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Chronique Focus   

Ghost – Phantomime


Fort d’un succès toujours plus imposant, Ghost peut s’adonner à quelques plaisirs coupables entre deux opus canon. Le projet mené par le désormais connu Tobias Forge a déjà accueilli plusieurs fois dans sa discographie des EP de reprises, précisément If You Have Ghost (2013) et Popestar (2016). Phantomime suit un procédé similaire : le frontman de Ghost rend hommage aux idoles de sa jeunesse, celles-là mêmes qui lui ont donné le goût de la musique et lui ont permis de faire ses armes. Si Phantomime se parcourt rapidement – six titres précisément –, il intrigue par le choix des reprises. Ghost présente un univers toujours plus étendu, tout en donnant des clés de compréhension de sa musique et quelques indices quant à son avenir.

L’EP s’ouvre par le fameux « See No Evil » de Television, sorti en 1977 sur l’album Marquee Moon. Le riff de guitare iconique qui amorce le titre est évidemment respecté à la lettre, avec ce qu’il faut de stéroïdes pour correspondre à l’identité davantage heavy de Ghost. Surtout, Tobias n’essaie pas de surjouer le timbre nasillard de Tom Verlaine malheureusement décédé en janvier de cette année. Ghost se permet néanmoins d’agrémenter le solo d’origine d’une certaine dextérité, toujours dans cet esprit de muscler le propos. « See No Evil » est un argument de poids concernant la capacité de la formation à absorber et digérer tous types de musiques rock pour en faire quelque chose qui finit par lui appartenir complètement. L’un des clous de cet EP est la reprise de Genesis, « Jesus He Knows Me », paru en 1991 sur We Can’t Dance. La volonté de Ghost d’apporter davantage d’agressivité est immédiatement perceptible par la retranscription des sonorités de clavier via le riff de guitare. Les musiciens respectent le cachet fédérateur du refrain mais le font davantage contraster avec les couplets, conservant néanmoins une batterie plus appuyée. Le point d’orgue est l’amorce du lead avant le pont où toutes les guitares sont doublées et raviront les amateurs les plus zélés de la NWOBHM… Tobias décide de trancher avec certaines des rythmiques sautillantes (presque reggae) de certaines plages du titre pour leur donner de la gravité. « Jesus He Knows Me » est l’une des rares reprises qui parviennent à respecter le matériel original tout en présentant leur propre caractère.

La reformulation d’« Hanging Around » des Stranglers s’effectue dans le même esprit : Ghost retravaille à peine la mélodie légendaire du titre et la basse d’origine, il rend les nappes de clavier plus solennelles et confère à l’ensemble un nouveau souffle. Le groupe a cette faculté de rendre les choses plus spectaculaires, comme une seconde nature. À ce titre, le travail effectué sur le « Phantom Of The Opera » d’Iron Maiden est aussi une cure de jouvence pour une composition qui a désormais plus de quarante ans. Ghost multiplie les arrangements de clavier sans les rendre exubérants : simplement de quoi rappeler sa propre identité. Indéniablement, les grandes élancées heavy sont une cour de récréation pour Tobias Forge et les puristes seront ravis de retrouver la même intensité lors des amorces de soli et ce sens de l’épique. Les Goules se paient le luxe d’enchaîner avec un emprunt à la discographie de Tina Turner, « We Don’t Need Another Hero (Thunderdome) », autrement connu pour avoir illustré le troisième volet de Mad Max en 1985. Il faut cependant attendre les refrains pour voir Tobias Forge atteindre l’intensité de l’interprète original. L’exécution des couplets reste académique et constitue peut-être l’un des rares écueils de l’opus où Ghost s’affadit par rapport au monument abordé.

Phantomime est une petite prouesse car il explicite la variété des parentés musicales de Ghost, aussi à l’aise dans le heavy que dans le rock et le prog des années 70 ou encore la pop. C’est ce qui participe à son succès colossal : Tobias Forge n’émule rien et transforme tout comme un alchimiste chevronné. L’EP déclare implicitement que Ghost pourrait tendre encore davantage vers cette hybridation entre titres aisément accessibles et fédérateurs et la puissance d’un heavy à l’ancienne. Phantomime est ainsi un petit rappel bienvenu : le groupe ne remplacera aucune idole en soi. Il occupera un espace laissé vacant par la force des choses en mettant en avant sa personnalité, sans nier ses influences.

Clip vidéo de la chanson « Jesus He Knows Me » :

Album Phantomime, sortie le 18 mai 2023 via Loma Vista Recordings. Disponible à l’achat ici

NB : Nous vous rappelons que L’Intégrale Ghost By Radio Metal, un livre de 144 pages que nous avons consacré à Ghost, est disponible dans la boutique en ligne de Radio Metal.



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  • Connaissant 3 titres sur les 5 proposés, il restait à découvrir ces reprises passées par le filtre de Tobias Forge et le verdict peut tomber dès la première écoute : c’est une totale réussite. Il sait garder l’essence de la composition originale tout en y ajoutant à la juste mesure des touches Ghostiennes sans dénaturer mais au contraire en jouant sur la valeur ajoutée qui fait mouche. On sent que Tobias est un pur fan de musique.
    Mention spéciale pour le titre  » We Don’t Need Another Hero (Thunderdome) » qui colle à l’actualité en raison de la disparition de la lionne Tina cette semaine. Du coup , la cover sonne comme un hommage vibrant.
    On pourrait y voir un alignement des planètes, Tobias est parti pour atteindre des sommets.

    [Reply]

    Pat

    … à noter le clin d’oeil à Metallica sur le titre des Stranglers « Hanging Around » où les premières notes du solo de Kirk dans l’intro de « Fade To Black  » sont reprises avec justesse en s’incorporant dans la compo comme si de rien n’était.

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