Le label n’exagère pas totalement lorsqu’il qualifie Flotsam And Jetsam d’un des groupes « les plus sous-estimés de la planète ». Formé en 1984 en Arizona, ce vétéran du thrash n’a jamais acquis la notoriété des machines de guerre que sont Metallica, Megadeth ou Slayer. Pourtant le groupe n’a cessé de réaliser des albums depuis plus de trente-cinq ans, sans jamais vraiment lever le pied ou remettre en cause son intégrité. De quoi se constituer une audience fidèle qui sait que Flotsam And Jetsam ne les décevra jamais. Cette dernière a eu quelques sueurs froides au terme du cycle de The End Of Chaos (2019), s’inquiétant de la volonté du groupe de continuer. Les fans peuvent souffler, ce titre n’était en rien un présage et, paradoxalement, ils peuvent remercier la pandémie d’avoir relancé la créativité de Flotsam And Jetsam. Blood In The Water, leur quatorzième opus, puise son agressivité dans la situation actuelle : celle d’un « monde à genoux » où le temps se suspend et où les pertes s’accumulent. La rage comme remède au syndrome de la page blanche.
Blood In The Water a été produit par Jacob Hansen déjà à l’œuvre sur l’album précédent. Blood In The Water est aussi l’occasion d’introduire un nouveau membre au sein du groupe en la personne du bassiste Bill Bodily. Flotsam And Jetsam reste dans la lignée de son évolution sonore en continuant d’alourdir ses guitares sans pour autant ralentir ses tempos à outrance. « Blood In The Water » a pour office d’illustrer la volonté du groupe de donner dans l’agression constante qui est toujours un prélude à une envolée mélodique portée par le timbre exubérant d’un Eric Knutson en état de grâce. Une entrée en matière qui confirme ce que le premier single « Burn The Sky » laissait miroiter : des rythmiques acérées et un enchevêtrement incessant de leads dans la lignée d’un Testament post-2005. Flotsam And Jetsam se démarque toujours par sa révérence au heayv des années 80 qui vient tempérer ses élans les plus vigoureux. « Brace For Impact » présente quant à lui un thrash pur jus qui repose sur des phrasés de chant calqués sur des articulations de guitare archétypales. Un mariage du plus ancien et du moins vieux sans qu’ils refusent la cohabitation.
Flotsam And Jetsam s’est en outre essayé à quelques exercices de songwriting fédérateurs, à l’instar d’« Undone » et surtout de « Walls » à l’architecture extrêmement limpide. Flotsam And Jetsam enchaîne le couplet-refrain à la mélodie simple à appréhender et le solo rituel, le tout sous l’influence bien digérée d’Iron Maiden. Eric Knutson joue parfaitement le jeu en répétant inlassablement la même ligne de chant jusqu’à nous la faire rentrer dans le crâne sans se soucier de la subtilité. « Cry For The Dead » est un tout autre animal. Le titre prend des airs de fausse ballade avant de subir des transformations radicales et de devenir l’un des morceaux les plus grandiloquents composés par Flotsam And Jetsam, que ce soit dans les arpèges de guitare langoureux, le riffing aux consonances orientales ou la multiplication des soli aux aigus déchirants. Il réaffirme surtout que Flotsam And Jetsam est l’un des groupes de thrash les plus attachés à la mélodie. Lorsque l’essence d’une chanson est principalement rythmique, le groupe peine à faire émerger des moments singuliers, à l’image d’une grande partie de « Wicked Hour » qui s’évertue à retrouver l’intensité d’un « Cry For The Dead » sans y parvenir malgré les efforts incessants du frontman. Comme si la principale vertu de Flotsam And Jetsam était de faire éclater son thrash effréné pour réaliser nos fantasmes de guitar-heroes à la chevelure brossée. « Too Many Lives » ne vit justement que pour son solo, comme si tout n’était parfois qu’un prétexte pour parvenir à ces élancées héroïques.
Flotsam And Jetsam n’a peut-être pas connu les coups d’éclat d’autres formations cultes qui lui sont contemporaines. Il est en revanche l’incarnation d’une constance et a le mérite indéniable de proposer un thrash qui a complètement fusionné avec l’héritage laissé par la NWOBHM. Blood In The Water – qui ne souffre aucun répit – entérine cet affect pour les mélodies de guitare ventilées et les gradations épiques. Rien qui indique une volonté de Flotsam And Jetsam de mettre fin à son œuvre, bien au contraire. Il peut se moquer de la notoriété pour les décennies à venir.
Lyric vidéo de la chanson « Blood In The Water » :
Clip vidéo de la chanson « Burn The Sky » :
Album Blood In The Water, sortie le 4 juin 2021 via AFM Records. Disponible à l’achat ici