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Interview   

Fetus (Ultra Vomit) : l’art vocal du mimétisme


Quel angle singulier que celui assumé par Ultra Vomit : cultiver l’autodérision, la parodie et l’amour du metal sous toutes ses formes. Avec Nicolas Patra (alias Fetus) comme « entité miroir », Ultra Vomit singe avec succès les grands noms du top 50 en passant par Gojira, Motörhead, Rammstein, etc. Si, avec les premières démos des années 2000 jusqu’à l’album Panzer Surprise de 2017, le groupe hexagonal s’est avant tout forgé une identité qui résonne avec allégresse et humour, il est important de constater qu’Ultra Vomit ne fait pas pour autant l’économie d’une réelle recherche qualitative en matière de son, de production et surtout de mimétisme vocal.

Le lendemain de leur second passage au Hellfest lors de l’édition 2019 sur la Mainstage, nous avons eu la chance de nous entretenir avec Fetus sur son approche du chant, notamment au regard de toutes les imitations qu’il façonne au fur et à mesure des concerts. Comment articule-t-il ses différentes voix ? Comment les entretient-il ? Quelles sont les conséquences somatiques de la parodie ? Fetus nous partage ses influences les plus anciennes avec Kurt Cobain, la culture du grindcore, et nous livre l’évolution surprenante de son ressenti et de son approche du chant clair et saturé au fil des années.

« Je n’avais aucune technique, c’était vraiment par mimétisme. Un mimétisme animal, je dirais. J’avais envie de reproduire ce que j’entendais. J’ai su que j’avais un petit don pour imiter, genre j’imitais mes potes et on me disait : ‘Ah, tu le fais trop bien !’ »

Radio Metal : Depuis combien de temps pratiques-tu le chant saturé ?

Fetus (chant & guitare) : [Il imite une voix cassée] Alors le chant hurlé, je le pratique depuis… Désolé j’ai plus trop de voix ! [Il reprend sa voix normale] Bon OK, je déconne ! Je n’en ai plus beaucoup, mais il me reste un petit capital voix, que j’ai pas mal entamé avec ce week-end d’after. Mais sinon, j’ai commencé à faire ça de manière spontanée parce que j’écoutais du metal extrême au début des années 2000. Le truc, c’est que nous avons enregistré notre premier album en 2004, où je n’avais quasiment que des voix hurlées, soit très graves, soit très aiguës, il y avait un spectre assez large. Par contre, je m’abîmais la voix, parce que je faisais ça n’importe comment, sans aucune technique. Je faisais ça juste à l’instinct. Ça peut marcher dans certains cas, les gens commencent à gueuler comme ça, puis ça ne les abîme jamais. Mais là, dans mon cas, vu que je faisais plein de voix différentes, je pense qu’il y avait certaines voix nocives, et d’autres qui l’étaient moins. J’ai mis du temps à comprendre ce qui me faisait mal ou pas.

En tant que chanteur, as-tu d’abord commencé à chanter avec une voix claire pour aller ensuite vers une voix saturée ? Selon toi, comment s’articulent les deux dans le processus d’apprentissage du chant ?

C’est bizarre, parce que le premier groupe que j’ai eu, c’était au collège, avec des potes et mon demi-frère, nous faisions des reprises de Nirvana, et nous ne faisions que ça. C’était du chant qui saturait déjà. Moi, je chantais ça, je faisais batterie-chant, et je ne faisais que ça, que du Nirvana. Je ne me suis jamais vraiment considéré comme un chanteur, jusqu’à récemment où je me suis dit : « Bon allez, maintenant, il faut que tu assumes que tu es un chanteur ! » Parce que je me disais toujours : « Non, je n’ai pas la technique, je n’ai pas les trucs, je n’ai jamais pris de cours… » Le premier souvenir que j’ai où on m’a dit que je chantais bien, c’était justement au collège, où il y avait la chorale, et la prof de chant qui repérait des élèves. Moi, elle m’avait fait chanter un truc des Beatles, et elle m’avait dit : « Toi, c’est bon, je te sélectionne. » Moi, je ne voulais pas spécialement y aller, je n’avais pas l’intention de chanter dans une chorale. Et finalement, j’imagine que ça voulait dire que je chantais juste. J’avais forcément déjà la base pour chanter. Après, laisse tomber, j’étais timide, c’était impossible… Je n’aurais jamais pensé pouvoir chanter devant autant de monde après. Ce n’était pas mon but dans la vie. C’était une question de confiance, c’est venu petit à petit à force de pratiquer.

