heavy et plus metal, jusqu’à un certain point. Donc il est certain qu’il apporte ça et ayant beaucoup joué avec lui dans la période entre FWX et Darkness, ça m’a vraiment amené à croire et sentir que nous pourrions prendre une direction un peu plus heavy avec lui derrière la batterie, et peut-être même encore plus avec cet album.

Fates Warning 2016

« Je suis rongé par la musique, c’est la chose la plus importante dans ma vie. Donc si j’échoue à faire ça, pour moi c’est un énorme échec. Il y a donc toujours cette pression de ne pas être à la hauteur de mes attentes. »

Ce qui est intéressant est que tu as déclaré ces dernières années que tu n’écoutais pas de metal. Donc penses-tu que ça te permet d’avoir une approche plus fraîche sur le metal ?

Je l’espère ! Je ne dirais pas que je n’écoute pas du tout de metal. J’en écoute très peu mais j’en écoute. Je veux dire que j’adore toujours Opeth, j’adore Katatonia ; je considérerais ces groupes comme étant du metal à un certain degré. Mais j’écoute plein de choses différentes et j’espère que ça ressort dans mon écriture et que ça ne sonne pas trop comme du metal stéréotypé, ce qui serait l’une des pires insultes que je pourrais lire dans des critiques, le fait que nous sonnions médiocres ou stéréotypés. Je préférerais entendre quelqu’un dire que nous sonnons horriblement ou que nous ne sommes pas bons plutôt qu’il dise que nous sommes médiocres ou que nous sonnons comme tout le monde.

Si tu n’écoutes pas beaucoup de metal, est-ce que ça signifie que tu ne trouves plus le metal très intéressant ?

Je pense qu’il y a un peu de ça. Peut-être que je ne suis pas exposé au bon type de musique mais une bonne part de ce que j’entends est juste ennuyeux et médiocre à mes oreilles. Il y a ça et aussi qu’il y a tellement d’autres bonnes musiques en dehors du metal. C’est comme si tu te limitais à un type de nourriture ou un type de film ou un type d’art. Il y a tellement de styles qui existent et j’aime être exposé à plein de choses différentes et plein de styles différents qui m’émeuvent. Je ne sais pas si je peux mettre le doigt sur un type de musique que j’écoute beaucoup. Ça peut être tout, du prog rock classique à la musique blue grass à la musique classique à la musique de film à la musique alternative expérimentale ambiante… Ca varie pas mal ! Tu pourrais me voir n’importe quel jour écouter plusieurs genres de musiques différents.

Et comment vois-tu la musique progressive aujourd’hui ?

Je n’en écoute pas beaucoup ! Peut-être qu’on ne m’a pas montré les bons groupes mais pour ma part, je préfère écouter d’autres types de musique. Beaucoup de choses que j’entends qui sont qualifiées de progressif ne font que sonner comme du Dream Theater de seconde zone, selon moi, malheureusement. Je n’entends pas beaucoup de nouveaux sons rafraîchissants. Du coup je n’écoute pas beaucoup de trucs progressifs.

Tu as déclaré que lorsque tu composes, tu es « généralement terrorisé de ne rien trouver. Peu importe ce que [tu] trouv[es], [tu es] simplement content de l’avoir trouvé. » D’où te vient cette peur de la page blanche ?

Je suppose que c’est parce que j’accorde beaucoup de valeur à ce que je fais, parce que ça donne du sens à ma vie ou à mon être. Je suis rongé par la musique, c’est la chose la plus importante dans ma vie. Donc si j’échoue à faire ça, pour moi c’est un énorme échec. Il y a donc toujours cette pression de ne pas être à la hauteur de mes attentes. Ça n’a rien à voir avec vos attentes ou celles de n’importe quel fan, c’est juste moi, personnellement. C’est ce qui rend ma vie… C’est la chose la plus importante pour moi. Donc si j’échoue, c’est un échec monumental, alors ce sera toujours en première ligne dans mon esprit.

Ca fait pourtant des années que tu fais ça ! Ça ne devient pas plus facile avec le temps ?

Non. Au contraire, ça devient plus dur ! Je trouve que c’est bien plus dur de composer de la musique maintenant qu’il y a dix ans et vingt ans. Ca a peut-être à voir avec le fait que le catalogue s’agrandi encore et encore et que tu ne veux pas te répéter, donc il y a toujours plus de choses à éviter. Tu vois ce que je veux dire ? J’ai plus de choses, plus de bagages que j’ai accumulé derrière moi que je dois éviter. C’est donc la raison qui fait que je pense que ça devient plus dur pour moi.

Et comment surmontes-tu ces difficultés ?

