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Interview   

Gotthard rebranche les guitares


Après huit ans et bientôt quatre albums au compteur, on ne peut que constater à quel point Nic Maeder s’est confortablement fait une place au sein de Gotthard. Une prouesse quand sa tâche a été de prendre la suite d’un frontman de la trempe de Steve Lee. Cette réussite, il la doit avant tout à son talent de chanteur et de compositeur, mais aussi à un travail sur lui-même pour apprendre à collaborer et à rentrer dans la dynamique créative de Gotthard. Ce qui explique peut-être pourquoi le nouvel album des Suisses, le simplement nommé #13, a été le plus facile à écrire pour ce line-up, malgré les difficultés à trouver des créneaux pour le faire.

Revenant de la tournée Defrosted 2, où Gotthard a réinterprété certains de ses titres en acoustique accompagné d’instruments classiques, on peut aussi comprendre que ça ait pu les démanger de renfiler les guitares électriques, en renouant avec le producteur Paul Lani qui avait déjà signé le plus brut Firebirth (2012). Pour autant, s’il démarre sur une tonalité bien hard, #13 joue sur la diversité et les élans plus atypiques dont est capable Gotthard, entre intervention de co-writers et inspirations orientales voire quasi sludge, en passant par une reprise d’Abba…

Nous avons profité d’avoir Nic Maeder au téléphone pour disséquer ce nouvel opus et en savoir un peu plus sur lui. On fait également le point sur sa place dans le groupe aujourd’hui, mais aussi sur celle du batteur Hena Habegger, absent du disque, et du guitariste/membre historique Leo Leoni après ses escapades dans le projet CoreLeoni.

« Nous avions vraiment envie de nous remettre à écrire un bon album rock. Et c’est vrai qu’on doit se remettre un peu dans le bain du studio, c’est vraiment un gros boulot d’écrire un album. Il faut vraiment en avoir envie ! [Rires] »

Radio Metal : Entre Silver et ce nouvel album #13, Gotthard a fait une tournée acoustique et a enregistré Defrosted 2, un album live acoustique. Comment était cette expérience pour le groupe, et pour toi en particulier puisque tu n’avais pas participé au premier Defrosted ?

Nic Maeder (chant & guitare) : Nous voulions vraiment faire un truc un peu différent, pour éviter de toujours faire la même chose. C’était un truc dont nous parlions depuis longtemps, Defrosted 2, et c’était vraiment une belle expérience. Mous étions même par moments treize musiciens sur scène, c’était vraiment une grande équipe, donc c’était un truc assez spécial, et surtout, d’avoir pris des morceaux que nous avions déjà, de les avoir arrangés différemment, c’était vraiment bien.

Penses-tu que le passage à l’acoustique est le test ultime pour une chanson ?

Absolument ! On ne peut pas trop se cacher derrière un mur de son ! [Rires] Je pense que c’est le test ultime. Si un morceau marche en acoustique, il marchera partout, c’est clair.

Ayant fait cette tournée acoustique, est-ce que vous avez abordé ce nouvel album électrique avec une énergie renouvelée ? Est-ce que tu penses que cette parenthèse vous a fait du bien ?

Absolument ! Ça nous a vraiment donné l’envie de redevenir un peu plus rock. En général nous faisons une année de tournée et une année où nous faisons un album, et ainsi de suite, or là, nous avions un peu loupé une année, donc nous avions vraiment envie de nous remettre à écrire un bon album rock. Et c’est vrai qu’on doit se remettre un peu dans le bain du studio, c’est vraiment un gros boulot d’écrire un album. Il faut vraiment en avoir envie ! [Rires] Des fois, on n’en a peut-être pas forcément l’envie. Mais là, ça s’est vraiment fait d’une façon assez rapide, et assez facile. C’est le quatrième album studio que je fais avec le groupe maintenant, et pour moi, c’était vraiment l’album le plus facile à écrire, tout s’est bien passé.

Qu’est-ce qui a fait que celui-ci était plus facile que les autres ?

