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Interview   

Fates Warning : plus c’est long, plus c’est bon


Depuis Darkness In A Different Light qui avait mis fin à neuf ans de silence discographique, il semblerait que Fates Warning soit de nouveau sur une belle lancée. Et même s’ils ont cette fois-ci tout de même mis quatre ans pour revenir avec un nouvel album, on ne peut pas dire qu’ils se soient tourné les pouces et aient laissé les fans à l’abandon, entre l’anniversaire d’Awaken The Guardian, la sortie du Live Over Europe, l’album d’Arch/Matheros et l’album solo de Ray Alder. Surtout, Long Day Good Night – avec lequel le groupe retrouve son label historique Metal Blade – est un album qui déborde de musique, en étant le plus long de la discographie du groupe, mais aussi le plus varié avec quelques surprises.

Pour en parler, nous avons échangé avec Ray Alder qui, pour cause de confinement, s’est résigné à déménager dans le studio d’enregistrement et établir sa chambre à coucher… dans la cabine de chant ! Des circonstances particulières dues à la crise sanitaire qui visiblement angoisse beaucoup le chanteur, pessimiste sur l’avenir de l’industrie musicale. Ray nous dit également quelques mots sur l’album Disconnected qui fête ses vingt ans cette année.

« Espérons que ça ne va pas ennuyer les gens, peut-être que c’est trop long, mais… Notre manière de voir les choses est que si vous avez une faible capacité de concentration, vous pouvez faire avance rapide et passer à la chanson suivante, et avec un peu de chance, parmi ces treize chansons, il y en a une ou deux que vous adorerez [rires]. »

Radio Metal : Tu as sorti ton premier album solo l’an dernier, intitulé What The Water Wants. Quel est ton sentiment sur cette première expérience solo – même si, par le passé, Engine était déjà un peu un projet solo ?

Ray Alder (chant) : C’était super ! Quand j’ai fait Engine, je travaillais avec Bernie Versailles, il n’y avait que nous deux. Je donnais des riffs à Bernie et il les travaillait – c’est ce que j’adore chez lui, il est très bon pour faire ça. Mais avec cet album solo, c’était différent parce que Mike [Abdow] me donnait des chansons, ainsi que Tony [Hernando], et je pouvais choisir celles que je voulais faire. C’était très amusant. Ca a demandé beaucoup de travail, mais le processus était très sympa. C’était excitant de travailler sur quelque chose, sachant que c’était juste à moi. Normalement, quand je travaille avec Jim [Matheos], c’est sa musique et c’est lui qui a le dernier mot par rapport à ce qui va se passer. Avec ça, c’était différent parce que tout était centré sur moi. C’était beaucoup de travail – trop de travail – mais c’était cool.

Tu as une longue carrière, vu que tu as commencé dans Fates Warning en 1988. Qu’est-ce qui t’a poussé à te mettre en avant sous ton propre non à ce stade de ta carrière ?

Avant, avec Fates, ça faisait un an que nous n’avions pas fait d’album, mais nous tournions encore, et je travaillais avec Nick [van Dyk] dans Redemption et c’était amusant – d’ailleurs ça me manque beaucoup. Mais j’ai quitté Redemption afin de consacrer tout mon temps à Fates Warning : à ce moment-là, nous étions encore en train de composer, nous tournions beaucoup, et je ne voulais pas partager mon temps avec autre chose. Mais ensuite, les tournées ont pris fin, et nous ne savions pas si nous allions composer un autre album, donc j’ai décidé de faire quelque chose – il fallait que je fasse quelque chose – pour occuper mon temps. C’est grosso modo comme ça que ça s’est passé pour le projet solo : j’avais du temps libre, donc j’ai fait ça. L’idée était : « Ecrivons des chansons et voyons ce qui se passe. » La recherche d’un label est venue plus tard, et je suppose que j’avais quelque chose à prouver à ce niveau-là, c’est-à-dire voir si j’étais capable de trouver un label pour sortir ça, et ça a été le cas, donc c’était sympa.

Tu as mentionné Redemption. Tu as quitté le groupe en 2016 et tu as été remplacé par Tom Englund. Le fait que tu chantes sur la chanson « Threads » sur leur nouvel album live prouve qu’il n’y a aucune animosité. Nous avons échangé avec Nick van Dyk il y a deux ans et il nous a dit qu’on t’avait mis la pression pour limiter ton apport créatif à Fates Warning. Comment cette pression se manifestait-elle ?

Il n’y avait vraiment pas de pression. C’est que, comme je le disais, j’étais occupé avec Fates, nous voulions faire un autre album. Je savais que si je continuais à faire des albums avec Redemption, ça repousserait encore l’album de Fates Warning. J’ai donc décidé de partir et de me concentrer sur un seul groupe au lieu de deux. Quitter Redemption était une décision difficile. Nick et moi sommes encore amis, et nous le resterons toujours. Mais oui, je voulais concentrer toute mon énergie sur une seule chose, mais peut-être que c’était trop tôt, parce qu’ensuite tout s’est arrêté… Mais ça s’est bien goupillé, parce que j’ai pu faire un album solo, ce qui était très sympa, et leur album avec Tom est génial ! Je le trouve super. J’adore sa voix. Tout ce qu’il fait dans Evergrey est extraordinaire. Je savais qu’il collerait bien à Redemption. Ces gars sont de très bons amis, Tom y compris, donc je suis sûr que tout a été pour le mieux pour tout le monde.

Penses-tu que ton expérience solo a eu un impact sur ta manière d’aborder le nouvel album de Fates Warning ?

