A la question « Être le 1er groupe de metal en France en termes de notoriété, c’est difficile », Joe Duplantier, chanteur de Gojira, humble mais non moins taquin, répond, avec un rire : « Non, ça va, c’est cool ! »
Il fallait s’y attendre. La signature de Gojira chez Roadrunner dérange. Voilà un an que certains fans français du groupe y voient le début de la fin, craignant que ce changement ait des conséquences sur cette sacro-sainte et quelque peu obscure notion qu’est « l’intégrité musicale ». Bien évidemment, les membres de Gojira ont eu vent de cette polémique. Sans surprise, ces critiques, absolument pas musicales, leur passent au-dessus. Joe Duplantier nous fait à ce titre un rappel important : « Notre souci est avant tout artistique, et pas d’avoir l’air intègre ou de vendre des disques ». D’ailleurs, L’Enfant Sauvage, dernier album du groupe, avait été écrit avant même que la signature ne se fasse.
Le chanteur a néanmoins pris le temps de répondre à quelques-unes de ces craintes.
Face à un public exigeant et parfois sévère envers le patronat ou le fonctionnement entrepreneurial, Joe rappelle la réalité du travail pour Gojira, un groupe qui n’a pas voulu se contenter de la tâche déjà difficile de vivre en France en tant qu’intermittent, mais qui a voulu conquérir le monde. Il nous décrit également Roadrunner de l’intérieur, présentant son équipe comme particulièrement motivée et passionnée.
Sur un plan plus artistique, il décrit L’Enfant Sauvage comme le résultat du travail d’un groupe qui a muri, qui ne cherche plus à (se) prouver quoi que ce soit, mais qui cherche seulement à s’exprimer.
A ce titre, Joe nous annonce également que le groupe s’exprimera à nouveau via un nouvel album plus vite que ce à quoi on a été habitué.
Quel bilan dresses-tu des six mois écoulés depuis la sortie de L’Enfant Sauvage ?
Joe Duplantier (chant, guitare) : Un bilan plutôt positif, je dirais. Plusieurs aspects différents rentrent en compte : comment nous vivons les morceaux, la réaction du public, de la presse et des maisons de disques. L’album est bien reçu, on est bien critiqués aussi, ce qui est bon signe (rires) ! Il y a une espèce de polémique autour de l’album mais, en règle générale, et surtout à l’étranger, celui-ci est très bien reçu.
Quelles sont ces polémiques que tu évoques ?
Cela concerne la signature du groupe chez Roadrunner, et donc pour certains, le groupe a changé : le premier album restera le meilleur, et ce genre de truc, quoi. Mais bon, c’est normal, cela ne me touche pas plus que ça, surtout qu’on vit une réalité bien différente de l’intérieur. Par rapport à Roadrunner, on est enfin chez une structure qui correspond au niveau international où on en est aujourd’hui et qui nous apporte des choses, par exemple dans la promo et tout ça. C’est toujours délicat de bosser avec une grosse maison de disques, car Roadrunner, c’est Warner depuis peu, mais on a suffisamment la tête sur les épaules et on connaît le business de la musique pour ne pas se laisser bouffer et marcher sur les pieds : on est vigilants. On a étudié notre contrat presque six mois avant de le signer : on sait où on met les pieds. Maintenant, ce qui compte pour nous, c’est si les morceaux confirment ou pas au niveau scénique : notre souci est avant tout artistique et pas d’avoir l’air intègre ou de vendre des disques. Nous faisons trop de compromis dans nos vies pour faire cette musique pour pouvoir après être déçus des morceaux. Ça fonctionne : les morceaux sur scène explosent bien et le truc qui se passe est génial.
Par rapport à ce que tu disais à propos des polémiques engendrées par votre signature chez Roadrunner, on s’aperçoit que la musique y tient peu de place en fait…
De toute façon, de nos jours, on entend tellement de choses, on voit tellement de commentaires sur les réseaux sociaux : le mec se lève de son lit, il est encore en caleçon, et déjà il balance des trucs sur Facebook. On ne peut faire attention à tous les commentaires. En outre, j’ai jamais eu en face une personne me disant : « C’est de la merde ce que vous faites depuis que vous êtes signés sur un label ». Je sais quelle est notre démarche, notre raisonnement et, de plus, il y a quelque chose que les gens ne savent pas, c’est que L’Enfant Sauvage a été composé avant même que nous soyons signés chez Roadrunner. C’est le petit truc qui me fait dire : « Non, même inconsciemment, on n’a pas été influencés par tout cela ». Tu sais, la vision des gens est un peu manichéenne : c’est un peu plus compliqué que « c’est bien » ou « c’est mal ». Cela dépend de beaucoup de choses et essentiellement du groupe : si celui-ci fait ce qu’il veut, suit une ligne de conduite depuis des années, tout ne change pas aussi facilement.