Ce n’est qu’une question de travailler dur. Pour moi, c’est vraiment le fait d’aller en studio tous les jours et essayer différentes idées, même si ça échoue, tu continues à aller et venir parce que, comme tu l’as dit, ça fait longtemps que je fais ça et je sais au fond que tôt ou tard quelque chose que j’aime ressortira, il faut juste le domestiquer. Pour moi, ce n’est qu’une question d’être persistant dans mes efforts et tôt ou tard quelque chose ressortira. Il faut juste que je continue d’essayer !

Il y a une grande variété de longueurs de morceaux dans cet album, avec des chansons plus courtes et directes ainsi que deux longs titres épiques de dix minutes. Est-ce que tu approches de la même façon ces chansons épiques et celles qui sont plus courtes ?

Complètement ! Bon, tout du moins au départ. Je ne commence pas en me disant que je vais écrire une longue chanson ou une chanson courte, je démarre avec une page blanche et j’espère juste que quelque chose commencera à m’inspirer. Une fois que ça se produit, aussi étrange et mystérieux que ça puisse paraître, la chanson me dit un peu où elle veut aller. Je peux dire assez tôt si ce sera une longue chanson ou une chanson courte, simplement parce que je ressens lorsqu’elle est finie ou lorsqu’elle a besoin de continuer et dire autre chose, ça dépend vraiment de la chanson. Ce n’est pas une question de dire : « Bon, il faut que j’écrive une chanson de dix minutes, comment vais-je faire ? » Ou : « Je dois écrire une chanson courte et accrocheuse, comment vais-je faire ? » Encore une fois, je me contente de prendre ce qui vient et lui donner forme de la meilleure façon qui soit pour en faire une chanson. En fait, je dois dire qu’il a aussi un certain niveau d’habileté qui intervient et qui vient avec l’expérience. Tu as toutes ces idées brutes mais en soi, ça ne te mènera pas très loin, tu dois quand même avoir cette expérience et ce savoir-faire pour pouvoir former une chanson et l’emmener où elle souhaite aller. Je veux dire qu’entre d’autres mains, « The Light And Shade Of Things » aurait facilement pu être une chanson plus courte, mais je ne sais pas si ça aurait été une bonne chose ou pas pour la chanson. Il y a donc un peu des deux : l’inspiration, la chanson qui te dit où elle veut aller, mais il y a aussi cette élément d’habileté qui intervient pour donner forme à la chanson.

Fates Warning - Theories Of Flight

« Certains de mes albums préférés de groupes sont ceux que j’ai dû écouter pas mal de fois avant de les saisir. […] Pour moi, c’est toujours un signe de bonne musique lorsque que tu n’entres pas dedans à la première écoute. »

Tu as écrit les paroles d’une chanson dans cet album, qui est « The Ghosts Of Home ». Ça parle du fait que tu as souvent déménagé étant enfant. Pourquoi était-ce important pour toi d’écrire à ce sujet ?

C’est quelque chose à laquelle j’ai pensé au cours de ces quelques dernières années, à lire sur le sujet, faire plein de recherches et simplement y réfléchir. C’était donc au centre de mes préoccupations au cours de ces dernières années. Lorsque j’écris des paroles, j’aime que ce soit quelque chose d’assez personnel et qui signifie beaucoup pour moi, et avec un peu de chance les fans le sentiront. C’est donc naturel pour moi et c’est quelque chose à laquelle j’ai pensé pendant quelques années et qui a été important pour moi, et je pensais que ça ferait un bon sujet pour des paroles.

Dans la biographie promotionnelle, il est mentionné que ces déménagements fréquents ont affecté et façonné ta personnalité. Comment ?

Ça ne serait probablement pas une bonne chose de rentrer là-dedans. Quelques personnes me l’ont demandé mais je suppose que ce serait trop personnel pour moi d’en parler. Les paroles et l’histoire sont assez personnelles et ce n’est probablement pas quelque chose dans laquelle j’ai envie de rentrer plus que ça. Il n’y a pas de grand secret, c’est juste que ce n’est pas quelque chose dont j’ai envie de parler publiquement.

Comment se fait-il que tu n’aies écrit des paroles que pour une chanson cette fois ?

