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Interview   

Gorod : objectif lune


Gorod fait assurément partie des fiertés de la scène metal hexagonale. Un groupe que, depuis quelques années, on commence à nous envier à l’international et toujours au rendez-vous quand il s’agit de livrer des albums de tech death de qualité. Tech death ? Oui, mais le groupe pourrait bien être aujourd’hui à une croisée des chemins, proposant, après l’hermétique A Maze Of Recycled Creed, son album le plus « catchy » à ce jour : Aethra. Non, Gorod ne se travestit pas, le death metal est bien toujours de la partie, ainsi que le style technique de Gorod : « Quoi qu’il en soit, même s’il va chercher à s’ouvrir ou à faire de la musique plus simple, ou même à faire un morceau de rock, ça sera forcément un peu compliqué, il y aura forcément des plans injouables dedans [petits rires] », s’amuse le chanteur Julien Deyres en parlant de Mathieu Pascal, guitariste qui tient la barre au niveau composition. Mais il y a bel et bien aujourd’hui une prise de conscience sur l’accessibilité de leur musique et les ouvertures vers de nouveaux horizons que leur talent permet, à commencer par les capacités vocales de Julien.

Dans la même logique, tout en suivant la tradition de Gorod de proposer des albums conceptuels, la thématique cette fois est simple et parlera au plus grand nombre : la Lune, astre qui aura inspiré les hommes en tout temps, de toute culture et toute zone géographique. Et « simple » ne veut pas dire que Julien, en bon guide-conférencier et historien de l’art, n’a pas fait son minutieux travail de recherche habituel. L’occasion de découvrir de multiples mythes et imaginaires sur le satellite naturel de la Terre, surprenants pour certains. Nous parlons de tout cela de long en large, ci-après, avec les deux compères.

« Plus je fais d’albums, plus j’ai de pression, parce que tu as toujours l’impression d’avoir fait le tour. […] C’est souvent la peur de faire de mauvais morceaux qui t’empêche d’en faire tout court, et une fois que tu te débarrasses de ce truc-là et que tu te dis : ‘C’est bon, je fais des morceaux, il y en aura peut-être des mauvais dedans’, le simple fait de te dire ça, ça te libère un truc. »

Radio Metal : Votre précédent album A Maze Of Recycled Creed avait été quasi unanimement salué par la critique et les fans, pourtant il semblerait que cette période vous ait laissé un goût amer en raison de la façon dont l’album avait été géré par votre ancien label. Pouvez-vous nous en parler ?

Mathieu Pascal (guitare) : Ce n’est pas vraiment la faute de l’ancien label. Après, nous lui reprochons peut-être de ne pas avoir fait toute la promotion qu’il aurait pu faire, mais c’est surtout que nous avons eu une ou deux tournées qui devaient se faire directement à la sortie de l’album et qui ne se sont pas faites. Du coup, comme nous n’avons pas vu nos fans au moment de la sortie de l’album, nous avons l’impression qu’il n’a pas forcément bien fonctionné. En fait, nous n’avons quasiment pas tourné pour cet album, c’était seulement un an après, ce qui n’est pas très « promotionnel », quoi [rires]. C’était pas de bol. Nous avions une tournée qui était calée pile-poil pour la sortie de l’album, en octobre, avec Dying Fetus et Psycroptic. Et un mois avant, un des gars de Psycroptic s’est cassé la jambe ou un truc comme ça, la tournée a été annulée, et nous avons eu plusieurs plans dans ce goût-là. Donc tout nous est passé sous le nez. Donc c’est forcément compliqué pour nous. La tournée, c’est là que nous faisons le plein, que nous essayons de rembourser tous les frais engagés pour l’album, tout est lié. S’il y a le moindre grain de sable dans ce truc-là, il y a tout qui se casse la gueule. Si comme tu le dis, l’album est bon et qu’il y a eu beaucoup de bonnes critiques, nous avons bizarrement eu le sentiment qu’il n’a pas beaucoup marché.

Vous pensez que cet album a été un rendez-vous manqué ?

Ouais, carrément.

Julien Deyres (chant) : C’est un peu ça. C’est un ensemble de tout. Autant, au départ, c’est au niveau de la première promotion qui est faite, c’est-à-dire qu’aux premières diffusions des premiers titres, la façon dont le buzz est animé, nous n’avons reçu quasiment que des chroniques de webzines, mais ce qui se manifeste assez clairement, c’est au niveau des interviews et de l’intérêt qu’on peut nous porter. Et ce qui est curieux, c’est que par rapport aux deux albums précédents, ça a été divisé par cinq voire par dix. Autant, pour A Perfect Absolution, nous avions des interviews à ne plus savoir comment faire pour y répondre ; là, nous n’avons pas trop été embêtés par cela. C’est peut-être un plan qui n’a pas vraiment été activé au départ, et qui plus est, cet enchaînement avec la tournée française qui devait se faire et qui est tombée à l’eau, et pareil pour la tournée européenne, ça fait que pour le label, le fait de promouvoir un groupe qui ne tourne pas, ce n’est pas terrible. Ça fait qu’il n’y a eu aucune collaboration positive de la part de tous les membres. Ce qui fait que lorsque les choses se réveillent, c’est un an après que l’album soit sorti, et on sait que dans notre société consumériste, avec la rapidité avec laquelle il faut agir de nos jours, si on commence à se réveiller un an après, on a le temps d’être oublié. Donc ça a vraiment été un album qui au niveau de la promotion à tous les niveaux a été un échec total. Nous aimerions bien revenir dessus, parce que techniquement, la première tournée pour cet album est une tournée uniquement canadienne, ce qui est étrange [rires]. Comment commencer les choses à l’envers. Alors que précédemment, ça avait été fait autrement. Il y a eu des histoires de chat noir, de pas de chance… Je pense qu’il y a eu un peu de tout, un manque de chance et de la mauvaise volonté de la part de tout le monde. Et le problème, c’est que dans une telle chaîne, aussi complexe, avec autant d’intervenants, dès qu’il y a un maillon qui pète, il faut que ça se soutienne. Or, là, le soutien a été un peu compliqué à trouver. De plus, nous étions dans une période où ça faisait longtemps que nous n’avions pas tourné, il fallait se remettre dedans, et rien ne sortait. J’aurais tendance à dire que le négatif attire le négatif, nous nous sommes retrouvés là-dedans. Là, nous faisons table rase de tout ça, pour repartir sur du neuf.

Mathieu : On dirait Didier Deschamps quand il parle [rires].

Est-ce que la promotion est un sujet que vous avez abordé avec Overpowered Records, votre nouveau label, par rapport justement à cette mauvaise expérience sur le cycle précédent ?

Oui, c’est un des premiers trucs dont il m’a parlé quand il m’a approché et qu’il ne voulait pas rater. Car en effet, les premières fois où je lui ai parlé, j’étais encore dans la période où j’étais un peu déçu par l’ancien label. Donc c’était un des trucs primordiaux qu’il nous fallait.

Le plan, du côté du groupe, était de faire un album pour 2019, or finalement il sort en 2018 à la demande du label. Vu que vous étiez une nouvelle signature chez eux, vous avez senti une impatience de leur part ?