L’Enfant Sauvage est sorti quatre ans après The Way Of All Flesh. Après un laps de temps pareil, les réactions des gens ont parfois tendance à être extrêmes, qu’elles soient positives ou négatives. As-tu ressenti cela ?
Oui. C’est un peu la même chose à chaque album : on met beaucoup d’attention dans ceux-ci, et chaque album est un chapitre de l’histoire du groupe. De ce simple fait, le tout prend une importance autre que si l’on sortait un disque tous les ans ou si l’on balançait tout le temps des morceaux sur Internet. Pour nous, chaque album est un gros truc et après, généralement, on part sur la route pendant longtemps. Ce qui s’est passé entre la sortie de The Way Of All Flesh et L’Enfant Sauvage, c’est qu’il y a eu beaucoup de changements autour du groupe, que ce soit au niveau du management ou de la signature chez Roadrunner. Cela nous a pris du temps et de l’énergie pour reconstruire une équipe. Un an s’est écoulé pour régler tout cela. On aurait pu sortir L’Enfant Sauvage avant si nous n’avions pas été pris entre la signature de contrats, le management et d’autres trucs. The Way Of All Flesh était une fin de cycle : avec L’Enfant Sauvage, c’est un nouveau. Le prochain album ne se fera pas autant attendre.
Lorsque nous avons parlé avec Mario (NDLR : Mario Duplantier, frère de Joe et batteur de Gojira), il nous avait déclaré qu’il trouvait le dernier album plus simple, notamment en termes de structures. Penses-tu que cela vous a permis de toucher un plus large public ?
Oui, évidemment : c’est mathématique. Si l’on avait composé des trucs plus complexes, on aurait plus largué les gens. On aurait attiré des fans de Dillinger Escape Plan et autres, mais, en fait, on est de plus en plus vieux (rires) ! J’aurais pu trouver un autre moment pour dire ça, mais on vieillit, quoi ! On est tous dans notre trentaine, et on n’est plus comme à 19 ans avec des envies de ne faire absolument que du death-metal technique : notre musique se simplifie, on se débarrasse de couches en grandissant. Voilà, j’emploie ce terme plutôt que « vieillir », car ce n’est pas qu’on se ramollisse et qu’on ait envie de faire de la musique plus soft : on mûrit. On va plus droit au but : je crois que c’est symptomatique d’un épanouissement en tant qu’artiste et cela touche plus de gens. Ce n’est pas que notre musique soit forcément plus accessible : elle est tout simplement meilleure, sur un certain plan, bien sûr. Après, il y aura des gens qui voudront entendre un truc bourrin à 100 %, très extrême, et qui se tourneront vers d’autres groupes, mais il y a eu une véritable évolution, je pense, au niveau des morceaux et de l’harmonie.
Les trucs trop extrêmes sont-ils donc la marque de la jeunesse ?
Oui, en règle générale. Je me rappelle que lorsque j’avais 17, 18 ans, il fallait que ça aille à 2000 km/heure. Pour que cela m’intéresse, il fallait que ce soit hyper-extrême. Plus le temps passe, plus j’écoute d’autres choses et me pose dans ma vie. Je suis un peu moins tourmenté. Mais, par contre, je n’ai pas perdu ma fougue. Celle-ci évolue, se transforme. Je parle pour moi, bien sûr : il y a des gens qui, en grandissant, se tournent vers des choses plus extrêmes.
Tu ne ressens plus le besoin de prouver aux autres quelque chose en termes de technique ou de musique extrême, et donc tu t’exprimes, en quelque sorte, de manière un peu plus honnête ?