Pas vraiment. Je fais juste ce que j’ai l’habitude de faire. Je ne me suis pas mis sur cet album en me disant : « Ce sera différent. Voilà comment je vais faire cette chanson de Fates Warning par rapport à mes propres chansons. » Avec Redemption, c’était différent parce que Nick écrivait tous les textes et toutes les mélodies ; j’y allais et j’y mettais ma patte, pour ainsi dire. Alors qu’avec Fates Warning et mes propres musiques, c’est tout ce qui me passe par la tête et je ne cherche pas consciemment à changer quelque chose pour que ce soit différent. Evidemment, c’est un style de musique qui se prête à faire un peu ce qu’on veut, et la composition de Jim est très différente de ce que j’ai fait sur mon album solo.

« C’est marrant comme on travaille super dur pour que tout soit parfaitement correct et égalisé, avec le processus d’enregistrement, etc., et ensuite les gens écoutent tout dans de petits écouteurs, en MP3, et ça sonne comme de la merde ! Mais c’est l’air du temps, j’imagine. »

Jim a commencé à composer pour ce qui allait devenir Long Day Good Night, en travaillant de manière rapprochée avec toi, juste après la tournée avec Queensrÿche. Est-ce que cette tournée a réveillé une énergie particulière en vous mettant sur ce nouvel album ?

Pas vraiment. Nous avons fait Darkness In A Different Light, notre premier album en neuf ans, qui a allumé une flamme en nous tous, parce que pendant la période qui a précédé, nous n’avions pas écrit de nouvelle musique, nous avions juste continué à tourner ; nous tournions de temps en temps, pas beaucoup, mais au moins une fois par an. Après avoir fait l’album Darkness In A Different Light, c’était super, parce que nous sommes partis sur les routes et nous sommes remis à jouer de nouvelles musiques. C’est génial de jouer de nouvelles chansons, et le public semblait beaucoup apprécier d’avoir enfin de nouveaux morceaux à écouter, au lieu des mêmes vieilles chansons. Un tas de fans voulait entendre les vieux morceaux, mais je pense qu’ils voulaient aussi quelque chose de neuf après tout ce temps. C’était donc excitant pour nous tous, et ça a mené à la composition de l’album Theories Of Flight ; la flamme était allumée, nous voulions repartir et revivre la même expérience, et nous l’avons fait. C’était même encore meilleur avec Theories Of Flight : de plus grands publics, de plus grandes salles, et le fait de jouer les nouvelles musiques était super amusant, faire « The Light And Shade Of Things », « Firefly » et « Seven Stars » en concert, c’était l’éclate ! C’est vraiment un honneur quand ton public apprécie tes nouvelles musiques, et pouvoir chanter de la nouvelle musique c’est super. On ne peut pas demander mieux, surtout que, la plupart du temps, quand tu vas voir des groupes, tu veux entendre les vieux morceaux, pas les nouveaux – « Jouez les vieux morceaux, allez ! » Donc ça c’était vraiment, vraiment cool. Je ne peux pas parler à la place de Jim, je ne sais vraiment pas, mais après ça, il était à nouveau indécis, il ne savait pas s’il voulait composer un autre album, mais ensuite nous avons décidé : « Ouais, on le fait, on se remet au travail. » Donc c’était une bonne chose.

On dirait que Darkness In A Different Light a été le point de départ d’un nouvel élan créatif pour Fates Warning, car on peut ressentir un feeling assez similaire avec les albums suivants…

Je suis d’accord. Je pense qu’il y a un certain style de composition qui s’est mis en place, après l’absence de neuf ans, peut-être. Encore une fois, je ne peux pas parler à la place de Jim, mais oui, je suppose que ces albums sonnent vaguement similaires ; c’est-à-dire un son plus typé moderne, on pourrait dire. Les trois ont effectivement des aspects semblables.

Pour revenir sur la tournée avec Queensrÿche : quel est ton sentiment maintenant sur ce groupe – qui, avec Fates Warning, était à l’origine du metal progressif –, avec Todd La Torre au chant ?

C’est super ! Ils ont vécu un excellent renouveau. Je trouve que leur dernier album est vraiment super. Ils ont joué en concert quelques chansons qui étaient géniales. La musique passe super bien, le public a beaucoup apprécié… Je pense que la qualité de composition s’est améliorée sur les derniers albums, mais le dernier qu’ils ont fait, en particulier, est extraordinaire, et Todd est un super chanteur. On dirait qu’il a trouvé sa place et sa voix dans le groupe. Evidemment, tout le monde le compare à Geoff Tate, mais je pense qu’il est maintenant reconnu à sa juste valeur et qu’il a trouvé sa voix, et c’est quelque chose de vraiment spécial. Le fait de jouer avec eux tous les soirs, y compris en entendant les vieux morceaux, c’était l’éclate ! J’ai regardé les gars jouer tous les soirs. J’ai toujours été un fan.

Avec treize chansons et près de soixante-treize minutes de musique – alors que vos albums passés tournaient plutôt autour de cinquante minutes –, Long Day Good Night est le plus long et le plus chargé des albums de Fates Warning. Comment vous êtes-vous retrouvés à mettre autant de musique sur un seul disque ?

