Le cas Gojira soulève de nombreuses questions. Certes perçue comme une fierté nationale et comme un accomplissement pour les bayonnais, la signature du groupe chez Roadrunner Records inquiète les plus puristes des fans, qui craignent que le confort apporté par les moyens d’une grosse maison de disque ne tarisse la fougue du groupe. Des préoccupations que le chanteur/guitariste Joe Duplantier comprend parfaitement et auquel il répond avec l’éternelle humilité qui le caractérise. Au cours de cet entretien, nous en avons profité pour briser avec lui quelques idées reçues sur les maisons de disque ou sur la situation financière du groupe. Il serait une erreur de penser qu’elle est au niveau de la notoriété de la formation et Joe nous en parle avec franchise.
Néanmoins, Gojira arrive à vivre de sa musique et une musique pourtant pas des plus accessibles. Il convenait donc de lui demander des conseils pour y arriver.
Plus concrètement, nous en avons profité également pour nous renseigner sur l’évolution musicale du prochain album du groupe, ses textes ou encore sur l’EP Sea Shepherd qui se fait attendre.
Un entretien extrêmement riche et complet avec un personnage des plus sympathiques et toujours aussi simple, contrairement à ce que quelques aigris (ou jaloux) pourraient penser.
Radio Metal : Que s’est-il passé avec l’EP pour Sea Shepherd, où en êtes-vous ?
Joe Duplantier (guitare/chant) : On a eu beaucoup de contre-temps et de problèmes techniques qui nous ont beaucoup retardés. On a, par exemple, un disque dur qui a crashé qui contenait beaucoup de prises qui avaient été faites. Ça, ça a été un peu le coup dur il y a quelques mois. On était en pleine préparation du nouvel album, on était prêt à le finir… Quand je suis arrivé aux États-Unis, j’ai trouvé quelqu’un qui m’a récupéré toutes les infos, c’est-à-dire tous les fichiers audio de l’EP. J’ai donc pu remettre la main dessus il n y a pas longtemps. J’ai toutes les infos et il faut que je me pose dessus, j’ai beaucoup de boulot. Il faut que je finisse le mixage, que je rajoute quelques voix qui ont été enregistrées, ce n’est pas grand chose à faire mais, concrètement, je n’ai pas une seconde à moi en ce moment pour me pencher dessus. Mais je n’ai personne qui va le faire pour moi, donc je vais devoir m’y pencher dès qu’on aura fini cet album et on va le sortir ce putain d’EP ! C’est hyper important pour nous et on est un peu dégoûtés de ne pas avoir pu le sortir en septembre dernier.
A priori ça sortira en 2012 donc…
Oui.
Vous avez récemment signé cher Roadrunner Records qui est une grosse maison de disque dont le fonctionnement est très fantasmé et inconnu. Pourrais-tu nous décrire, très concrètement, comment on travaille avec Roadrunner ?
Il y a beaucoup de choses qui sont vraies concernant ces fantasmes sur les grosses maisons de disques. Il y a beaucoup de choses que les gens, en général, craignent des grosses maisons de disques et ce sont des craintes qui sont justifiées. Mais, dans le cas de Roadrunner, c’est assez particulier. Pour moi, c’est juste une équipe de gens ultra-professionnels et ultra-passionnés qui font bien leur travail. Il n’y a pas de direction artistique imposée par le label. Ce sont justes des mecs qui choisissent précisément les groupes qu’ils vont signer pour telle ou telle raison. Et nous, on rentre plutôt dans la catégorie des groupes qu’ils ont signé parce qu’ils ont déjà une identité, une force. Un peu comme pour des groupes comme Opeth ou Korn.
Lorsqu’il a été annoncé que vous aviez signé chez Roadrunner, les réactions ont été globalement positives mais il y a aussi eu des réactions de puristes, plus négatives, présentant l’argument selon lequel « quand un groupe a une situation trop confortable, il compose moins avec les tripes ». Quelle est ton opinion là-dessus et qu’aurais-tu à répondre à cela ?
