Durant ses sept années d’activité depuis son premier album, Journey To The End Of The Night – sorti dix ans après la formation du groupe et qui fête cette année ses vingt ans –, Green Carnation a été un groupe difficile à suivre. Après un changement presque total de line-up, à l’exception du guitariste-leader Tchort, suite au premier disque, et d’incessants changements de direction musicale, il faut croire que Green Carnation s’est perdu lui-même : en 2007 le groupe se séparait.
Pourtant, nul doute que les Norvégiens possédaient une fibre artistique singulière, capable des plus belles étincelles d’inspiration, que ce soit avec l’audace du désormais culte Light Of Day, Day Of Darkness – constitué d’une seule chanson de soixante minutes – ou les élans plus pop rock d’A Blessing In Disguise. C’aurait été dommage que l’histoire s’arrête là.
Tchort et sa bande étaient visiblement du même avis, puisque, après un retour ponctuel sur les planches en 2014, puis une célébration des quinze ans de Light Of Day, Day Of Darkness, le retour est désormais bel et bien acté avec un nouvel album : Leaves Of Yesteryear. Cinq chansons avec lesquelles Green Carnation jette un œil sur son passé, y met de l’ordre et de la cohérence, pour mieux aborder l’avenir. Car le groupe ne compte pas s’arrêter là, avec notamment un projet à long terme qui devrait ravir les fans et sur lequel il a déjà commencé à plancher, comme nous l’explique le chanteur Kjetil Nordhus dans l’entretien fleuve qui suit.
« Nous n’avions aucune idée de la direction que nous voulions prendre avec le groupe. Nous avions travaillé dur et peut-être que nous pensions mériter plus de succès. Il se peut que ce soit aussi une raison : l’industrie musicale ‘injuste’ ne voulait pas de nous. »
Radio Metal : Le groupe s’est brièvement reformé en 2014 pour une seconde version d’A Night Under The Dam, puis en 2016 pour le quinzième anniversaire de Light Of Day, Day Of Darkness, après une séparation de dix ans. Tout d’abord, peux-tu revenir sur cette séparation en 2006 ? Quelle en était la cause ?
Kjetil Nordhus (chant) : Quand j’y repense, tout est un peu plus clair que ça ne l’était en 2006. Ça faisait cinq ans que nous étions très actifs, nous avons sorti plein de disques durant ces années – Light Of Day, Day Of Darkness, A Blessing In Disguise, The Quiet Offspring, Acoustic Verses, deux DVD, un EP –, nous avons tourné aux Etats-Unis et en Europe, et nous avons beaucoup changé dans le groupe, avec les membres et tout. C’était un mélange de plusieurs raisons. Nous ne savions pas trop quoi faire ensuite. Je pense que c’était une raison importante dont nous n’avions pas forcément conscience à l’époque, mais en y repensant, nous n’avions aucune idée de la direction que nous voulions prendre avec le groupe. Nous avions travaillé dur et peut-être que nous pensions mériter plus de succès. Il se peut que ce soit aussi une autre raison : l’industrie musicale « injuste » ne voulait pas de nous. Je crois aussi que Tchort, qui est le membre fondateur du groupe, avait l’impression que la grande idée derrière le groupe avait un peu disparu : il y avait plein de nouvelles personnes dans le groupe avec des idées différentes des siennes. Donc, en gros, il y avait autour du groupe une frustration globale due à plusieurs problèmes, qui nous a menés à nous séparer.
En 2007, quand le groupe s’est séparé, Tchort a déclaré qu’il continuerait à écrire de la musique sous le nom de Green Carnation, mais qu’il ne jouerait probablement plus en live avec le groupe…
Si tu avais parlé à n’importe qui dans Green Carnation en 2006 et 2007, personne n’aurait imaginé que nous nous reformerions. Pas forcément qu’un truc horrible s’est passé, mais ce que Tchort a dit et auquel tu fais référence symbolise peut-être, justement, le fait que nous n’avions aucune idée de quoi faire avec le groupe, il n’y avait aucun plan à ce moment-là. Mais parfois, les grandes idées mettent un peu de temps à venir. Quand nous avons commencé à parler du concert de 2014, je crois que c’était en novembre 2013, il a appelé Stein Roger [Sordal], et Stein et moi avions dit que ce serait bien de refaire une fois quelque chose. Je pense qu’à partir de 2012, nous avons tous un peu songé à cette possibilité. Evidemment, Tchort a aussi quitté Carpathian Forest et Blood Red Throne en même temps. Sa situation était telle qu’au lieu de voyager entre deux cent cinquante et trois cents jours par an avec trois groupes, il avait besoin d’instaurer son rôle dans sa famille, car il avait des enfants qui avaient besoin d’un revenu stable et d’un père qui ne partait constamment pas à droite à gauche pour jouer de la musique. Il y avait donc plein de raisons, j’en suis sûr, pour qu’il n’ait eu aucun plan précis à l’époque.
Pourquoi le groupe s’est-il remis en sommeil après le concert unique en 2014 ?