Oui, c’était dingue. A l’origine, ce n’était pas prévu de faire treize chansons. Le plan initial était de faire un album normal de dix ou onze chansons. Puis, au fur et à mesure du processus de composition, de temps en temps, Jim me donnait une chanson et me disait : « Je ne sais pas si elle collera au contexte avec le reste des chansons. Je ne suis pas sûr qu’elle aura sa place dans l’album, mais on va essayer et voir où ça nous mène. » J’ai donc travaillé dessus, il a travaillé du dessus, et nous nous sommes retrouvés à aimer presque tout. Nous avons bien aimé ça parce que nous pensions que l’album devait avoir un côté varié, que toutes les chansons ne devaient pas être pareilles – non que les chansons de Theories et Darkness soient toutes pareilles, mais elles étaient plus ou moins semblables. Donc, avec cet album, nous avons voulu faire quelque chose de complètement différent. On a l’acoustique « Under The Sun », « When Snow Falls » qui est un peu le morceau électronique, et puis on a aussi des chansons plus typées rock dans l’album, ce qui est assez différent pour nous, je pense. Nous ne faisons normalement pas ce genre de chose. Donc au bout d’un moment, nous avons décidé d’écrire quelques chansons en plus pour les mettre sur un disque bonus ou quelque chose comme ça, mais nous avons fini par nous dire : « C’est notre treizième album, alors allons-y pour treize chansons et on verra si on peut toutes les caser sur un disque. » Et nous l’avons fait. C’était beaucoup de travail, je peux te le dire. Nous avions un an pour écrire, mais ça a quand même pris pas mal de temps ! Ca a bien marché au final.

« J’ai décidé de déménager [dans le studio] et de vivre dans la cabine de chant pendant deux semaines [petits rires]. J’ai pris un lit et du mobilier, et j’ai emménagé. »

Tu as mentionné le fait que vous aviez différents styles dans cet album, vous avez même du jazz sur « Longest Shadow Of The Day »…

Oui, c’était l’idée de Jim, c’était assez dingue. Je n’avais pas entendu cette chanson, c’était l’une des dernières qu’il m’a données, parce qu’il a planché dessus pendant très longtemps. Je ne chante qu’un tout petit peu dans cette chanson et il a écrit la mélodie et les paroles de celle-ci. Quand il me l’a enfin donnée, il a dit : « Ne sois pas choqué, mais il y a du saxophone dans cette chanson ! » Initialement, la partie de saxophone était bien plus longue, elle durait probablement une minute ; je crois qu’il l’a réduite à environ quinze secondes – je ne sais pas, il s’est peut-être dit que ça serait trop pour les gens. Je trouve cette chanson extraordinaire, et elle est très différente pour nous. Il semblerait que jusqu’à présent, à en croire au moins les retours de la presse, les gens l’apprécient beaucoup. J’espère que ce sera aussi le cas des fans. Honnêtement, j’ai dit à Jim que c’était l’une des chansons les plus cool qu’il ait jamais écrites. Elle est très intéressante à écouter.

Le fait que l’album soit si long va à l’encontre des usages d’écoute des gens aujourd’hui et de leur faible capacité de concentration. Ça ne vous a pas inquiétés ?

Pas vraiment… Enfin, nous y avons pensé : « Espérons que ça ne va pas ennuyer les gens, peut-être que c’est trop long, mais… » Notre manière de voir les choses est que si vous avez une faible capacité de concentration, vous pouvez faire avance rapide et passer à la chanson suivante, et avec un peu de chance, parmi ces treize chansons, il y en a une ou deux que vous adorerez [rires]. Avec un peu de chance, dans tout l’album, on peut trouver quelque chose qu’on aime ! Mais oui, compte tenu de la capacité de concentration des gens aujourd’hui, qui écoutent de la musique à travers de minuscules écouteurs… J’en parlais à quelqu’un l’autre jour : c’est marrant comme on travaille super dur pour que tout soit parfaitement correct et égalisé, avec le processus d’enregistrement, etc., et ensuite les gens écoutent tout dans de petits écouteurs, en MP3, et ça sonne comme de la merde ! Mais c’est l’air du temps, j’imagine. Il reste quand même des audiophiles qui apprécient le bon son de la musique, et peut-être qu’ils prendront ça en compte, je ne sais pas.

Ceci est votre treizième album, avec treize chansons. N’êtes-vous pas superstitieux ?

Non, pas du tout ! C’est assez drôle, ceci dit ; l’album dure même soixante-douze minutes et vingt-deux secondes, et si tu additionnes ces chiffres, on obtient treize aussi, ce qui est carrément bizarre ! C’est arrivé tout seul, donc peut-être que treize est notre nombre porte-bonheur. Quitte à être superstitieux, espérons que le nombre treize nous portera chance. On verra !

Comme tu l’as dit, Long Day Good Night propose un important mélange de styles, mais malgré tout, ça sonne très Fates Warning. Comment parvenez-vous à ne pas vous perdre et perdre de vue la marque de fabrique du groupe ?

Je ne sais pas ! J’imagine que ça vient du fait que tout ça, ce sont des compositions de Jim. Peut-être aussi ma voix fait que les gens associent automatiquement ça au groupe, mais je pense que c’est surtout la composition de Jim. Il a un style qui est reconnaissable. J’ai déjà entendu par le passé des gens dire : « Ça sonne comme Fates Warning ! » J’imagine que Tool sonne comme Tool. Nous sonnons comme Fates Warning.

D’un autre côté, en faisant des chansons très différentes et touchant à différents styles, est-ce que ça aide à se concentrer sur ladite chanson et sur ce dont elle a besoin, au lieu de diluer une certaine direction ou couleur musicale dans une multitude de chansons qui sonnent similaires ?