Je dirais qu’ils ont peut-être raison. Je ne suis pas dans la meilleure position pour juger. Je suis complètement dans le feu de l’action. Au moment où je te parle, je suis en face de mon ordinateur, j’ai un micro devant moi, je suis en train d’écrire des textes, je suis à fond dedans. Gojira, c’est vraiment ma vie, c’est mon travail. Je ne suis donc pas forcément le mieux placé pour juger. Je pense qu’il y a des gens qui nous suivent depuis le début et qui sont peut-être plus aptes que moi à dire ce qui est en train de se passer à l’intérieur du groupe rien qu’en écoutant la musique. Ce qui compte pour moi, finalement, c’est la musique. Alors, peut-être qu’ils ont raison mais je n’ai pas eu le temps de me reposer de toute ma vie, de toute ma carrière de musicien, je n’ai pas encore eu l’occasion de voir ce que c’était d’avoir un peu de soutien d’une maison de disques, je n’ai pas eu l’occasion de voir ce que c’était d’avoir un minimum de confort, de pouvoir m’acheter une baraque, par exemple, ça j’en suis très loin ! Donc toutes les considérations, tous les fantasmes, j’en suis quand même assez loin. Je compose avec mes tripes, avec mes compagnons de galère et on ressemble plus à des guerriers qu’à des mecs qui ont le cul bordé de nouilles et qui se font endormir par des gros labels. Donc je pense que ce sont des gens qui ont beaucoup de temps à passer pour réfléchir à tout ça, à ces fantasmes, mais en réalité il suffit d’écouter la musique. Je ne pense pas que l’on puisse calculer. Mais, après, ils ont peut-être raison, peut-être qu’après quelques années chez Roadrunner, ça va ressembler à de la soupe, je n’en sais rien.
Penses-tu que l’on puisse écrire avec la même rage lorsqu’on est depuis dix ans chez Roadrunner et que l’on a, par conséquent, une situation financière confortable, que lorsque l’on est dans son garage, que personne ne nous connaît, qu’on a vraiment des choses à dire et que l’on n’arrive pas à se faire entendre ?
Évidemment que ça n’est pas pareil. Mais, de toute façon, ça ne peut pas rester pareil. Aujourd’hui, j’ai trente-cinq ans, si j’étais dans les mêmes conditions de vie que lorsque j’avais seize ans, eh bien, j’aurais quand même un sérieux problème ! Ça voudrait dire que je serais chez papa, maman, dans ma cave avec des baskets et un jean large et que je ne ressemblerais à rien. C’est logique, lorsqu’on vieillit, de vouloir travailler avec des équipes de professionnels, de vouloir être en contact avec le monde. Alors, oui, il y a beaucoup de nostalgie chez les fans de la première heure qui diront : « Ouais, sur le premier album, ils avaient la gnaque ! ». Mais putain, j’ai trente-cinq balais quoi ! On grandit, on vieillit et puis on fait avec ce que l’on a. De mon point de vue, j’essaie d’analyser notre musique et c’est vrai qu’il y a des choses sur le premier album qu’on ne retrouvera jamais parce qu’on avait quatorze, quinze, seize, dix-sept ans à l’époque et, aujourd’hui, il y a des choses beaucoup plus profondes, beaucoup plus riches, beaucoup plus intéressantes qui surgissent et qui sont dues à notre expérience. Ce ne sont pas les mêmes albums mais c’est la vie, tout change constamment. Quand on achète un objet, il est tout neuf au début et puis, après, il vieillit, on ne peut pas faire autrement. Et avec une vie humaine, c’est pareil, on change, on évolue et je trouve que c’est intéressant d’être souple quand on suit un groupe et d’accepter l’évolution.
Vous avez beau être le groupe de metal français qui a la plus forte notoriété, il y a encore quelques années, vous n’arriviez que péniblement à vivre de votre activité. Peux-tu faire le point sur votre situation financière actuelle ?
Eh bien, écoute, c’est simple, mon compte en banque est complètement vide ! J’attends une avance du label pour pouvoir mettre un peu d’argent de côté pour les mois qui vont venir parce que, concrètement, si on ne tourne pas, on n’a pas d’argent. Donc, quand on signe un contrat de disques, on a une avance d’un label, il faut payer des commissions dans tous les sens : management, avocats, frais divers pour produire l’album et compagnie. Ce qu’il reste à la fin est ridicule, c’est un mois de salaire. Certes, on a une notoriété, mais on ne vend pas de disques. Les disques, ça ne vend pas. Ceux que nous vendons financent en gros l’enregistrement de l’album. C’est la réalité qu’il faut comprendre dans le business de la musique en général ; et le metal n’est pas le seul style à être touché. Nous n’avons pas eu l’occasion de vivre à la grande époque où les gens pouvaient se faire de l’argent sur les ventes de disques, ça n’existe plus. Maintenant, ce qui rapporte de l’argent, c’est vendre du merchandising et partir en tournée. Ce sera la prochaine étape pour nous, étape qui va nous permettre de gagner de l’argent, mais nous n’amassons pas de fortunes. On gagne suffisamment d’argent pour vivre et ne faire que Gojira, ce qui est déjà énorme. Peut-être qu’il y aura un mois un peu plus faste qu’un autre où l’on pourra s’acheter une guitare mais, par exemple, pour s’acheter une voiture, pour s’acheter un appartement, c’est très compliqué parce que nous n’avons pas de contrat d’employeur ni d’assurance. Nous avons des contrats de musique, mais quand il s’agit de s’adresser à un banquier… Il y a un an ou deux, je me disais : « Putain, j’aimerais bien m’acheter une baraque ! Qu’est-ce qu’il faut que je fasse ? » Et, en fait, je ne peux pas encore.