Julien : De leur part, de notre part… De partout, en fait, car comme nous le disions, ça faisait assez longtemps que nous n’avions pas tourné, et qu’il fallait que ça se fasse. Or nous étions à la fin de l’année 2017, et c’est là qu’on nous avait dit que si nous voulions tourner pour l’année suivante, donc pour 2019, il fallait avoir sorti un album quelques mois après. Parce qu’il faut un plan promo de six mois, etc., c’est un processus extrêmement long, donc l’urgence a en fait été imposée par le plan promotionnel. Sinon, ça allait repousser encore et encore le fait de repartir sur les routes, or c’était notre priorité, de revenir jouer, parce que nous n’avions pas tourné pour l’album précédent et il fallait se rattraper. Pour ça, il fallait aller vite. Ça a été imposé par la loi du marché, on va dire.

« La spontanéité force à avoir un côté plus fédérateur et moins hermétique. Nous sommes typiquement dans cette recherche-là, notamment depuis l’album A Maze Of Recycled Creed, qui est vraiment assez compliqué, et qui fait partie des albums les plus hermétiques du style. »

Quel était le calendrier de cet album du coup ?

C’est à partir de fin novembre 2017 que Mathieu a commencé à composer, et on m’avait dit que les prises chant devaient être terminées le week-end du 7, 8 avril. Les prises chant, donc la fin de l’enregistrement, pour que ça puisse partir au mixage-mastering, pour que ça puisse partir au pressage, et que ça puisse être sorti pour octobre. Le plan, c’était ça.

Mathieu : J’ai donc écrit les morceaux de début décembre à mi-janvier, ça a été super rapide. En fait, je m’étais dit que si au premier de l’an j’avais la moitié de l’album, nous le ferions, et si je n’avais pas la moitié, nous repousserions à 2019. Et en fait, une fois que j’étais lancé, j’en sortais un ou deux par semaine, donc c’était bon.

Vu que toute la composition repose sur tes épaules, Mathieu : est-ce que tu avais la pression ?

Oui, grave. De toute façon, plus je fais d’albums, plus j’ai de pression, parce que tu as toujours l’impression d’avoir fait le tour. Donc c’est plus compliqué au début, mais c’est une espèce de gymnastique. Une fois que je suis parti… C’est souvent la peur de faire de mauvais morceaux qui t’empêche d’en faire tout court, et une fois que tu te débarrasses de ce truc-là et que tu te dis : « C’est bon, je fais des morceaux, il y en aura peut-être des mauvais dedans », le simple fait de te dire ça, ça te libère un truc, et du coup, tu fais des morceaux, sans réfléchir à s’ils sont assez brutaux, assez ceci ou cela…

Est-ce que l’expérience Kiss The Freak, où vous avez dû faire un EP très rapidement, en à peine deux mois, vous a aidés justement à apprendre à gérer la pression et l’urgence ?

C’est vraiment ça. Nous nous sommes tous beaucoup marrés à faire cet EP. Justement, le fait que ce soit l’urgence, et le style de musique, que ce soit un peu festif comme ça, ça y faisait aussi. Mais nous nous sommes tous vachement marrés et nous avons tous réussi à faire ce qu’il y avait à faire, en très peu de temps. Donc ça donnait un côté spontané à la musique, pas réfléchi, et ça, j’ai l’impression que ça plaît à tout le monde.

Mathieu, tu composes tout. Tu ne penses pas que les autres pourraient s’impliquer également dans la composition, surtout dans des périodes comme celle-là où vous avez besoin de composer rapidement ? Ou est-ce que c’est vraiment important d’avoir une vision unique ?

Ce n’est pas vraiment ça. C’est vraiment que, en toute modestie, j’ai la gymnastique pour écrire des morceaux, et le temps que je fasse un album, je ne suis même pas sûr que les autres pourraient avoir deux riffs qui s’enchaînent. Enfin, peut-être que si, mais la plupart du temps, ça se passe comme ça.

Julien : Ça fait quand même depuis que je suis dans le groupe, donc 2010, que Mathieu parle du fait de déléguer un peu, d’encourager tout le monde à donner des idées, etc. Moi, je suis également guitariste dans plusieurs autres groupes, et je me suis déjà amusé à chercher des riffs, des compos. Après, j’ai un style de jeu totalement différent, qui est hyper dur à adapter à cet univers-là, du coup, toutes les idées que j’ai pu avoir, j’avais l’impression que ça dénaturerait complètement la couleur du groupe, et que ça n’avait aucun lien avec ce qui pouvait être fait. Déjà, le temps d’avoir une compo cohérente en mélangeant deux idées, je ne sais pas comment c’est possible, et en effet, ça ralentirait énormément le rythme. Après, c’est clair que j’ai cherché des idées de mon côté, et je pense que Nico [Alberny] aussi. Mais c’est une gymnastique vraiment particulière qui, je pense, retarderait vraiment le processus, et pour le moment nous n’avons pas trouvé de méthode magique pour arriver à faire travailler tout le monde dans la composition. Ça s’est fait naturellement comme ça. Qui plus est, pour les deux derniers, avec l’extrême urgence qu’il y a eu, il n’y avait vraiment pas le choix de se prendre la tête pendant mille ans : « Attends, j’ai une idée, je vais te montrer ce riff à l’air cool », « Ouais mais on va le foutre comment dans la compo ? », et ainsi de suite. Si on laisse faire la même personne, elle va tout droit dans son truc, et après, on rediscute à la fin.

Mathieu : De toute façon, l’influence des autres membres du groupe est quand même bien là, même si c’est moi qui écris les morceaux, je sais ce que chacun aime faire. Par exemple, avec Julien, nous avons posé le chant ensemble, et toutes les décisions artistiques que nous avons pu prendre, nous les avons prises à deux. Il n’y a jamais eu de moment où l’un a imposé quelque chose à l’autre. Même si c’est moi qui écris les morceaux sur le papier, il y a plein de choses que nous faisons tous ensemble.

Julien : C’est ça. Depuis A Maze Of Recycled Creed, nous composons directement les parties chant pendant l’enregistrement. J’arrive avec tous mes textes, qui peuvent être modifiés, remodelés, replacés, ré-envisagés. Puis on définit quel est le refrain, quel type de voix peut aller à tel endroit, où on peut aller pour que ce soit intéressant, expérimental, et pas too much, pour que ce soit cohérent avec le morceau… Puis nous revenons souvent sur nos idées, nous faisons une écoute générale, et nous nous rendons compte parfois que telle ou telle partie ne va pas du tout, ça tranche complètement, et donc nous devons la refaire pour recoller à l’homogénéité. Mais c’est quelque chose qui est composé pendant l’enregistrement pour avoir directement l’idée du rendu. À part pour le dernier morceau cette fois-ci, « A Light Unseen », que j’ai fait tout seul de mon côté en pré-prod. Celui-là était assez évident au niveau du placement. Après, pour des morceaux comme le morceau éponyme, « Aethra », ça a été une autre galère [rires].

« J’étais en charge d’avoir un thème un peu plus fédérateur, et surtout moins complexe que celui de A Maze Of Recycled Creed, qui est très long, laborieux, et d’une lourdeur épouvantable, mais qui m’intéressait beaucoup [petits rires]. »

J’imagine que quand on réalise un album dans un laps de temps aussi court, on est obligé de se reposer sur plus de spontanéité et d’être moins pointilleux. C’est un avantage ou un inconvénient selon vous ?

