Foreigner affiche quarante ans de carrière, a écrit au moins un album classique, le magistral 4, et œuvre dans ce que l’on a appelé le hard FM, en écrivant d’ailleurs plusieurs pépites du genre. Mais Foreigner est aussi une formation dont la discographie aussi belle soit-elle, s’appuie désormais beaucoup sur des compilations best of et sur un registre revisité en acoustique. Perplexité donc sur ce que peuvent donner nos quinquas et plus de nos jours. Déjà, le cadre, les Folies Bergère, est éminemment prestigieux mais pas rock’n’roll pour deux sous.
Pour chauffer le public, French Tobacco, un artiste qui se présente en solo, avec sa guitare et quelques valises rythmiques. Sans plus attendre, poussons donc les portes de ces Folies Bergères, lieu mythique des revues de music-hall parisiennes pour vérifier ce que tout cela peut donner.
Artistes : Foreigner – French Tobacco
Date : 20 juin 2016
Salle : Folies Bergère
Ville : Paris [75]
Après la façade art-déco qui trône sur la rue Richer, le magnifique hall d’entrée vous accueille avec son imposant lustre : le cadre n’est définitivement pas habituel pour un concert metal, même si l’appellation metal peut paraître incongrue quand elle s’applique au groupe américain. Metal FM ? Peu importe, passons le hall et sa moquette pour entrer dans la salle du théâtre. L’orchestre est en configuration assise. Jamais trop engageant pour un concert de rock. Le public est venu nombreux et nous sommes dans la génération des quadras et plus. Logique par rapport au groupe, son ancienneté et son âge d’or discographique du tout début des années quatre-vingt.
20H précises : French Tobacco entame son set directement, sans bonjour ni trompettes. Ce démarrage un peu abrupt n’est toutefois pas représentatif du reste du concert. En effet, le guitariste communique dès la fin du morceau, disant un mot sur la météo – l’été tarde à venir sur la capitale -, indiquant son honneur d’ouvrir pour Foreigner avant de demander si le public connaît Johnny Cash dont il reprend « Folsom Prison Blues ». Le public, bien disposé, applaudit à l’invitation du chanteur. Il soutiendra même le titre suivant, plus enlevé, de ses « oh ! oh ! oh ! ».
« 3 in The Morning » écrite… à 3 heures du matin calme le jeu.
French Tobacco explique qu’il a commencé dans les pubs anglais pour payer le loyer d’où sa section rythmique : ses deux pieds. Il s’est en effet fabriqué avec deux valises placées derrière lui, agrémentés de kick de batterie, une section rythmique qu’il actionne avec ses talons lui donnant un air d’homme orchestre. L’homme parle, ne manquant pas d’humour et remporte l’adhésion du public. Ceux d’entre vous qui l’auraient vu il y a quelques temps à la Boule Noire en première partie de Tyler Bryant & The Shakedown ne seront pas surpris pas les blagues : ce sont les mêmes. Une plus grande diversité sera sans doute bienvenue dans le futur ! En tout cas même si l’exercice seul sur scène a quelques limites, French Tobacco aura réussi son concert, arrivant à convaincre le public de Foreigner.
Quelques minutes avant 21H, les premières lumières s’éteignent déclenchant les applaudissements des spectateurs qui attendent leur groupe. Faux départ, il faudra attendre encore une poignée de minutes pour que Mick Jones et ses acolytes n’arrivent en lançant « Double Vision ». « Cold As Ice » continue ce début de concert porté par une belle énergie, habillé de lumières en quantité. Le décor de scène sobre et les musiciens vêtus tous de noir ou de noir et blanc donnent une élégance certaine à l’ensemble. Sur ce titre, Kelly Hansen, le chanteur montera sur la coursive qui longe le premier balcon, établissant un bon contact avec les fans. Le public est désormais debout.
Kelly, taquin, chambre les fans sur leur âge, disant qu’après ce début en fanfare, le groupe va calmer le jeu pour préserver les spectateurs. Il le fait avec humour et le public rigole de bon cœur. Et les Américains de lancer « Waiting For A Girl Like You ». Le tube permet effectivement de souffler et remporte assez logiquement un beau succès auprès du public d’autant que la prestation est portée par un excellent son qui ne peut que ravir l’auditoire. Autre point agréable en ce début de concert et qui restera présent tout au long de la prestation : la cohésion du groupe et la participation de chacun de ses membres à l’impact général. Il y a évidemment Kelly, excellent meneur mais aussi Mark Schulman qui harangue le public derrière ses fûts ou encore le bassiste, Jeff Pilson, qui est très présent. Mick Jones reste finalement le plus discret même s’il s’adressera en français au public avec un « Bonsoir, ça va ? » avant que « That Was Yesterday », autre titre calme, ne continue la fête…et fasse à nouveau asseoir le public. Dommage, un titre plus pêchu aurait pu maintenir une saine pression.