Très concrètement, êtes-vous encore intermittents du spectacle ?
Je me suis installé à New York pour quelques mois et donc je ne pense pas que je vais pouvoir continuer à être intermittent du spectacle. Je compte rester ici un petit moment parce qu’il y a plein de choses qui se passent ici pour le groupe et c’est bien qu’il y ait un de nous ici. Moi, j’adore cette ville, ça me fait du bien d’être là. Donc, je ne sais pas si je vais pouvoir conserver mon statut mais, en effet, les trois autres conservent ce statut.
Justement, c’est comment d’être musicien aux États-Unis ?
C’est complètement différent, c’est la jungle ici ! Rien que pour la sécurité sociale, c’est un truc de malade ! C’est extrêmement cher. J’ai beaucoup de gens autour de moi qui bossent au studio et qui n’ont même pas de couverture sociale. Ça veut dire que s’ils se cassent un bras, ils sont ruinés à vie. Les conditions sont vraiment très difficiles. Par contre, si tu as envie de bosser, c’est plus facile de trouver du boulot. Mais, après, tu peux aussi te faire virer beaucoup plus facilement, c’est plus brut mais il y a plus d’opportunités. Mais quand j’explique aux gens l’intermittence, ils hallucinent, ils n’arrivent pas à saisir le concept.
Vous êtes un des rares groupes français étiquetés rock/metal qui arrivent à vivre de leur musique. Quels conseils pourrais-tu donner aux musiciens qui nous lisent et qui souhaiteraient arriver à vivre de la musique rock ? Que faut-il faire et que faut-il ne pas faire ?
Il faut mettre de côté toutes les peurs et tous les questionnements que l’on peut avoir. Je me rappelle quand on a commencé, les gens nous disaient : « Mais, les gars, vous hallucinez ! Concentrez-vous sur vos études, qu’est-ce que vous foutez ? ». On n’a pas réfléchi et pendant des années on a travaillé très dur. Pour ceux qui débutent, je ne conseille pas forcément de foncer tout droit, de passer la moitié de son temps sur Facebook, sur Twitter, Myspace et compagnie. Il faut répéter, il faut jouer, il faut bosser très dur son instrument, il ne faut pas réfléchir à comment ça va se passer, à comment on va faire pour être des stars. Il faut se concentrer sur le cœur de la matière. C’est ce qu’on a fait pendant à peu près dix ans : avant même d’avoir un site internet, on avait déjà cinq démos à notre actif. Je pense que c’est ça qu’il faut faire. Je viens d’une autre époque un peu plus « old school », on enregistrait des démos sur cassette pour trente francs. Mais, ce que je conseille, c’est de vraiment arrêter toutes les guignolades, c’est à dire arrêter de penser au marketing, à la coupe de cheveux et aux tatouages et, à la place, se concentrer sur son instrument.
Tu trouves que trop de groupes à l’heure actuelle commencent à se présenter devant un public alors que, finalement, ils savent à peine jouer de leur instrument ou jouer leurs compositions ?
Ça n’est pas le cas de tous les groupes, au contraire. Je trouve qu’il y a beaucoup de groupes très talentueux qui émergent dans tous les sens, notamment en France. Je sais que souvent on est surpris par un groupe qui existe depuis deux ans et qui met une claque à n’importe qui et qui ont besoin de se faire connaître. Le conseil que je leur donnerais serait de ne pas trop conceptualiser la recette du succès mais surtout de travailler, de monter sur scène et de foncer tête baissée. Il faut croire en sa musique et ne pas perdre de vue que tout est possible, parce que c’est vrai, tout est possible ! On ne sait pas, peut-être que le prochain Metallica se cache actuellement dans la Creuse. Il n’y a pas de règle, il ne faut pas faire attention aux statistiques, à ce qui se fait d’habitude. Je me rappelle, tout le monde nous disait : « Mais, les gars, vous devriez aller sur Paris si vous voulez réussir ». Eh bien, non, on est restés à Bayonne et ça ne nous a pas empêché de réussir à l’étranger.