Eh bien, ça nous ramène à ce que je viens de dire : lorsque j’écris des paroles, je veux que ce soit quelque chose d’important pour moi. Je veux écrire à propos de sujets sur lesquels j’ai quelque chose à dire. Je ne veux pas écrire des paroles parce que je dois écrire des paroles et chercher un sujet. Il faut que ce soit l’inverse. Il faut que j’ai quelque chose en moi à faire sortir et qui j’estime fera une bonne chanson. C’est un aspect de la chose. Un autre aspect est que je pense qu’il est important que le chanteur écrive autant de paroles que possible parce que c’est lui qui devra faire passer cette émotion et interpréter cette chanson. Et avec quelqu’un comme Ray, qui de nos jours écrit de très bonnes paroles et trouve de super lignes mélodiques, je me sens en confiance de le laisser s’occuper de la majeure partie des chansons pendant que moi je me concentre sur celles pour lesquelles j’estime avoir quelque chose d’important à dire – tout du moins, important pour moi. Ca a lentement changé au cours des quelques derniers albums. Sur A Pleasant Shade Of Gray, c’était entièrement moi, et ensuite Disconnected, Ray a écrit quelques paroles là-dedans, et ensuite FWX, je crois que c’était moitié-moitié, et ensuite Darkness, je crois que j’en ai écrit pour une ou deux chansons, et maintenant il n’y en a plus qu’une. Je dirais donc que c’est désormais le processus, le fait que j’en écrirais seulement quelques-unes dès que j’en ai envie, et de laisser le reste à Ray. J’espère que ça lui convient.

Cette chanson « Ghosts Of Home » sonne presque comme un résumé de ce qu’est Fates Warning, on peut entendre des similarités avec des chansons comme « Still Remains », par exemple, avec cette mélodie aiguë de guitare, ou certaines parties d’A Pleasant Shade Of Gray… Etait-ce volontaire ?

Pas volontaire, non, mais je suis entièrement d’accord avec toi. Je pense qu’encore une fois ça a à voir avec le fait d’avoir un large catalogue. C’est dur de ne pas… Je ne veux pas dire « me répéter » mais c’est dur de ne pas avoir certains éléments qui ressortent, surtout ceux que je trouve intéressants et me motivent. Donc ouais, ces types de mélodies de guitare ostinato que tu entends sont des choses vers lesquelles je reviens souvent. La structure de la chanson en soi est un peu similaire à d’autres chansons que nous avons faites aussi. C’est difficile de ne pas se répéter dans une certaine mesure. Et, encore une fois, il y a des choses que je trouve inspirantes, donc j’y reviens souvent.

Apparemment, le titre « Theories Of Flight » faisait partie de l’œuvre originale qui a servi d’illustration à l’album et tu l’as gardé comme titre d’album. Pourquoi l’avoir gardé et comment est-ce qu’il englobe tout l’album ?

Exact. Originellement, lorsque nous recherchions une illustration, le titre de travail de l’album était The Ghosts Of Home, comme la chanson dont nous parlions mais j’ai trouvé cette œuvre d’art que j’adorais et qui je trouvais ferait une super pochette. Et ensuite, je ne le savais pas à ce moment-là mais après avoir trouvé cette œuvre, j’ai découvert que son titre était Theories Of Flight et j’ai vraiment aimé cette phrase. Et plus j’y pensais, plus je trouvais que c’était une jolie description de ce dont parle une bonne partie des chansons. Dans les paroles, autant Ray que moi, nous parlons de déménagement ou de différentes perturbations dans la vie de quelqu’un en étant jeune ou en tant qu’adulte, pour une question de choix ou avoir été confronté à différents déracinements. Donc l’idée d’un oiseau ou d’un avion qui vole, la simple idée de s’échapper était quelque chose qui a vraiment résonné en moi lorsque j’ai vu ceci.

Peux-tu nous parler de la dernière chanson, avec ces monologues ou dialogues à bas volumes, à peine perceptibles, que l’on entend, et qui semble être une continuation de « The Ghosts Of Home » ?

C’est tout à fait juste. C’était en fait un point de débat pour moi, à savoir si elle ferait partie de la chanson ou serait séparée, mais j’ai choisi de l’inclure en tant que chanson séparée. En gros, dans « The Ghosts Of Home », je parle, comme on en a discuté, d’avoir beaucoup déménagé étant enfant et des effets que ça a pu avoir sur moi. « Theories Of Flight », c’est grosso-modo un intervieweur qui pose certaines des questions que je me suis posé à moi-même mais elles sont toutes laissées sans réponse. Comme je l’ai dit avant, je ne veux pas donner les réponses mais je veux poser ces questions pour que les gens y pensent et pour que moi-même j’y pense. Donc la chanson, de la façon dont elle est structurée, c’est un peu d’un côté tu as l’intervieweur qui pose des questions et d’un autre côté les réponses sont plus ou moins données musicalement par la guitare ou les instruments, mais les questions sont verbalement laissées sans réponse et c’est un peu ce que je voulais.