À l’intérieur d’un concert, comment as-tu l’impression que ta voix saturée et ta voix claire s’articulent ? Y a-t-il une influence au fur et à mesure du show de ta voix saturée sur ta voix claire, ou inversement ?

C’est une bonne question, car je ne me fais pas trop la réflexion. Surtout que ma voix claire, au final, je n’ai pas fait le pourcentage, mais déjà, ce ne sont que des imitations de tout, comme des voix d’opéra… Je ne pourrais pas te dire. Je n’ai pas la sensation… Je ne me rends pas compte du nombre de voix clean qu’il y a dans le concert. Je pense que le volume de voix claire est assez faible dans l’ensemble du concert, parce que même des fois quand je fais un speech, ça part en saturation, naturellement, parce que c’est l’intention. Pareil, quand je croisais des gens dans le festival, ils m’imitent, et quand ils le font, ils gueulent, et là, ce n’est pas une voix parlée, c’est vraiment comme si j’étais déjà en train de chanter dans un morceau.

Ressens-tu parfois des difficultés à l’intérieur d’un concert pour passer d’une imitation d’un growl, à une voix plus cristalline, plus claire ? Est-ce que le passage de l’un à l’autre peut te poser problème ?

Non. Par contre, parfois, je sens que ça bloque un peu sur certains aigus que je n’arrive plus à avoir au bout d’un moment, ou des trucs comme ça. Ça dépend vraiment. Même aujourd’hui, après avoir fait autant de concerts et avoir étudié le truc, j’ai encore du mal, ça reste obscur pour moi, la voix. Des fois, je ne comprends pas pourquoi là, à ce moment-là, je perds ma voix, et pourquoi à ce moment-là, quand je me dis que ça ne va pas passer, ça passe nickel… Il y a quand même un truc vraiment dur à maîtriser, et effectivement, le fait que je passe par plein de voix différentes, ça brouille les pistes encore plus, parce que des fois, tel ou tel truc va moyennement passer, et tu ne sauras pas pourquoi. Je n’ai pas la réponse. Des fois, j’appréhende un certain passage en me disant : « Ça, je sais que c’est possible que ça ne passe pas », sans savoir pourquoi. Bon, la plupart du temps, ça passe, sinon je ne le ferais pas. Si ça passait une fois sur trois, je ne le ferais pas. Après, j’adapte aussi la difficulté du truc en fonction. Je sais aussi comment remplacer, comment « tricher » si tel truc ne passe pas, et je le fais d’une manière différente. Mais le fait de changer de voix directement, ce n’est pas un truc qui me pose problème, parce que j’ai toujours fait ça. En général, ça marche.

Quand tu fais une voix saturée assez caverneuse comme quand vous parodiez Gojira, essayes-tu d’attraper une note spécifique en rapport avec ce que jouent les autres instruments, ou vises-tu plutôt un son global du style grave, médium, ou aigu ?

Non. Pour moi, quasiment à chaque fois, il y a quand même une note visée. Des fois, elle est plus ou moins audible, mais l’intention de la note est là. Sur « Calojira », c’est clair, ce ne sont quasiment que des notes. Il y a des morceaux comme « Takoyaki » où c’est un peu plus freestyle, mais pour moi, il y aura toujours un fond de note. Au niveau des cordes vocales, ce ne sont pas que les fausses cordes qui marchent, ou je ne sais pas quoi, il y a vraiment encore de la note. Mais il y a des morceaux où il n’y en a pas du tout, par contre.

« Dans la voix un peu saturée, Kurt Cobain a été le premier à me mettre une claque et à vraiment me donner envie de faire ça. Après, il y a tous les groupes que nous imitons. De toute façon, si je les imite, c’est qu’il y a quelque chose qui me plaît chez eux. »

Indépendamment des concerts et des répétitions, est-ce que toi, tu travailles ta voix en dehors ? Entretiens-tu ton scream ?