D’autant plus que votre musique n’est pas la plus accessible qui soit…
C’est parce qu’on y a mis nos tripes, on y a mis tout notre cœur et on n’a jamais perdu l’espoir.
Concernant le prochain album, tu insistais dans une interview sur l’importance du jam. Tu disais que les grands groupes, avant de composer, passaient des heures à répéter, etc. Peux-tu développer cette idée ?
Quand on écoute un album, on a envie de sentir des gens qui jouent ensemble. Que ce soit un chanteur, un artiste ou un groupe, peu importe, il faut que ce soit vrai. Ce qui est intéressant, c’est de sentir la vibration qui existe entre trois, quatre ou cinq musiciens et ça, on ne peut l’obtenir qu’en jouant en groupe. Il nous est déjà arrivé de composer sur ordinateur mais il faut obligatoirement passer par l’étape de la répétition. Il y a ce phénomène qui se développe, d’éditer la batterie sur ordinateur, de faire écrire des plans incroyables puis de ne pas être capable de les rejouer sur scène. Donc, oui, je pense que c’est important de jammer.
Il semble que pour ce nouvel album, c’est la première fois que vous travaillez avec un producteur.
Oui. J’ai toujours été concerné par la production, en gros j’ai toujours suivi les enregistrements de Gojira de A à Z. Je fais à chaque fois les pré-productions. On s’enregistre dans notre local de répétitions, puis on part en studio avec un producteur, mais je suis le processus intégralement, je m’occupe de la direction artistique : « Sur tel passage ça doit être un peu comme ça, là ça doit être un peu comme ça ». La production est quelque chose d’ultra-précis. Là, j’avais besoin de quelqu’un qui apporte un truc supplémentaire au groupe et je pensais surtout au son. Et je suis tombé sur un mec, Josh Wilbur, qui a, entre autres, produit des albums de Lamb Of God. C’est un mec plein d’énergie qui a des idées en permanence et nous coproduisons l’album.
Est-ce que Josh vous donnait aussi des conseils artistiques ou son rôle était-il limité au son ?
C’est très difficile de nous donner des conseils artistiques… Pour lui c’est difficile parce qu’il est confronté à un groupe qui fait exactement ce qu’il veut. Donc, oui, par moment il propose des idées artistiques mais cela concerne plutôt l’interprétation, par exemple : « Tiens, cette note, tu la fais vibrer, essaie de la faire plus plate », etc. Ce sont des trucs très techniques mais il n’intervient pas vraiment au niveau des mélodies, au niveau des atmosphères, au niveau des structures de morceaux. Cela dit, il y a un morceau où il a dit qu’il trouvait qu’il y avait un développement qui ne se faisait pas à la fin d’un titre, on en a parlé avec Mario et il avait mis le doigt direct sur une faiblesse d’un morceau, on était complètement d’accord. Il est donc comme une oreille, un œil extérieur qui vient, qui pointe certaines choses et on accepte ou non. Mais son apport est essentiellement au niveau du son. Lui et moi avons eu plusieurs rendez-vous à New York pour parler de l’approche sonore, je lui ai expliqué ce que je voulais et, au moment où on a placé le micro, c’était en fonction de ce que j’avais expliqué, donc lui il transforme techniquement mes attentes.
Le fait de ne pas écouter les éventuelles idées qu’il aurait pu apporter, est-ce un choix par principe ou bien est-ce que ses idées ne vous semblaient simplement pas pertinentes ?
C’est une question très intéressante… C’est là qu’est le souci justement. C’est un peu les deux, par principe parce que quand le groupe sort un album, si c’est un producteur qui a modifié des mélodies, ça n’est plus vraiment l’album du groupe avec ses forces et ses faiblesses, je tiens à garder aussi les faiblesses que nous avons ou les choses un peu maladroites qui font notre charme. Donc oui c’est un peu par principe mais parfois il propose des choses qui sont pertinentes et on écoute quand même, on se réserve juste le droit de dire à la fin si ça nous plaît ou pas.
