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Interview   

Ghost : du pit au pinacle


Nameless Ghoul - GhostEn 2016 autant qu’en 2015, Ghost s’impose comme l’un des groupes les plus exposés aux feux des projecteurs. Ils font partie de cette minorité de groupes qui, depuis leurs débuts, savent pertinemment où ils vont, et avec quels moyens, aussi ambitieux qu’ils soient. Si à l’occasion de notre première rencontre avec eux, il y a bientôt trois ans, ils affichaient déjà une détermination sans faille à réussir, leur troisième album, Meliora, leur donne aujourd’hui une force de frappe massive et reconnue pour continuer de répandre la bonne parole à travers le monde.

Cette nouvelle entrevue avec l’une des Goules, guitariste de son état et détenant bien des clés du monde mystérieux de Ghost, nous confirme leur appétit immense : s’ils ne veulent pas une seconde se reposer sur leurs lauriers, ils veulent inscrire leur réussite dans le sillon des plus grands, ce qu’ils ont fait par exemple en obtenant un Grammy (celui de la meilleure performance metal de l’année), seulement quelques jours après notre interview, un exploit notable et rare pour un groupe suédois.

Mais c’était également l’occasion d’aborder avec eux l’un des moments les plus difficiles de l’histoire du rock, et de notre histoire tout court : les attentats du 13 novembre dernier, qui se sont déroulés en plein pendant la première phase de la tournée de Meliora, Ghost venant jouer à Paris deux semaines plus tard. S’ils ont forcément senti la menace passer tout près, ces événements tragiques n’ont fait que renforcer leurs convictions, et mettre en relief leur message subtil sur la religion, sans pour autant les transformer en prêcheurs, eux qui ont toujours eu pour objectif premier de faire passer un bon moment à leur public, de plus en plus dévoué.

Ghost - 24/11/2015

« Comment dire ceci sans donner l’impression que je suis un gros sac à merde ? Je pense vraiment que nous […] pouvons potentiellement devenir un très gros groupe. […] Pour te donner un exemple contemporain : nous pourrions être le prochain Rammstein. »

L’entretien débute de façon informelle, avec notre interlocuteur évoquant la qualité des salles de concert en France :

Nameless Ghoul : [Tourner ici], ça fait une énorme différence parce que dans la plupart des autres pays, un peu partout dans le monde, ces salles qui ont une capacité d’environ mille personnes ne sont généralement pas très bonnes. Plus c’est petit, pire c’est et évidemment, plus c’est grand, mieux c’est. Mais ici en France, en Belgique, aux Pays-Bas et certains endroits en Allemagne, c’est juste dingue ! Tu peux jouer dans un endroit qui peut accueillir huit cent personnes et c’est agencé avec une scène aussi large que si tu jouais à Wembley. C’est extrêmement grand, tu peux stationner ton camion juste à côté et ça fonctionne super bien, c’est intelligent, c’est bien fait et puis il y a le catering… Ça facilite la vie ! Et ça rend tout le monde heureux.

Radio Metal : D’après ce qu’on peut observer, Meliora a clairement offert un nouveau statut à Ghost. Infestissusman et Opus Eponymous ont offert au groupe une importante reconnaissance, mais ce dernier album a élargi l’audience du groupe et attiré de plus en plus de gens de la scène metal. Est-ce que vous, dans le groupe, vous considérez Meliora comme un succès à cet égard ?

Ouais, évidemment, il est déjà plus gros que nos précédents albums, donc rien que pour ça, on ne peut que le voir comme un succès. Toutefois, nous n’en avons pas fini avec cet album, nous sommes encore en train de le travailler. Je suppose donc que c’est une manière de dire que nous ne connaissons pas encore sa portée. Parce que nous savons, en ayant observé d’autres groupes, que traditionnellement, le succès demande du temps, pas seulement l’effort que tu y investis mais aussi ce que ça signifie pour les gens sur la longueur. Parce que parfois, tu peux créer un effet très contemporain que les gens apprécient, ce qui parfois peut même être un plus grand risque si tu fais ce que nous avons accompli avec cet album – par exemple, tout d’un coup nous nous sommes retrouvés à la radio et nous nous faisons connaître ainsi -, car il est important que tu ne te retrouves pas cantonné à une chanson, que tu ne deviens pas le groupe d’un tube que les gens… Ils connaissent cette chanson mais ils ne connaissent pas le groupe. Il y a plein de groupes dans l’histoire qui ont vécu ça mais heureusement, nous avons un background sur lequel nous pouvons nous reposer et puis nous tournons beaucoup. Donc, pour répondre à ta question, oui, nous avons le sentiment de grandir et ça, c’est une réussite, d’une certaine façon, à la différence de si nous stagnions.