Tout à fait. Je pense que lorsque l’on est adolescent, on a beaucoup de choses à se prouver à soi-même, déjà. On a besoin de montrer qu’on est le meilleur, qu’on est fort. Je trouve qu’en mûrissant, j’ai plus envie d’exprimer que de prouver quelque chose : exprimer une simplicité, mais aussi une faiblesse. Tu vois, dans les paroles du dernier album, je parle pas mal de mes faiblesses, de mon rapport à la société par exemple. Ce sont des choses plus terre à terre, plus simple et non plus une exploration des méandres de l’espace intersidéral ! (rires) Personnellement, cela me fait du bien car je m’y retrouve. Cela correspond aussi à des étapes de ma vie. C’est donc une évolution naturelle et humaine. On n’essaie pas d’avoir plus de fans, même si je vais être honnête avec toi : plus on en a, mieux on se porte. Plus il y a de gens aux concerts, plus on a de chances de payer notre loyer à la fin du mois. On est ainsi confronté à des réalités mais on a cette rigueur et cette passion pour la musique qui ne nous fera jamais composer un refrain accrocheur pour vendre plus de disques. J’espère que la vie va nous préserver de cela ! (rires)
Tu disais qu’être adolescent, c’est essayer de se prouver des choses à soi-même : d’après toi, cela s’arrête-t-il lorsque tu as réussi à te prouver ces choses-là, ou simplement quand tu arrêtes d’essayer ?
Ça s’arrête à force de te prendre des baffes dans la gueule ! (rires) La vie est toujours là pour te remettre le nez dans ton caca : si tu as une attitude arrogante, la vie s’arrange toujours pour te le faire comprendre. Au bout d’un moment, une forme de sagesse arrive, je pense. N’importe qui, s’il n’est pas trop fermé au monde extérieur, acquiert celle-ci avec l’expérience : c’est une chose que je savoure car je suis moins tourmenté qu’avant, j’ai moins de mal avec les gens même si je suis toujours un peu autiste ou misanthrope ! (rires) Je me sens mieux dans mes journées, dans mes nuits, dans mes rêves et avec les gens. Ce bien-être vient petit à petit : la musique, l’attitude sont donc moins explosives et démonstratives mais on se sent bien. Les gens qui viennent vers nous aujourd’hui captent peut-être cela, même si, attention, on fait du metal assez intense.
Revenons à l’album : comme celui-ci, avec les réserves qu’on peut appliquer à ce mot, est plus « direct », as-tu pu constater un changement dans l’attitude du public ? Par exemple, celui-ci bouge-t-il plus comme les morceaux sont plus rentre-dedans ?
Pas vraiment. Tu sais, un concert de Gojira, cela reste essentiellement un attroupement de mecs avec des cheveux longs, des barbes et des tee-shirts de metal faisant les cornes du diable et des pogos. Cela dépend plus des régions, des villes dans lesquelles on joue : les publics sont vraiment différents. Il y a le public citadin, de campagne, écossais, français, russe : chaque fois, c’est différent. C’est rigolo, d’ailleurs. Dans certaines villes, il y a plutôt des ados, dans d’autres, des trentenaires. Hier, nous étions à Southampton, en Angleterre : le public était assez âgé, entre guillemets. C’étaient des mecs avec des T-shirts de metal old-school à la Pantera qui avaient l’air de bien s’éclater sur la musique : en voyant la façon dont ils bougeaient, on pouvait voir que c’était des vieux metalleux. En ce qui concerne la ville précédente, comme elle était étudiante, il y avait plus de jeunes. C’est marrant : il n’y a pas un public de Gojira, il y en a plusieurs selon les lieux. Mais, en gros, cela n’a pas trop changé. J’ai toujours cette même sensation sur scène : on reçoit le même truc du public, la même fougue. Il y a peut-être plus de filles, maintenant que tu me poses la question. C’est plutôt bon signe pour nous ! (rires)
Vois-tu une grande différence en termes de promotion depuis que vous avez signé chez Roadrunner ?
Comment te dire ? Cela fait plus de dix ans qu’ils bossent et c’est pour nous une grosse différence. Lorsque nous étions chez Listenable Records, il y avait une petite équipe très humaine : je fais d’ailleurs une dédicace à Laurent Merle (NDLR : le manager de Listenable Records), qui est un super pote à nous. C’est un mec passionné, il est complètement indépendant, il a fait ses propres réseaux dans chaque pays et cela a été bien de bosser avec lui : on a bénéficié d’un super développement grâce à Listenable Records. Avec Roadrunner, c’est une maison qui est internationale, donc les relais sont très fluides, les équipes sont organisées, des gens sont présents dans chaque territoire : lorsque nous arrivons dans une salle, des attachés de presse sont présents qui bossent et organisent la promo. Pour nous, ce sont des choses qui sont un peu difficiles à expliquer car il faut vivre notre quotidien pendant des années pour comprendre la différence que cela produit. Pour un cycle d’albums, on gagne beaucoup plus d’énergie lorsqu’il y a plus de structure, plus d’organisation, et ce dans tous les plus petits détails de la vie quotidienne : cela change absolument tout, mais les gens ne peuvent s’en rendre compte de l’extérieur. Roadrunner est une machine bien huilée, ça roule, mais cela reste une plate-forme : ce qu’on va dire, composer, exprimer su scène ne sera pas altéré par la maison de disque.