Tu as annoncé en interview que les gens ne seront ni déçus ni surpris par le prochain album. Ne penses-tu pas que, justement, ce qui a plu aux fans du groupe, c’est votre capacité à les surprendre ?
Oui, peut-être, je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça, c’est con ! Des fois j’ai une idée en tête, je dis quelque chose, c’est retranscrit d’une certaine façon et, après, quand je lis, je suis surpris. Ce que j’ai voulu dire, c’est que je n’ai rien d’exceptionnel à annoncer, tu vois ce que je veux dire ? C’est du Gojira, il y a de la double pédale, de la guitare qui tranche… Ce que j’espère, c’est que ce sera un album de Gojira, que les gens qui nous aiment pourront reconnaître ce qu’ils aiment dans cet album mais en plus puissant. Depuis le début ce qu’on fait est une espèce de recherche de puissance, de profondeur, de beauté, de poésie, de rêve. On vise toujours plus haut quand on fait nos morceaux. On a des attentes qui sont extrêmement hautes, donc, si on arrive ne serait-ce qu’à un centième de ce que l’on espère, ça sera pas mal [rires]. Alors, quand je dis qu’ils ne seront pas surpris, c’est par fausse modestie parce que j’espère évidemment qu’ils le seront et qu’on va leur trouer le cul, bordel !
Maintenant que tu es un artiste signé chez Roadrunner, il faut quelque part beaucoup plus contrôler sa communication car tout ce que tu dis est forcément repris. [rires]
Oui, mais c’est marrant. Je n’ai pas peur de me contredire, ce n’est pas très grave, je ne suis pas président d’un pays. [Rires] En gros, ça va le faire, ça va être un super album, moi je suis super content jusqu’à maintenant. Je suis en train d’accoucher les voix, je n’ai donc pas encore le recul nécessaire mais je pense que ça va quand même être assez tonitruant. C’est plein d’énergie, c’est beaucoup plus mature qu’avant. J’adore déjà cet album et ce avant même qu’il soit fini.
Vous aimez beaucoup tester la sonorités d’objets qui n’ont rien à voir avec des instruments. Vous avez beaucoup utilisé le bambou jusqu’à présent. Qu’avez-vous utilisé sur ce disque ? Une porte, apparemment ?
Oui, c’est une transition d’album qu’on a enregistrée. C’est Mario qui a composé ce truc de A à Z, il a crée un espèce de pattern rythmique. J’avais insisté pour qu’il y ait des sons un peu originaux parce que, quand on est un groupe de musique, ça ne veut pas dire qu’on va se cantonner à une basse, une guitare, une batterie. On est là pour s’exprimer, on est des artistes, alors pourquoi pas une porte ou une baignoire pour faire du bruit ? Pourquoi se limiter à une batterie ? On avait donc en tête d’ouvrir un peu l’espace sonore de cet album en faisant des expérimentations comme on fait toujours sur nos albums et en passant la porte du studio on s’aperçoit que la porte en métal sonne super bien. Mario est descendu avec une paire de baguettes, il a fait deux ou trois essais et on s’est dit : « Putain, c’est avec ça qu’il va falloir expérimenter ! » Après, il y aura d’autres trucs qui viendront aussi.
Comme quoi ?
Tu veux tout savoir ? [Rires] J’ai en tête d’utiliser des instruments un peu exotiques mais il faut que je m’y penche, je n’y suis pas encore.
Dans ce cas ça veut dire qu’il va falloir amener une porte sur scène quand vous allez jouer en concert !
[Rires] Non, justement, c’est ça qui est intéressant avec un album. Il y a trois écoles. Il y a les groupes qui veulent absolument faire sur album ce qu’ils vont pouvoir refaire sur scène, il y a ceux qui vont envisager l’album comme un espace illimité de création et qui adaptent ensuite leur musique pour la scène. Nous, on se situe dans la troisième école, c’est à dire un peu entre les deux. On est un groupe de rock/metal old-school, on a des morceaux « un-deux-trois-quatre-boum », ça pète et on le refait sur scène sans problème. On n’utilise pas d’effets particuliers mais on se laisse un espace libre sur nos albums pour développer les choses, pour faire des fins de morceaux hallucinantes, rajouter des effets de guitare à l’envers, des plaques métalliques, des trucs, des bruits de vent, etc. et partir quand même sur la route avec deux guitares, une basse, une batterie et faire nos morceaux.
Sur le précédent album, Christian [Andreu] et Jean Michel [Labadie] étaient plus ou moins absents du processus de composition et ont presque découvert le disque en tant qu’auditeurs. C’est la même chose sur ce disque ?