Il y a une chanson intitulée « The Light And Shade Of Things » et ce côté « ombre et lumière » semble être un thème récurrent dans Fates Warning, par exemple si on se réfère à l’album précédent Darkness In A Different Light ou même A Pleasant Shade Of Gray. Qu’est-ce que l’ombre et la lumière représentent ?

[Petits rires] Encore une fois, ça fait partie de ces choses qui se produisent sans réfléchir. C’est de toute évidence quelque chose vers laquelle nous revenons continuellement, donc c’est important mais je ne passe pas beaucoup de temps à réfléchir là-dessus. Cette chanson, en particulier, « The Light And Shade Of Things », ce sont des paroles de Ray, donc il faudra que nous lui demandions exactement de quoi ça parle. Mais c’est juste un thème vers lequel nous revenons toujours, l’ombre et la lumière… Je ne sais pas. C’est juste quelque chose qui nous inspire pour écrire des paroles. Je n’en sais pas plus au-delà de ça. C’est quelque chose qui revient toujours. Peut-être que nous manquons d’idées, je ne sais pas !

Fates Warning 2016

« Si nous devenions plus gros, je ne suis pas sûr que ça me plaise autant. Si nous devenions plus petits, ce ne serait pas très marrant non plus [petits rires]. Nous sommes à la bonne place aujourd’hui ! »

Vous avez des versions acoustiques de chansons de Fates Warning et des reprises sur un disque bonus. Comment avez-vous choisi ces chansons pour les interpréter en acoustique ?

Nous avons choisi trois chansons de Fates Warning, nous voulions choisir des chansons qui seraient non pas faciles mais se prêteraient à ce genre d’interprétation. Toutes les chansons que nous faisons avec Fates Warning ne sonneraient pas bien dans un contexte acoustique. C’est donc une question de trouver les bonnes chansons qui peuvent être transcrites et traduites en format acoustique. Et les trois chansons pour lesquelles nous avons opté semblaient être des choix assez naturels dans cette optique. Et les reprises, nous ne voulions pas choisir les chansons les plus évidentes. Beaucoup de gens s’attendraient à ce que nous reprenions une chanson de Rush ou de Mercyful Fate ou quelque chose comme ça. Donc nous voulions nous tenir à l’écart de tout ce que les gens imaginaient que nous ferions et nous avons tous une assez grande diversité dans nos goûts dans ce groupe, donc nous avons décidé de choisir des chansons aux extrémités de nos goûts et peut-être pousser les gens à écouter des trucs qu’ils n’ont jamais entendu auparavant.

En avril cette année, le line-up d’Awaken The Guardian s’est reformé pour un concert pour célébrer les trente ans de l’album. N’était-ce pas compliqué de faire en sorte que tout le monde soit partant ?

Ouais, c’était très compliqué ! [Rires] Il y a beaucoup de logistique à prendre en compte mais, tu sais, c’était amusant ! Ce line-up d’Awaken The Guardian n’a pas joué ensemble en trente ans. Donc c’était marrant de se retrouver, jouer ces chansons et même jouer certaines chansons que nous n’avons jamais joué avant en concert. Donc ouais, je veux dire que c’était beaucoup de travail mais ça valait le coup pour un bel anniversaire et nous allons remettre ça en septembre.

Est-ce que ça a créé de la nostalgie ?

Je pense qu’au début oui. Les premières chansons que nous avons jouées durant les premières répétitions, c’était un peu bizarre parce que nous n’avions pas joué depuis très longtemps mais une fois que c’est passé, tu t’y mets sérieusement et ce n’est plus qu’une question d’apprendre les chansons et de les jouer du mieux que possible. De temps en temps la nostalgie se manifestait mais ce ne sont que de bons sentiments parce que nous sommes tous encore amis et c’était amusant d’enfin pouvoir faire ça. Mais nous ne nous attardons pas trop là-dessus, c’est plus une question de se mettre au boulot, comme je l’ai dit, et de jouer ces chansons du mieux possible.

Qu’est-ce que cet album représente pour toi ?

J’ai dit avant que j’ai un long catalogue et il y a très peu d’albums dans celui-ci dont je suis inconditionnellement fier. Donc je dirais que celui-ci, A Pleasant Shade Of Gray et Parallels sont probablement certains des albums les plus importants de ma carrière. Ça a beaucoup à voir avec les chansons et les relations personnelles que j’avais avec les membres du groupe au moment où ces albums ont été faits. Donc ouais, c’est l’un des plus importants et, encore une fois, je sais qu’Awaken The Guardian est un des préférés des fans, en particulier en Europe où nous avons pu le jouer. Donc c’était très important pour beaucoup de fans de venir voir ça cette fois.