Penses-tu que Ghost peut encore grandir, devenir de plus en plus populaire, avoir plus d’exposition à la télé, sur les radios, le web, etc., tout en conservant cette base alternative, en restant installé dans les subcultures du metal et du rock ?

Je crois que nous pouvons… [Petits rires] Comment dire ceci sans donner l’impression que je suis un gros sac à merde ? Je pense vraiment que nous, en tant que groupe, avec ce que nous faisons, avec ce en quoi nous sommes bons, pouvons potentiellement devenir un très gros groupe. Dans le sens où je sais que nous sommes bons pour produire des concerts sur une grosse scène en extérieur ; il faut simplement nous accorder le temps et nous le ferons. C’est ce que je crois. Je crois que notre truc est si divertissant, et le restera, que nous pourrions devenir… Simplement pour te donner un exemple contemporain : nous pourrions être le prochain Rammstein, sans dire : « Oh, nous voulons être AC/DC ou nous voulons être Metallica. » Mais nous pouvons être le prochain Rammstein. Mais à savoir si ça signifie avoir un succès commercial ou populaire, je ne sais pas quoi te dire parce que jusqu’ici, j’ai l’impression que le fait d’avoir une chanson comme « He Is » sur les radios européennes ou une chanson comme « Cirice » sur les radios américaines n’a pas endommagé notre crédibilité dans un monde où l’underground et le mainstream sont censés s’opposer et ne pas pouvoir être combinés. On dirait que ça ne pose pas de problème aux gens qui nous ont aimés pendant des années. Ceux à qui le fait que nous soyons mainstream pose problème, ils ont déjà réagi il y a deux albums de cela, lorsqu’ils ont estimé que nous étions des vendus. Mais pour moi, ce sont presque deux choses différentes. Si jamais nous arrivons à un stade où nous pouvons nous produire à Bercy, à Paris, ou [avec une drôle de voix] « AccorHotel Arena », ce qui est évidemment notre but… Bordel, nous voulons jouer au Stade de France ! Ça, dans ma tête, ce n’est pas forcément la même chose que de passer constamment à la radio ou vendre un million d’exemplaires de l’album. Pour moi, c’est presque deux choses différentes. Et la première est la plus importante pour moi. Je veux que Ghost soit synonyme d’une merveilleuse soirée. Tu y vas et ensuite tu quittes l’enceinte, le stade, l’arène ou peu importe, en souriant, plein d’énergie et si en plus de ça tu possèdes un album ou un T-Shirt, alors c’est génial mais ce n’est pas ce qui importe le plus.

Ce qui apparaît dans Meliora mais qui existait déjà sur Infestissusmam, c’est la capacité du groupe à faire de super mélodies, de super refrains accrocheurs, etc. Est-ce une volonté d’emprunter à la musique pop, au véritable sens du mot « populaire », ou est-ce une façon de fédérer les gens pendant les concerts, comme des psaumes pendant un rituel ?

[Petits rires] Eh bien, l’intrigue de base de l’histoire que nous essayons de vendre sur scène, c’est en fait que nous rejouons ou émulons l’idée de la religion organisée, d’une messe, de façon similaire à ce qui se passait dans toutes cathédrales pendant des milliers d’années, avec la vision d’un grand édifice. A la vieille époque, les églises étaient les plus grands édifices en ville, et de bien des façons c’est toujours le cas. Elles devaient être sacrément imposantes pour les petits gens qui y entraient et c’était aussi probablement l’un des rares endroits au monde qui était propre. Tout le reste était sale, tombait en ruine et était fait de bois, alors que les églises sont faites en pierre et son propres. Le prêtre venait avec des habits décorés, un visuel, des odeurs, du son et des mots. Ils poussaient l’humanité et les gens qui venaient à ressentir certaines choses. La plupart du temps, ils se sentaient merdiques, avec le besoin de se repentir, coupables et apeurés. Alors que nous, nous essayons de prendre tout ceci et construire quelque chose qui est évidemment censé avoir l’air imposant ou dont il faut avoir peur mais aussi qui te donne le sentiment de ne faire qu’un avec et d’être positif. De façon à ce que lorsque tu en ressors, tu as l’impression d’une présence divine qui te touche, et donc tu repars heureux.

C’est donc ce rôle que jouent les refrains accrocheurs ?

Eh bien, tout d’abord, ce qui m’intéresse, c’est d’écrire de la bonne musique que j’aime mais, bien sûr, il y a ce bonus positif qui offre un scénario à ce que tu vis.