[Rires] C’est un petit peu exagéré. Non ça n’est pas la même chose, on a vraiment bossé les quatre ensemble sur cet album. Mario et moi sommes quand même à la base de toutes les compositions, nous sommes aussi sur la production de l’album, dans tous les arrangements, on travaille essentiellement tous les deux en studio. Mais au moment de l’accouchement des morceaux, de la composition on est quand même quatre. Nous sommes tous les quatre dans le local à jouer les morceaux, nous sommes très solidaires là-dessus. Et même si Mario et moi aimons bien nous retrouver les deux pour faire des arrangements, pour discuter, c’est un truc qui se fait naturellement. Ils ne sont pas exclus d’un quelconque processus. D’ailleurs je crois qu’ils étaient contents de passer un petit peu plus de temps en France pendant que nous commencions à faire le boulot aux États-Unis.
Tu disais que tu bossais un petit peu sur les paroles, peux-tu nous dire de quoi va parler l’album ?
Putain, ça me fait chier cette question ! [Rires] Cet album va parler en définitif de choses très personnelles, comme sur tous les albums de Gojira. Mais, vu que je suis en train de l’écrire, c’est un peu difficile d’en parler mais il y a quelque chose qui est plus proche de l’humain dans cet album que par le passé. Par le passé, j’avais tendance à écrire sur la vie, sur la mort dans la globalité des choses. Je parlais d’un point de vue très spatial, de l’humanité en tant qu’espèce, je parlais d’autres dimensions. Ce sont des choses qui m’habitent et qui sont vraies, j’étais vraiment honnête quand j’écrivais là-dessus, sur les potentiels qui existent dans l’univers et qui m’inspirent. Cependant, là, je suis revenu à des préoccupations plus quotidiennes, plus proches de l’identité dans la société. Je dirais que c’est plus terre-à-terre. Je parle de mon souci de liberté dans cette vie, dans cette société et de la problématique de l’identité : qu’est-ce que je suis ? J’ai un nom, j’ai un statut, je suis chanteur dans un groupe, je suis français, j’ai un prénom, un numéro de sécurité sociale, mais qu’est-ce que je suis au-delà de ça ? J’ai l’impression d’être un enfant sauvage qui vient de sortir de la forêt.
En fait tu cherches un petit peu ta place dans le monde ?
Je pense être assez à l’aise vis-à-vis de ma place dans le monde, mais j’y réfléchis. Je note aussi toutes les souffrances qui sont autour de moi, les problèmes identitaires des gens, des gens qui passent leur vie à faire l’impasse sur des choses, ce qui les tue. Ils n’attendent qu’une chose, c’est la retraite pour pouvoir être libres et à la retraite ils ont soixante-dix balais et ils souffrent parce qu’ils sont passés à côté de leur vie. Je pense à tout ça, je cherche à définir mon souci de liberté dans la vie, ce que c’est que la liberté. Plus tu te rapproches de toi-même et de ton cœur, plus tu peux être en contact avec l’autre.
Du coup, te considères-tu comme quelqu’un de libre ?
Oui, mais je constate que même si j’ai choisi d’être musicien et je le fais, même si je choisis d’enregistrer un album et je le fais, ça me fait quand même chier de me lever le matin à 8 heures pour prendre le métro et aller au studio. Je suis libre de prendre la décision de faire ce que je veux dans la vie mais je ne suis pas libre de faire tout ce qui me passe par la tête à chaque seconde. Cet album est une réflexion par rapport à ce qu’est la liberté.
Finalement, tu te demandes si la liberté peut vraiment être totale…
Oui, ou du moins, où se situe-t-elle ? Je pense qu’on peut être dans une cage derrière des barreaux avec des menottes et se sentir libre, c’est plutôt un état d’esprit. C’est quelque chose qui se passe sur un plan spirituel et moral. Je ne pense pas que cela soit une condition physique et quelqu’un qui est derrière des barreaux peut finalement être cent fois plus libre dans sa tête qu’un milliardaire sur son yacht. L’album n’est pas un essai philosophique, ce n’est pas quelque chose qui prétend donner une vérité, c’est juste une réflexion.
Aimerais-tu être plus libre que tu ne l’es ?
Bien sûr, c’est mon souci principal dans la vie.
Aurais-tu déjà une idée de titre ?