Ouais. Je le fais depuis pas longtemps. Quand j’avais des problèmes de voix, je me suis rendu compte que je mettais souvent tout sur l’hygiène de vie, en me disant : « Ça va, on ne joue pas tous les soirs, donc ça ne peut pas être ça. » Je me disais que ça pouvait être parce que tu n’avais pas assez dormi, parce que tu avais trop picolé, parce que tu as trop fait la fête, parce que tu as parlé trop fort dans un endroit bruyant après un concert, ou ce genre de chose… Et ça, c’est clair que c’est nocif. Mais par contre, je mettais un peu trop tout là-dessus, sans me concentrer sur la technique. Et récemment, je me suis rendu compte que oui, la technique, ça fait quand même le gros du truc. C’est-à-dire que si pendant ton concert, déjà, tu fais une technique saine, après, tu peux boire des bières… Je ne dis pas que c’est une bonne chose que de parler fort, mais de toute façon, c’est pareil, même quand tu parles fort dans une boîte, il y a des techniques. La meilleure technique, c’est de se barrer quand il y a trop de bruit, ou de ne pas parler. Mais sinon, il y a une technique pour placer la voix de manière plus timbrée, plus devant, je n’en sais rien. Souvent, quand j’imite des Québécois… [Il prend l’accent québécois de façon un peu nasillarde] on entend directement que c’est beaucoup plus… Ça fatigue beaucoup moins ! Donc je ne vais pas parler tout le temps comme ça, parce que ce n’est pas ma culture, mais si je parlais tout le temps comme ça, je me péterais beaucoup moins la voix. Alors que moi, j’ai tendance à un peu plus écraser ma voix. C’est dans la langue française aussi. Quand les étrangers nous imitent, ils font [il marmonne avec une voix grave] : « Ouais, putain, fait chier ! », et en se plaignant bien sûr, parce que sinon ce n’est pas drôle ! Alors que quand je les imite, ça sera plutôt du genre [avec une voix nasillarde] : « Yeah, you know, it’s like… », et là tu vois la différence, tu m’entends dix fois plus ! Si j’étais à dix mètres, tu m’entendrais ! Alors qu’en français, c’est dans ma barbe… Bon, je n’ai pas de barbe, mais tu comprends.

As-tu déjà eu des problèmes de voix dans une période particulièrement difficile ?

Ouais. J’en ai eu. La première tournée que nous avons faite pour Objectif : Thunes, où nous avions vraiment bien bourriné, il y avait une fatigue vocale, parce que je ne maîtrisais pas… Je faisais attention à ne pas faire trop d’afters, etc., mais la technique vocale n’était pas là, et c’est aussi ça qui m’a mis la puce à l’oreille. Du coup, sur certains morceaux vraiment nocifs, je m’éclatais la voix, je me faisais super mal, et je le sentais. Même maintenant, quand je réécoute des enregistrements, ça me fait mal de les écouter ! Je sens que ça gratte et tout. À ce moment-là, ouais, il y a eu un moment, en fin de tournée, nous avions prévu de ne plus faire de concert pendant un moment, et là, c’est un truc de fou ce qu’il s’est passé, mais que la plupart des gens connaissent, même les profs quand ils tombent malades ou quoi, c’est qu’en gros, jusqu’à la dernière date, ça passait tout seul, et le lendemain : terminé. J’avais un voile permanent. Je me disais : « C’est chelou, qu’est-ce qui se passe ? » Et ça dure. Je consulte, et on me dit : « Vous avez de petits nodules sur les cordes vocales. » On m’explique le truc. Je connaissais déjà le concept, mais pas bien. J’ai vraiment appris avec ça. Et là, je me suis dit : « OK, repos. » De toute façon, nous avions une fin de tournée, donc c’était bon. J’ai été chez un orthophoniste, etc. Ça m’a fait prendre conscience. Je me suis dit : « Ces voix-là, je les élimine, ou alors, je les remplace quand j’arrive à le faire d’une manière saine. » Là, j’apprends toujours. Récemment, j’ai pris des cours spécialisés dans le chant saturé, avec David Féron, qui est un peu le maître de la voix saturée en France. Moi, je ne connais pas personnellement ce gars-là, mais j’ai connu ses disciples, donc Adeline, et Laëtitia qui n’est pas loin de chez moi, à Rennes, que je vais voir. Du coup, nous bossons un peu spécifiquement là-dessus, même si tu te rends compte que de toute façon, avant d’attaquer le chant saturé, il faut déjà reprendre des bases de souffle, d’appui, etc., et ça, c’est pour tous les chanteurs, peu importe. Ce sont des trucs que tu n’as pas forcément ou que tu peux avoir du mal à intégrer. Donc je réapprends tout ça, et je progresse. Ça me fait progresser et me poser des questions.