Je pense que ça fait que ça reste intéressant. Je veux dire peut-être que ça ne dérange pas certaines personnes d’écouter un album où chaque chanson est à peu près identique – même tempo, même attitude – mais pour nous, en particulier lorsque nous composons treize chansons, le fait d’avoir différents styles est ce qui maintient notre intérêt dans le temps. Au début, quand nous avons commencé la composition, Jim m’a envoyé trois chansons, et j’ai pu choisir avec laquelle je voulais commencer, et j’ai commencé avec « Alone We Walk » parce que je l’ai trouvée très intéressante – j’ai trouvé très sympa toute la ligne répétitive de guitare/basse du début. Et c’est ainsi que j’ai continué à aborder les autres chansons, en changeant mon attitude et ma manière de penser l’écriture de la chanson. Ca entretient vraiment mon intérêt.

« Il y a aussi les autres groupes qui doivent honorer les places déjà vendues, dont les tournées ont été annulées en pleine pandémie, donc on va devoir attendre que ces groupes partent en tournée d’abord. »

Tous les instrumentalistes ont enregistré leurs parties dans leurs divers home studios, tandis que tu as enregistré dans un petit studio en Espagne, là où tu vis, et une grande partie de ces enregistrements ont été faits en pleine pandémie. Comment as-tu géré l’enregistrement d’un album dans ces circonstances ?

C’était difficile ! Tout le truc était… J’essaye d’expliquer aux gens… Ce n’était pas illégal pour moi d’aller là-bas, parce qu’une des dérogations qu’on avait était si on déménageait, et il se trouve que j’ai déménagé dans le studio pour y vivre. Je pense que, pour le travail, j’aurais pu faire les allers-retours en métro mais je ne voulais pas le faire pour ne pas prendre le risque de voyager dans un métro qui circule dans un tunnel, avec un paquet d’autres gens qui sont probablement malades. J’ai donc décidé de déménager là-bas et de vivre dans la cabine de chant pendant deux semaines [petits rires]. J’ai pris un lit et du mobilier, et j’ai emménagé. C’était dur de savoir que ma famille, ma femme et mes enfants étaient à quinze kilomètres et que je ne pouvais même pas aller les voir. C’était étrange. Mais ça a bien marché : j’étais totalement concentré là-bas, à chanter, à envoyer les fichiers et à examiner certaines choses ; si quelque chose avait besoin d’être corrigé, je le corrigeais sur le moment. Le soir, je continuais d’écrire. J’étais encore en train de travailler sur une chanson, je crois que c’était « Glass Houses », j’étais encore en train d’écrire les paroles et de la finir. Je pense que le fait d’être là-bas, plus que tout, ça m’a aidé à mieux me concentrer, mais à cause du Covid-19, tout était de la dernière minute. Quand je finissais une chanson, je l’envoyais tout de suite et Joe Barresi commençait à la mixer. Ce qui fait qu’ils mixaient pendant que j’enregistrais, ce qui fait très peur : si quelque chose s’était mal passé, si j’avais perdu la voix, si j’étais tombé malade ou autre, nous aurions été foutus. Nous sommes passés à deux doigts de nous retrouver dans une très mauvaise situation mais, encore une fois, au final, tout a bien marché.

Une autre histoire drôle est que c’est grâce au coronavirus et aux confinements que nous avons pu finir l’album. Initialement, Bobby [Jarzombek] devait partir en tournée avec Sebastian Bach, pour qui il joue de la batterie, et ils allaient être sur les routes pendant trois mois. Si Bobby avait fait ça, il n’aurait pas pu finir d’écrire ses parties de batterie pour cet album, donc l’album aurait été repoussé sans doute à fin 2021. Mais comme s’est passé ce qui s’est passé et comme la tournée de Sebastian Bach a été annulée, Bobby a pu finir d’écrire ses parties. Donc si on peut voir un petit truc positif au milieu de tout ce bordel… Autrement, on est quand même tous dans la mouise. Je crois qu’actuellement, la France et l’Espagne sont encore deux des pires pays en Europe… Je regarde le compteur mondial tous les jours, et je me dis : « Bordel de merde, c’est reparti. Encore un confinement. » Je n’espère pas. L’Espagne est maintenant dans un nouveau semi-confinement. On n’a pas le droit de quitter la ville. On est complètement isolés. On ne peut pas se rendre dans certains voisinages… Putain, ça craint. La manière dont les politiques se querellent ici… Je crois que le gouvernement principal veut remettre en place un confinement, mais que le gouvernement de Madrid refuse. Donc nous attendons, vivons nos vies, en essayant d’être aussi normaux que possible – simplement sans sortir, c’est ça le truc.

J’imagine que c’est compliqué, car ils se demandent si la crise économique ne pourrait pas faire plus de victimes que le virus à terme…

Oui, je pense que c’est la raison principale pour laquelle le gouvernement de Madrid ne veut pas… Déjà que le pays part en vrille sur le plan économique, s’ils refont un confinement, il sera probablement en ruine. On ne connaît toujours pas ce que ça donnera quand tout sera enfin terminé, quand les choses reviendront à la normale. Il y aura un processus de reconstruction et ça m’amène au sujet des tournées, car j’ai parlé à Jim vendredi et en plaisantant, je lui ai demandé : « Alors, la tournée, c’est pour quand ? Quand est-ce qu’on part ? » Je plaisantais à moitié. Il était là : « Ouais, mec, je ne sais pas. » Il a dit la même chose que je pensais : même si ça revient à une semi-normalité et que les tournées peuvent reprendre, qui sait dans quelle mesure ce sera ? Qui sait quelles salles de concerts existeront encore ? Il est probable que, parmi celles où nous avions l’habitude de nous rendre, certaines sont déjà fermées. Mais ensuite, il y a aussi les autres groupes qui doivent honorer les places déjà vendues, dont les tournées ont été annulées en pleine pandémie, donc on va devoir attendre que ces groupes partent en tournée d’abord. Ensuite, il y a ce truc qui se passe en Amérique, ces grosses entreprises qui soi-disant essayent d’acheter toutes les plus petites salles afin de baisser les cautions pour les groupes et que ces derniers soient autant rémunérés qu’avant. On va assister à un fiasco quand le monde redeviendra semi-normal.