Mathieu : Moi, maintenant, je vois ça comme un avantage. J’ai vachement le sentiment qu’il y a plein de détails sur lesquels j’ai pu batailler autrefois. Par exemple, des petites notes, des petits arrangements, des petites subtilités, dont je suis persuadé qu’il n’y a que moi que ça intéresse, en gros. Il y a plein de choses pour lesquelles ça ne sert à rien de perdre du temps avec, et le fait d’avoir peu de temps pour revenir en arrière sur les morceaux, en termes d’écriture, ça empêche les morceaux d’être trop compliqués, trop obtus, et que personne ne puisse entrer dedans. Là, ça donne une musique vachement plus efficace, j’ai l’impression.

Quand on fait le genre de musique que vous faites, soit du death technique, est-ce que le risque est justement d’être trop analytique ?

Oui, c’est ça. Trop analytique, ou trop à la recherche de structures compliquées. La plupart des gens qui n’aiment pas le death metal technique, c’est parce qu’ils disent qu’à la fin du morceau, tu ne te souviens même plus du premier riff, et ça, ça ne va pas [rires].

Julien : C’est surtout le truc d’éviter de plonger dans le carcan de la musique pour musiciens. D’un côté, c’est hyper intéressant en tant qu’accomplissement personnel de musicien, de dire que tu aurais pu mettre un pont comme ci, un break ou une syncope par ci par là. Mais au final, on fait ça un peu trop que pour soi et c’est quand même sympa de pouvoir le communiquer. C’est un petit kiff qu’on se fait dans son coin, mais des fois, on peut le partager, c’est-à-dire en faisant de la musique qui est plus pour les gens que pour les autres musiciens. Je pense que la spontanéité force à avoir un côté plus fédérateur et moins hermétique. Nous sommes typiquement dans cette recherche-là, notamment depuis l’album A Maze Of Recycled Creed, qui est vraiment assez compliqué, et qui fait partie des albums les plus hermétiques du style.

Mathieu : Nous avions fait exprès de le faire compliqué, celui-là. On avait dit : « On fait un truc compliqué » [rires].

Julien : C’est vrai que c’était le souhait de départ. Un album musicalement compliqué, avec le sujet le plus compliqué de la Terre. Tout est compliqué [rires].

On dirait justement que vous avez pris le contre-pied avec Aethra : les chansons de l’album sont particulièrement concises et accrocheuses. C’est un parti pris conscient d’aller à l’efficacité, ou bien est-ce les circonstances dans lesquelles a été fait l’album ?

Mathieu : Il y a eu les circonstances, mais c’était aussi ce que je voulais pour cet album. Le truc, c’est que nous n’en sommes pas encore au niveau de Gojira ou quoi, de dire : « Maintenant, on fait ce qu’on veut, nous pouvons nous permettre de faire des trucs complètement à côté, ou compliqués, les gens nous écouteront quand même. » Du coup, c’est con à dire que l’album a été fait pour plaire, mais c’est un peu ça, si tu veux.

Après, c’est un album qui garde toute la patte Gorod, avec le côté technique, progressif, etc. Finalement, est-ce qu’avec cet album vous ne prouvez pas qu’être technique ou progressif et accrocheur n’est pas antinomique ?

Ah, ben ouais, merci, carrément ! [Rires] C’est ce que nous avons essayé de faire, en tout cas.

Julien : Après, cette patte ne bouge pas, dans le sens qu’il y a une recette simple : depuis les débuts de Gorod, quand ça s’appelait Gorgasm, c’est Mathieu qui compose. Donc sa touche, on va la retrouver. Il a sa façon de faire des riffs, de la guitare. C’est pour ça qu’en tant que guitariste, je n’ai jamais réussi à glisser un seul riff dans Gorod, parce que j’ai une touche qui n’a rien à voir, qui dénaturerait celle-là. Et vu que c’est Mathieu qui compose, il y a forcément ce petit truc technique, ce petit pont, ce petit contrepoint, et puis cette couleur, qui est vraiment typique, et qui donc, quoi qu’il en soit, même s’il va chercher à s’ouvrir ou à faire de la musique plus simple, ou même à faire un morceau de rock, ça sera forcément un peu compliqué, il y aura forcément des plans injouables dedans [petits rires]. En tant que guitariste, il n’y a pas deux riffs à la suite de Gorod que je suis capable de jouer et d’enchaîner proprement, parce que ce n’est pas du tout mon jeu. Donc je pense que le fond ne bouge pas, mais que c’est dans la forme, l’habillage autour, que ça essaie d’être plus simple, d’avoir ce côté couplet-refrain, avec une dynamique plus facile à retenir. Avec cet album, on essaie d’approcher cette idée-là de plus en plus.

« Quand on passe plusieurs minutes, voire plusieurs heures dehors à bloquer sur le ciel, on a un peu l’impression qu’on sort de la Terre, on en décolle, et on prend vraiment conscience de la poussière que l’on est. […] C’était une de mes premières grandes prises de conscience avec la mort, la vie, ce qu’il peut y avoir autour, le temps, l’espace… »

Mathieu, la dernière fois, à l’époque d’A Maze Of Recycled Creed, tu nous avais parlé de l’équilibre que tu recherchais entre les choses qui fonctionnent en live et celles pour se faire plaisir, plus destinées à l’écoute sur CD. Est-ce que cette fois, avec Aethra, l’optique penchait plus du côté du potentiel live ?

Mathieu : Il y a un truc assez flagrant. Nous allons en jouer quatre sur la tournée qui arrive. C’est flagrant que pour tout le monde, les morceaux sont faciles à jouer, même s’ils n’en ont pas l’air. Je l’ai fait inconsciemment, car vu que c’était le rush, je n’ai pas trop pensé à la manière dont ça pourrait être joué en live, mais personne n’a dit : « Celui-là, je vais galérer à l’apprendre, il y a des parties qui ne vont pas être faisables… » Tout est faisable exactement comme c’est sur l’album, avec beaucoup moins de prise de tête qu’avant. Avant, lorsque nous avions de nouveaux morceaux à apprendre, c’était galère [rires], ça nous prenait un mois ou plus pour réussir à les apprendre et les jouer correctement. Là, ça se passe vachement plus simplement.

Il y a aussi l’assimilation du public des morceaux…

Oui. Il me tarde bien de la voir ! Il y a quelques morceaux, ceux que nous allons jouer, je me les imaginais. Mais comme je te dis, après, il y a plein de morceaux un peu plus progressifs, un peu plus compliqués, où je me suis laissé aller à écrire les morceaux sans y penser. C’est difficile, lorsque tu es en train d’écrire un morceau, de renoncer à quelque chose parce que tu penses que ça va être compliqué à jouer.

Aujourd’hui, en live, tu joues avec des loopers : c’était une nécessité pour t’ouvrir à plus d’options sur disque sans avoir à faire de compromis sur le live ?

Oui, carrément. Depuis longtemps, nous avions envie de jouer Transcendence. Le problème, c’est que c’était impossible, car il y a des moments où il y a huit guitares, notamment à la fin, donc il n’y avait aucun moyen de le faire pour de vrai, à moins d’avoir huit guitaristes sur scène. Du coup, les loopers ont rendu cela possible. Et par la suite, j’ai découvert que je pouvais tout programmer, et que je n’avais même plus besoin de toucher un pédalier car tout pouvait se faire automatiquement [rires]. Là, sur le dernier album, ça peut en effet entrer là-dedans. Il y a des parties que j’ai écrites en sachant qu’il y aurait des parties loopées dedans. Du coup, il y a des surabondances et des accumulations de trucs qui ne seraient pas possibles sans cela.

