Five Finger Death Punch ne fait jamais dans le demi-mesure, et n’est jamais avare quand il s’agit de mettre à disposition des titres pour ses fans : alors qu’une majorité de groupes contient aujourd’hui sa production sur un album à une dizaine de titres, FFDP profite de sa créativité prolifique pour exploser le score à chaque nouvelle période de composition : ces Américains, originaires de Las Vegas, avaient sorti un double album aux dates de sorties séparées de seulement quelques mois en 2013, ils offrent cette fois-ci, pour ce sixième album de leur formation, la bagatelle de quatorze titres.
La façon dont Ivan Moody, le chanteur du groupe, envisage ce nouveau Got Your Six sur le site officiel du groupe se révèle finalement très juste : « Si quelqu’un me demandait de résumer ce qu’est FFDP, je lui dirais que tout ce qu’il a besoin de savoir est sur ce nouveau disque. » Des refrains et des vocalises musclées et fédératrices, de lourdes rythmiques dans un registre souvent proche de Slipknot, et une machine basse-batterie qui tourne à plein régime dans une efficacité sans anicroche. FFDP est une mécanique bien huilée qui a finalement réussi à canaliser sur un album ce qu’ils avaient fait en deux en 2013 avec The Wrong Side Of Heaven And The Righteous Side Of Hell (Volumes 1 et 2), éliminant peut-être au passage des compos moins nécessaires… C’était du moins ce que l’on pouvait présupposer. Car si d’efficacité, il en est question d’entrée, avec les accrocheurs et rentre-dedans « Got Your Six », « Jekyll And Hyde » et « Wash It All Away » qui lancent très bien l’album, l’auditeur, fan ou non de FFDP, va vite se perdre dans un océan de titres plutôt anodins au cœur du répertoire du groupe. Oui, Got Your Six représente parfaitement ce qu’est Five Finger Death Punch, mais le groupe n’a de toute façon jamais souffert d’un problème d’identification de son univers musical, bien au contraire.
Alors que le premier volet de The Wrong Side Of Heaven… avait notamment pour mérite de voir le groupe essayer de toucher à des domaines différents par des featurings, au succès plus ou moins heureux, mais qui montraient une réelle prise de risque et de belles possibilités d’évolution du groupe, FFDP s’applique cette fois-ci à utiliser les recettes qu’il use et abuse depuis ses débuts, sans défaut d’exécution notable et avec un enthousiasme certes sans faille, mais dont peu de sentiments et d’émotions ressortent au final, à quelques brèves exceptions près. Il y a bien cette guitare hispanisante pleine de grâce sur « Hell To Pay », ces riffs solides et parfois entraînants (« Boots And Blood »), mais l’ensemble se révèle bien faible en contenu et innovations, avec des morceaux beaucoup moins forts, aux mélodies moins mémorisables que les hits « Over And Under », « Hard To See » ou même « Lift Me Up », voire « Wrong Side Of Heaven » ou « Remember Everything » pour la part power ballad du répertoire du combo. Pas de surprise dans les structures, les refrains, les thèmes, ou même l’emplacement des solos et autres breaks que l’on devine aisément à l’avance… La sémantique et les paroles ne sauvent rien, alors que les messages patriotiques délivrés gardent une part importante, et même si pour un certain nombre de fans hors des Etats-Unis, ce n’est pas la première chose qu’ils viennent chercher dans un album de FFDP ; les paroles basiques et stéréotypées culminent même dans la médiocrité avec « Meet My Maker » (répéter « Fuck » à toutes les phrases pourrait se révéler sympathique et original si cela n’avait pas été fait des dizaines de fois par des dizaines de groupes dans le passé…).
Même si ce nouvel album de FFDP bénéficie d’une production sans faille réalisée par Kevin Churko (Ozzy Osbourne ou plus récemment Disturbed…), d’un engagement sans controverse possible, le groupe ne peut se contenter de faire et refaire ce qu’il a fait, et parfois bien fait, dans le passé, au risque que ce nouveau paquet de titres qui, s’ils sont pris individuellement, peuvent faire leur petit effet à la manière d’une bande annonce explosive de film d’action, mais se confondent et tombent dans l’oubli sur la longueur du disque. Les compositions de Zoltan Balthory sur ce Got Your Six, peinent à ressortir du lot de ce que peut proposer la scène américaine dans le domaine, et celle-ci s’avère très fournie. Le titre « I Apologize », dont le refrain finalement fort à propos, est répété par un Ivan Moody inspiré, qui achève l’album, montre pourtant de réelles et belles dispositions du groupe à fournir un supplément d’âme dans leurs titres… Alors oui, par la qualité d’interprétation, l’efficacité et la concision des titres, il y a matière à les excuser. A la condition expresse que FFDP ne réitère pas systématiquement cette propension à privilégier la quantité à la qualité, et s’enfermer dans un style qui peut vite tourner en rond, comme c’est malheureusement le cas cette fois-ci.
Voir le clip de « Jekyll And Hyde » :
Album Got Your Six, sortie le 28 août 2015 chez Firm/EMI.
La chronique est sacrément pertinente. J’adore ce groupe, mais là il est clair qu’ils se sont perdus… L’art, la musique, c’est pas juste appliquer une formule. :/
Bref, ils sont devenus des « american capitalists » 😛
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D’accord avec la chro
Pour l’avoir écouter aussi, on pourrait même souligner que vu la prod et les compos, il aurait pu s’appeler the wrong side of heaven vol 3 🙂
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Je lis rarement les review d’un album avant de l’avoir écouté, afin d’éviter les aprioris et me forger ma propre opinion. Mais là, ce que cette critique met en avant est précisément ce que je redoute de la part de FFDP.
Les critiques d’album chez RM sont de plus en plus pertinentes. Et pour le coup, c’est ce qui me fait un peu peur… 🙁
Bref, merci à vous pour votre travail et continuez ainsi 😉
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