En fait, c’était une époque particulière dans l’histoire du groupe, car c’était le premier album avec Frank Aresti mais aussi le dernier avec John Arch. De quoi te souviens-tu de cette époque et de l’état d’esprit du groupe, pendant la conception de l’album et après ?

La conception, c’était un moment très particulier. Je pense que nous sentions tous que nous étions sur quelque chose d’assez spécial. C’est la première fois que le groupe travaillait sur un album tous ensemble comme une unité. Nous vivions tous à Los Angeles pendant la durée de la conception. Donc c’était une super expérience. Nous étions surexcités. Nous pensions que nous allions faire quelque chose de très spécial et je suppose que c’est ce qu’est devenu le résultat final. Après ça, je savais que nous voudrions faire quelque chose de différent, donc nous avons changé de direction assez drastiquement pour No Exit. Mais à l’époque, nous avions encore tous faim, nous voulions continuer à faire ça autant que possible, à créer de la musique et tourner, nous étions impatients de partir en tournée autant que possible.

Je sais que John s’est senti très mal lorsque vous lui avez annoncé qu’il n’était plus dans le groupe… Est-ce qu’il t’est arrivé de regretter de l’avoir viré ?

Ouais, en fait, je pense que c’était une décision irréfléchie. A l’époque, nous étions tous jeunes et immatures. Nous avions des visions de grandeurs dans les yeux, de tourner indéfiniment. Je ne sais pas. Je ne peux pas dire que je le regrette. Je déteste dire que je regrette faire quoi que ce soit parce que si nous n’avions pas fait ça, alors nous n’aurions pas fait les choses qui ont été faites ensuite et je suis très content de la plupart de ces choses. A l’époque, nous aurions pu prendre une autre décision mais je ne peux pas dire que je regrette d’avoir prise celle-là à ce moment-là.

Bien plus tard, tu as fait deux albums avec John Arch. Comment est-ce que vous vous êtes réconciliés tous les deux et avez décidé de refaire de la musique ensemble ?

Peu après, tout le truc s’est apaisé. Après Awaken The Guardian, nous ne nous sommes pas parlés pendant quelques années mais peu après ça, nous nous sommes reparlés et depuis lors nous sommes de très bons amis. Ce n’était qu’en 2000 ou 2003, peu importe quand c’était, que John était prêt à refaire quelque chose musicalement, même si je lui avais déjà demandé plusieurs fois auparavant. Donc pour ma part, dès que John est prêt à faire quelque chose musicalement, j’ai envie d’être impliqué parce que je trouve que nous avons une super relation de travail et je suis toujours fier du travail que nous faisons ensemble. Donc, dès qu’il est prêt à faire des choses, je suis prêt. Mais il a une vie bien remplie en dehors de la musique, donc c’est difficile pour lui de s’engager à faire ce qui finit généralement, pour nous, par devenir un processus d’un an ou deux à composer et enregistrer.

Penses-tu, malgré tout, qu’on en entendra davantage de votre part ?

On verra ! J’adorerais mais, encore une fois, j’ai beaucoup de choses à m’occuper là tout de suite avec cet album, John est occupé à faire des trucs… Il n’y a donc rien à l’horizon mais il est clair que j’adorerais à un moment donné dans le futur.

Fates Warning 2016

« Je n’aime pas trop être dans une pièce avec quelqu’un d’autre, à s’échanger des idées [musicales], ce n’est pas quelque chose que je fais souvent, je ne suis pas à l’aise avec ça. »

L’année prochaine marquera les vingt ans d’A Pleasant Shade Of Gray, qui est un album très spécial. Est-ce que vous prévoyez de le célébrer également ?

Nous venons tout juste de le ressortir, je crois que c’était l’année dernière. Et je pense que ce sera tout. Nous avons effectivement parlé de donner quelques concerts, un peu comme nous l’avons fait pour Parallels ou Awaken The Guardian. Je ne sais pas si ça se fera. A ce stade, je dirais probablement pas, même si j’aimerais. Tu sais, la logistique dont nous venons juste de parler par rapport à Awaken The Guardian était difficile et A Pleasant Shade Of Gray sera encore plus difficile. Donc je dirais qu’à ce stade, ça paraît incertain.

A l’époque, l’album a reçu des avis mitigés et a mis un peu de temps avant que les gens le comprennent et le perçoive de façon plus positive. Penses-tu qu’il était trop exigeant ou que les gens n’étaient pas prêts pour un album aussi original ?