Je ne sais pas. Je pense que les idées venaient plus facilement, c’était un peu plus fun… Nous étions vraiment dans l’ambiance, nous voulions écrire. En plus, c’est marrant parce que nous n’avions pas autant de temps que pour les autres albums, parce que nous avons quand même fait pas mal de concerts entre-temps, il y avait toute la saison des festivals, etc., donc nous étions entre le studio, les concerts… C’était vraiment un jour par-ci, par-là. Nous avions de la peine à vraiment trouver une période où nous pouvions nous dire : « Maintenant, on se fait quatre semaines d’écriture à fond. » Nous étions un peu inquiets au début, nous nous sommes dit : « En fait, si on compte tous les jours, ça ne fait pas autant de jours que ça pour écrire cet album. » Nous avions peut-être deux ou trois jours ensemble, où nous pouvions vraiment nous y mettre pour bosser dessus. Ensuite, nous partions et avions d’autres choses à faire… D’habitude, nous nous mettions pendant quelques mois ensemble et nous nous voyions cinq jours par semaine. Cette fois-ci, nous n’avons pas pu faire ça. C’était vraiment quelques jours par-ci, par-là. Des fois j’étais juste avec Freddy, des fois j’étais juste avec Leo… Nous faisions avec ceux qui étaient là, donc ce n’était pas comme nous faisions d’habitude, mais en fait, ça s’est vraiment bien passé, toutes les idées sont venues assez facilement, c’était très cool. Nous avons aussi écrit avec d’autres gens, dont Eric Bazilian avec qui nous avons fait deux chansons, et Francis Rossi avec qui nous avons fait « Missteria ». Tout s’est fait de façon naturelle.

Comment en êtes-vous venus à faire appel à des co-writers : Eric Bazilian qui a coécrit « Bad News » et « Marry You » et Francis Rossi de Status Quo, qui avait d’ailleurs déjà collaboré avec Gotthard sur « Bye Bye Caroline » ?

Déjà, avec Francis Rossi, nous nous connaissions bien, grâce à la tournée que nous avions faite ensemble, Rock Meets Classic, nous avions passé un mois ensemble. Nous avions écrit « Bye Bye Caroline » dans les coulisses. Nous avions commencé à écrire ce morceau, et à la fin de la tournée, nous avions le morceau. Et puis nous sommes restés vraiment amis. Nous avons été chez lui plusieurs fois, dans son studio à Londres, et nous sommes toujours restés en contact. Donc là, pour « Missteria », il nous a envoyé une idée, il nous a dit : « J’ai enregistré un truc sur mon téléphone… » Il avait la mélodie et les accords pour le refrain. Ça a commencé comme ça. Nous nous sommes dit que nous pourrions faire quelque chose avec ça. Après, nous nous sommes fait quelques sessions par Skype, avec des grattes sèches, et nous avons abouti à ce morceau. Puis Eric Bazilian, nous l’avions rencontré sur la même tournée, Rock Meets Classic, et nous avions aussi passé un mois ensemble. C’était avec Francis et Eric que nous étions le plus souvent. J’ai passé beaucoup de temps avec Eric aussi. Et là, je lui ai dit : « Écoute, ça te dirait de venir écrire avec nous ? ». Donc il est descendu et est venu au Tessin pendant quelques jours. Il avait cette idée de « Bad News », c’était une moitié de chanson qu’il avait déjà, et nous l’avons finie avec lui. L’autre chanson que nous avons faite avec lui, « Marry You », c’est intéressant parce que c’était une chanson qu’il avait écrite à une époque, il y a plus de vingt ans de ça, pour demander sa femme en mariage. Donc il l’avait assise, ils étaient au restaurant ensemble, et il lui a mis les écouteurs en lui disant : « Écoute cette chanson », et c’était sa demande en mariage. Il n’avait jamais utilisé cette chanson, il ne l’avait jamais sortie. Il nous l’avait montrée juste comme ça, par hasard, puis Leo a vraiment sauté dessus tout de suite, il a dit : « Ah ouais, on pourrait faire un truc avec ça ! Il faut absolument qu’on la fasse ! » Donc ça, c’était vraiment par hasard, nous ne l’avions même pas prévu.

Vous cherchiez quelque chose de particulier chez ces compositeurs ou c’était juste au feeling, pour voir ce que ça pouvait donner ?