Les loopers marchent sur des choses assez répétitives. Or votre musique n’est pas hyper répétitive non plus…

Après, les loopers, c’est avec parcimonie. L’utilisation classique, par exemple, c’est quand je fais un solo, j’ai ma rythmique que j’ai jouée une minute avant qui se met à jouer derrière moi. Donc des fois, ça ne va apparaître qu’une seule fois par morceau. Et même des fois pas. Ce sont de petits détails, mais c’est quand même cool de pouvoir composer en fonction de ça, sachant que tu ne seras jamais tout seul comme un gland à faire un solo. Tu auras toujours ta rythmique derrière.

J’imagine que sur un morceau comme « Hina », tu dois utiliser cela…

Ouais, carrément, sur l’espèce de grind, les nappes brutales en plein milieu, quand ça part en blast rapide. Mais aussi sur les parties avec des lead.

Aethra est le nom, selon la théorie, d’une protoplanète qui serait entrée en collision avec la Terre, donnant ainsi naissance à la Lune. Chaque chanson de l’album parle d’une divinité ou d’un mythe lié à la Lune. L’idée de cette thématique, Julien, t’est venue lors d’une exposition de Paul Gauguin…

Julien : C’est ça, précisément. Au départ, comme on disait, nous étions tous dans cette dynamique de faire quelque chose de plus simple, plus direct, plus droit. Moi, j’étais en charge d’avoir un thème un peu plus fédérateur, et surtout moins complexe que celui de A Maze Of Recycled Creed, qui est très long, laborieux, et d’une lourdeur épouvantable, mais qui m’intéressait beaucoup [petits rires]. J’ai donc cherché des thèmes. Et comme d’habitude, je suis tout le temps en train de me balader dans des expositions. Et là, j’étais justement à la rétrospective de Paul Gauguin, au Grand Palais, et je suis un peu tombé sur son œuvre. Je ne suis pas trop fan de Gauguin, à la base, mais c’était la rétrospective, il fallait y aller. En tant qu’historien de l’art, en tout cas, c’est quelque chose qu’on ne peut pas rater. Et en voyant ça, j’ai découvert une dévotion lunaire que je ne connaissais pas, qui était justement celle de Hina. Et en voyant cette représentation, je me suis dit : « Tiens, c’est fun ça, qu’est-ce que c’est ? » Je me suis un peu intéressé à ce culte-là, et c’était une des dernières œuvres qui m’avaient marqué. En sortant, il faisait nuit, et puis j’étais à Paris, c’est beau, tu es à côté des Champs-Élysées, tu es au Grand Palais, c’est quand même pas mal comme endroit. Et là, je voyais la Lune, j’ai commencé à bloquer dessus, et je me suis dit : « Putain mais ouais, la Lune ! » [rires]. Il y a des dévotions partout sur la planète. Je me suis dit qu’il y avait moyen de faire un tour du monde avec ça. Et d’ailleurs, on parle d’un côté fédérateur, c’est que tout le monde a une histoire avec les astres, avec ça ; tous les peuples, toutes les civilisations se sont construits avec leur cosmogonie en observant le ciel. La Lune a également été un terrible instrument de mesure, car vu que sa révolution est de vingt-huit jours, cela a permis de compter les jours, de définir les mois, c’est à la fois scientifique et culturel, donc ça sert un peu à tout. Et la Lune fait partie des astres majeurs, avec le Soleil, qui sont les premiers, en tout cas les plus gros, que l’on soit amené à regarder. Mais ce qu’il y a avec la Lune, c’est qu’on peut la regarder longtemps, contrairement au Soleil. Et donc, je me suis dit que cela serait un sujet de fascination qui pourrait être intéressant, qui peut parler à n’importe qui n’importe où sur la planète, et pas forcément juste une micro-communauté. Donc à partir de ce moment-là, j’ai commencé à me dire ça, et le premier mythe qui m’a intéressé, c’est justement celui de Hina. Et après, j’en ai cherché plein d’autres.

« Ce n’est pas fait exprès, mais on va dire que c’est ça, comme ça je vais me faire plein d’amis féministes [rires], on est hyper raccord avec la mouvance #MeToo, #BalanceTonPorc, parce que j’ai fait une sorte de parité, donc j’ai pris une moitié des morceaux consacrée à des divinités masculines, et l’autre consacrée à des divinités féminines, comme ça tout le monde est content. »

Penses-tu que le sujet un peu compliqué d’A Maze Of Recycled Greed vous ait un peu porté préjudice ?

C’est sûr que c’est un peu complexe. Après, je pense que c’est intéressant quand on s’y intéresse vraiment. Ça parle d’une dévotion particulière, qui plus est d’une période bien précise qui était le Paris 1900 avec tous les illuminés qui gravitaient autour. C’est un sujet difficile à entrer dedans si on n’est pas passionné.

Tu as choisi le nom d’Aethra, or la protoplanète en question est plus connue sous le nom de Théia…

C’est ça. Justement, la blagounette – parce qu’en faisant des recherches sur la mythologie, je me suis dit qu’il y aurait forcément un morceau sur la mythologie grecque, qui est la mythologie la plus connue – c’était que je voulais trouver un truc pour faire chier, quand même ! [Rires] Autant, sur des trucs que l’on connaît moins, je suis resté sur des sujets plus simples. Mais là, pour le coup, c’est le sujet le plus complexe, et de très loin, du disque. Donc là où je me suis fait un peu plaisir, c’est qu’en cherchant la Lune, qui pour les Grecs est Séléné, il y a sa mère qui porte le plus souvent le nom de Théia, qui est la femme d’Hypérion. Et en cherchant un peu, j’ai pu voir qu’il y avait différents historiens, et qu’ils n’étaient pas tous d’accord. Et c’est souvent le cas, autant pour les personnages majeurs les noms sont toujours les mêmes, et pour tout ce qui est personnages secondaires et mineurs, il y en a qui disent : « Mais non, c’est elle ! – Non, c’est elle ! » La mère de Thésée, c’est un personnage dont tout le monde se branle. Tout comme la femme d’Hypérion qui n’a pas de mythologie folle rapportée, et pourtant, c’est quand même la mère de Séléné – donc la Lune –, Hélios – le Soleil –, et Éos – l’Aurore. Et la mère, on ne sait pas qui c’est, on ne sait pas ce que c’est. Et le nom qui est parfois utilisé, Aethra, qui n’est relayé que par certains historiens, est justement, par erreur, le nom donné à l’astéroïde qui a heurté la Terre, et qui a donné la Lune comme enfant. C’est donc un nom qui est discuté, ce n’est pas le même. C’est donc pour ça que tout le long du morceau, il y a cette histoire de : « Moi, je t’ai donné ce nom-là. » C’est ça que je voulais dire ! Parce que de toute façon, quand on parle de choses inconnues, dont on a peu de traces et qui sont peu documentées, on a beaucoup plus de liberté dans son imagination. Ce sont deux personnages – pour ne prendre que ces deux-là, car d’autres personnages encore portent ce nom, donc l’idée est encore plus complexe – aux destinées absolument tragiques, mais qui n’ont tiré la larme de personne. Donc je me suis plutôt mis du côté de l’orpheline, la Lune, le cadavre qu’il nous reste, quelque part, qui est en orbite autour de la Terre, et la problématique de la mère orpheline : qui est la mère ? Car si Hypérion fait partie des Titans connus, Théia, si tu ne vas pas creuser, on n’a pas de mythologie, pas de vase, pas de représentation de ces scènes-là. Ce sont des choses assez peu documentées. J’ai donc voulu graviter autour de ce sujet, et en gravitant autour du thème de la Lune, c’est celui-là qui m’a intéressé, parce que c’est pour moi la destinée la plus tragique, et la plus propice à l’imagination.