Tu parlais d’hygiène de vie, est-ce qu’aujourd’hui, avec ton expérience, tu as des rituels spécifiques avant un concert, après un concert, avant une tournée, après une tournée ?

Ça va surtout concerner les échauffements. Des fois, je reprends des trucs d’orthophonie de base, du genre souffler dans une paille, un stylo, ou une bouteille pour rééquilibrer la pression entre en bas et en haut. Je me suis rendu compte que tu pouvais t’échauffer la voix pendant mille ans, mais ce que nous faisons, ça implique un truc physique vraiment intense, et si tu es avachi, si tu es crevé, si tu joues à une heure du matin, tu peux t’échauffer la voix, mais si tu n’échauffes pas ton corps, tu n’auras pas le soutien nécessaire, le côté musculaire ne sera pas activé pour envoyer, et tu risques de te faire mal à ce moment-là. Donc c’est vraiment les deux, il faut penser au truc physique, limite comme un sportif, tu arrives avant le concert, tu t’échauffes vraiment, et puis il faut chauffer la voix, faire des vocalises. Après, chacun a ses petits trucs. Et puis il y a des fondamentaux, comme de boire de l’eau, s’hydrater, même si je ne me rends pas compte directement de ce que ça fait.

As-tu des interdits ?

Clairement. Je ne fume pas, mais quand je suis dans une situation de fête ou quoi, j’aime bien fumer une ou deux clopes. C’est vraiment comme ça, je ne me sens pas accro à ça. Par contre, je m’interdis de fumer un jour de concert, même si c’est quatre heures avant, parce que je pense que c’est vraiment de la merde, pour le coup, la fumée. Donc ça, c’est interdit. L’alcool, c’est pareil. Mais c’est comme pour tout le monde, je pense. Arriver un peu bourré sur scène, par exemple, pour moi, c’est interdit. Je sais que déjà, ma voix ne va pas être au top. Et même pour le reste, il faut avoir de la concentration, et tout. Donc en général, j’aime bien prendre un peu d’alcool avant, histoire d’être détendu, mais c’est vraiment genre deux bouchons de rhum et c’est tout. Il y a aussi des voix, des trucs comme ça que je m’interdis de faire.

« Je me disais : ‘Ça fait mal, mais en même temps, le cri, ça exprime quelque chose de lié à la douleur, à la souffrance, donc c’est normal de souffrir.’ Donc pour moi, il n’y avait pas de problème. Sauf que maintenant, […] je pense qu’avoir mal, c’est quand même mauvais signe. »

Comment s’est passée ta première expérience avec le chant saturé ? C’est un autre chanteur qui t’a donné envie de faire ça ? Ou c’est quelqu’un que tu côtoyais et qui t’a montré les bases, donné des cours ?

Non. Au début, dans les années 2000, quand j’ai découvert ça et que j’ai monté ce groupe-là, j’étais vraiment dans le grindcore, dans le metal extrême, le death metal, etc., et les groupes que j’écoutais, ça braillait dans tous les sens. Moi, j’essayais juste d’imiter ça. Je n’avais aucune technique, c’était vraiment par mimétisme. Un mimétisme animal, je dirais. J’avais envie de reproduire ce que j’entendais. J’ai su que j’avais un petit don pour imiter, genre j’imitais mes potes et on me disait : « Ah, tu le fais trop bien ! », ou imiter les Guignols de l’Info, les Simpson… Et c’est le même principe. Si tu imites un chanteur qui gueule, tu vas essayer, et ça va ressembler plus ou moins. La différence, c’est que je n’avais aucune idée que pour certaines voix que j’imitais, quand le chanteur original le fait, il place bien son truc, il a cet instrument à lui, sa résonance à lui, son truc, et ça marche bien pour lui, il ne se pète pas la voix. Moi, ça me défonce la voix. Ça, je ne m’en rendais pas compte. Donc typiquement, j’adorais Nirvana, mais quand je faisais du Nirvana, je le faisais d’une manière qui m’explosait la voix.

Combien de temps dirais-tu que tu as dû travailler ou expérimenter ta voix saturée, avant d’arriver à un niveau satisfaisant pour toi pour le mettre en place dans ta musique pour l’enregistrer, l’amener en concert, etc. ?