Espérons que les tournées reprendront au plus tôt. Mais plein de gens sont dans la merde avec leur boulot. Certains perdent leur travail à cause de ce truc. Le gouvernement leur donne de l’argent juste pour se maintenir à flot et nourrir leur famille. Les musiciens sont très durement touchés, parce qu’en tant que musicien vivant en Europe, je dépends des tournées, j’ai besoin de partir sur les routes plusieurs fois par an pour pouvoir compléter mon revenu. A cause de ça, ça fait presque deux ans maintenant que je ne suis pas parti en tournée. Ca fait très peur de penser comment sera le futur pour plein de groupes. Je ne sais pas si tu as entendu parler de ce gros groupe de prog qui s’est séparé ou a dit qu’il s’arrêtait à cause de ce coronavirus… Comment il s’appelle ? (Anathema, NDLR). Bref, c’est très dur d’imaginer à quoi ressemblera l’avenir pour la musique. Une chose positive, encore une fois, est qu’avec ce temps d’arrêt, les groupes écrivent beaucoup de musique, donc avec un peu de chance, en 2021 il y aura un paquet de nouvelles musiques à écouter. Désolé, je ne voulais pas pousser un coup de gueule, mais c’est comme ça.

« On va assister à un fiasco quand le monde redeviendra semi-normal. »

Penses-tu que cette situation pourrait vous pousser, et pousser les artistes en général, à revoir leur boulot d’artiste, à être peut-être moins dépendants des concerts et à trouver d’autres sources de revenu ?

Peut-être. Peut-être que certains groupes peuvent faire du live stream, mais nous, nous ne pourrions pas être plus éloignés les uns des autres : je vis en Espagne, Jim vit sur la côte Est, Bobby vit au centre des Etats-Unis et Joey vit sur la côte Ouest, donc ce n’est pas comme si nous pouvions nous réunir facilement – nous ne pouvons même pas vraiment prendre l’avion pour nous voir. Donc pour nous, c’est très difficile. Je crois qu’Armored Saint va faire un live stream au Whisky-A-Go-Go la semaine prochaine. Comme je l’ai dit, je pense que peut-être, avec cette pause, les gens écriront plus de musique. Actuellement, je fais des choses pour deux ou trois personnes, j’enregistre du chant pour des gens, juste pour me maintenir à flot, pour ne pas rien faire. Encore une fois, on a encore toute une année devant nous avant que les choses reviennent à la normale ; avec un peu de chance, ça reviendra plus tôt que prévu…

Soit dit en passant, quand et pourquoi as-tu déménagé en Espagne ? C’est assez loin de San Antonio, au Texas, d’où tu viens à l’origine…

J’ai vécu à Los Angeles pendant vingt et un ans et ensuite j’ai rencontré ma femme qui vivait déjà depuis quinze ans en Espagne ; en fait, elle est uruguayenne, elle vient d’Amérique du Sud, mais son grand-père est espagnol, donc elle avait évidemment la double nationalité. Avant que nous nous marions, j’allais en Espagne pour la voir et elle venait à Los Angeles, et ensuite, nous avons décidé de nous marier. Elle a un fils et c’était plus facile pour moi de venir tout seul que pour tous les deux de venir en Amérique et d’essayer d’obtenir le statut de résident permanent – c’est plus difficile en Amérique qu’en Espagne. On ne vit qu’une fois, donc j’ai décidé de déménager. J’avais vécu toute ma vie en Amérique, alors pourquoi ne pas vivre à l’étranger pour voir à quoi ça ressemble ? C’était un changement sympa. Il a fallu que je m’y fasse, évidemment, parce que quand on vit à Los Angeles et en Amérique en général, on a l’habitude que tout soit ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre et « commodité » est le mot d’ordre au quotidien, alors qu’en Europe les choses ferment tout le temps ! [Rires] « Attends, ils étaient ouverts il y a dix minutes, qu’est-ce qui s’est passé ?! Oh, siesta ! » Il m’a fallu du temps pour m’habituer. Tout ferme pendant trois heures, je n’arrivais pas à le croire ! Maintenant tout est normal, je le comprends. Par ailleurs, je me disais : « Je connais un peu d’espagnol, je devrais m’en sortir » [rires]. J’avais tellement tort ! Ca fait presque cinq ans que je suis ici et mon espagnol est toujours aussi merdique. Je travaille depuis chez moi. Mes amis ici parlent anglais, ma femme parle anglais, mon beau-fils parle anglais, nous sommes un foyer anglophone, même s’ils parlent en espagnol entre eux. Quand je sors de la maison tout seul, je suis là : « Oh merde. Il faut que je trouve le moyen de gérer ça. » Je m’en sors, mais je me retrouve encore avec pas mal de regards interrogatifs : « Qu’est-ce que tu viens de me dire ? » Je suis tout le temps confronté à ça [rires]. Mais j’essaye, j’apprends encore.