Ghost - 28/08/2015

« Nous avons deux nonnes aujourd’hui qui débarquent sur scène, peut-être qu’à l’avenir il y en aura trente et des chœurs d’enfants et… Tu vois, le ciel est la seule limite ! [Rires] Ironiquement. »

Comme vous l’avez dit de nombreuses fois, le temps que vous passez sur scène est spécial : vous voulez que chaque chanson soit l’acte d’un grand plan, qui commence avant que le concert ne commence et se termine un peu après la fin supposée du concert. Quelles sont les prochaines étapes pour vos apparitions scéniques ? Devons-nous nous attendre à ce que vous trouviez d’autres idées pour améliorer ou même élargir l’expérience d’un concert de Ghost ?

Dans mon esprit, nous faisons actuellement à peu près dix pour cent de tout ce que nous aurions pu faire ou pourrions faire ou allons pouvoir faire. La vue d’ensemble que nous avons, de ce que nous voulons devenir en termes de show et tout, est bien plus théâtral et poussé. Mais à ce stade et étant donné les circonstances dont nous bénéficions aujourd’hui, nous sommes limités. Alors que si jamais nous devenons ce groupe, où nous pouvons apporter notre propre scène à un endroit sans limite de place, alors nous pourrons assurément construire quelque chose qui sera bien plus grand et nous pourrons établir des actes, etc. Nous avons deux nonnes aujourd’hui qui débarquent sur scène, peut-être qu’à l’avenir il y en aura trente et des chœurs d’enfants et… Tu vois, le ciel est la seule limite ! [Rires] Ironiquement.

D’un autre côté, il y a désormais une partie acoustique dans vos concerts, ce qui rapproche l’audience du groupe, d’une certaine façon. Est-il prévu de développer cette approche acoustique dans votre musique pour des enregistrements futurs ?

Pourquoi pas ? Je ne sais pas. Nous n’avons pas vraiment décidé de capitaliser – pour employer ce mot ignoble – là-dessus, mais je sais que le management et tous ceux qui sont impliqués aimeraient vraiment que nous développions cette partie, simplement parce que ça requiert moins de personnes et ça rend les choses plus flexibles. Alors qu’aujourd’hui, nous avons un truc assez rigide, du genre : « Oh, ça ne marche pas, alors on ne peut pas faire. » Mais je crois aussi qu’il est important, lorsque tu fais quelque chose comme ça, que ce soit d’un très, très haut niveau. Et je pense que pour le moment, ce à quoi les gens s’attendent, c’est que nous faisons quelque chose sur scène et si soudainement ils se mettaient à vouloir payer pour nous voir faire autre chose, alors il faudra que nous le fassions très bien pendant une heure et demie et je ne pense pas que ce format puisse tenir aussi longtemps, à l’heure actuelle. Mais repose-moi la question d’ici deux albums et peut-être que nous aurons plus de matière qui cadrera dans cette catégorie. Mais aujourd’hui, nous avons certaines chansons dans notre setlist qui ne se prêteraient pas très bien à une version acoustique, car c’est trop « riffu » ou simplement ça ne sonne pas bien.

Il y a aujourd’hui aussi une seconde tenue pour Papa Emeritus sur scène, bien plus sobre. Est-ce une façon de le soulager et lui permettre de respirer ou bien est-ce simplement pour montrer un autre aspect du personnage ?

Oui, les deux [raisons] ont autant d’importance. Déjà sur la tournée d’Infestissusmam, lorsque nous avons commencé à beaucoup jouer en tête d’affiche, nous avons ressenti que… Tu sais, Papa est un personnage marrant, Papa II était amusant mais quand ça dépasse une heure et que ça fait une heure vingt ou une heure trente qu’il est sur scène, ça devient un peu ennuyeux au bout d’un moment, il ne se passe pas grand-chose. C’était tout le temps pareil et [le personnage de] Papa était un fardeau à cause du poids du costume ; arrivé à la fin c’était genre « ugh », les épaules n’en pouvaient plus et c’était fatigant. Nous avions l’impression que c’était sans doute quelque chose qui se reflétait aussi sur le public, donc lorsque nous avons recruté le nouveau Papa, nous nous sommes dit autant prendre quelqu’un qui amène un autre niveau d’énergie, pas dès le départ mais à mi-parcours, qui permette à l’ensemble de rebondir un peu. En fait, au début, juste avant que nous mettions ça en place, nous étions nerveux parce que nous ne savions pas. Nous nous disions que les gens réagiraient mal parce qu’ils s’attendent à ce que Papa soit Papa le pape papal et qu’ils n’aimeraient pas du tout ce clown bouffon. Mais ça a très bien marché et maintenant, je pense que nos concerts sont bien meilleurs. Car ça commence à un certain niveau, puis ça retombe un peu, là c’est sombre et puis c’est genre « rahh ! » Donc dans tous les éléments théâtraux de notre show, où nous voulons que ce soit perçu comme un théâtre, nous avons maintenant ajouté une bonne dose de rock ‘n roll mais ça fonctionne, car il y a quelque chose de dramaturgique qui fait que les gens le comprennent, et que nous même le comprenons, nous avons le sentiment de recevoir un petit coup de fouet à mi-chemin dans le concert plutôt que de commencer à un certain niveau et puis que ça s’essouffle.