Ce qui peut paraître surprenant, c’est que tu fasses référence à la Lune, mais de manière indirecte, par le biais de la mère, et du coup de cette planète qui lui a donné naissance…

C’est justement ça qui était souhaité : rentrer dans le sujet mais l’aborder avec toujours un peu de recul et observer autrement, plutôt que de plonger que d’un seul point de vue. Ce qu’il y a, c’est que je voulais sortir du cadre mortuaire et réaliste, car la Lune est sous nos yeux, mais on peut se demander ce qu’il y a comme histoire autour, et ce que l’on peut s’inventer. Ce n’est pas rapporté comme ça par la civilisation gréco-romaine, mais c’est vraiment la théorie scientifique la plus attestée, un caillou entré accidentellement en collision avec la Terre. Dans la mythologie gréco-romaine, ils ne sont pas avares en châtiments, on connaît la pierre de Sisyphe, le supplice de Tantale, Prométhée qui est destiné à avoir son foie éternellement mangé par un piaf… Je me suis donc dit que la mère de la Lune était condamnée à détruire la Terre, tout simplement. Elle a été projetée là-dessus, a réussi à s’échapper, mais en a donc perdu sa progéniture. C’est un exemple d’histoire que je pouvais m’inventer là, maintenant. Mais le but est de susciter le débat, et que quoi qu’il en soit, la Lune reste une source créatrice et inspiratrice pour tous. C’est donc pour ça que je ne me suis intéressé pas qu’à elle-même, mais à tout ce qui gravite autour. C’est pour ouvrir la porte à d’autres choses.

Tu parles de source inspiratrice, et effectivement, il y a quelque chose d’onirique et de propice à l’évasion dans la Lune : il suffit de la regarder à l’œil nu ou avec une lunette astronomique rudimentaire pour s’imaginer en train de marcher sur un autre monde. Est-ce que cet astre, que ce soit toi ou Mathieu, vous inspire en tant qu’artistes ?

Mathieu : Oui, carrément. Après, moi, la science-fiction, en général, oui [rires]. Julien moins, je le sais, mais moi, je ne lis quasiment que de ça, j’adore ça. Donc quand il nous a parlé de la Lune, nous étions ravis. Ça nous évoquait quelque chose à nous aussi, plus que les trucs de AMORC et celui d’avant, sans en dire du mal, mais il n’y avait que Julien qui pouvait avoir une idée de ce dont il parlait. Alors que là, la Lune, ça nous parlait déjà à tous un peu plus.

Julien : Il y avait aussi une idée de projection dans le futur, parce que j’étais pas mal sur des sujets qui sont ancrés dans un passé et qui n’ouvrent pas forcément à un avenir. Alors que là, on est vraiment sur des idées d’anticipation, et quelque part, il y a une forme de conquête spatiale qui est évoquée, avec tout ce qui peut arriver. Donc le but était aussi de sortir de la Terre. C’est ça qui était intéressant dans ce boulot. Donc vu que je suis entré dans un groupe en 2010 qui était quand même très axé science-fiction, et moi qui suis très historien de l’art très terre-à-terre, je pense que là nous avons commencé à trouver un premier lien à partir de cet album ! [Rires]

Mathieu : Oui, carrément !

« Tu écoutes un morceau, et tu demandes ce qui pourrait coller avec. Par exemple, il y avait un morceau qui était purement death metal et dégueulasse, eh bien j’ai trouvé une divinité lunaire qui mange du pipi et du caca, c’est nickel ! [Rires] »

Au-delà de ça, quel est votre rapport à la Lune dans votre vie depuis que vous êtes petits ?

Encore une fois, mis à part les lectures de SF que je peux avoir, je ne sais pas. Je sais que je fais attention au fait que les gens sont un peu plus énervés quand elle est pleine…

Julien : Pour moi c’est depuis toujours, car j’ai eu ma phase astronomique quand j’étais plus petit, à apprendre tous les noms des constellations, et ces trucs-là, en étant dans des décors un peu plus ruraux, donc là où on voit un peu plus le ciel qu’en ville, à me rendre compte de la chose. Et au bout d’un moment, je trouve que quand on passe plusieurs minutes, voire plusieurs heures dehors à bloquer sur le ciel, on a un peu l’impression qu’on sort de la Terre, on en décolle, et on prend vraiment conscience, comme je le dis dans le morceau, de la poussière que l’on est. C’est-à-dire qu’à l’échelle de l’univers, on se dit qu’il suffit de trois fois rien pour que l’on disparaisse en un coup de cuillère à pot. C’était une de mes premières grandes prises de conscience avec la mort, la vie, ce qu’il peut y avoir autour, le temps, l’espace… Ça peut créer des choses assez perturbantes. Puis en même temps, j’ai toujours eu des mélodies, des chansons qui me venaient en tête, c’était souvent la nuit. Le soir quand je regardais un peu le ciel, j’ai toujours eu plein d’idées, je ne sais pas pourquoi. Ça a toujours un peu été une source inspiratrice, cette espèce de calme, ce moment où tout est mort et où à la fois il y a une nouvelle vie qui en sort. Il y a ce côté un peu magique que l’on n’a pas dans la journée. Je trouve que ça permet de sortir de soi, de sortir de son corps, et l’esprit voyage un peu plus lorsqu’on bloque sur les astres. À la fois, on prend vraiment conscience de ce que l’on est, et à la fois, l’esprit s’évade, il y a vraiment cette dualité. Et à la fois, il redescend vraiment sur Terre, c’est-à-dire que lorsqu’on est pris dans une société ultra-moderne et ultra-connectée, d’un seul coup on regarde les étoiles et on se dit qu’on n’est vraiment qu’une petite poussière. Et ça aide à redescendre sur Terre, tout simplement ! [Rires]

Comment as-tu sélectionné chacune des histoires que tu abordes ? Quel était ton critère ?

Alors là, c’était une galère ! [Rires] Parce qu’à force de faire des recherches, je me suis dit que j’allais essayer de faire un tour de la planète, et ne pas rester concentré seulement sur les sociétés occidentales. J’ai donc beaucoup cherché, et à force de chercher, je me suis rendu compte que l’idée de la Lune toujours associée au principe féminin n’était pas le cas partout. Et à force de chercher, je me suis rendu compte qu’il y avait plein de dévotions lunaires qui sont masculines, avec le Soleil qui est féminin. C’est le cas dans plein de cultures. Et ça, ce n’est pas fait exprès, mais on va dire que c’est ça, comme ça je vais me faire plein d’amis féministes [rires], on est hyper raccord avec la mouvance #MeToo, #BalanceTonPorc, parce que j’ai fait une sorte de parité, donc j’ai pris une moitié des morceaux consacrée à des divinités masculines, et l’autre consacrée à des divinités féminines, comme ça tout le monde est content. J’ai trouvé ça intéressant parce qu’on peut sexuer, on peut genrer de façon complètement différente à l’autre bout de la planète, et parfois avoir des histoires complètement opposées dans des cultures qui sont très proches au niveau géographique, alors que d’autres ont quasiment les mêmes histoires à l’autre bout de la planète. J’ai trouvé ça assez génial. Parce que des fois, on peut faire des liens entre certaines cultures d’Amérique latine, et en plein milieu de la Chine, où ils ont des dévotions qui sont très proches. Puis on en a d’autres qui peuvent se rapprocher, par exemple entre la culture scandinave et l’hindouisme, et ce sont des cultures que j’ai traitées. Des fois, on se demande si à l’autre bout, au moment où les dévotions se créaient, ils ne communiquaient pas vraiment. En fait, l’être humain reste un être humain, c’est un Homo sapiens, il fait avec ce qu’il a autour et à l’intérieur de lui, et il répète un peu toujours les mêmes histoires. Donc c’est ça qui m’a intéressé, de trouver des sujets vraiment éloignés, géographiquement et culturellement, et finalement faire une espèce de gros lien avec tout ça, pour que ça fasse quelque chose d’homogène. Et qui plus est, la dernière galère, c’est parce que je considère toujours que ce qui prime, c’est la musique, et donc le texte va être esclave de la musique, et il va falloir trouver un thème qui colle à chaque morceau.