Il est ce qu’il est, c’était un album assez dense et ça prend effectivement du temps pour que ce genre de chose soit absorbé. Certains de mes albums préférés de groupes sont ceux que j’ai dû écouter pas mal de fois avant de les saisir. Donc il se peut que ce soit ce qui s’est passé avec cet album. Je pense que c’est quelque chose qui se produit souvent avec nos albums, le fait que les gens ne les aiment pas forcément à la première écoute mais quelque chose continue malgré tout de les attirer. Ils l’écoutent plusieurs fois et ensuite ils commencent à rentrer de plus en plus dedans. Pour moi, c’est toujours un signe de bonne musique lorsque tu n’entres pas dedans à la première écoute.

D’ailleurs, comment t’es-tu retrouvé avec une chanson de soixante minutes ?

Eh bien, en fait, ce n’est pas mon idée, ça a été fait par plein d’autres gens avant moi. J’imagine que les plus importants auxquels je peux penser seraient Thick As A Brick et A Passion Play de Jethro Tull. J’ai toujours su depuis les premiers jours que ce serait amusant ou stimulant, ou peut-être même les deux, d’essayer de faire quelque chose comme ça dans le domaine du metal prog. C’était donc quelque chose que j’ai toujours eu en tête. Pour diverses raisons, 1996 ou 1997 semblait être le bon moment pour le faire. Encore une fois, comme nous en parlions avant, c’était un peu une contre-réaction à Parallels et Inside Out qui étaient tous les deux constitués de chansons plus accessibles. Après Inside Out, j’en avais assez de ça et je voulais faire quelque chose de beaucoup plus exigeant, en allant ailleurs et faisant une seule chanson longue comme un album. Et c’était très compliqué, surtout à l’époque parce que c’était les premières années de l’enregistrement digital. Je crois que rien n’était digital sur cet album, tout était analogique. Donc tout devait être fait pour que ça puisse être analogique, il n’était pas question d’utiliser Pro-Tools ou de simplement presser quelques boutons. Pour obtenir les effets ou les arrangements que nous voulions, nous devions le travailler en studio dans un long processus complexe dans lequel il fallait s’investir. Mais c’est quelque chose qui ne nous a jamais fait peur.

Fates Warning est un groupe majeur dans le metal progressif, qui a toujours poussé le genre en avant, mais qui n’est toujours pas reconnu au niveau qu’il devrait l’être, surtout si on compare à d’autres groupes. N’est-ce pas un peu frustrant ?

Non, je ne vois pas vraiment les choses comme ça. Les gens me demandent tout le temps ça, en fait, mais je ne le vois pas ainsi. Pour ma part, je dis que je suis reconnaissant de pouvoir toujours faire ça. Je peux toujours être musicien et en vivre. Crois-le ou non, en fait, je suis heureux de la place que nous avons. Si nous devenions plus gros, je ne suis pas sûr que ça me plaise autant. Si nous devenions plus petits, ce ne serait pas très marrant non plus [petits rires]. Nous sommes à la bonne place aujourd’hui ! Je ne m’en plains pas du tout. Parce que lorsque tu deviens plus gros, je pense que tu te retrouves avec plus de gens qui réclament de ton temps. Tu sais, je suis quelqu’un de très secret, j’aime avoir du temps chez moi, j’aime avoir beaucoup de temps au calme. Donc la quantité de tournées, de presse et autres que je fais aujourd’hui est plus ou moins ce avec quoi je suis à l’aise, peut-être un peu plus. Pas que nous ayons jamais pu mais si nous en arrivions au niveau de Dream Theater ou un groupe de ce genre, je ne sais pas si j’apprécierais autant, pour être honnête avec toi.

Pour revenir à ce que tu disais à propos du fait que les gens ne comprennent pas forcément vos albums à la première écoute. Dirais-tu que vous êtes un peu un groupe mal compris ?

[Réfléchit] Non, je ne peux pas vraiment dire ça. Je dirais que nous ne sommes simplement pas un groupe extrêmement populaire. Voilà comment je vois les choses [petits rires]. Je ne sais pas pourquoi. Je ne passe pas beaucoup de temps à y réfléchir. Peut-être que nous ne sommes pas si bons que ça ! Je ne sais pas !

Dans le groupe, vous êtes assez éloignés les uns des autres, Ray étant sur la côte ouest et toi sur la côte est, et tu écris grosso-modo toute la musique toi-même et ensuite, tu l’envoies à Ray pour qu’il écrive les mélodies. As-tu malgré tout le sentiment d’avoir un esprit de groupe en travaillant de la sorte ?