Le fait de jouer « Monstrance Clock » à la fin de concert est devenue une fin classique pour le groupe, comme ce que font beaucoup de groupes ; c’est une manière de rassembler le public. Verrais-tu une autre chanson jouer ce rôle ou bien est-ce le final parfait ?

Ce qui est bien, c’est qu’elle termine sur une note positive, alors que les gens demandent « Deus In Absentia » que nous ne jouons pas. Je ne vais pas t’ennuyer en te donnant les détails du pourquoi nous ne la jouons pas mais je peux te dire pourquoi nous ne la jouons pas comme dernière chanson, alors que les gens pensent justement que nous devrions terminer nos concerts avec « Deus In Absentia ». Le problème avec cette chanson, c’est que c’est la chanson ultime pour te donner envie de te pendre. Ça ne termine pas sur une note positive. Ca termine sur une sorte de lamentation, ce que j’adore, j’ai moi-même un faible pour les fins tragiques, j’adore ça, tout ce qui va de Dracula aux films de [Guillermo] Del Toro qui sont dans le même esprit ; tu ne sais pas si tu veux pleurer ou te suicider mais ça reste beau parce que le coupable, tout au long du film, est en fait celui pour qui tu ressens de la peine. J’adore ça mais c’est juste que « Monstrance Clock » a une fin très positive, ce que je pense nous voulons conserver. Ce qui ne veut pas dire que nous n’allons jamais jouer « Deus In Absentia », par contre, mais nous n’allons pas la jouer en dernier, je pense.

Ghost - 10/02/2016

« Bien sûr, ça donnait la nausée de marcher sur scène [après le 13 novembre] mais parce que nous sommes ce que nous sommes, […] j’ai ressenti une conviction plus forte encore dans tout ce que nous faisons et tout ce que nous racontons. »

En parlant de choses dramatiques, de terribles événements se sont produits à Paris en novembre dernier, surtout au Bataclan. Vous étiez en tournée en Europe au même moment et vous êtes venus à Paris seulement quelques semaines après. Vous aviez toutes les raisons du monde de vous sentir proches de ces événements parce que vous êtes un groupe de rock, vous étiez en tournée au même moment et aussi parce que le visuel du groupe touche à des sujets comme la religion qui sont sensibles de nos jours. Comment avez-vous perçu et ressenti ces événements ?

En tant que personne, étant entouré de gens qui, par essence, parcourent le monde et jouent du rock dans des salles de concert, bien sûr, ça m’a touché de très, très près. Ca donnait l’impression d’un viol, je n’ai pas de meilleur mot. Je manque un peu de superlatifs négatifs pour expliquer mon sentiment vis-à-vis de tout cet… événement mais, évidemment, n’importe qui dans le business du rock s’y identifie davantage encore que ceux qui sont, je ne sais pas, dans le business de la construction, et aussi parce qu’il y a évidemment des connexions personnelles là-dedans et ça a drastiquement altéré notre façon de voir les choses, surtout au moment même où ça s’est produit parce que, comme tu l’as dit, nous étions en tournée. Le 14, personne ne savait quoi que ce soit et tout était potentiellement… Ca donnait la même impression que le 12 septembre [2001] où on ne savait rien. Bien sûr, ça donnait la nausée de marcher sur scène à ce moment-là mais parce que nous sommes ce que nous sommes, et notre image étant ce qu’elle est et notre message étant ce qu’il est, après ça, j’ai ressenti une conviction plus forte encore dans tout ce que nous faisons et tout ce que nous racontons. Car ce que nous racontons est contemporain. Ce que nous racontons, ce n’est pas juste de la science-fiction, du fantastique merdique. Je pense que ce que nous racontons est très pertinent. Mais ironiquement, nous n’allons pas prêcher. Tu peux faire ce que tu veux de notre message. Nous ne sommes pas en train de dire à qui que ce soit d’abjurer, de se convertir ou faire quoi que ce soit. Si tu veux que nous soyons juste un divertissement et venir voir nos concerts pour tout oublier, très bien car c’est aussi ce que nous sommes. Mais ce que nous disons entre les lignes est très parlant quant à la turbulence actuelle que représente la religion et la façon dont nous nous traitons les uns les autres à cause de ce que nous pensons sur ce qui se passera après notre mort.

