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Interview   

Fractal Universe : l’équilibre de la folie


Pour son nouvel album, Rhizomes Of Insanity, Fractal Universe a choisi pour thème la « folie ». Un terme bien manichéen pour une thématique qui appelle au contraire à la nuance et à se questionner sur des questions d’équilibre. Après tout, on a tous notre part de trouble, prenant plus ou moins de place dans notre vie. Et le groupe a eu à cœur d’avoir un discours juste, nuancé et loin des clichés. Pour enrichir cette réflexion, il a une nouvelle fois fait appel à Arthur Massot, un étudiant en psychologie, et ce qui en ressort, c’est bien cette notion d’équilibre.

Équilibre qui s’exprime aussi dans la musique de ce nouvel album qui ne résume pas la folie à de l’anarchie et de la violence musicale. Vince Wilquin nous parle dans cette interview de l’équilibre de leur propre folie.

« La folie peut naître de rien du tout. C’est un doute qui ne nous quitte jamais, qui peut nous ronger, et nous faire tomber dans la folie, ou alors, ça peut nous amener à découvrir de nouvelles facettes de nous-mêmes, et à ce moment-là, ça peut être bénéfique. »

Vous aviez apparemment commencé à travailler sur ce disque avant même d’avoir fini votre premier album. Comment est-ce que le concept et la musique de ce disque-là ont évolué avec le temps ?

Vince Wilquin (chant & guitare) : Ça n’a pas évolué tant que ça, au final. Nous avons commencé à l’écrire pratiquement dès que nous avons fini d’enregistrer celui d’avant. Pour moi, c’est une période assez propice pour commencer à écrire, parce que tu as passé plusieurs mois à entendre toujours les mêmes morceaux, et tu as besoin de bientôt commencer quelque chose d’autre. Au final, le processus de composition a aussi duré assez longtemps. Il s’est étalé sur plus d’un an, on va dire, donc il n’y a pas eu vraiment d’évolution au sein même des morceaux qui étaient déjà écrits, c’est simplement quelque chose qui s’est un peu étalé sur le temps.

Dirais-tu que vous avez écrit de manière un peu plus libre parce que vous n’avez justement pas été influencés par les retours du disque d’avant, vu que vous avez commencé à travailler dessus avant même qu’il sorte ?

C’est ça. Justement, l’objectif c’est de ne pas forcément se laisser influencer par les retours qu’il peut y avoir, essayer de se garder de la liberté, et je pense que c’est la meilleure manière de fonctionner pour ne pas être biaisés, rester intègres, rester libres dans ce que nous faisons.

Tout le disque tourne autour du concept de la folie, avec pour point de départ l’histoire de Zhuang Zhou qui avait rêvé qu’il était un papillon, et quand il s’est réveillé, il ne savait plus s’il était le papillon ou s’il était Zhuang Zhou. Comment avez-vous abordé cette thématique ?

Nous travaillons depuis le début de la collaboration avec un proche ami du groupe qui s’appelle Arthur Massot et c’est avec lui que nous développons le concept. Lui est étudiant en psychologie, et il est pas mal calé sur ce sujet-là. Donc c’est vraiment une source de savoir sur le sujet. Nous en avons discuté, et il y a quelques idées qui ont émergé sur ce thème-là. C’était effectivement parti d’un texte du philosophe chinois Zhuang Zhou. C’était grosso modo une expérience de pensée qui a dérivé de ce texte-là qui part du principe que quand on se réveille après avoir rêvé, on en vient à douter de la réalité même. Nous sommes partis de ce précepte-là pour dire que c’était à peu près pareil pour tout ce qui concernait la folie. La folie peut naître de rien du tout. C’est un doute qui ne nous quitte jamais, qui peut nous ronger, et nous faire tomber dans la folie, ou alors, ça peut nous amener à découvrir de nouvelles facettes de nous-mêmes, et à ce moment-là, ça peut être bénéfique. En fin de compte, c’est une partie de nous, toute une partie de notre inconscient que nous essayons souvent de réprimer, alors que le tout, c’est d’arriver à fermer ça, à le digérer. Nous avons après essayé d’élaborer le concept en cherchant à questionner la place de la folie au sein de la société, et de voir en quelle mesure ça nous définit. Nous nous posons tous la question de savoir si nous n’avons pas une part inconsciente de nous qui contrôle nos actions, nos choix, etc. Ça a d’abord été un questionnement assez omniprésent dans la manière dont l’album s’est développé, et au final, toutes ces idées ont dérivé naturellement de l’idée de base et le concept s’est forgé comme ça.

La « folie » n’est pas du tout un terme médical, et c’est même un terme qui n’est pas trop utilisé par les médecins ou les psychologues. Du coup, comment définiriez-vous la folie ?

C’est une vaste question ! On va dire que ça se manifeste plutôt sous une forme inconsciente. C’est une chose que l’on ne contrôle pas mais qui malgré tout nous définit, qui peut à la fois affecter des individus, et affecter la société dans son ensemble. Après, on peut essayer de la définir précisément, mais nous avons essayé dans l’album de l’aborder sous différents angles.