Mathieu : Oui, tu as quand même fait attention à ce qu’il y ait des détails un peu brutaux et macabres dans les histoires que tu as retenues.

Julien : Exactement, c’est là qu’arrive la deuxième partie où il faut faire le tri de tout ça. Donc là, tu écoutes un morceau, et tu demandes ce qui pourrait coller avec. Par exemple, il y avait un morceau qui était purement death metal et dégueulasse, eh bien j’ai trouvé une divinité lunaire qui mange du pipi et du caca, c’est nickel ! [Rires] C’est la mangeuse de divines immondices, sur « Goddess Of Dirt ». Et puis il y a d’autres morceaux plus poétiques, justement, comme « Aethra » qui est le morceau le plus complexe, où je me suis dit que j’allais prendre le truc le plus complexe et le plus poétique. Et puis il y a « A Light Unseen », qui est vraiment le morceau tragique, d’inspiration romantique… Il fallait à chaque fois trouver un thème, une émotion, une idée qui puisse coller à chaque morceau, donc il y a eu un gros tri. Autant dire que c’est une sacrée galère, ça prend du temps de trouver.

Tu dis que tu t’es adapté aux morceaux, mais est-ce que c’est vrai aussi dans l’autre sens ? Il y avait par exemple le personnage d’Erik Satie sur l’album précédent, et Mathieu, tu avais justement basé un morceau sur une œuvre d’Erik Satie…

Mathieu : Oui. En fait, ça tombait très bien. Je ne sais plus quand, avec Julien, nous avions eu une conversation sur Satie que nous aimions bien tous les deux.

Julien : Tout s’est fait en même temps, nous avons commencé à en discuter, je m’étais penché sur le sujet et je t’en avais parlé, et ça a démarré comme ça, ça s’est fait en balle de ping-pong. Au moment de la composition et des premières élaborations du concept, tout a commencé en même temps. D’ailleurs le morceau, qui s’appelait « Erik Satan » [rires] avant de s’appeler « Temple To The Art-God », a été justement composé par rapport à cette idée-là. Donc il y a eu un échange, un petit jeu de ping-pong qui s’est fait.

« Pour te raconter, Willowtip Records, notre premier label, à un moment donné, n’a plus voulu nous signer d’autres albums parce que clairement, il nous a dit : ‘Le chant clair, je n’en veux pas !’ [Rires] »

Mais du coup, est-ce qu’il y avait un peu de ça dans Aethra ? Est-ce que, Mathieu, tu t’es un peu adapté en essayant de coller au texte ?

Mathieu : Oui, totalement. Nous en avons quand même parlé avant d’attaquer la composition du thème que nous recherchions. Pas forcément sur la Lune, mais le genre de thème que nous voulions, et le genre de musique sur lequel nous voulions partir. Donc nous étions quand même au courant tous les deux que ça allait être quelque chose comme ça, et quand il m’a dit que c’était la Lune, j’ai par exemple décidé de ne pas mettre de passage gai ou joyeux comme il peut y en avoir dans d’autres albums. Vu que c’est un album qui parle de la Lune, je voulais que ça soit tout le temps mélancolique, ou triste, ou hargneux, mais jamais positif ; jamais le jour, juste la nuit. Il y a « Hina » qui parle de Tahiti, on a du mal à s’imaginer ça sombre, mais quand même [petits rires].

Julien : C’est pour ça que j’ai pris dans les deux, car au milieu, il y a ce passage un peu funky qui colle justement à une des aventures qui arrivent au personnage évoqué, mais à la fois, l’histoire est cruelle. Il a fallu coller chaque passage à chaque émotion qui pouvait coller avec chaque histoire, c’est ça qui était complexe. Et vu que le sujet était un peu plus tragique, c’est vrai que la musique a été adaptée en fonction. Il y a eu un échange à ce niveau-là, c’est vrai. Mais ça s’est fait tellement vite !

Tes concepts sont toujours très bien documentés et réfléchis. Est-ce que c’est beaucoup de préparation en amont, en règle générale ?

Ouais, c’est du taf. Après, c’est la déformation professionnelle, je dirais. Parce que mon métier à côté de la musique est celui de guide-conférencier, et je suis historien de l’art de formation. Donc j’ai toujours été intéressé par tout ce qui est recherche, donc quand on fait de la recherche, on est toujours en train de chercher des sources, différentes sources, c’est une espèce d’exercice universitaire où on n’a pas envie de dire n’importe quoi. Et pour ne pas dire n’importe quoi, il faut rechercher, se documenter, et à partir de là, on peut commencer à développer en étant à l’aise avec le sujet. Le processus de Gorod est dans une idée de faire des concepts-albums, donc il faut une histoire globale qui se tienne. J’ai déjà écrit des choses plus organiques avec les premières choses qui me passaient par la tête, mais là, pour le coup, si on fait un sujet clair, qui est vraiment défini, avec mon apprentissage universitaire, j’ai besoin d’avoir ma base de recherches hyper solide avant de pouvoir digresser ou tergiverser dessus, ou d’apporter ma touche. Donc il faut que je sois vraiment sûr de mon sujet en tout point, que j’aie pu comparer avec toutes les sources possibles, et qu’on puisse partir sur un travail vraiment attesté par les universitaires et par d’autres, ce qui est exactement le travail que l’on fait pour un master, ou plus. Donc je reproduis ces exercices-là. Donc forcément, ça prend un putain de temps fou [rires]. Sortir la bibliographie, croiser les sources, et ensuite commencer à conter des histoires dessus…

Est-ce qu’on pourrait s’attendre à un concept sur le Soleil la prochaine fois pour aller de pair avec celui-ci ?

Pourquoi pas ! Parce que justement, si nous faisons un album beaucoup plus lumineux pour contrebalancer avec celui-là, il y a de quoi faire sur le Soleil également. Moi, en tout cas, dans l’idée, pourquoi pas. Mais après, peut-être que nous allons partir sur autre chose. Ça pourrait faire une sorte de diptyque qui pourrait bien coller, et qui trancherait. Ça peut être bien brutal, parce que sur les mythes solaires, il y en a des choses à raconter. Parce que forcément, en bossant sur la Lune, j’ai bossé sur le Soleil, et il y a des sujets que je ne ré-aborderai pas, parce qu’en abordant la Lune, j’ai forcément abordé le Soleil déjà dans l’album. Donc cela se ferait dans une idée de ne pas se répéter, et de faire quelque chose qui peut évoluer. Donc moi, en tout cas, ça me dirait bien comme ça !

