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Chronique Focus   

Grave Pleasures – Plagueboys


Grave Pleasures annonce la couleur d’entrée de jeu : entre plaisirs et pierres tombales, le groupe a peaufiné au fil des années un mélange de post-punk et de death rock à la fois morbide et hédoniste. Né sur les cendres de Beastmilk qui avait fait courir un frisson cold wave dans l’underground au début des années 2010 et porté par le prolifique Mat McNerney, connu pour ses contributions à la scène black metal (Code, Dødheimsgard, The Deathtrip), son projet de folk psychédélique Hexvessel, et ses apparitions chez Carpenter Brut, Me And That Man et ailleurs, après quelques ajustements de line-up, Grave Pleasures est composé de quatre musiciens finlandais venant d’horizons variés en plus du Britannique McNerney au chant. Motherblood, sorti en 2017, était l’œuvre d’un groupe qui avait enfin trouvé son équilibre et sa formule, parfaitement à l’aise dans un son taillé pour faire danser dans les bunkers ou les caves d’un monde au bord de l’effondrement. Pour leur troisième album, Plagueboys, les musiciens continuent l’exploration de ce même univers peuplé de rêves d’annihilation, de collisions romantiques et d’échos des sonorités froides des années 1980, mais ne se contentent pas de se reposer sur leurs acquis pour autant…

« Disintegration Girl » reprend exactement là où le groupe nous avait laissés il y a six ans – basse vrombissante de Valtteri Arino, guitares cristallines de Juho Vanhanen et Aleksi Kiiskilä, refrain imparable, voix sombre, amour et destruction – mais de nouvelles nuances sont déjà perceptibles. Moins chaleureux, moins organique, le son évoque plus volontiers le côté tantôt métallique et chromé, tantôt éthéré du post-punk que les sonorités caverneuses du death rock, impression qui se trouvera confirmée tout au long de l’album, dès un « Heart Like A Slaughterhouse » qui rappelle plutôt Echo & The Bunnymen que Christian Death. Entre les motifs synthétiques de « When The Shooting’s Done » et de « Society Of Spectres », la batterie aux allures de boîte à rythmes de Rainer Tuomikanto sur « High On Annihilation » ou le break aérien de « Conspiracy Of Love », Grave Pleasures multiplie les incursions du côté de la new wave, notamment sur le mélancolique « Lead Balloons » (clin d’œil au tube de la guerre froide « 99 Luftballons » ?) ou un « Tears On The Camera Lens » très The Cure. De même, McNerney étend sa palette au chant, et l’ensemble est plus accrocheur que jamais. Rien d’anachronique pour autant dans Plagueboys : toutes ces références sont passées à la moulinette post-moderne de musiciens plus intéressés par les rémanences de l’histoire et la collision des opposés que par le simple hommage. Ce sont des guitares et une batterie qui produisent ses sonorités les plus synthétiques ; comme les paroles, les arrangements et la production (assurée par Vanhanen avec le recours de son camarade d’Oranssi Pazuzu Niko Lehdontie) jouent des contrastes et de l’alliance des contraires, tantôt froids et tranchants, tantôt plus chaleureux, parfois les deux à la fois.

Car si Plagueboys est moins marqué par le sentiment presque viscéral d’urgence qui coulait dans les veines de Motherblood – sa frénésie et sa tension sexuelle pourront d’ailleurs manquer à ceux qui s’y étaient montrés particulièrement sensibles –, il passe par d’autres voies pour explorer les mêmes tensions, les mêmes contrastes entre l’obscurité d’un avenir bouché et la luminosité des possibles offerts par l’instant présent. Même à son plus pop, Grave Pleasures garde une aura sombre et des sautes d’humeur allant de l’angoisse à la joie extatique en passant par l’espoir et le rire sardonique qu’on serait bien en peine de trouver dans la vague de rock indie d’inspiration années 1980 qui avait déferlé sur ce début de millénaire (Interpol, The Killers et consorts). Ces « garçons de la peste » sont le pendant moderne des Children de The Mission, dont il a les nuances gothiques et les touches psychédéliques : ils ne se contentent pas de réutiliser des sonorités d’une autre époque mais se posent comme les enfants d’un zeitgeist particulièrement chargé, comme si les guitares cristallines et les tendances synthétiques des années 1980 étaient la meilleure manière de faire sens d’un héritage politique et culturel fait de « There is no alternative », de surconsommation triomphante et d’angoisse nucléaire plus d’actualité que jamais. Moins retro que furieusement contemporain, Grave Pleasures est l’écho d’une histoire qui n’en finit pas de finir et de la pulsion de vie qui ne palpite jamais aussi fort qu’au bord du gouffre.

Clip vidéo de la chanson « Heart Like A Slaughterhouse » :

Clip vidéo de la chanson « Society Of Spectres » :

Album Plagueboys, sortie le 21 avril 2023 via Century Media Records. Disponible à l’achat ici



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