Est-ce que le staff qui vous accompagnait avant votre signature chez Roadrunner vous a accompagné ?
Par exemple, notre tour-manageuse est tombée enceinte ! (rires) Pour elle, les tournées, c’est fini : elle est mariée, donc c’est terminé. Notre éclairagiste s’est mis à la peinture ! (rires) Roadrunner n’a pas tout changé : il se trouve que les étoiles se trouvaient alignées à ce moment-là ! The Way Of All Flesh traite de la mort, de la fin de vie et pour L’Enfant Sauvage, qui aborde le thème la naissance, un truc quasi mystique est arrivé : on a eu un gros changement de personnel mais on n’a viré personne. Bon, allez, on en a viré peut-être un ou deux, mais cela n’a rien à voir avec Roadrunner ! (rires) Ce sont des vas-et-viens assez naturels dans la vie d’un groupe : un éclairagiste te suit pendant une tournée, puis il part avec un autre groupe, et toi tu en embauches un autre. A chaque tournée, il y au moins un mec qui change, qui s’en va ou qui arrive. Pour le dernier album, il y a eu beaucoup de mouvement : je crois que deux personnes sont restées avec nous dans l’équipe. Les autres ont fait leur chemin : on s’est séparés, mais cela n’a rien à voir avec Roadrunner.
Peu de temps après votre signature chez Roadrunner, des membres de leur staff, des groupes sont partis eux aussi : quel a été ton ressenti sur cette situation ?
J’ai le droit de dire à la radio : ça m’a fait chier ? (rires) On venait de faire une grosse tournée promo qui a duré dix jours dans toute l’Europe et puis les gens du bureau de New-York, par exemple, comme Monte Conner (NDLR : un des anciens vice-présidents de Roadrunner) qui avait signé Sepultura, Fear Factory, Machine Head à l’époque, et qui est venu en studio pendant l’enregistrement de l’album. J’ai rencontré des gens fabuleux chez Roadrunner : j’étais même surpris de voir combien ils étaient passionnés de musique, très impliqués avec leurs groupes. Cela m’avait bien boosté, je me disais « Génial ! On a pris la bonne décision ! » et puis il y a eu un changement de direction. En gros : le propriétaire de Roadrunner a vendu son affaire à Warner. Il était temps pour lui de passer à autre chose. Cela m’a bien sûr interpellé car, comme tout changement, on part dans l’inconnu, on ne sait pas ce qui se passe. Des gens ont été licenciés aussi, parmi eux certains des directeurs artistiques les plus anciens. Encore aujourd’hui, personne ne comprend ce qui s’est passé, pourquoi ce changement. J’étais vraiment secoué en apprenant la nouvelle, car ces personnes avaient un fort caractère et donnaient à Roadrunner son identité. Par contre, toutes les personnes qui bossent sur des tâches particulières, les secondes équipes si tu veux, comme les personnes qui bossent sur l’Internet, la promo, le design etc. sont restées. L’entité Roadrunner existe encore à travers ces personnes qui bossent pour ce label depuis vingt ou trente ans. On a affaire à elles au quotidien, comme Karine et Manon en France par exemple, qui travaillent sur ces groupes depuis des années et des années. Il y a un esprit de famille chez Roadrunner, même si c’est englobé par Warner. Je pense que ces mouvement dans les labels sont dus à la situation du marché du disque dans le monde : tout change et se transforme. Il n’y a plus d’argent des ventes de disques : c’est un peu la panique pour tout le monde. On a tendance à diaboliser les maisons de disques, surtout lorsqu’elles ont du succès comme Roadrunner, mais il ne faut pas oublier que ce sont des gens fans de musique qui bossent pour mettre des disques dans des bacs, qui travaillent avec des groupes de metal et qui se prennent en pleine gueule cette situation du marché du disque. Je n’ai pas envie de creuser le pourquoi de ces licenciements, ce n’est pas mon taf, je me concentre sur la musique : de nouvelles personnes sont arrivées, cela prend du temps de toutes les rencontrer. On verra bien.