Franchement, pour moi, ce stade-là où je me suis dit que c’était satisfaisant, c’est vraiment arrivé vite. C’est arrivé déjà pour le premier album. Ça le faisait, c’était présentable dans ce registre-là de grind, death, etc. Pour moi, c’était OK, c’est juste que par contre, c’était hyper difficile. Je n’aurais pas pu faire une tournée importante comme nous le faisons là à cette époque-là, parce que je me serais atomisé la voix. En studio, je me suis explosé la voix, direct. Donc ce n’était pas bon. Par contre, oui, le côté imitation satisfaisante, c’était déjà bon dès le premier album. C’est juste récemment que je me suis dit : « Tiens, ça y est, je commence à maîtriser le truc. » J’arrive quand même à garder plein de voix différentes, mais ça va, je ne finis pas le concert totalement défoncé.

Tu as commencé en autodidacte, avec ton oreille et le mimétisme. Tu complètes donc aussi avec des cours. As-tu vraiment ressenti comme un besoin le fait de prendre des cours, ou est-ce que tu t’es dit que ça pourrait être un plus ?

Je me suis d’abord dit que ça pourrait être un plus. Et après, je me suis dit que je serais moins stressé si j’arrivais vraiment avec des bases plus solides, sans angoisser et me dire : « On fait quatre ou cinq dates de suite, comment ça va se passer ? » L’année dernière, nous avons fait le Warm Up Hellfest, et nous avons fait treize dates de suite. J’étais un peu flippé quand même, je me disais : « Treize dates de suite, il va falloir tenir ! » Il y a des moments où c’était un peu plus difficile dans la tournée, mais ça va, ça a tenu. Mais j’avais peur, je me disais : « Si je m’endommage la voix là, tout ce qui reste après… » Nous savions ce qui allait arriver, avec le Hellfest et tout. Je n’avais pas envie de me dire : « J’annule ça parce que je n’ai plus de voix. »

Connais-tu les noms techniques des chants saturés que tu fais ? Par exemple, quand tu parodies Joe Duplantier, connais-tu la technique qu’il utilise ?

La technique exacte, non. Mais c’est là aussi que ça m’intéresse de prendre des cours, c’est parce que si je pose ce genre de question, j’aurai des réponses techniques. Je visualise à peu près ce que c’est, mais je ne saurais pas te dire le nom.

Te sens-tu d’enseigner ta façon de faire, ton chant, tes parodies à quelqu’un qui viendrait te voir en te disant : « J’adore ce que tu fais, j’aimerais essayer de faire la même chose » ?

Ouais. Je me sentirais, mais pour l’instant, j’ai pris très peu de cours, genre quatre ou cinq, c’est vraiment le début. J’ai envie de continuer, mais là, je ne me sentirais pas suffisamment instruit pour pouvoir transmettre à mon tour. Mais peut-être que si je commence à vraiment débloquer des trucs, à comprendre comment ça marche, ça sera normal pour moi de le transmettre.

En termes de chant, et notamment de scream, as-tu des influences majeures ?

Je te parlais de Nirvana tout à l’heure, c’est une voix que j’ai entendue, dans le chant saturé, j’ai trouvé ça incroyable. Cette voix, j’ai trouvé ça tellement personnel, ça a été ma première claque à ce niveau-là. Après, il y a plein d’autres groupes que j’écoute et qui ont des voix claires, comme les Beatles ou Green Day. Mais dans la voix un peu saturée, Kurt Cobain a été le premier à me mettre une claque et à vraiment me donner envie de faire ça. Après, il y a tous les groupes que nous imitons. De toute façon, si je les imite, c’est qu’il y a quelque chose qui me plaît chez eux, que ce soit Motörhead, Slipknot, Rammstein… Slipknot, c’est un exemple de voix où je me dis : « Waouh, ça défonce vraiment. » Et je me demandais comment il faisait pour ne pas se niquer la voix. Et je l’ai vu en concert à Nantes, il était dans une grosse tournée assez fatigante, il était vraiment épuisé, et je me suis dit : « Ah, ils sont humains, ces mecs-là ! » C’était bizarre, parce qu’à la fois, j’aurais pu être déçu de ce concert en me disant qu’il n’assurait pas à la voix, et en fait, je me suis juste dit qu’ils étaient humains. Je le voyais, il en chiait, il avait chaud avec son masque, et ça sortait vraiment difficilement. Donc même lui, je suis sûr qu’à un moment, il a dû y aller comme ça et dire : « Bon, on va se calmer. » Je suis sûr que lui aussi a pris des cours, des trucs. C’est obligé, je pense. Et puis Gojira, c’est pareil. Même si chez Gojira, ce qui m’avait impressionné, c’était la batterie, plus que le chant. J’étais vraiment sur le cul. Mais bien sûr, il y a cette espèce de prestance. Mais tous ces groupes m’influencent, tous les groupes qu’on connaît, comme Pantera, Sepultura, Machine Head… Quand j’ai découvert ces mecs-là, je me suis dit : « Ah ouais, c’est violent quand même ! » Mais pour moi, c’était la violence ultime, je me demandais comment ils faisaient ça.