Le truc, c’est un peu ça. Quand on écrit avec des gens, souvent, il n’y a rien qui en sort. On ne sait vraiment jamais. Tout le monde a une façon un peu différente d’écrire. La dynamique est toujours différente, suivant avec qui on est, donc nous ne savions pas du tout. Nous n’avions vraiment aucune idée. Nous ne savions même pas si nous allions faire une ballade, un morceau rock, ou quoi que ce soit. On s’assoie et on commence quelque part… On mange ensemble, on boit quelques verres ensemble, on apprend à se connaître… C’est souvent ce qui se passe : quand on écrit des chansons, on apprend vraiment bien à se connaître.

« C’est un groupe qui a toujours eu beaucoup de styles différents dans chaque album. Pour quelqu’un qui écrit des chansons, c’est vraiment cool, parce qu’on peut expérimenter pas mal, on n’est pas trop coincé dans un style précis. »

L’album démarre sur « Bad News » et « Every Time I Die », deux morceaux très hard, renvoyant plutôt au vieux Gotthard des années 90. Mais finalement, on découvre que ce n’est pas forcément représentatif de l’album qui est très varié, avec des morceaux moins hard sur la suite. Est-ce que pour vous, Gotthard est plus qu’un groupe de hard rock ?

Je pense que c’est un groupe qui a toujours eu beaucoup de styles différents dans chaque album. Pour quelqu’un qui écrit des chansons, c’est vraiment cool, parce qu’on peut expérimenter pas mal, on n’est pas trop coincé dans un style précis. Le groupe a toujours un peu fait ça. Par exemple, sur cet album, le morceau le plus étrange [rires], c’est « Missteria », je pense ; c’est le morceau le moins typique. Mais dans tous les albums, nous avons toujours fait deux ou trois trucs vraiment différents. Je pense que c’est assez caractéristique du groupe de faire ça. Mais vu que nous avions fait Defrosted 2, nous voulions vraiment ouvrir avec un truc qui tapait bien. Nous hésitions un peu entre les deux premiers, justement, nous n’étions pas sûrs de celui qui allait vraiment être le premier. Des fois, nous pensions aussi que peut-être, « Every Time I Die » aurait pu être le premier, mais « Bad News » était mieux pour ouvrir. C’est aussi souvent une bonne idée, lorsqu’on fait une tournée pour un album, d’ouvrir avec les premiers morceaux de l’album. Donc c’était un peu ça l’idée aussi.

Est-ce que tu dirais que l’épisode Defrosted 2 vous a inspirés ? Je pense au côté folk de « Marry You » ou au dernier morceau « Rescue Me » qui a un côté à la fois plus brut et plus acoustique, en tout cas au début…

Oui, je pense, énormément. Déjà, le fait de jouer avec plein de musiciens différents, en plus ce sont de grosses productions, avec des arrangements un peu spéciaux… Si on regarde « Rescue Me », qui est un morceau assez spécial… [rires] Je n’ai jamais pensé à ça, mais c’est peut-être vrai. Au niveau de Defrosted 2, nous nous sommes vraiment amusés à apprendre des morceaux que nous avions l’habitude de faire, et à les changer. Je pense qu’il y a eu pas mal d’inspiration de ce côté-là.

« Rescue Me » est justement assez étonnant, il commence en acoustique et finit de manière presque sludge ou grunge, avec un côté psychédélique… Quelle est l’histoire de ce morceau ?

En fait, Leo était avec le producteur, Paul Lani, qui était sur la batterie, et Leo était sur la guitare acoustique et ils s’amusaient. Leo avait cette idée de faire un truc… C’est assez spécial parce que ce n’est pas vraiment le style de Leo, ce morceau. C’est vrai que c’est plutôt grunge, et Leo n’est pas du tout grunge ! [Rires] Donc c’était assez bizarre, avec cette fin de morceau, où le producteur a dit : « Il faut vraiment qu’on fasse un truc qui nous fasse complètement aller ailleurs, dans un autre monde. » Nous avons essayé plein de trucs, nous nous sommes amusés avec des riffs, pour finalement en arriver à celui-là. Pour les paroles de ce morceau, nous nous sommes bien amusés, parce qu’avec Leo, nous sommes allés bouffer une pizza tous les deux un soir, une bouteille de rouge, au resto, et puis nous avons écrit un peu de paroles juste ce soir-là. Ça parle de la vie à travers Internet, être connecté tout en étant complètement déconnecté de la réalité, d’être esclave de son smartphone… C’est un peu ça le sujet de ce morceau. C’était vraiment fun de le faire.