Ne penses-tu pas qu’en France, on a une tendance à diaboliser l’entreprise, quand on entend ce que tu dis par rapport à certaines réactions qu’ont eues certaines personnes par rapport à votre signature chez Roadrunner ?
C’est toi qui le dis ! (rires) Je pense que, effectivement, c’est un peu ça. Ce qui n’est pas plus négatif : par exemple, il y a un an, il y a eu de grosses manifestations devant Wall Street et j’ai trouvé ça sain. Enfin, il y avait une manifestation ! En France, c’est devenu une institution : « Attention les gars, on est en février, c’est l’heure de la manif’ ! » C’est institutionnel en France de critiquer le patronat, les maisons de disques. Je pense que c’est bien d’avoir les deux : en effet, ce n’est pas parce que tu es patron que tu es un salaud, mais c’est important de rester vigilant, de se rebeller aussi. Il y a une petite tendance en France à critiquer, et notamment un groupe qui marche : il se fait cracher à la gueule. Aux États-Unis, les fans disent plutôt : « Waouh ! Vous marchez, putain, c’est génial ! ». En France, c’est : « Vous êtes des vendus ! ».
On a peut-être tendance à oublier que pour qu’un groupe marche, il doit fonctionner comme une entreprise.
Oui, tout à fait. Il existe une utopie en France qui est très forte et c’est plutôt une chose positive, mais cela peut se transformer en une espèce de fantasme bizarre : celui du poète maudit, à savoir que si tu souhaites être intègre, tu dois être maudit. Si tu ne l’es pas, tu es un vendu, et je n’arrive pas à comprendre la logique de tout ça. On ne va pas généraliser, car tout le monde ne pense pas comme cela, mais cette tendance existe.
Est-il envisageable de penser qu’un jour Gojira s’installe aux États-Unis ?
Non, je ne pense pas. Enfin, cela dépend de ce que tu appelles Gojira : je ne crois pas que l’on s’installe tous aux États-Unis. J’y passe beaucoup de temps, mais on est beaucoup sur la route de toute façon.
Une question stupide : est-ce que le statut de groupe leader de la scène metal en France est un statut difficile à assumer ?
Non. Ça va, c’est cool ! (rires) Je n’y pense pas toute la journée. Il faut toutefois relativiser : c’est assez anecdotique pour moi. Il y a plein de groupes excellents en France qui déchirent et prennent une autre voie. Par exemple, certains groupes ne tournent en France que par choix : ils ont une famille, c’est plus confortable, ils n’ont pas forcément l’esprit conquérant, tu vois. Nous, depuis le début, on a choisi de conquérir, ce qui peut paraître paradoxal avec le message du groupe. On s’est jetés corps et âme dans des tournées en Europe, sans être payés, à être au RMI pendant les premières années, à galérer. Il n’y a pas de secret : on a joué dans des bars en Angleterre, en Allemagne, en Espagne, et au bout d’un moment, les gens te connaissent. Ce n’est pas un truc inaccessible : il faut juste être orienté d’une certaine façon et être aussi un peu taré ! (rires) J’ai discuté avec des musiciens français qui sont bien supérieurs à nous musicalement et techniquement qui nous ont dit : « J’ai pas envie d’aller me faire chier en Angleterre, je suis intermittent avec une femme et des gamins : qu’est-ce que je vais aller faire dans des bars de l’autre côté de l’Europe ou, pire, aux États-Unis ? » Vouloir devenir international est une forme particulière d’état d’esprit. Nous, on a eu ce truc-là : on était passionnés par les voyages, par les rencontres. Cela aurait pu être quelqu’un d’autre, mais on avait faim de ça : on s’y est jetés à fond. Je suis assez fier de notre statut de premier groupe de metal français. Après, il y a plein de groupes français qui s’exportent très bien et même beaucoup plus que nous comme Daft Punk.
Vous êtes en tournée avec Klone et Trepalium : est-ce vous qui les avez choisis ?
Oui. Ce n’est pas la première fois qu’on tourne avec Trepalium parce qu’on les adore et on connaît Klone depuis longtemps. On a eu une longue liste de groupes qui voulaient ouvrir pour nous et, dans cette liste, il y avait Klone et Trepalium de dispos ; on a alors dit : « Allez les gars, on y va ». En fait, c’est la première fois qu’on fait un plateau entièrement français à l’étranger et je suis assez fier d’annoncer sur scène : « Vous êtes venus voir des bouseux de la campagne française ! » (rires) On vient tous de la campagne, Trepalium, Klone et Gojira, c’est Poitiers, Boimé et Bayonne. Klone et Trepalium envoient comme des malades, ce sont des super musiciens et ça groove d’enfer : les gens le voient d’ailleurs. Il y a un truc qui revient souvent dans les commentaires du public : « C’est génial ! Il y a des choses qui se passent en France ! »
Est-ce que certains groupes internationaux avaient eux aussi postulé ?