Pour revenir à l’album, le batteur Gavin Harrison joue sur la chanson « When Snow Falls », qui est plus calme et rappelle un peu ce que Gavin a pu faire dans The Pineapple Thief et Porcupine Tree. Est-ce ainsi que vous avez pensé à lui ?

Ça c’était, encore une fois, une des dernières chansons que nous avons écrites – pas la dernière, mais dans les quatre ou cinq dernières, je pense – et c’était une des chansons pour lesquelles Jim a dit : « Je ne sais pas si ça colle à l’album. Je ne sais pas si ça va fonctionner. Peut-être qu’on l’utilisera pour un titre bonus ou quelque chose comme ça. » Mais nous avons travaillé sur la chanson pendant deux semaines, j’ai fait des parties et nous avons fait des changements, comme nous faisons avec toutes les chansons. Nous sommes tous les deux tombés amoureux de la chanson. Nous l’avons trouvée superbe : « C’est vraiment une chanson sympa, on la met dans l’album. Il mérite d’être différent. » A l’origine, je crois que nous avons songé à ne peut-être pas mettre de batterie sur cette chanson, parce qu’au départ, c’était entièrement électronique, donc nous nous sommes dit que nous pourrions utiliser des beats électroniques ou quelque chose comme ça. Mais nous avons finalement décidé de mettre de la batterie dessus. Joe Barresi avait lui aussi son planning que nous devions respecter, pour que l’album soit mixé par lui et que ça sorte en 2020. Bobby était encore en train de travailler sur d’autres parties, et Jim ne voulait pas faire appel à un autre batteur, mais il a dit : « Peut-être qu’on pourrait demander à Gavin s’il peut faire la batterie sur la chanson », car autrement, nous n’aurions probablement pas pu mettre la chanson sur l’album si nous avions dû attendre Bobby. Donc nous avons demandé à Gavin et il a accepté. Le résultat est vraiment cool. C’est une de mes chansons préférées dans l’album parce qu’elle est très différente. Elle me rappelle un peu l’album Disconnected quand nous étions dans notre phase électronique, c’est peut-être la raison pour laquelle je l’aime autant – en dehors du fait que c’est une chanson vraiment sympa, enfin je trouve !

« Quand on vit à Los Angeles et en Amérique en général, on a l’habitude que tout soit ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre et ‘commodité’ est le mot d’ordre au quotidien, alors qu’en Europe les choses ferment tout le temps ! [Rires] ‘Attends, ils étaient ouverts il y a dix minutes, qu’est-ce qui s’est passé ?! Oh, siesta !' »

Evidemment, Gavin et Bobby sont deux batteurs monumentaux dans la scène progressive, ça ne fait aucun doute, mais comment les comparerais-tu ?

C’est dur à dire ! C’est comme comparer deux chanteurs – ils ont un feeling différent, un son différent. Même le son de leur batterie est différent. Les batteurs sont une drôle d’espèce à mes yeux, parce qu’ils sont tellement à fond dans le matos et que, encore une fois, ils ont un certain son. C’est comme les guitaristes, ils jouent d’une certaine manière ou ont un ampli en particulier qu’ils aiment ; c’est la même chose pour les batteurs. Je connais pas mal de choses que Gavin a faites, même si je ne le connais pas autant que je connais Bobby, mais c’est dur de comparer les deux : c’est comme les pommes et les oranges. Si tu les mettais tous les deux sur la même chanson et leur demandais d’écrire une partie de batterie pour cette chanson, ce serait complètement différent. Bobby est un super batteur qui joue avec puissance, mais il peut aussi être très délicat quand il veut. Pour moi, Gavin est un peu l’opposé : c’est plus un gars avec un jeu complexe qui peut être puissant quand il veut.

« Under The Sun » est aussi une chanson particulière dans l’album, puisque c’est la première fois que le groupe incorpore un ensemble de cordes. Comment c’est venu ?

En fait, c’est Jim qui a fait appel à ces gars. Au tout début, l’intro, la partie de guitare acoustique, faisait partie d’une autre chanson – je crois qu’elle faisait partie de « The Longuest Shadow Of The Day ». C’était un genre de reprise ou une courte partie au milieu pour faire un break, et il me l’a envoyée en disant : « J’ai écrit dette petite partie dans un autre morceau, mais penses-tu qu’on pourrait en faire une chanson ? » J’ai dit : » Oui, attends, je vais travailler dessus » et je l’ai adoré. J’ai tout de suite pensé que ça devait être une chanson à part. Je me souviens lui avoir écrit : « Mec, il lui faut un solo et un tabourin ou un truc comme ça, un shaker… » C’était vraiment amusant d’écrire cette chanson. C’était un heureux accident que ça n’ait pas tout de suite été une chanson, car l’idée de Jim était de mettre des cordes sur cette petite partie dans l’autre chanson, donc nous avons conservé l’idée et les avons rajoutées quand c’est devenu un morceau à part entière. Voilà comment ça s’est fait. A l’origine, quand il me l’a envoyée, la version démo avait du clavier en lieu et place des parties de cordes, ce qui était déjà assez sympa, mais avec les cordes c’est encore mieux.

Le titre de l’album, Long Day Good Night et la chanson « The Longest Shadow Of The Day » renforcent l’idée d’« ombre et lumière » qui est un thème récurrent chez Fates Warning – notamment si on se réfère aux albums Darkness In A Different Light et A Pleasant Shade Of Gray ou à une chanson comme « The Light And Shade Of Things ». Qu’est-ce que cette idée d’« ombre et lumière » représente pour toi ?