Tu as l’impression qu’on a besoin d’être sauvés par rapport aux réseaux sociaux, à l’hyper-connectivité ?

Ouais, ça devient un monde assez spécial. Quand on a vécu sans, et que l’on vit maintenant avec… C’est un truc bizarre quand on n’a pas son portable pendant une demi-heure, on est là, on se met à paniquer : « Il est où, il est où ce portable ? » C’est incroyable à quel point on est devenus dépendants de ça.

Sur « Missteria », d’où vient le côté oriental de cette chanson ?

Ça, ce n’était même pas prévu. Nous avions fini la chanson, et nous avions les filles, les choristes que nous avions pour Defrosted 2. Elles sont venues dans le studio pour faire des backing, chanter deux ou trois petits trucs, et là, Paul Lani a dit : « Essaye pour voir, chante n’importe quoi sur ‘Missteria’, fais tes gammes orientales, fais un peu tes trucs. » Puis nous avons un peu improvisé, nous avons fait plein de combines, et ça a plu. Tout le monde a trouvé que ça donnait un effet vraiment spécial, et pas très Gotthard, c’est vrai ! [Rires] Au final, nous nous sommes dit : « Pourquoi pas ! » Ça donnait une tout autre ampleur à cette chanson, et nous avons décidé de garder ça comme ça.

Vous avez repris la chanson « SOS » d’Abba. Abba n’est pas un groupe de rock mais c’est un groupe connu pour son sens de l’accroche inimitable. Ce qui est étonnant, c’est qu’à l’écoute, la chanson sonne vraiment comme une chanson de Gotthard. Est-ce que finalement vous vous sentez proches d’Abba pour leur sens mélodique et de l’accroche justement, malgré le fait que vous n’œuvriez pas dans le même style ?

Un bon morceau est un bon morceau, quel que soit le style. Je n’ai jamais été un grand fan d’Abba, mais il faut reconnaître qu’ils ont toujours écrit des morceaux vraiment super bons au niveau du songwriting. En fait, c’est une drôle d’histoire pour « SOS ». C’était la télévision suisse qui faisait un truc pour Noël, un tribute à Abba, et ils demandaient à plein de chanteurs différents s’ils voulaient venir faire partie de cette émission et chanter une chanson d’Abba. Ils m’ont demandé de faire ça, et je me suis dit : « Oh, je ne sais pas trop… » [rires]. Je leur ai dit : « Donnez-moi quelques jours, je vais écouter quelques morceaux d’Abba, pour voir s’il y aurait moyen de refaire une version d’un de leurs morceaux. » Puis je suis tombé sur « SOS », j’ai essayé d’enregistrer ça à mon petit studio à la maison, une version piano mais un peu sombre… Puis pour finir, je me suis rendu compte que ça marchait très bien. Donc j’ai décidé de faire l’émission. Puis j’ai raconté cette histoire aux gars du groupe, je leur ai montré le morceau, ils ont adoré, ils ont dit : « Ah ouais, faudrait le faire ! » Et justement, Leo m’a dit : « Écoute, on voulait faire une version de SOS avec Steve [Lee] à l’époque, puis on ne l’a jamais faite ! Nous avons toujours voulu faire ça ! » Donc c’était parfait. Nous avons décidé de faire cette version, mais beaucoup plus Gotthard, avec des guitares et tout. Donc c’est de là que c’est venu.

« [Leo] adore faire [CoreLeoni], donc ça ne peut qu’être bénéfique pour lui. Et ça ne peut qu’être bien pour nous aussi. Si nous avons Leo qui est content, nous sommes tous contents ! [Rires] J’ai remarqué qu’il était plus relax, plus détendu qu’avant. »

L’album a été produit par Paul Lani. Qu’est-ce qui vous a poussés à de nouveau vous rapprocher de lui ?