« Il faut casser l’aspect purement péjoratif que l’on peut donner à la folie. On peut y trouver aussi quelque chose dans quoi on peut puiser son identité. »

Vous avez axé votre recherche notamment sur la frontière entre la raison et la folie. Nous avons tous nos obsessions, nos tocs, nos petits trucs à nous, notre part de folie, quelque part, que vous décrivez d’ailleurs comme inévitable et même nécessaire. Où se situe la limite ?

Je pense que la limite est différente pour chacun d’entre nous et que justement, elle mérite d’être à nouveau questionnée… Je ne pense pas qu’on puisse tracer une frontière claire. Je pense justement qu’il faut casser l’aspect purement péjoratif que l’on peut donner à la folie. On peut y trouver aussi quelque chose dans quoi on peut puiser son identité. C’est ce que l’on dit dans le morceau « Fundamental Dividing Principle », par exemple, où nous parlons du fait que la folie est vraiment une partie intégrante de nous que l’on doit découvrir, que l’on doit réussir à dompter, et que ça peut nous ouvrir des portes, et nous aider à trouver une certaine balance en nous-mêmes. La folie est inévitable dans le sens où c’est quelque chose qui fait partie de chacun d’entre nous, on a tous cette part dans l’inconscient, donc elle resurgit inévitablement dans certaines actions, certains gestes. Et nécessaire, justement parce que c’est la même chose, c’est une part de nous, donc si on veut apprendre à se connaître soi-même, apprendre à connaître la fonction d’être humain, il faut nécessairement chercher à explorer cette facette de nous.

Est-ce que prendre la folie comme quelque chose d’inhérent à notre personne ne revient pas à faire croire que c’est quelque chose qui ne peut pas se soigner ?

C’est quelque chose qui peut se soigner dans le sens où l’on peut essayer de comprendre en quoi cette maladie nous affecte. Je pense que c’est ça aussi, le message : ok, on a un trouble mental qui peut être potentiellement dangereux, mais le tout est de réussir à l’intégrer à ce qu’on est, et à justement ne pas en faire un danger pour les autres, pour la société, pour soi-même. Après, en soi, nous avons tous une certaine forme de maladie à ce niveau-là, mais ce n’est pas pour autant que c’est quelque chose de purement péjoratif.

C’est un album, certes très intense et diversifié, mais globalement qui reste assez direct, avec des mélodies assez identifiables. Du coup, comment le thème se traduit-il dans cette musique ?

Nous ne l’avons pas vraiment abordé comme ça. Si tu veux, la musique a été composée avant que nous écrivions les textes. Mais au niveau de la musique, c’est vrai que malgré l’aspect progressif, ça reste assez direct. C’est quelque chose qui s’est fait naturellement et qui quelque part aide à distiller les éléments que nous cherchons à présenter pour les rendre intelligibles pour l’auditeur. Nous essayons vraiment d’exploiter chaque idée au maximum, de ne pas développer trop d’idées au sein d’un même morceau, pour justement dire quelque chose de cohérent. Après, je pense que ça se manifeste sous forme de contrastes. L’album est assez diversifié. Il y a des passages très aérés, très calmes, et d’autres passages assez intenses. Quelque part, c’est aussi ça la balance entre folie et raison, le fait qu’il y ait énormément de contrastes, énormément de facettes différentes. Je pense que c’est en ça que le concept et la musique se marient.

Vous avez déclaré que c’était moins démonstratif qu’avant, et un peu plus groovy et accrocheur que vos albums précédents. Dirais-tu que c’est quelque chose qui manquait à votre musique avant ?

Pas forcément. Je suis toujours assez satisfait du résultat de nos précédents albums. Je pense que celui-là s’inscrit dans la continuité. Donc nous avons forcément cherché à développer le son dans une direction différente, donc il y a des aspects moins présents, aux dépens d’autres. Nous avons plus mis l’accent sur le groove et tout ça. Après, ce n’est pas quelque chose qui était vraiment nécessaire. On va dire que chaque musique peut avoir un sens en soi, sans pour autant avoir ces éléments-là omniprésents.

Il y a un énorme travail au niveau du chant sur ce disque, parce que tu as du cri, du chant clean, du « entre les deux » avec des cris dans lesquels on réussit à entendre des notes. Peux-tu nous parler plus en détail du travail vocal qui a été fait sur ce disque ?

Il faut savoir que j’ai vraiment essayé de beaucoup travailler ma voix ces dernières années, donc forcément, ça m’a amené à m’intéresser à de nouvelles techniques vocales, etc. Comme la musique qui a été composée était assez diversifiée, avec beaucoup de couleurs différentes, je trouvais vraiment que le chant avait aussi besoin de s’adapter à cette diversité, et c’est ça qui m’a poussé à vouloir utiliser toutes les techniques vocales. J’ai vraiment essayé de capturer l’intention derrière la musique pour essayer de retranscrire ça dans le chant. Ça a demandé un gros travail de préproduction, d’abord, puis un gros travail au niveau de l’enregistrement final pour pouvoir arriver à un résultat satisfaisant.