Vous utilisez et détournez les codes du monde Chrétien. Serait-ce même imaginable aujourd’hui d’utiliser des codes provenant d’autres religions, comme l’Islam ?

Bien sûr que non [petits rires]. Donc, officiellement, nous chantons uniquement à propos de la chrétienté mais quiconque possède un cerveau peut comprendre pourquoi c’est ainsi.

Dans la mesure où c’était la première fois qu’un concert de rock a été la cible d’attaques terroristes, ressens-tu une quelconque peur ou inquiétude en montant sur scène qui n’existait pas avant ?

Evidemment, nous en avons désormais conscience. Et, bien sûr, nous ne pouvons exclure l’idée de terroristes chrétiens, même si historiquement, c’est très, très rare [petits rires], ou des terroristes hébreux, qui sait ? Mais, encore une fois, dans la mesure où ce que nous chantons et ce que nous représentons est autre chose – nous ne chantons pas à propos de leur monde -, je pars du principe que ça ne s’applique pas pareil, car nous chantons à propos de ce qui se passe dans le monde occidental et la chrétienté sur une terre ronde, nous ne chantons pas à propos de la terre « plate », donc il se peut que ce soit différent. Je crois qu’il y a des cibles bien pires et bien plus évidentes que nous et si nous considérons les gens qui se pourraient se sentir offensés par les éléments anti-chrétiens de ce que nous faisons, nous étant les offenseurs et les Chrétiens les offensés, je pense aussi que, pour les offensés, d’une certaine façon, nous ne sommes pas le pire groupe sur terre. C’est plus facile de cibler des groupes comme Watain, Behemoth, Marduk ou n’importe quel autre groupe de ce genre. A l’époque où il y avait une grande polémique sur le rock satanique qui était supposé être nuisible et dangereux, tu avais Glen Benton, un italien de vingt-deux ans, avec un crucifix inversé, qui racontait vouloir voir les gens se suicider. Je n’ai pas vingt-deux ans, je n’ai pas de crucifix inversé sur mon front et je ne dis pas aux gens de se suicider. Dans le fond, nous ne demandons pas aux gens de faire quoi que ce soit de nuisible. En conséquence, je ne crois pas que nous soyons dans le collimateur aujourd’hui. Autant nous sommes un groupe de shock rock qui raconte de drôle de choses ou même des choses qui peuvent avoir beaucoup de valeur, autant ce n’est pas offensant dans le sens où nous ne demandons pas aux gens de sacrifier des chèvres, violer des vierges ou caillasser des gens à mort [petits rires]. Nous demandons simplement aux gens d’êtres sympas, nous voulons qu’ils soient sympas les uns avec les autres, et nous voulons qu’ils pensent et qu’ils baisent ensemble [petits rires].

Ghost - 24/11/2015

« Dans le fond, nous ne demandons pas aux gens de faire quoi que ce soit de nuisible. […] Nous voulons qu’ils soient sympas les uns avec les autres, et nous voulons qu’ils pensent et qu’ils baisent ensemble [petits rires]. »

Sur un sujet plus positif, vous avez été nominés pour la prochaine cérémonie des Grammy Awards pour la meilleure performance metal pour « Cirice ». On a vu une publicité promotionnelle faite avec le hash tag #dontbesilenced, des encarts dans Billboard Magazine ou des vidéos sur le web, tout ceci avec cette pointe d’humour qui caractérise le groupe. D’où est venue l’idée de cette campagne ?