Le premier album que j’ai fait avec le groupe, Firebirth, avait été fait avec lui aussi. À l’époque nous voulions vraiment un album assez brut, pas de chichi, et nous voulions de nouveau un peu ça pour cet album. Nous avions besoin de ça pour celui-là. Nous voulions justement retourner un peu dans cette direction. Et nous avions quand même fait les derniers albums avec Charlie Bauerfeind. Nous avons toujours bien travaillé avec lui, tout allait bien, mais nous voulions quand même un petit changement, c’était le moment de changer de producteur. Nous sommes vraiment contents du résultat. C’était vraiment cool de pouvoir bosser avec lui, surtout de retravailler les chansons… Il réfléchit d’une manière un peu différente. Des fois, il a des idées auxquelles nous n’aurions jamais pensé, du genre : « Mets plutôt cette partie-là, commence avec ça, finis avec l’autre. » Il nous a fait changer, mélanger certains trucs, des choses auxquelles nous ne nous attendions pas. Donc c’était bien de travailler avec lui.

L’album s’appelle #13, évidemment parce que c’est le treizième album du groupe, mais qu’est-ce que ce nombre évoque chez toi ?

C’est vrai que c’est le treizième album, il y a treize chansons dessus, et nous allons le sortir le vendredi 13 mars, en plus ! Treize, pour moi, ce n’est pas vraiment un numéro spécial. Mais pour Leo, oui ! Lui, ç’a toujours été son numéro. C’est marrant, j’en parlais avec lui aujourd’hui, et il me disait : « Souvent, quand on signait des contrats, des trucs comme ça, on faisait ça le 13. » J’ai dit : « Ah bon ? Ça je ne savais pas ! » [Rires]. J’ai appris quelque chose aujourd’hui !

C’est marrant car le numéro treize est généralement plutôt signe de malchance, chez les gens…

Ouais, il y a un peu des deux. Il y a des gens qui voient ça comme le numéro de la chance… Moi, je pense que ça m’est un peu égal, les numéros [rires]. Mais ce que je trouve très marrant, c’est que c’est le treizième album, avec treize chansons, et ça sort un vendredi 13. A la base, nous allions l’appeler Round 13, mais finalement nous nous sommes arrêtés sur #13.

Tu n’es pas superstitieux ?

Pas du tout [rires].

La pochette de l’album représente le « Combat des Reines », un combat de vaches traditionnel du canton suisse du Valais. Qu’est-ce que cette pratique représente pour vous ?

Pour moi, pas grand-chose. Je ne connaissais pas vraiment, j’ai appris ça plus tard. Nous avons trouvé cette photo, ils ont dû m’expliquer ce que c’était, car je n’en avais aucune idée… [rires] Mais c’était une photo qui avait vraiment une puissance, une certaine force. Cette photo est assez incroyable. Pour nous, c’était un peu le combat… D’autant qu’à l’époque, nous allions appeler l’album Round 13, donc c’était un peu comme si nous nous remettions sur le ring. Ça représente un peu une bataille, de faire un album, de repartir en tournée, etc.

Vous n’avez pas peur, avec une telle illustration, de vous attirer les foudres des défenseurs des animaux, même si c’est moins violent que la corrida ?

Ouais, j’ai pensé à ça aussi, au début. Après, j’ai un peu regardé Wikipédia, pour voir ce que c’était ce Combat des Reines… Mais apparemment, elles ne se blessent pas vraiment. D’après ce que j’ai lu, ce sont des combats qu’elles se font naturellement, de toute façon. Apparemment, ces vaches ne se blessent pas, ou très rarement. Donc voilà, mais j’y ai pensé ! Surtout que nous sommes plutôt pro-animaux !

La pochette de l’album avec le nom du groupe en rouge sur une image en noir et blanc, ça fait forcément penser à l’album G. Est-ce qu’il y a un lien conscient ?

Non, pas vraiment. Il y avait plutôt un lien au niveau du numéro treize, le signe du numéro, qu’ils avaient déjà dans Dial Hard, le deuxième album. Là, il y avait un petit truc. Mais sinon, non, pas vraiment.

Depuis Silver, le dernier album du groupe, Leo Leoni a sorti deux albums avec son projet CoreLeoni où il revisite le vieux répertoire de Gotthard. Ce projet émane d’une envie « de faire ce qu’[il] faisai[t] dans le temps, ce qu’[il a] toujours aimé faire et [n’a] pas pu faire au cours des vingt dernières années » avec Gotthard, soit des chansons plus rock n’ roll et moins mainstream, moins « consensuelles », pour reprendre ses termes. Gotthard ne va pas toujours dans le sens de ses envies mais il respecte la direction car c’est une démocratie. Est-ce que tu dirais que maintenant qu’il a ce projet, cet exutoire où il peut faire le style qu’il a envie de faire, ça a clarifié voire apaisé certaines tensions dans Gotthard aujourd’hui ?