Oui, mais je ne suis pas sûr à 100% et je n’ai pas envie de le divulguer maintenant. Je ne l’ai même pas dit à ma mère !
Aujourd’hui, les formations récentes connaissent régulièrement des changements de line-up alors que vous non. Quel est le secret ?
On a la chance de s’être trouvés tous les quatre. Je ne le disais pas trop avant parce que je ne crois pas trop à la chance mais, tout de même, on s’est trouvé et ça colle bien entre nous. On a eu des moments difficiles, des hauts et des bas mais on a toujours réussi à surmonter les épreuves par la parole, par la discussion. La communication est vraiment importante dans un groupe. Je dirais que c’est ça le secret.
Arriverais-tu à concevoir l’idée d’un Gojira sans l’un de vous quatre ?
Tu fais chier avec tes questions ! [Rires] Non ! Même si un jour ça devait arriver, je ne sais pas comment je réagirais. Mais, là, j’ai effectivement beaucoup de mal à le concevoir. Une grosse part de la force du groupe, c’est que nous sommes tous les quatre vraiment très soudés. Je n’aime pas trop ta question, je n’aime pas réfléchir à ça ! [rires]
Maintenant que vous avez une réputation internationale, vous jouez forcément moins souvent en France, quel effet est-ce que cela fait de retrouver le public, on a senti une grande émotion lorsque vous êtes venus jouer au Sonisphere l’an dernier.
Oui, c’est vrai ! Quand on part en tournée, on est très concentrés pour faire les choses bien. Peu importe où nous sommes, nous essayons de donner notre maximum. A vrai dire, on n’essaie même pas : on est tout le temps à notre maximum. On est dans un état second et, finalement, la place qui est laissée à l’analyse de ce qui est en train de se passer ou de ce que l’on ressent, se passe souvent après coup : « Putain, c’était bien de jouer là ! ». On est très studieux, on est très occupé, on doit changer nos cordes de grattes, se préparer, s’échauffer, se concentrer et on n’aborde n’importe quel concert de la même façon. C’est vrai que ce concert au Sonisphere, c’était quelque chose. On a tellement joué en France et ça reste une part importante, on fait beaucoup de choses en France comparé à d’autres territoires. Ça faisait longtemps qu’on n’était pas monté sur scène et puis c’était une belle foule, il y avait quand même entre trente et quarante mille personnes !
Nous avons entendu que ton frère Mario faisait des peintures, où en est-il ?
Oui, c’est un hyperactif incorrigible !
J’ai l’impression que tous les batteurs sont hyperactifs…
Oui, c’est vrai. Déjà, pour être batteur, il ne faut pas être net. Mario, c’est un mec ultra doué, hyperactif qui est tout le temps en train de produire. Il a une production créative incessante. Il n’arrête pas, il fait de la photo, de la peinture, du dessin, de la batterie, il compose des morceaux sur synthé, il surfe… C’est un hyperactif ! Ça ne se voit pas forcément tout de suite parce que c’est un mec assez calme et posé mais en fait c’est un monstre de créativité et tout ce qu’il touche, il le fait super bien.
Interview réalisée le vendredi 16 décembre 2011 par téléphone
Retranscription : Isa
Site Internet de Gojira : gojira-music.com
Bonjour
Mon fils est allé vous voir le 26/05/2015 à Orléans. il est revenu très content et en plus avec un médiator noir votre nom du groupe écrit en blanc ce qui lui a fait bien plaisir.
Mais hélas un jour il m’a demandé de lui apporter sa guitare et j’ai perdu le médiator sur le chemin. Je suis vraiment extrêmement déçu et je ne vous raconte pas mon fils comment il avait de la peine et je le comprends.
Je viens donc vous posez une question: est-il possible d’en recevoir un et de vous le payer?
Ce serait avec joie et tout mes remerciements de votre part si ce geste de gentillesse pouvait se réaliser.
Une maman qui aime son fils.
Cordialement
Mireille
[Reply]
Je trouve votre musique très harmonieuse,sensuelle et sexy et je commence a étudier les paroles qu’un anglo saxon ne peut certes pas comprendre.merci pour les émotions que vous procurez. C’est la première fois que je vibre pour du métal.A 56 ans, j’ai découvert une nouvelle source de joie. Merci Josef et ce n’est pas unpzyronyme de rock star.Bisous.
[Reply]
tiens je savais pas qu’ils étaient bayonnais ! -fier-
[Reply]
Merci pour cette superbe interview, du bon boulot, en attendant que l’album sorte, Gojira m’accompagne dans la vie à la recherche de la liberté !!!