Une chose qu’on remarque est que tu as pas mal ouvert ta palette vocale sur cet album. On retrouve de nombreuses nuances dans le chant extrême, mais aussi du chant clair, qu’il soit plutôt susurré, parlé ou mélodique. Déjà sur A Maze Of Recycled Creed, je sais que vous aviez essayé de théâtraliser au maximum tes parties vocales pour coller au thème. Du coup, est-ce la suite logique de ce travail ?

Voilà, c’est ça. En fait, je n’ai jamais été un pur chanteur de death metal, bien que j’aie toujours aimé ça. Ce n’est pas forcément que je me sois découvert une nouvelle façon de chanter…

Mathieu : C’est surtout vachement mieux maîtrisé sur cet album !

Julien : Oui, c’est surtout d’arriver à le faire coller à la musique de Gorod. Parce qu’au final, le fait de chanter en clair, c’est quelque chose que je pratique beaucoup plus au quotidien que le chant extrême. Ça prend plus de temps de travail dans ma journée. Mais par contre, le type de chant clair dont il y avait besoin dans Gorod, ce n’était pas mon registre. Moi, je suis vraiment dans le registre basse, crooner à la rigueur, mais grave, ou plutôt grunge, qu’on pourrait rapprocher d’un Eddie Vedder, qui n’avait pas grand-chose à foutre dans la musique de Gorod pour l’instant. Et donc, au fur et à mesure, nous essayons d’apporter des éléments, parce que ça ne m’intéresse pas forcément de toujours faire la même chose, de reproduire. J’essaye d’expérimenter des choses. Ça me plaît tout simplement de ne pas rester bloqué dans la même dynamique, et surtout pas dans les mêmes techniques. Parce qu’avec la voix, on peut faire plein de choses, surtout dans la musique extrême où on peut faire plein de bruits, et là, c’est bien l’occase. Ce qu’il y a, c’est qu’au fur et à mesure, il fallait passer après Guillaume, le chanteur précédent, qui avait imposé un style de chant bien particulier, et du coup commencer à le faire évoluer sans trop trancher. Le but n’était pas non plus de dénaturer complètement la musique de Gorod au niveau du chant, donc de garder l’esprit de Guillaume, tout en infiltrant des façons de faire, en faisant en sorte que ça colle avec la musique. C’est là justement tout le travail que nous faisons ensemble avec Mathieu, quand nous enregistrons, je lui balance une idée, il me dit qu’il verrait plutôt tel truc comme ça. Puis nous faisons un débat, et nous définissons ce qui collera le mieux à la musique. Cet album-là, c’est celui où j’ai pu avoir le plus de liberté.

« En termes de pur death technique, Gorod a pour moi déjà fait le tour de la question dans sa discographie. À un moment, il va falloir un peu en sortir, pour sortir de cette niche, nous renouveler, et pour continuer à s’éclater sans que nous ayons l’impression de faire tout le temps la même chose. »

Ça rejoint un peu ce que Mathieu nous avait dit la dernière fois, le fait que sur l’album encore avant, tu avais toujours un peu le fantôme de Guillaume, et qu’il t’a fallu un peu de temps pour t’émanciper et oser essayer d’autres choses.

Exactement. Le fantôme de Guillaume est toujours là parce qu’il a apporté une couleur qui a aussi donné l’identité du groupe. Le chant est quand même un élément pas évident à changer [rires].

Mathieu : Et les fans ont toujours un peu peur du changement, donc nous avions aussi cette peur-là d’en perdre parce que ce n’était pas assez death metal, etc. et ce sont des questions que nous nous posions.

Julien : Exactement, il y avait toujours cette question de ne pas trop dénaturer, pas trop sortir du côté death metal. Mais je le comprends complètement. Mais à un moment, c’est bien de bouger un peu, d’évoluer, et de se servir des capacités de chacun.

Est-ce qu’au début tu t’es senti limité avec le growl ?

Oui. Quand je suis entré dans le groupe, je me suis dit : « Il faut faire attention, il faut faire que du growl. Uniquement. » Je devais me concentrer parce que ce n’était pas quelque chose de naturel pour moi de ne chanter que comme ça. J’avais eu des groupes de brutal death quand j’étais plus jeune, mais c’était beaucoup plus tôt. Après, j’étais plutôt parti dans les chants medium, et plus mélodiques, ou beaucoup plus grindcore, hyper aigus, stridents, gueulés, ou black metal, même. Donc j’étais complètement sorti de ce style-là, il a fallu m’y remettre à fond dedans, donc ça a été compliqué, ouais.

Quels ont été les retours par rapport à l’intégration de chant plus clair ou mélodique ?

Mathieu : La grande majorité trouve que c’est vachement mieux, donc c’est cool. Après, il y a toujours des gars pour regretter. Nous avons encore des gens qui nous disent qu’ils regrettent l’époque du premier album et ce genre de trucs. Pour te raconter, Willowtip Records, notre premier label, à un moment donné, n’a plus voulu nous signer d’autres albums parce que clairement, il nous a dit : « Le chant clair, je n’en veux pas ! » [Rires]

Certains passages chantés, que ce soit le chant mélodique sur le pont de « The Sentry », ou les passages criés mais mélodiques de « And The Moon Turned Black » et « A Light Unseen », peuvent rappeler Joe Duplantier, qui a lui-même progressivement ouvert son spectre vocal. Est-ce un vocaliste qui t’a inspiré, Julien ?

Julien : Pas du tout [rires]. Mais c’est quelque chose qu’on me dit souvent ! Après, je suis fan de Gojira depuis la première heure, mais en termes de chant, s’il y a bien quelqu’un qui ne m’a pas inspiré, c’est Joe Duplantier. Après, je pense que nous devons avoir les mêmes goûts, certainement les mêmes influences, mais ce n’est pas quelque chose sur quoi j’ai travaillé. En termes de chant extrême, c’est Mike DiSalvo, qui a été la grande révolution quand il a sorti Whisper Supremacy avec Cryptopsy. C’est vraiment un de mes premiers chanteurs en termes d’influence. Et puis Phil Anselmo. Je suis vraiment de l’école Phil Anselmo en termes de metal. Parce qu’après, je serais plutôt versé sur la soul, avec Jay Hawkins, Al Green et compagnie, ou le rock des sixties et seventies, et puis tous les crooners, Elvis, forcément. Mais pour le chant metal, quelqu’un qui hurle et qui chante en même temps avec des voix extrêmes dans tous les sens, mon exemple, c’est Phil Anselmo. Après, c’est vrai que la première fois que j’ai enregistré « A Light Unseen », tout le monde, même mes potes, me parlait de Gojira. Mais quoi, Gojira ? Je ne comprenais même pas le rapport, parce que ce n’était tellement pas volontaire ! Ce n’était pas du tout l’idée que je pouvais avoir en tête. Pour moi, c’était faire un chant mélodique en criant [rires]. Après, c’est un groupe que j’adore depuis le début, donc peut-être que c’est l’inconscient qui parle !

Après, c’est peut-être aussi que sur ce morceau, le passage en soit, instrumentalement, avec le tapping, fait très Gojira…

Mathieu : Je ne peux pas le nier, c’est la même suite d’accords avec la même technique de guitare, donc c’est normal que ça fasse penser à Gojira aux gens. Il n’y a pas de mystère. Après, oui, je suis un fan de Gojira, mais de moins en moins. J’aimais bien l’aspect riff des deux premiers albums qu’on retrouve un peu moins sur les derniers. Mais oui, c’est normal que ça transparaisse un peu. Et la voix de Joe Duplantier, personnellement, j’aime beaucoup. J’aime bien maintenant, en plus, quand il arrive à poser des lignes vachement cool. Après, comme je disais, Julien a fait beaucoup de progrès technique au niveau vocal, et quand il fait ces chants criés mais avec des notes, c’est le type de voix où il est vraiment très à l’aise, où il peut faire vraiment plein de choses. Donc, évidemment, comme c’est le même type de voix, j’imagine, qu’utilise Joe Duplantier, ça ressemble.