C’est un truc qui le rend heureux. Il adore faire ça, donc ça ne peut qu’être bénéfique pour lui. Et ça ne peut qu’être bien pour nous aussi. Si nous avons Leo qui est content, nous sommes tous contents ! [Rires] J’ai remarqué qu’il était plus relax, plus détendu qu’avant. Ça lui fait vraiment du bien de faire ça, donc tant mieux pour lui. D’un autre côté, c’est marrant avec Leo, parce qu’il a toujours aimé les chansons plus rock, plus hard, mais c’est aussi le premier à écrire des ballades ! [Rires] Sur énormément de ballades, c’est lui qui a écrit ! Après, je ne dirais pas qu’il y avait des « tensions »… Dans un groupe, il y a un peu toujours des tensions, on parle beaucoup ensemble, on vit ensemble, on écrit ensemble, on fait beaucoup de choses ensemble, donc c’est clair que c’est un peu comme une famille, comme des frères. De temps en temps, il y a un peu des tensions, mais c’est normal. Mais pas spécialement, non.

« J’ai vraiment dû […] apprendre à accepter les idées des autres. Quand j’arrivais avec une idée pour un morceau et que les autres commençaient à tout changer, ça me rendait complètement fou, au début [rires]. »

Leo avait aussi déclaré : « Au fil du temps tout le monde change un peu d’envie, sauf moi qui étais toujours un peu plus le rocker de la bande, le rebelle rock n’ roll. » Est-ce que Leo est un rebelle, selon toi ?

[Rires] Je pense que nous sommes tous rebelles, quand même. Pour faire ce métier, il faut quand même l’être un peu. On vit tout de même une vie… On est quand même un peu différents de la norme ! Tu passes ta vie sur la route, à tourner, à faire tout ce qu’on fait… Nous avons tous grandi en faisant ça, nous avons tous eu des parents ou de la famille qui nous disaient : « Non ! Musicien, ça ne marche pas ! C’est trop difficile de vivre de la musique ! » Donc quelque part, nous avons tous dû prendre, à un certain moment de notre vie, une décision. Moi, je fais ça, donc nous sommes un peu rebelles en ce sens-là.

Toi, par tes parents ou ton environnement, tu as connu des réticences par rapport à ce que tu voulais faire ?

Bien sûr ! Le problème, c’est qu’il y a très peu de musiciens qui arrivent à vivre de la musique, donc c’est très difficile, et tout le monde en est conscient. Les parents, la famille… Je les comprends aussi, c’est tout à fait normal. Je dois dire que du côté de mes parents, j’ai quand même eu pas mal de soutien, malgré tout.

À quel moment t’es-tu dit : « Je veux faire ça, je veux faire de la musique, je veux faire du rock » ?

J’ai commencé dans les groupes de rock à treize ans, j’ai commencé à vraiment apprendre la guitare autour de douze, treize ans, et je n’ai jamais vraiment arrêté depuis cette époque-là. Je commençais déjà à écrire des chansons, à jouer dans des groupes… J’ai pratiquement fait ça toute ma vie, donc j’ai toujours voulu faire ça. Il est clair que de temps en temps, tu te décourages, il y a toujours des hauts et des bas avec certains groupes… J’ai voulu arrêter plusieurs fois, mais en fait, j’y suis toujours revenu ! [Rires]

Toi, où te places-tu du côté des envies musicales dans le groupe ? Tu es plutôt côté hard rock old school, ou plutôt rock mainstream ?

Je suis un peu les deux, en fait. J’adore écrire, dans plein de styles différents, je n’ai pas vraiment de préférence. Ça dépend des humeurs ! C’est clair que chanter des ballades me donne un peu plus de place pour la voix, au niveau de l’expression… C’est un côté que j’aime beaucoup aussi, mais quand on parle de l’enregistrement du nouvel album, je me réjouis de faire « Bad News », « Every Time I Die », des chansons comme ça qui mettent bien la patate. Pour moi, ça dépend de l’humeur. Ce que j’aime, surtout, c’est la variété. J’aime un bon mélange d’un peu de tout. C’est ce qu’il faut pour un concert, il faut faire monter, faire descendre les émotions… Il faut planifier ça d’une manière qui marche bien pour faire un show. Donc on a besoin d’un peu de tout.