C’était une collaboration ; je ne suis pas seul là-dedans. En gros, il y avait l’idée d’avoir une image qui dérange qui parfois… Tu as vu Spinal Tap. C’est cette rhétorique à la Smell The Glove où on est à la limite entre le fait d’être sexy et être sexiste mais, évidemment, Spinal Tap ne comprend pas ça [petits rires]. En tant que personne, lorsque j’ai vu les images, j’étais là : « Whew ! » Mais je savais que toute la campagne avait pour but d’attirer l’attention, c’était fait pour faire réagir les gens et, en gros, de ce que j’en sais, c’était juste une campagne ciblée dans Billboard Magazine, et Billboard Magazine est majoritairement lu par des gens dans l’industrie américaine du divertissement et les gens qui votent aux Grammys, ce ne sont pas des gens dans la rue, ce sont des gens dans l’industrie musicale. C’était une publicité ciblée sur l’industrie américaine du divertissement pour qu’ils soient au courant que notre groupe existe, car la façon dont ça fonctionne généralement avec les votes aux Grammys, c’est que les gens votent pour ce qu’ils connaissent. Donc si Dave Grohl est nominé pour quelque chose, ils voteront pour lui parce que tout le monde le connaît et tout le monde l’aime, donc tout le monde votera pour lui. Alors que si tu as quelqu’un à l’affiche ou parmi les nominées qui est très impopulaire, lui ou elle ne gagnera très probablement pas parce que les gens votent pour ce qu’ils aiment. Et nous sommes un groupe suédois dans une catégorie de Grammy ou de récompense où la plupart des artistes sont Américains ou Anglais ; la plupart des autres pays sont exclus, d’une certaine façon. C’est soit en langue anglaise, soit en langue latine, mais alors c’est évidemment d’Amérique Latine ou Afro-Américain. C’est donc globalement une campagne pour attirer l’attention, ce n’était pas forcément adressé aux gens « ici », mais c’est sûr que lorsque tu fais quelque chose de nos jours, ce n’est jamais un événement isolé. C’est plutôt : « Regardez ce qu’ils ont fait ! » Et tout le monde croit que c’est fait à l’intention de tous mais ce n’est pas le cas.

Est-ce que c’est important pour la reconnaissance globale que le groupe remporte ce Grammy ?

Bien sûr, ça signifie beaucoup. Même si tu n’es que nominé, c’est un titre auquel les gens prêtent attention. Surtout si tu gagnes un Grammy, c’est quelque chose que tu auras avec toi pendant le reste de ta vie. Bon, pas dans ta poche, ce n’est pas très pratique mais ça signifie beaucoup pour tous ceux que tu rencontreras dans l’industrie musicale, c’est un titre. Et puis c’est beau. Quiconque dit que gagner des récompenses ne l’intéresse pas est un putain de menteur [rires].

Ça fait maintenant un bout de temps que Papa Emeritus n’a pas donné d’interview, depuis le premier album, je crois…

Exact, et ce n’était qu’une seule fois !

Il ne s’est presque jamais montré publiquement en dehors de ses prestations live. Quelle en est la raison principale ?

Il a de meilleures choses à faire ! Il est trop occupé dans son harem [petits rires]. Aussi, une de mes analogies préférées lorsque la presse et les journalistes demandent des interviews de Papa, c’est un peu comme cet automne, avant que le nouveau Star Wars arrive, est-ce que tu demanderais une interview avec Han Solo ? Non ? En fait, tu n’en obtiendras pas ! Ou tu ne peux pas interviewer R2-D2. C’est un peu la même chose, tu ne peux pas vraiment l’interviewer. Il n’est pas là, il est dans une Galaxie très, très lointaine !

Où en êtes-vous avec le projet d’EP de reprises ? La dernière fois que nous nous sommes parlés, vous aviez mentionné de possibles reprises de Leonard Cohen ou du groupe suédois Imperiet…

Là en ce moment, nous sommes en train de voir dans quelle fenêtre de temps nous pourrons le faire parce que là, la tournée c’est… Tu vois, nous ne nous doutions pas lorsque nous avons calé la première tournée européenne – celle de novembre/décembre – que nous aurions une telle demande pour que nous revenions. Et du coup, nous nous retrouvons soudainement à faire une tournée européenne supplémentaire juste après une autre, ce qui représente en tout dix semaines de tournée en Europe, ce qui est assez long. Donc nous sommes en train de voir quand nous pouvons faire ça et comment nous pouvons caler ci et ça, de façon à trouver du temps pour faire un très bon EP. Il est très probable que nous enregistrions entre maintenant et mai, quelque part dans ces eaux-là. Et ça sortira cet automne, pour redonner un coup de fouet à la tournée, quelle qu’elle soit, que nous ferons à ce moment-là.

Interview réalisée en face à face le 5 février 2016 par Julien Peschaux.
Retranscription : Céline Hern.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Claudia Mollard (1 & 4), Nicolas Gricourt (2 & 5), Lost (3)

Site officiel de Ghost : ghost-official.com.



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  • WhoDoYouThinIAm dit :

    Arrêtons de parler religion à tout bout de champ !!! Les chrétiens n’ont pas eu de terroristes? Certes, peut-être, je ne suis pas spécialiste, mais l’Inquisition, le génocide cathare ne sont pas mieux. Alors arrêtons s’il vous plaît. Artistes et media qui utilisaient le mauvais air du temps, en ces temps troubles, fermez-la sur ce sujet !!! Je préfère quand Ghost dit qu’ils veulent que les gens baisent entre eux !
    Et laissons Ghost (comme d’autres) à leur louable rôle de divertissement !
    Shock Rock ? C’est une blague ? Où est l’irrévérence ? Je n’ai rien ni pour ni contre Ghost mais on en fait trop !!!
    Et à force de dire qu’ils vont faire des énormes concerts…c’est un peu la méthode coué non ? Faites et on verra.