Ce titre est du pur sucre FM comme Foreigner excelle à en produire. Mais toutes les sucreries ne sont pas si mauvaises pour la santé d’un public qui montre son enthousiasme. Le groupe dédiera ce titre à Paris, ville qu’il affectionne. « Tout le monde est OK ? Un peu transpirant peut-être ? » demande le chanteur en anglais « Combien de femmes ? » s’interroge-t-il ensuite avant que « Dirty White Boy » ne démarre toutes guitares devant. Kelly profitera de ce titre pour faire chanter le public puis expliquera que le morceau suivant, « Say You Will », était originellement électrique et qu’il est devenu acoustique à l’initiative du bassiste. Et ce premier titre arrangé en acoustique a ainsi lancé l’épopée acoustique du groupe. Soit, si maintenant la Fée Electrique compte pour des prunes ! D’autant que là encore, l’emballement de la soirée est quelque peu freiné. Thom Gimbel joue de la flûte traversière sur ce morceau dont l’introduction fait s’asseoir à nouveau le public ; pas pour longtemps car dès que le chant intervient, le voilà à nouveau debout. Ce passage acoustique donne l’occasion au batteur et au clavier de s’avancer au plus près des fans puisqu’ils quittent leur position arrière pour rejoindre leurs collègues, le groupe confirmant cette sensation de cohésion qui était apparue dès le début du spectacle.
Kelly présente ensuite les différents membres du groupe, batteur, clavier, bassiste, le guitariste Thom en précisant qu’il est à la manœuvre depuis 25 ans, l’autre guitariste, Bruce Watson, en indiquant qu’il parle français avant de préciser non sans une pointe d’humour français… canadien. Mick Jones enfin recevra une belle ovation de la part des fans. Le guitariste fondateur précisera qu’ils reviendront peut-être aux Folies Bergère pour une captation live. Il dit aussi son attachement à la France et lance la toute première chanson qu’il a écrite pour le groupe, « Feels Like The First Time » qui date de 1977 ! Et pas une ride à déplorer. Aïe, il eut été élégant que Mick Jones présente le chanteur ! Troublant oubli qui paraît ne pas perturber Kelly outre mesure qui continue d’assurer, allant encore une fois au contact du public. Après un court solo de Mick Jones, Tom Gimbel arrive sur scène avec son saxophone et le groupe lance « Urgent ». Hit imparable, son interprétation est parfaite et les solos de saxo confèrent comme sur disque cette touche particulière au morceau. Tom est même largement plus expressif avec cet instrument qu’avec sa guitare. Le public apprécie en toute logique. Quel titre !
Mike Bluestein reste seul ensuite pour un court solo de clavier, rejoint par Mark à la batterie pour une joute à deux avant que le batteur ne reste à son tour seul pour son solo. Le musicien rend l’exercice attractif en interagissant avec les spectateurs, en évitant le pur exercice de style démonstratif. Il arrose même ses fûts pour un effet réussi d’explosion d’eau à contre-jour. Assez court et dynamique, ce passage très réussi se termine par un lancer de baguettes. Le reste du groupe rejoint le batteur et la troupe de lancer « Juke Box Hero ». Le classique est peut-être un peu moins puissant que la version disque mais Foreigner le transforme en morceau de bravoure étiré à l’envi de passages instrumentaux sur lequel Kelly fait chanter un public qui ne demande que ça.
Il est 22H20 quand la pause rappel intervient. Déjà ? Ces quatre-vingt premières minutes sont passées à la vitesse de l’éclair ! Les fans entonnent des « oh ! oh ! oh ! » de rigueur et Mick Jones revient assez rapidement s’adressant aux spectateurs en français pour expliquer qu’il a fait une gaffe tout à l’heure en omettant de présenter Kelly Hansen, chanteur depuis douze ans et qui a amené un réel dynamisme dans le groupe. Kelly reçoit une belle ovation et « Long, Long Way From Home », issu du premier album, démarre les rappels. Puis le groupe lance une mise en place très soul du titre classé n°1 dans le monde entier comme le rappelle Kelly qui fait monter la sauce. « Are you with us ? » harangue-t-il le public à plusieurs reprises. Très belle introduction pour un bijou de ballade FM rendant divinement bien live. Et Kelly de faire chanter un public, toujours debout, qui s’était spontanément lancé dans les chœurs. Énorme intensité sur ce titre, grand moment live.
« Hot Blooded » clôture une superbe soirée avec Kelly qui retourne sur les traverses, le bassiste et le clavier qui échangent leurs instruments et avec tous les musiciens qui se retrouvent de front sur le devant de la scène face à leurs fans qui exultent. 22H45, la fête se termine. Superbe. Avec une belle cohésion entre des musiciens dont le plaisir est manifeste. Et dans une décontraction vraiment agréable. Avez-vous noté quelque chose ? Le morceau le plus récent joué ce soir avait presque 30 ans, il s’agissait de « Say You Will ». Et pourtant, le concert a paru très moderne, parfois très sucré, mais certainement pas daté.
Foreigner prouve donc que l’adage « c’est dans les vieux pots… » est très vrai dans leur cas.
Setlist :
Double Vision
Head Games
Cold As Ice
Waiting For A Girl Like You
That Was Yesterday
Dirty White Boy
Say You Will
Feels Like The First Time
Urgent
Juke Box Hero
Rappels :
Long, Long Way From Home
I Want To Know What Love Is
Hot Blooded
A voir également :
Galerie photos Foreigner.