Bon courage au groupe dans cette ville intense…
[Reply]
génial et pis c’est tout, VIVE GOJIRA!!! merci a eux, maintenant a l’étranger la France c’est, le pain, le vin, le beret et GOJIRA
[Reply]
j’ ai toujours eu du respect , pour les musiciens français qui font les choses a fond …
dans un style musical ou personne n’ en vit quasiment a part trust et gojira a priori sauf erreur de ma part , mais il y a aussi un autre facteur dont bizarrement personne ne parle généralement , l’argent !!! exemple concret gojira n’ a pu ouvrir pour metallica au states , que parce que ou son label listenable , ou quelqu’ un dans l’ entourage du groupe a déboursé pour ce faire la modique somme de 100 000 dollars !!! donc c’ est de l’ économie pure et simple celui qui a payé cette somme pense récupérer au moins le double de son investissement initial , c’ est un pari strictement commercial , sur l’ avenir !!! et cela il n’ y a quasiment aucun autre groupe de metal » extrême » hexagonal qui peut se le permettre c’ est évident !!! oui les gens du groupe sont méritant ils prennent leur zic très au sérieux , mais sans argent pas de tour support prestigieux … donc a méditer , tout est business de nos jours le metal extrême comme n’ importe quel autre produit de grande consommation .
[Reply]
pense aussi a des groupes comme benighted , Dagoba qui vont surement suivre la lancée de gojira 😉
Bravo pour cette interview.
Les réponses sont très intéressantes car, comme souvent, les questions sont pertinentes. Métalo deviendrait-il un bon journaliste ?
[Reply]
Merci beaucoup !
à Joe pour cette franchise et cette gentillesse 🙂 On apprend plein de chose sur le métier
et à Radio Metal pour cette très bonne interview
[Reply]
Il manque une question qui aurais du être posé!!!!! Surtout en cette période:
« Joe tu as demandé quoi au Père Noël? »
[Reply]
Article édité avec l’audio de l’interview. Et ça vaut le coup de l’écouter, pour encore mieux profiter de cet échange et entendre la sincérité dans la voix de Joe.
[Reply]
Très très bonne interview,
hate que le skeud sorte,
et Joe toujours aussi sage et franc.
[Reply]
Superbe interview ! Joe on t’aime !! Continue comme ca !
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Ca lui arrive de jouer sur telecaster mais je crois qu’il a un modèle signaure
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Intéressante cette interview et pas commune ! Merci d’avoir posé « les questions qui font chier » 🙂
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Salut joe allez vous faire des concert en france pour cet album ?
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Super interview ! Des nouvelles très intéressantes !!
J’en peux plus d’attendre votre album, qu’il arrive vite \m/
En tout cas, qu’est-ce que c’est cool de pouvoir dire : « J’y étais, à ce putain de concert de Gojira au Sonisphère !!! »
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Euh question de gratteux : il joue avec une Telecaster ???? vous avez des infos là dessus ?
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Merci pour l’interview. Super pertinente et Joe à toujours des propos très justes.
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Je ne suis pas trés fan de Gojira, mais cette interview et les propos de ce mec me plaise vraiment beaucoup.
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Enorme.
Merci pour les questions pertinentes!
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Jésus Marie Joseph !!
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Et bah voilà pourquoi j’aime cette radio! Vous faites des putains d’interviews avec des gens énormes! Merde quoi, Merci! 🙂
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Merci pour l’interview ! ça fait plaisir 🙂
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Merci pour cette très chouette interview 🙂
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Faites lire cette interview à tout le mec qui crient au « bobo » à chaque news concernant Gojira sur VS ! C’est tellement devenu une habitude que s’en est devenu lamentable.
En attendant le groupe surprend avec du neuf sur chaque album alors je pense que le prochain ne fera pas exception, surement l’un des albums les plus attendus de 2012.
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Putain d’interview !
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Quel mec ce Joe… J’ai vraiment hate de voir ce que va donner le nouvel album
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superbe interview =D impatient d’avoir cet album entre mes mains et de vous revoir sur scène Gojira ! =D Au sonisphère c’était géant lml
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interview énorme ! on sent que Joe est vraiment impliqué à chaque question ! Bravo.
En lisant les mots de Jo, on comprend pourquoi on est fan de Gojira, et pas seulement fan de leur musique! Bon courage pour ta maison! Tu l’aura avec vue sur les rouleaux de Ondres!!! ^^