« Si un jour on nous disait de faire un concert anniversaire pour le premier album, et de faire tout l’album en entier, pour l’instant je te dirais : ‘Non, mon gars, je ne peux pas, en fait !’ Parce que je n’ai pas la technique, je ne peux pas. »

Il y a certains profs de chant qui te disent, que ce soit en apprenant le chant clair ou le chant saturé, que si tu commences à avoir mal, c’est que tu ne le fais pas de la bonne manière. Qu’en penses-tu ?

Je serais assez d’accord avec ça. Dans l’esprit, il faut écouter ton corps. Si tu as mal, il y a un truc qui cloche. Pour le coup, il faudrait demander à des profs de chant, mais je pense que c’est un mauvais indicateur. Et moi, c’est même pire que ça, c’est plus sournois, c’est que je me disais : « Ça fait mal, mais en même temps, le cri, ça exprime quelque chose de lié à la douleur, à la souffrance, donc c’est normal de souffrir. » Donc pour moi, il n’y avait pas de problème. Sauf que maintenant, je réalise que tu peux arriver à « tricher », à faire une voix qui exprime ça, mais de manière totalement peinarde, décontractée. Effectivement, je pense qu’avoir mal, c’est quand même mauvais signe. Je le prendrais comme ça.

T’est-il déjà arrivé après un concert d’avoir la voix coupée en deux, ou au milieu du concert de te dire : « Waouh, là, j’ai trop tiré » ?

Ouais, ça m’arrive. Même là, pour le concert que nous avons fait, je pense que la pression a fait que j’ai peut-être donné plus, mais d’une mauvaise manière. J’ai dû forcer certaines voix, et à la fin, je l’ai payé, c’est-à-dire qu’en fin de concert, je me suis dit : « Ce truc-là ne passe plus comme d’hab. » Et pourtant, je n’ai pas fait quinze dates avant, ça n’a rien à voir. Mais ça, c’est un autre truc que j’ai trouvé vraiment bizarre, c’est que ma voix a toujours été mieux sur le deuxième concert. Par exemple, quand nous jouons le vendredi et le samedi, c’est toujours mieux le samedi que le vendredi. Alors là, je ne sais pas pourquoi. Parce que si ça se trouve, tu vas te coucher, ton cerveau va imprégner le truc, ce que tu dois faire le lendemain, comme un sportif, et puis le lendemain, tu gères. Mais ça, ça se fait inconsciemment, et je ne pourrais pas l’expliquer. C’est trop bizarre !

Finalement, tu apprends encore pas mal de choses sur ta voix, sur ta technique, et il y a des trucs qui restent un peu flous…

Ouais. Il y a des trucs que je ne comprends pas, mais il y a des trucs que je peux certifier par des chiffres. Par exemple, je peux te dire que sur le nombre d’années de concerts que nous avons faites, quand nous faisons deux dates d’affilée, sur la deuxième, c’est toujours mieux. Je crois que ça n’est jamais arrivé qu’elle soit moins bien le samedi que le vendredi. Et pourtant, même quand on est vendredi, et que je me dis : « Waouh, c’est chaud, ça tire un peu », le lendemain, je ne sais pas, ça se refout en place. Mon truc ne sera pas vrai sur vingt dates, mais sur deux, je l’ai vérifié. C’est quasiment du cent pour cent.

Y a-t-il un type de voix aujourd’hui que tu aimerais parodier dans le chant saturé et qui serait pour toi un défi ?