    [Reply]

    WhoDoYouThinIAm

    « nous rejouons ou émulons l’idée de la religion organisée, d’une messe, de façon similaire à ce qui se passait dans toutes cathédrales pendant des milliers d’années »
    La religion comme modèle ? Quelle gerbe !!! Vive l’asservissement des masses et des individus. Et moins r’n’r que ce modèle, il n’y a pas !!!

  • des tapettes

    [Reply]

    le crapaud

    à souris

  • WhoDoYouThinkIAm dit :

    ou comment les media vont nous donner une indigestion de Ghost !!! On peut passer à autre chose ?

    [Reply]

    Amaury Blanc

    Un groupe incontournable, un show hors-norme et des musiciens hyper intelligents : nous en tout cas on n’est pas prêts de se lasser ! 😉

    Entièrement d’accord 🙂

  • « Vous utilisez et détournez les codes du monde Chrétien. Serait-ce même imaginable aujourd’hui d’utiliser des codes provenant d’autres religions, comme l’Islam ?

    Bien sûr que non [petits rires]. Donc, officiellement, nous chantons uniquement à propos de la chrétienté mais quiconque possède un cerveau peut comprendre pourquoi c’est ainsi. »

    Comment avouer l’air de rien qu’on est un rebelle de pacotille, comme 99% de ses petits camarades.

    Et ça passe comme une lettre à la poste. Mieux, en fait.

    Continuez à cracher sur les chrétiens, les gars : ça coûte rien et ça fait quand même croire à la foule qu’on est un fou, même si tout le monde sait qu’il n’en est rien…

    Pendant ce temps, des métalleux des pays arabes risquent la mort. Mais c’est pas très intéressant.

    [Reply]

    « Autant nous sommes un groupe de shock rock qui raconte de drôle de choses ou même des choses qui peuvent avoir beaucoup de valeur, autant ce n’est pas offensant dans le sens où nous ne demandons pas aux gens de sacrifier des chèvres, violer des vierges ou caillasser des gens à mort [petits rires]. Nous demandons simplement aux gens d’êtres sympas, nous voulons qu’ils soient sympas les uns avec les autres, et nous voulons qu’ils pensent et qu’ils baisent ensemble [petits rires]. »

    Ce sketch… C’est grotesque. Les mecs se prétendent rebelles en demandant exactement la même chose que… toute la publicité depuis 30 ans au moins.

    Ghost, le meilleur allié du grand capital.

    C’est à crever de rire, en fait.

    Ohlalaaa

    Ils crachent pas sur les chrétiens, il faudrait se calmer.
    C’est leur univers, et c’est juste bien classe de créer des cérémonies avec une ambiance « chrétienne/sataniste » : pape, orgues, chant choral, lustres, vitraux…

    A chaque article sur Ghost je te vois rager contre un groupe que tu ne pourras jamais comprendre à cause de ta fermeture d’esprit « Fikmonskov » le meilleur ennemi du « grand capital » (et des « rebelles » ! ne l’oublions »).

    Voilà première fois et dernière fois que je réagis à tes propos.

    Ed

    C’est un groupe de musique, ils ne se prétendent pas politisé et n’en ont visiblement pas l’intention.

    Ils ne crachent pas sur les chrétiens, c’est une imagerie qu’ils détournent pour leur show et le message. Essentiellement, je crois que dans leurs textes, dieu et le diable c’est l’argent.

    Donc voir et écouter un groupe de musique en lui appliquant des idéologies religieuses ou politiques, en l’occurrence d’extrême gauche, c’est à à peu près aussi intelligent que Christine Boutin qui peste contre les « groupes sataniques » du Hellfest.

    « Pendant ce temps, des métalleux des pays arabes risquent la mort. Mais c’est pas très intéressant. » > Hors sujet, mais tu es libre d’aller sur les articles qui en parlent. Personne ne te retient.

    Ohlalaaa, ma « fermeture d’esprit » me fait écouter à peu près n’importe quoi entre le black metal et le rock-pop avec autant de plaisir, pourvu que ce soit bon. Je prends autant de plaisir à écouter le premier album de Deathcode Society que le premier album de Francis Cabrel (voire celui de Lilian Renaud, gagnant de The Voice 2015. Si si), ce qui fait donc officiellement de moi un abruti fermé d’esprit.