C’est certainement différent, disons, de lorsque nous travaillions sur Awaken The Guardian, en l’occurrence, car nous étions tous… C’était toujours le même processus, je composais la musique et ensuite nous allions en salle de répétition pour travailler dessus en tant que groupe. C’est un peu différent mais c’est aussi similaire parce qu’il y a quand même constamment ce contact. Lorsque nous travaillons sur un album, Ray et moi parlons trois, quatre ou cinq fois par jour au téléphone. Il n’y a pas ce retour immédiat que tu as lorsque tu répètes en studio mais à ce stade de ma carrière, ce n’est pas non plus quelque chose que j’apprécie vraiment. Encore une fois, j’aime travailler sur les trucs par moi-même. Et avant de les envoyer, j’aime être à cent pour cent content des morceaux. Donc pour moi, c’est le meilleur environnement de travail. Je n’aime pas trop être dans une pièce avec quelqu’un d’autre, à s’échanger des idées, ce n’est pas quelque chose que je fais souvent, je ne suis pas à l’aise avec ça. Lorsque je travaille avec Kevin, comme je le disais, c’est un processus plus collaboratif mais même avec ça, nous collaborons isolés.

Mais pourquoi n’es-tu pas à l’aise avec ça ?

Je ne sais pas ! Il faudrait peut-être entrer plus profondément dans la psychologie ! [Petits rires]

Es-tu quelqu’un de solitaire, du point de vue de ta personnalité ?

Solitaire ? Je ne suis pas solitaire, disons que j’aime être seul. Je trouve que « solitaire », ça voudrait dire que tu es triste ou déprimé. J’aime être seul. Je peux être aussi heureux en étant seul à lire un livre ou à travailler sur de la musique que peuvent l’être nombre de mes amis ou camarades de groupe lorsqu’ils sortent faire la fête dans un bar avec plein de gens et en étant bruyants. Je peux te garantir que je suis tout aussi content de ne rien faire qu’ils peuvent l’être à faire ça.

Fates Warning 2016

« Je ne vois pas comment les groupes qui arrivent vont pouvoir avoir une carrière ou quoi que ce soit au-delà de deux ou trois albums. […] Je ne sais pas où ça va mais c’est ça le progrès. »

Frank Aresti qui était revenu faire des guitares sur Darkness In A Different Light ne fait que quelques solos sur cet album, tout comme le guitariste de tournée actuel Michael Abdow. Comment se fait-il que tu te retrouves à nouveau à être seul guitariste ?

Eh bien, je pense qu’il y a un peu de confusion à ce sujet. Je veux dire que même sur Darkness, je suppose que tu peux dire que Frank était dans le groupe mais il n’a joué que des solos sur cet album et c’est pareil pour… Si on remonte à Perfect Symmetry, nous avons toujours enregistré nos propres parties de guitare. Donc pour les chansons que j’écrivais, je faisais toutes les guitares, et pour les chansons que Frank écrivait, il faisait toutes les guitares, et ensuite, nous faisions chacun des solos sur ces chansons. Donc ça a toujours été le cas avec le groupe, le fait que la personne qui écrit la musique enregistre toutes les guitares et ensuite quelqu’un d’autre ferait les solos. Donc dans Darkness In A Different Light, Frank n’a joué probablement que quatre ou cinq solos. Et ensuite il a accepté un emploi où il devait travailler de cinq à sept, cinq jours par semaine et il ne pouvait plus partir sur les routes. Donc pour nous, c’était une décision difficile de l’avoir sur l’album et ensuite faire intervenir quelqu’un d’autre pour jouer toutes ses parties. Donc nous avons embauché Mike Abdow pour les tournées de cet album et ça a si bien marché et j’ai tellement bien aimé son jeu que j’ai voulu l’inviter sur cet album également. Donc Frank fait quelques solos et Mike en fait un. Mais pour ce qui est des parties principales de guitare et toutes les rythmiques, c’est moi, comme ça l’a toujours été depuis, je ne sais pas combien de temps, vingt ans ?

En 2014 tu as sorti ton troisième album solo, qui est entièrement constitué de guitares acoustiques traités à divers degrés en digital. C’est très expérimental. Peux-tu nous en dire plus sur l’idée derrière cet album ?