Hena Habegger n’a pas participé à cet album car il est en congé paternité, à la place c’est Alex Motta qui joue la batterie. C’était important pour le groupe de ne pas attendre plus longtemps et faire cet album, même si ça devait être sans Hena ?

Nous n’avions justement pas beaucoup de temps pour écrire et tout préparer. Nous devions continuer, nous devions avancer, et lui était tout à fait d’accord, il n’y a pas eu de problème à ce niveau-là. Au début, nous avions pris Alex juste pour faire les démos, quand nous écrivions. Ça s’est vraiment bien passé, ça sonnait bien, et quand est arrivé le moment de faire la production, il connaissait déjà les chansons, il avait déjà tout joué, ça ne faisait pas de sens de changer. Donc nous avons continué avec lui, nous avons fini l’album avec lui, et il a vraiment fait un bon boulot. C’est vraiment top ce qu’il a fait. Hena voulait se retirer un peu. Ça faisait un moment qu’il se retirait gentiment, il jouait de moins en moins, surtout pour partir en tournée… il a besoin de prendre du temps. C’est clair que c’est dommage qu’il ne soit pas avec nous, mais nous comprenons très bien aussi, et ça ne sert à rien qu’il vienne en tournée s’il n’a pas envie à cent pour cent. S’il se sent plutôt d’être à la maison avec ses enfants, nous le comprenons tout à fait. Donc nous ne savons pas combien de temps il va arrêter, il n’y a pas de date ou quoi que ce soit, mais la porte restera toujours ouverte pour lui. En attendant, le groupe doit continuer, donc la tournée se fera sans lui. Nous allons de l’avant.

C’est ton quatrième album avec le groupe : comment ressens-tu ton évolution dans Gotthard depuis que tu es arrivé il y a bientôt dix ans ?

Ouais, j’ai de la peine à croire que ça fait déjà ce temps-là ! [Rires] Et que j’en suis déjà au quatrième album ! C’est incroyable, ça passe tellement vite ! Heureusement que ça fonctionne encore bien, que nous nous entendons encore tous bien, que nous faisons des albums que nous trouvons encore vraiment bons… Mon l’évolution ? Je dois dire que je ne réécoute pas tellement les vieux albums. Une fois qu’un album est fait, que nous avons passé tellement de temps à le produire, à l’enregistrer, nous l’avons déjà écouté quinze millions de fois, je ne l’écoute plus. Je suis rarement retourné écouter les vieux albums. Je pense qu’il y a eu une grosse évolution pour moi au niveau de l’écriture. J’écrivais tout le temps tout seul avant, donc écrire en groupe avec d’autres, je n’avais vraiment pas l’habitude. J’ai vraiment dû apprendre à faire ça, et apprendre à accepter les idées des autres. Quand j’arrivais avec une idée pour un morceau et que les autres commençaient à tout changer, ça me rendait complètement fou, au début [rires]. Donc j’ai un peu appris à ne pas trop finir les chansons, parce qu’après, on s’habitue à avoir un morceau qu’on commence déjà à aimer tel qu’il est. Donc si après, les autres commencent à arriver dedans et à tout changer, c’est vraiment difficile. Donc j’essaye de ne pas trop finir les choses et de collaborer vraiment au début de la chanson, plutôt que d’arriver avec un truc complètement fini, comme je le faisais avant. J’ai bien changé à ce niveau-là. Et maintenant, je dois dire que je préfère écrire en groupe. Avant, c’était vraiment difficile, mais maintenant, je préfère.

Est-ce qu’il arrive encore qu’on te compare à Steve Lee ?

Oui, bien sûr. C’est un truc qui ne va jamais s’arrêter. On me pose souvent des questions là-dessus, d’ailleurs. C’est un truc que j’ai toujours su, dès le début, qu’il y aurait toujours des comparaisons, que les gens poseraient toujours ces questions… J’ai assez l’habitude de ça.

Interview réalisée par téléphone le 30 janvier 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Robin Collas.
Photos : Franz Schepers.

Site officiel de Gotthard : www.gotthard.com.

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