Tu sais quoi, c’est con, mais je reviens aux sources, ça serait les voix que je faisais avant et qui me niquent. Parce que moi, j’y suis allé en me disant que je pouvais tout faire. Et maintenant, je me dis que ce sont ces voix-là. Je me dis que je les faisais, mais mal, et mon défi, ça serait d’y arriver bien, d’y retourner mais de manière saine. Par exemple, si un jour on nous disait de faire un concert anniversaire pour le premier album, et de faire tout l’album en entier, pour l’instant je te dirais : « Non, mon gars, je ne peux pas, en fait ! » Parce que je n’ai pas la technique, je ne peux pas. C’est paradoxal, mais ça serait vraiment ces voix-là. Tu parlais d’interdits, ce n’est pas que je m’interdis, mais j’ai trouvé des façons différentes de le faire. Ça reste toujours impressionnant, mais c’est une technique différente. Par contre, ces voix-là, j’aimerais bien réussir à les faire de manière saine, pourquoi pas. Même si je ne les utilise pas dans les compos actuelles.

Dirais-tu qu’il y a un lâcher-prise quand tu dois chanter, où tu te dis qu’il ne faut pas sur-analyser le processus ?

Non, je ne pense pas. C’est sûr que des fois tu te focalises sur les cordes vocales mais en fait tu te rends compte que c’est un mécanisme, tes cordes vocales toutes seules ne feront rien, il va falloir qu’il y ait un appui là, une résonance là, etc. Mais si tu te focalises là-dessus… Déjà, rien que le fait de dire ça, de focaliser l’attention là-dessus, tu y mets une tension inutile, du coup tu contractes. C’est ce qui est un peu vicieux avec le stress : tu mets une pression en y pensant tout le temps, alors qu’il faudrait faire l’inverse, être pénard, parce que de toute façon, même quand tu sens que tu n’auras pas une bonne voix le soir, si tu psychotes, tu rages de difficultés que tu n’aurais pas eues si tu avais été pénard. Mais ça, c’est facile à dire et difficile à faire. Par contre, ça m’arrive souvent pendant les concerts, maintenant, de me dire : « Ah, tiens, là, je reprends mon souffle de telle manière. » Je suis en train de le faire, et je pense quand même à la technique. Mais je n’y pense pas d’une manière où je me dis : « Tu fais de la merde. » C’est plutôt : « Tu fais attention, et c’est bien. » Il y a une notion de contrôle que je n’avais pas du tout au début, ça c’est sûr. Et maintenant, il y a aussi la technique ! Maintenant, nous jouons avec des ear monitors, ce qui fait que je m’entends super bien. Avant, avec les retours que tu avais devant, des fois, c’était n’importe quoi, et on te disait : « Non, là, on ne peut pas faire mieux », et quand tu montes le volume, ça larsen… Et du coup, tu y vas quand même. Mais quand tu ne t’entends pas, c’est mort. Là, il faut vraiment avoir la technique du Maître Jedi pour ne pas s’entendre, ne pas se péter la voix, et donner un truc satisfaisant en plus. C’est hyper dur.

Pour toi, les ear monitors ont changé la façon dont tu appréhendes ton chant sur scène etc., c’est un plus ?

Un peu. Je pense que le plus se situe surtout au niveau de la justesse. Nous avons vu la différence. Par contre, sur le chant, je m’entends vraiment mieux, donc je contrôle plus, aussi. Les moments où je me pétais la voix, c’était surtout entre les morceaux. Parce que les morceaux, tu les joues, tu les chantes, tu es habitué à mettre ta voix comme ci, comme ça. Mais entre les morceaux, si les gens gueulent « à poil ! », et si tu veux passer par-dessus, tu commences à hurler : Ça va toujours ?! »… Avec les ear monitors, tu t’entends à fond, tu te dis : « Ils m’entendent, c’est bon. » Du coup, tu auras moins ce truc de pousser, de beugler dans le vide. Il faudra que je réécoute le concert du Hellfest, parce que je suis sûr que malgré tout, je l’ai quand même fait un peu par adrénaline. Je pense que j’ai un peu forcé.

Interview réalisée par en face à face le 22 juin 2019 par Julien Gachet.
Retranscription : Robin Collas.

Site officiel d’Ultra Vomit : www.ultra-vomit.com.

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