« Si tu cherches d’entrée à définir ce que tu veux faire, tu te poses trop de questions et tu ne fais plus rien, tout est nul, tout est pas assez ci, tout est pas assez ça. C’est vraiment le genre de truc contre-productif à se mettre dans la tête. »

Gojira est un groupe qui a justement cherché à remodeler son approche avec son dernier album, à aller plus vers l’efficacité. Est-ce que vous vous reconnaissez dans leur démarche ?

Oui, totalement.

Julien : Clairement. Je pense qu’on est tous dans le même cas : on vieillit [rires]. Au début, Gojira, dans les premières démos, c’était vraiment du death old school, un peu technique. Après, c’est devenu de plus en plus progressif. Il y a eu ce côté Morbid Angel avec cette lourdeur, et là, ça part carrément rock, c’est de plus en plus épuré. Je pense que c’est tout simplement parce qu’ils ont aussi fait le tour de leur question. Parce que si on voit des albums comme From Mars To Sirius, The Way Of All Flesh et L’Enfant Sauvage, je pense qu’à partir de là, on peut dire que la recette commence à être épuisée. C’est un point de vue personnel. Du coup, avec Magma, ils ont ouvert un peu plus, ils ont dit : « Là, on y va pour de vrai. » C’est vrai que même en tant que musicien, pour soi, c’est intéressant de sortir de son carcan, d’essayer de se renouveler et de taper dans d’autres frontières. En termes de pur death technique, Gorod a pour moi déjà fait le tour de la question dans sa discographie. À un moment, il va falloir un peu en sortir, pour sortir de cette niche, nous renouveler, et pour continuer à nous éclater sans que nous ayons l’impression de faire tout le temps la même chose. Je pense que c’est plus quelque chose de naturel, plutôt que de se copier les uns les autres, bien qu’on soit forcément influencés, qu’on le veuille ou non, par ce qui nous entoure. L’influence Gojira, je ne peux pas la nier, dans le sens que c’est quelque chose que j’adore, mais c’est quelque chose que je n’ai jamais cherché à reproduire. Après, on ne maîtrise pas toujours ce que l’on veut ou ce que l’on fait. C’est plus un processus naturel d’évolution, pour se renouveler. C’est rare qu’en vieillissant on aille de plus en plus vite, de plus en plus fort, de plus en plus extrême. On a toujours plus tendance à ralentir, plus prendre le temps, essayer des choses… [Rires] Je pense que ça va avec.

Mathieu : Le truc c’est que nous sommes encore un « petit groupe », donc nous cherchons à élargir notre public. Et ouvrir la musique, ça veut dire essayer de la rendre un peu plus efficace pour tout le monde, et surtout mémorable. Faire que quand les gens écoutent le morceau une fois, ils puissent l’avoir quasiment par cœur tout de suite. Et en effet, je pense que c’est ce que Gojira cherche aussi à faire. Bon, à une échelle encore plus grande, parce qu’à mon avis ils sont largement au-delà du death metal voire du metal. Ils vont carrément taper dans le rock, chose que je ne pense que nous puissions faire. Ce serait un peu brutal si nous nous mettions à faire du rock, là cash, tout de suite [rires].

A chercher à élargir votre public, vous n’avez pas peur des réactions des puristes ?

Oui, c’est ce que je disais tout à l’heure au sujet de la voix. Le truc, c’est que nous essayons d’y aller tout doucement. Nous changeons quelques trucs par-ci par-là mais nous essayons quand même de rester death metal, car nous savons très bien qu’on peut nous lâcher du jour au lendemain si jamais c’est trop brusque. Ou alors je pense que ce serait même plus intelligent de faire un autre groupe, si jamais il nous prenait l’idée de faire du rock [petits rires]. Je pense que Gorod restera toujours du death metal. Sous quelle forme exacte, je ne sais pas trop, mais sûrement de moins en moins brutal.

C’est compliqué de trouver l’équilibre entre d’où on vient et ce que les gens attendent, et où on a soi-même envie d’aller, les horizons qu’on a envie d’ouvrir, etc. ?

Carrément ! Quand je fais les morceaux, ce sont vraiment les questions que j’essaye de me poser le moins souvent, parce que sinon tu n’avances pas ! [Rires] Si tu cherches d’entrée à définir ce que tu veux faire, tu te poses trop de questions et tu ne fais plus rien, tout est nul, tout est pas assez ci, tout est pas assez ça. C’est vraiment le genre de truc contre-productif à se mettre dans la tête.

Julien disait juste avant que pour lui, Gorod a déjà fait le tour de la question en termes de pur death technique. C’est aussi ton ressenti ?

Oui, carrément. Le truc, c’est que vraiment, j’ai l’impression que dans le groupe, plus personne n’a envie d’en faire. Je pense qu’il y a déjà largement de quoi faire chez les autres. Il y a plein de groupes qui émergent de tech death purs et durs, très brutaux, très rapides. Nous, nous n’avons plus forcément envie de faire ça. Quand je commence à écrire un morceau, dès que je fais sonner un riff qui me rappelle trop ça, j’ai l’impression de l’avoir déjà fait et je n’aime pas trop ça, je n’aime pas refaire les mêmes trucs avec les mêmes recettes. Et puis, pour aller encore plus loin, même à écouter, ça ne m’intéresse par tellement, parce que ça m’ennuie très vite. C’est très souvent les mêmes recettes qui sont appliquées avec plus ou moins de touches personnelles.

Vous avez tendance à sortir des EP entre les albums, or Mathieu, la dernière fois, tu nous parlais de ton idée de faire un EP funk. Entre-temps, vous avez bien fait un EP mais celui-ci était orienté thrash pour coller avec la tournée. Alors, l’EP funk ce sera pour quand ?

Dès que nous tournerons avec Jamiroquai [rires]. En vrai, c’est encore dans les cartons, j’ai des bribes de morceaux que j’ai commencé à faire. Il faut juste trouver l’occasion, et trouver quelque chose de pertinent pour le sortir.

As-tu d’autres idées comme ça ?

Des fois ouais, comme de faire un album djent, enfin, de faire des pastiches, en gros. Des pastiches avec tout le respect que j’ai pour tous les autres styles de musique. Mais pour rigoler, j’aime bien faire ce genre de truc. L’EP thrash, ce n’était pas non plus quelque chose de très sérieux. C’était pour nous amuser. Tous les EP que nous avons faits, c’était des trucs un peu expérimentaux, pour nous amuser. Ce n’était pas dans le cadre d’un album, où il y a le label, où on attend des choses de nous. Donc c’est fort probable que nous en refassions un d’ici pas longtemps. Après, je ne sais pas trop dans quel style, on verra. Mais ce sera sûrement plus funky que cet album-là, pour rattraper le coup [rires].

Interview réalisée par téléphone le 19 octobre 2018 par Nicolas Gricourt.
Transcription : Robin Collas & Nicolas Gricourt.

Facebook officiel de Gorod : www.facebook.com/GorodOfficial

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