Oui. Il y avait des groupes européens : on n’a pas fait d’appel d’offre aux États-Unis. On a lancé ce message à travers des tourneurs européens et il y avait une longue liste, oui. Je t’avoue que je ne les connaissais pas : ce sont des groupes qui ne sont pas très connus, qui ont besoin de tourner avec nous et de faire de la promo.
Vous avez fait pas mal de concerts en France, mais vous n’êtes pas passé par Paris : une date dans la capitale est-elle prévue ?
Bien sûr : on ne peut faire l’impasse sur Paris. Il y a eu plus ou moins un rendez-vous manqué car on voulait absolument faire une belle date à Paris, mais on s’est un peu loupé. Depuis que l’Élysée-Montmartre a brûlé, on a un peu le cul entre deux chaises, si tu veux : on ne peut pas faire un Nouveau Casino juste pour dire « On a fait sold-out » ni faire de trop grosses salles non plus. Du coup, on a eu un peu de mal à trouver un lieu pour faire un concert, et après on était à la bourre : tout s’est mal goupillé. On ne parle que de ça ces jours-ci alors on va essayer de faire une belle date dans une salle qui va bien car on veut absolument montrer notre show. La dernière fois qu’on a joué à Paris, c’était en ouverture de Metallica au Stade de France : ce n’était pas un concert de Gojira mais les mecs de Gojira sur la scène de Metallica. On a un concert visuel qui est super chouette, on a repris la pochette en relief de l’album sur scène, on a des lumières et on veut vraiment présenter cela début 2013 sur une belle date parisienne. Cela se fera.
Peux-tu nous dire une date ?
Non. Si je te disais une date au hasard, je me ferais trucider par tous les partenaires du groupe qui essaient de trouver une date ! (rires) Je ne peux pas annoncer un truc qui n’est pas du tout calé.
Peux-tu nous donner des news sur le projet Sea Shepherd ?
C’est le calme plat. Les dernières news du front sont : il ne se passe rien du tout ! (rires) On a laissé cela en plan il y a quelques mois. En gros : le truc est presque fini depuis des mois ; on a eu l’album, les tournées et je n’ai pas eu le cœur de m’y mettre. C’est une histoire de temps et de disponibilités. C’est un truc 100% bénévole mais on est pris à la gorge par la vie : on doit faire des tournées pour pouvoir payer notre loyer. Ce projet me tient énormément à cœur, on va le sortir, mais là, je ne peux pas donner de date. J’ai trop ouvert ma gueule au début : je n’aurais pas dû en parler (rires) ! Mais bon, ce n’est pas grave car le but de ce truc-là, c’était de mettre en lumière leur combat qui est hyper important, puis d’amener les gens à s’intéresser à leur cause. Ce qui a été le cas d’ailleurs, car ils ont eu des retours de gens qui venaient grâce à Gojira. Mission accomplie, donc.
Interview réalisée par téléphone le 16 novembre 2012
Transcription : Jean Martinez – Traduction(s) Net
Site internet officiel de Gojira : www.gojira-music.com
Belle interview !
Merci les gars !
[Reply]
O_o maaiiissss : « ps : je les veux au Hellfest pour noël !! »
Je croyais que c’était en juin 2013 môâ… Pfff on m’dit jamais rien !!! 🙁
🙂 >> je suis déjà dehors….. >>>>
[Reply]
Bonne interview, excellent groupe, a la mentalité exemplaire. Qu’ils continuent a évoluer, a nous faire découvrir de nouvelles facettes dans leur musique.
Vive le métal français et vive Gojira !!!
ps : je les veux au Hellfest pour noël !!
[Reply]
« via un nouvel album plus vite que ce à quoi on a été habitué. » 😉
[Reply]
Ceci étant dit, c’est encore une fois une belle interview, comme toujours avec Gojira 🙂
Merci. On a corrigé. Le sens de la grammaire, le vendredi soir…. Aïe !
Je vous accorde en effet les circonstances atténuantes 🙂