Ouais, c’est vraiment expérimental [petits rires]. Je suis un énorme fan de Tangerine Dream, c’est un de mes groupes préféré de tous les temps, surtout leurs premières œuvres, et pour une raison ou une autre j’ai été fasciné par l’idée d’essayer de faire quelque chose dans cette veine mais en n’utilisant que des guitares. C’est vraiment là que ça a démarré. Ça a commencé avec l’idée de peut-être faire un titre bonus pour OSI, quelque chose que nous aurions juste mis en face b, juste en tant qu’expérimentation. J’ai vraiment aimé, j’ai aimé le son et j’ai vraiment, vraiment aimé le processus. Donc lorsque nous nous sommes retrouvés à ne pas l’utiliser pour OSI, je me suis dit : « Bon, peut-être que je vais en faire tout un album. » Et je savais en partant là-dedans que ça n’allait pas être un album à succès et que plein de gens n’allaient pas accrocher mais pour moi, ça n’avait pas d’importance, c’était amusant et je trouve toujours que c’est un album sympa. En gros, le processus était que je prenais une guitare et j’improvisais en jouant deux ou trois minutes et ensuite je réécoutais ces enregistrements, chacun séparément, je trouvais des parties intéressantes et commençais à traiter ça en digital, soit en ralentissant, soit en accélérant, soit en rendant plus aiguë, soit en rendant plus grave, etc. en appliquant toute sorte de traitements digitaux. Et ça, en soi, c’est devenu le processus de composition, en prenant ces petits bouts de guitare, en les traitant à l’envi jusqu’à ce qu’ils ne soient même plus reconnaissables et, en gros, en créant une chanson à partir de ces bruits.

N’as-tu pas songé à refaire un peu appel à ce processus et le mélanger à Fates Warning ?

Non. J’aime que ça reste séparé. D’abord, j’aime faire en sorte que tout ce que nous faisons avec Fates Warning puisse être joué en live. Plein de choses qui ont été faits sur l’album Halo Effect – à peu près tout, en fait – est traité et sont des choses qui seraient très difficiles à reproduire en live sans claviériste et, encore une fois, je veux que ça reste majoritairement centré sur la guitare. Donc j’aime séparer les choses, j’aime qu’OSI reste séparé, j’aime que mes trucs solos restent séparés et avoir ces différentes options sur lesquelles travailler plutôt que de tout mélanger et que ça devienne un grand tas de choses différentes.

Est-ce que ça signifie que vous ne ferez plus jamais appel à du clavier dans Fates Warning, comme sur l’album Disconnected, par exemple ?

Non, je ne peux pas dire ça. Tout comme je n’aurais pas pu dire, au moment où nous avons enregistré Disconnected, que nous arrêterions d’utiliser du clavier. Je n’ai aucune idée de comment sonnera le prochain album, s’il y a un prochain album. Je sais seulement que pour cette période actuelle, ça semble être une bonne chose de rester concentré sur les guitares. Mais pour le prochain album, peut-être qu’il n’y aura que du clavier ou que des guitares traitées, je ne sais pas !

Le dernier album d’OSI, Fire Make Thunder, remonte à 2012. Y a-t-il un successeur en prévision ?

C’est un peu comme la situation avec John Arch. Kevin et moi sommes tous les deux très occupés. J’adorerais le faire. C’est l’un de mes projets préférés et c’est un de ceux dont je retire le plus de satisfaction mais malheureusement, il n’y a rien de prévu pour le moment. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aura toujours rien de prévu dans six mois mais là tout de suite il n’y a rien à l’horizon.

Ça fait un moment que tu es dans ce business. Que penses-tu de l’évolution de l’industrie ?

Je pense probablement ce que tout le monde pense : ce n’est pas un modèle de business très viable de nos jours. Heureusement pour les groupes comme nous qui existent depuis un moment, nous avons des fans dévoués et la plupart d’entre eux sont des fans de la vieille école, donc ils continuent à aller acheter des albums et voir des concerts, mais ça devient de plus en plus rare. Ça ne nous a pas trop affectés, même si c’est le cas à un certain degré. Je ne comprends pas, je ne vois pas comment les groupes qui arrivent vont pouvoir avoir une carrière ou quoi que ce soit au-delà de deux ou trois albums. Une fois que le plaisir et la nouveauté de tout ça et du fait de sortir un album se seront estompés et qu’ils se rendront compte qu’ils ne peuvent pas en vivre, et qu’en fait ils doivent probablement même payer pour pouvoir le faire, ils vont arrêter. Je ne sais pas quelle est la réponse, je ne sais pas où ça va mais c’est ça le progrès.

Mais penses-tu que l’art a encore de la valeur aujourd’hui ?

Bien sûr ! L’art aura toujours de la valeur. Que ce soit par besoin financier ou pas, les gens auront encore besoin de créer quelque chose pour s’exprimer. Et tant que des gens font ça, il y aura d’autres gens qui apprécieront et avec qui ça résonnera, que ce soit visuel, audio ou n’importe quoi d’autre, la littérature… Ce sera toujours là.

Interview réalisée par téléphone le 11 mai 2016 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Stephanie Cabral.

Site officiel de Fates Warning : fateswarning.com
Site officiel de Jim Matheos : jimmatheos.com



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