    Si tu n’es pas capable de comprendre que le type reconnait officiellement ne pas avoir les couilles de taper sur les autres religions que le christianisme, alors qu’il le dit juste de façon totalement explicite, je n’y peux rien.

    Ed, je suis très loin d’être d’extrême-gauche. Seulement Ghost se la joue rebelle en se déguisant en prêtre avec une croix à l’envers, alors que c’est juste complètement ridicule, et prétend avoir un message fort tout en prônant en fait un truc qui est rentré dans les moeurs depuis 30 ans. Et ça, ça me fait doucement rigoler. Et je le dis. (Et ça, manifestement, c’est mal. Charlie, tout ça.)

    Ed

    Ce que du coup tu ne semble pas avoir compris, c’est que ça ne choque personne à part les bigots, et qu’ils ne font pas ça pour jouer les contestataires et certainement pas rebelles ou quoi que se soit « WE’RE NOT OUT TO SHOCK PEOPLE ».

    Je les ai interviewé (pas cet article, ni pour Radio Métal), mais c’est très clair dans leur tête et dans leur démarche depuis le départ : ils veulent devenir un gros groupe de rock. Ils veulent être des rock-stars, point. Et ça, depuis le début chez Rise Above (Lee Dorrian dira qu’il n’avait pas les moyens de leurs ambitions), donc en 2010.

    Tout le monde le sait, ça n’a rien de secret, ils le disent et le répètent.

    Après, on peut prendre des petits morceaux sur un bon milliers d’interviews pour les monter en mayonnaise, et dire qu’ils se font passer pour des rebelles, qu’ils tapent sur le christianisme, etc. En tant que suédois, tu penses pas qu’ils savent très bien que cette imagerie chrétienne détournée n’a rien d’anti-chrétien, comparée, juste pour le plus gros exemple, à la scène black métal norvégienne du début des années 90 (Burzum et toute la clique) ?

    C’est un show, un spectacle de marionnettes, c’est ce qu’ils veulent.

    Et l’idée que ça puisse être blessant de voir ce en quoi on croit transformé « en spectacle de marionnette », c’est trop compliqué à comprendre ?

    tu peux faire un très bon show, très spectaculaire, sans croix renversée ni déguisement d’évêque.

    S’ils font ça, c’est parce qu’ils savent très bien que ça leur donnera un image un peu sulfureuse (bien que complètement injustifiée), et ce sur le dos du christianisme.

    Alors certes, il y a pire… et alors ? Il y a des gens qui tuent, donc violer n’est pas grave, c’est ça l’idée ? C’est crétin.

    Ed

    C’est de l’humour, de la parodie. C’est évident mais ça semble chaud à comprendre finalement pour certains 🙂
    S’ils ont fait ça pour avoir une image sulfureuse, c’est raté je pense.

    Mais c’est évidemment pas l’idée. En Suède, comme dans les autres pays scandinaves, ils sont un peu plus libérés du poids des images et de la culture traditionnelle de façon générale. La liberté d’expression tient une place beaucoup plus importante qu’en France. C’est quelque chose d’admis, ça n’a strictement rien de sulfureux. Comme tu le disais, ça fait 30 ans que ces codes existent, je vois pas comment ils auraient pu se dire « Tiens, on va s’habiller en faux pape pour créer le buzz », c’est complètement débile.

    Pour moi, comme pour eux je pense, leurs costumes, c’est surtout un choix esthétique, vu le travail fourni sur leurs derniers costumes, et un moyen de déployer leur esthétique. Pratique aussi, ça leur permet de garder l’anonymat (ça, ils le disent clairement). Et franchement, leur show a vraiment de la gueule.

    Et soit, admettons, ça te choque. Ne va jamais voir ne serait-ce que Slayer, ça va être chaud pour toi.

    Et bon dans l’absolu, pour éviter de choquer la moindre personne, on ne fait plus rien du tout, au cas où.

    « je vois pas comment ils auraient pu se dire « Tiens, on va s’habiller en faux pape pour créer le buzz », c’est complètement débile. »

    Et pourtant, ça marche…

    « Et soit, admettons, ça te choque. Ne va jamais voir ne serait-ce que Slayer, ça va être chaud pour toi. »

    Ça ne me choque pas, ça me gonfle parce que c’est toujours la même connerie. Et ça m’amuse parce que là il le dit de façon explicite. Enfin, j’ai longtemps été fan de black metal, donc Slayer, ça va, je supporte, merci.

    « Et bon dans l’absolu, pour éviter de choquer la moindre personne, on ne fait plus rien du tout, au cas où. » On peut aussi éviter de choquer toujours les mêmes, varier un peu les cibles.

  • Toujours aussi intéressant !

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