[Rires] Je ne sais vraiment pas ! Peut-être que c’est simplement ainsi que nous voyons le monde : c’est soit lumineux, soit nuageux, soit c’est la nuit. Peut-être que c’est une vision romantique des choses, je ne suis pas tout à fait certain. Quand j’écris des paroles, j’écris un peu ce qui me passe par la tête, et j’essaye de me représenter quelque chose qui peut parler à d’autres gens – un genre de visuel qui apparaîtrait quand on écoute la chanson et qui donne du sens aux paroles, je ne sais pas. Quand j’écris des paroles, j’essaye généralement d’être un peu énigmatique et pas explicite. J’aime que les gens se fassent leur propre idée du sens des paroles. Je pense que quelque chose comme la lumière et le gris sombre sont des éléments visuels sympas que tout le monde peut comprendre, et peut-être que ça les met dans une certaine humeur ou leur procure un certain sentiment… C’est dur à décrire. Ce n’est pas : « Oh, celle-ci va parler du jour ! » « Celle-ci va parler de la nuit ! » Ça se fait tout seul. En fait, c’est Jim qui a trouvé ce titre, Long Day Good Night. Nous avions plein d’autres titres différents que nous avons suggérés, mais nous avons opté pour celui-ci au final – c’était tout à la fin, à la dernière minute : « D’accord, c’est bon, ça va s’appeler Long Day Good Night. »

Non seulement ça, mais il y a aussi l’idée des conditions météo : « Now Comes The Rain », « Under The Sun » et « When Snow Falls ». Es-tu sensible, en tant qu’artiste, à ton environnement, à la météo, à la lumière, aux éléments, etc. ?

Oui, beaucoup, je pense. Pour je ne sais quelle raison, Jim et moi écrivons beaucoup au sujet de la pluie. Je pense que c’est une sorte d’idée visuelle ou sonore romantique : la pluie peut rendre certaines personnes heureuses. J’en ai parlé quand j’ai fait mon album solo, et c’est pour ça qu’il s’appelle What The Water Wants – encore une fois, c’était un truc subliminal. Ça peut apporter la vie ou la mort, la joie ou la tristesse, ou une humeur maussade… Tout le monde peut s’identifier à un jour de pluie ou de neige… Nous ne sommes pas des écrivains de romans mystérieux : « La porte qui grince… », ça n’a pas de sens dans une chanson. C’est marrant, parce que j’aurais dû tenir un historique pour savoir quels jours ou à quelle saison ont été écrits les textes, ça aurait été très intéressant. Je n’ai jamais pensé à ça. Je crois que « When Snow Falls » a été écrit quand il faisait très froid, quand c’était l’hiver ici en Espagne, donc… C’est une notion très intéressante. J’aurais aimé avoir tenu un journal là-dessus ! [Rires]

« Bobby [Jarzombek] est un super batteur qui joue avec puissance, mais il peut aussi être très délicat quand il veut. Pour moi, Gavin [Harrison] est un peu l’opposé : c’est plus un gars avec un jeu complexe qui peut être puissant quand il veut. »

A propos de ta méthode pour écrire des paroles, tu as dit que « dès que [tu] écri[s] des mélodies, généralement [tu] chante[s] plein de mots qui n’ont aucun sens afin de trouver quelles voyelles ou consonnes fonctionnent le mieux avec les notes utilisées » et parfois un texte est créé à partir de ce charabia. Dirais-tu qu’il y a quelque chose du domaine de l’inconscient dans tes paroles ?

Probablement. J’imagine que ça vient de la tonalité de la chanson. Peu importe ce que Jim me donne, peu importe la chanson, je pense que tout de suite, quand je l’écoute pour la première fois, peut-être que les cinq à dix premières écoutes actionnent un interrupteur et me mettent dans une certaine humeur ou m’emmènent dans une certaine direction. Je pense que les mots viennent de mon inconscient ou alors cela dépend de mon humeur du moment. Inconscient ou conscient, je ne suis pas tout à fait sûr. Ça dépend où je suis dans ma tête quand j’entends une chanson et quand j’allume le micro et commence à cracher des absurdités. C’est marrant. C’est très bizarre. Nous avons ressorti un album il y a longtemps, peut-être que c’était A Pleasant Shade Of Grey… Je me souviens qu’il y avait une chanson, c’était une version démo, ça pourrait être la chanson « One » en fait, sur laquelle je chante n’importe quoi, genre « Something… Everything… Nothing… », sans raison. Ça ne voulait rien dire. C’est l’exemple parfait de mots que j’ai chantés en écrivant et c’est en fait sorti comme ça. Je trouve ça très drôle ! Ce n’était qu’un travail en cours. D’ailleurs, j’essaye de tout sauvegarder… Sur cet album, j’ai tout conservé, mais j’ai fini par acheter un nouvel ordinateur avec de nouveaux logiciels d’enregistrement ; j’ai un tout nouveau système. Donc j’ai tout récupéré de l’ancien ordinateur pour le mettre dessus – je sais, c’est stupide, je n’ai pas sauvegardé ça sur un disque dur – et j’ai copié ça sur des clés USB, parce que ce sont juste des démos. Mais quand j’ai branché l’une des clés, qui faisait dans les cent giga-octets, elle a foiré. Le contenu a totalement disparu – il y avait l’historique d’environ neuf chansons. Quel gâchis. Ça craint. Je ne pourrai plus récupérer les données… Mais bon, qu’est-ce qu’on y peut ?