« Nous essayons vraiment d’exploiter chaque idée au maximum, de ne pas développer trop d’idées au sein d’un même morceau, pour justement dire quelque chose de cohérent. »

Il y a eu sept jours d’enregistrement pour la batterie. Pourquoi autant de temps ?

Pour cet album-là, nous voulions avoir le son le plus organique possible, et la clé pour arriver à ça, c’est vraiment d’avoir un son de batterie qui soit le mieux possible. Donc nous avons essayé de nous passer de triggers, de choses comme ça, et pour ça, nous avons vraiment choisi de mettre le paquet sur l’enregistrement batterie. Donc nous étions aux Ghost City Recordings, en Allemagne. Nous avons choisi de nous laisser du temps, au final, pour déjà avoir suffisamment de temps pour tester différentes choses au niveau de l’accordage de la batterie, et tester différents micros pour la captation. Au final, nous avons fini avec un jour d’avance. Nous avons fait un jour d’installation, cinq jours de prises, et nous avions un jour de rab pour tout réécouter, et éventuellement retravailler quelques détails. Je pense que ça a payé, le résultat est là. Nous avons eu pas mal de temps pour expérimenter différentes choses sur certaines parties aussi. Comme je disais, la batterie est vraiment le fondement de ce qui fait le son d’une production metal. Pour moi, c’est vraiment là-dessus qu’il faut miser si tu veux avoir un son organique, et un son personnel aussi.

On remarque que le son est très nuancé. On arrive même à entendre les ghost-notes de caisse claire. À quel point ça a été difficile d’obtenir ce côté puissant, massif, et en même temps naturel et nuancé ?

Je pense qu’il faut tout simplement travailler avec les bonnes personnes. Nous avons la chance d’avoir Clément qui est un super batteur, donc déjà, c’est la base, il a déjà un jeu très groovy, il met beaucoup de ghost-notes, donc il fallait au final le bon studio et le bon ingé son, donc Flavien Morel. Et au final, ça s’est fait assez naturellement, tout le monde est compétent dans son domaine, et le tout est déjà presque gagné.

Il y a une partie de saxophone, discrète, mais qui ressort quand même, sur « Fundamental Dividing Principle » et qui a donc été faite par Jean-Marc, le papa de Hugo. D’où vient cette idée d’utiliser le saxo à l’origine ?

Le saxophone, nous l’avions déjà utilisé sur l’album précédent. Il y avait deux saxophonistes, dont Jean-Marc. C’est quelque chose qui nous avait vraiment beaucoup plu, et qui apportait vraiment une couleur différente, une fraîcheur au sein de l’album. Et là, pour ce nouveau disque, c’était à un passage qui s’y prêtait bien. Ça arrive à la fin de l’album, donc c’est vraiment quelque chose de rafraîchissant, quand ça arrive. Ça apporte une nouvelle texture sonore. Ça permet de garder l’attention de l’auditeur, et ça se mariait vraiment bien avec le morceau. Et comme nous avions Jean-Marc sous la main, ça s’est fait vraiment naturellement. Nous avions déjà travaillé, donc il savait comment nous fonctionnons et comment ça allait se passer en studio. Nous avons pu expérimenter différentes choses, et nous avons gardé ce qui nous a le plus plu.

Ce n’est donc pas votre première fois avec le saxophone. Envisagez-vous de pérenniser ça de manière plus régulière et de carrément intégrer un saxophone dans le groupe ?

Pour l’instant, nous n’avons pas prévu de faire ce genre de chose-là, mais c’est vrai que depuis le début du groupe, nous essayons d’intégrer des instruments qui n’ont pas forcément leur place dans du metal extrême au premier abord, donc le saxophone, mais aussi les percussions africaines sur quelques morceaux, ou la guitare fretless, ce genre d’instrument qui apporte une couleur différente, mais je ne sais pas si ça va forcément devenir quelque chose d’omniprésent chez nous, vu qu’après il faut quand même garder en tête l’aspect live, donc de là à intégrer un membre supplémentaire, je ne sais pas.

L’album se finit de manière assez calme. J’imagine que c’était voulu et que vous souhaitiez avoir une espèce d’épilogue, un petit retour au calme pour boucler l’histoire ?

C’est ça. Ce morceau-là, quand nous l’avons écrit, nous avons tout de suite pensé que ça ferait une bonne fin d’album. Nous cherchions quelque chose qui soit à la fois conclusif, quelque chose qui ne soit pas trop fatigant après déjà quarante-cinq minutes d’écoute. Je pense que ce morceau-là est calme, mais qu’il a aussi un côté très épique, qui finit en apothéose avec un mur de son avec énormément d’instruments qui se superposent, donc c’était vraiment un choix naturel.

Interview réalisée par téléphone le 8 avril 2019 par Philippe Sliwa.
Retranscription : Robin Collas.
Photos : Vilvain Pictures.

Facebook officiel de Fractal Universe : www.facebook.com/fractaluniverseband

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