La dernière chanson de l’album s’intitule… « The Last Song ». La chanson qui clôt l’album est peut-être la piste la plus importante d’un album, puisque c’est celle qui laisse la dernière impression sur l’auditeur. Que veux-tu que l’auditeur ressente une fois la dernière chanson terminée ?

J’espère juste que l’auditeur est satisfait. Cette chanson est étrange, parce qu’il se peut que ce soit vraiment la dernière chanson sur laquelle nous avons travaillé. Initialement, Jim et moi avions cette idée : « Qu’est-ce qu’on va faire concernant le Covid-19 pour en parler ? » L’une des phrases, je crois, était quelque chose sur les rues vides et le vent qui souffle les feuilles, pour donner une image du confinement, avec personne, une ville morte. Mais ensuite ça a changé et j’ai commencé à écrire des paroles sur simplement la musique, et la vie, et le fait de suivre la seule voie que j’ai jamais connue, c’est-à-dire la musique – toute ma vie, je l’ai passée à faire de la musique. Puis il est arrivé, nous avons modifié des choses, il a ajouté ses parties, j’ai ajouté les miennes – je crois que c’est la seule chanson dont Jim et moi avons coécrit le texte. C’est un genre de final qui parle de notre histoire, et qui sait où ça mène à partir de là ?

Après deux albums chez Inside Out – le label de nombreux groupes progressifs prestigieux – vous êtes retournés à votre label historique, Metal Blade. N’avez-vous pas été convaincus par la relation construite avec Inside Out ? Qu’est-ce qui vous a poussés à faire machine arrière ?

Il faudrait que tu demandes à Jim pourquoi il a décidé de revenir chez Metal Blade, mais je pense… Il y avait beaucoup de confusion au début. Je pense que nous avions prévu de faire un autre album chez Metal Blade et Jim a dit : « D’accord, on va faire ça, mais il nous faut tant d’argent pour faire l’album. » Peut-être que Brian [Slagel] a dit : « Je ne sais pas si ce budget peut être validé, parce que plus personne ne se rend dans des studios. » Donc Jim est allé voir Thomas [Waber] d’Inside Out et a dit : « Est-ce que ça vous intéresse de faire un album avec nous ? » Ils ont dit : « Oui, bien sûr. » Donc nous sommes passés chez Inside Out. Maintenant, notre contrat de deux albums avec eux était terminé, nous étions des électrons libres. Nous sommes depuis toujours amis avec Slagel, donc c’était naturel de revenir chez Metal Blade, dans la famille que nous avons toujours connue. Il n’y a aucune rancœur contre Inside Out, car ils ont été super avec nous, ils nous ont remis en selle, pour ainsi dire. Les deux albums que nous avons faits avec eux étaient vraiment super et nous avons fait un beau parcours. Nous nous sommes dit que nous allions revenir chez Metal Blade pour revoir la famille, et voir où ça nous mène. Encore une fois, je connais tous ceux qui travaillent là-bas ; il y a quelques nouvelles personnes que je ne connais pas très bien, mais tous les autres, je les connais depuis presque trente ans ! C’est fou. Je remercie vraiment Thomas : il a été très bon avec nous. C’est vraiment un chouette type.

Il y a vingt ans, vous sortiez l’album Disconnected, qui est peut-être l’album le plus sous-estimé de Fates Warning. Quels sont tes souvenirs de cette époque et cet album ?

C’était une époque très confuse, je dirais. C’était bizarre. Nous avons fait cet album au Carriage House Studios. Je ne me souviens plus exactement comment c’est arrivé, mais nous avions ce gars Steve [Tushar], un bon ami de Kevin Moore. A l’origine, nous avions toutes ces idées pour faire un album qui sonne très électronique, presque industriel. C’était l’objectif. Au final, c’était une grosse… Ce n’était pas une déception, mais nous étions un peu inquiets, genre : « Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire maintenant ? » Nous étions au studio, prêts à faire le mix, prêts à tout faire, et nous savions que l’album n’allait finalement pas devenir ce à quoi nous nous étions attendus. Nous avons dû un peu tout repenser sur place, au studio. Encore une fois, l’album aurait dû être plus électronique qu’il ne l’est au final. Le résultat s’est trouvé être beaucoup plus analogique que prévu. Mais au bout du compte, ça reste un bon album, il y a de bonnes chansons dessus, et il a quand même conservé un peu de ce côté industriel par moments. Enfin, l’album est sympa. C’est super de jouer « Still Remains » en concert, j’adore faire cette chanson – les gens l’adorent aussi. Je n’ai aucun regret, parce que je ne sais honnêtement pas maintenant comment il aurait sonné. J’ai tellement l’habitude de ce qu’il est désormais. Mais c’était un moment vraiment effrayant pour nous tous, de savoir exactement ce que nous allions faire et puis à la dernière minute : « Non, ça ne va pas se passer comme ça. Ça va se passer de cette autre manière. » On ne sait jamais à l’avance ce qui va se passer. Il y a toujours un truc fun qui se passe ! Concernant sa réception, ça allait, ça aurait pu être mieux. Nos fans répondent toujours présents, bien sûr ils l’ont apprécié. Il a marché correctement mais je pense que nous avons d’autres albums qui ont été bien mieux acceptés, je dirais.

Interview réalisée par téléphone le 5 octobre 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Foucauld Escaillet.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Stephanie Cabral.

Site officiel de Fates Warning : fateswarning.com

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