Nous ne nous sommes pas vraiment mis en sommeil. Ce concert a eu lieu en août 2014. A l’origine, nous nous sommes mis d’accord pour voir ce que ça donnait si nous rejouions ensemble, car après autant d’années, on ne sait jamais, il se peut que ce soit en réalité quelque chose qu’on n’ait pas vraiment envie de faire. Mais il fallait que nous essayions et les retours du public ont été incroyables ! Des gens sont venus de partout dans le monde pour nous revoir, et peut-être que nous avions un peu oublié à quel point ce groupe était important pour plein de gens. C’était une grosse motivation. Peu de temps après ça, à l’automne 2014, nous avons commencé à planifier la reformation anniversaire de 2016, si on peut appeler ça comme ça. Il nous a en fait fallu un an de répétition pour ça, car c’était un énorme projet ! Nous n’avons fait aucun compromis. Il nous fallait les bonnes personnes pour le faire, il fallait que nous passions suffisamment d’heures en répétition, avec notre ingénieur du son, notre ingénieur lumière, avec le concept qui entoure l’ensemble, et il fallait aussi que nous calions les concerts nous-mêmes, car nous n’avions personne pour nous aider à l’époque. C’était énormément de boulot de tout préparer et ça nous a accaparés durant toute l’année 2015. Voilà pourquoi ça a pris autant de temps. Je pense que ça a valu la peine, parce que nous voilà aujourd’hui en 2020 et nous n’avons pas arrêté notre lancée !
Le quinzième anniversaire de Light Of Day, Day Of Darkness a été le véritable lancement de cette reformation : il s’agit d’une œuvre musicale de soixante minutes, massive et richement arrangée. Comment ça a été pour vous de vous replonger dans ce monument ?
Il a fallu que nous reprenions tout de zéro. Nous en avions déjà joué des parties, je crois que nous avions joué de la première à la dix-neuvième minute sur un concert avant que nous nous séparions en 2006, et nous avons peut-être déjà fait avant ça une version de quarante-cinq ou cinquante minutes, en retirant certains thèmes qui sont difficiles à reproduire en concert. Donc là, il fallait tout reprendre pour amener sur scène un album extrêmement complexe et voir quels sont les éléments importants dans tel et tel thème. Il y a plus de six cents pistes sur l’album original, donc ça n’allait pas être facile de reproduire tous les sons tels qu’ils étaient. Il fallait que nous nous concentrions sur une version adaptée aux conditions live et qui incluait tous les éléments importants. C’était un énorme boulot et nous ne nous sommes pas arrêtés avant d’être à cent pour cent satisfaits ; pas à quatre-vingt-dix-neuf ou quatre-vingt-dix-huit, mais à cent pour cent. Je dirais que les cinq derniers pour cent ont peut-être représenté la moitié du boulot. J’ai énormément appris avec ça. Je ne suis pas en train de dire qu’avant nous avions fait des trucs à moitié bons, mais je pense que nous avons atteint un autre niveau avec la quantité de travail que nous avons mise là-dedans, et c’est en partie pourquoi ça a fait autant de bien de voir les extraordinaires réactions que nous avons eues lors de tous les concerts que nous avons faits en 2016.
« Des gens sont venus de partout dans le monde pour nous revoir, et peut-être que nous avions un peu oublié à quel point ce groupe était important pour plein de gens. C’était une grosse motivation. »
Ceci étant dit, nous n’avions pas forcément prévu que 2016 serait le début d’un projet à long terme, mais nous avons laissé les perspectives ouvertes. Nous avons vite compris qu’il y aurait potentiellement suffisamment de gens intéressés par Green Carnation pour que nous allions plus loin. Il nous a fallu quelques années après 2016 pour enregistrer et sortir un album, et c’est aussi lié à tout le travail que nous y avons mis, car ça n’était pas envisageable pour un groupe tel que Green Carnation – et j’imagine que ça vaut pour n’importe quel groupe – de revenir après quatorze ans avec quelque chose qui n’était pas extrêmement bon. Nous avons fait de la musique pendant presque un an et demi avant de décider que nous avions toujours le truc en nous. Nous savions ce que nous allions faire, ça allait être un concept qui aurait du sens pour nous en 2019 et 2020. Mais ce n’était pas avant, disons, février et mars 2019 que nous avons dit : « D’accord, on y va ! »
Tu as mentionné avoir beaucoup appris de l’expérience à jouer Light Of Day, Day Of Darkness en entier : qu’avez-vous appris ?
Pour ma part, tout d’abord, j’ai appris l’énorme différence entre quelque chose qui est à cent pour cent comme on veut et quelque chose qui est presque à cent pour cent comme on veut. Voilà le niveau auquel nous voulons opérer avec Green Carnation aujourd’hui. C’était un énorme apprentissage pour en arriver là. Quelque chose que nous avons également appris en réadaptant Light Of Day, Day Of Darkness pour la scène est peut-être que notre regard est différent après dix ans. Nous avons grandi en tant que personnes. Nous avons plus d’expérience dans la vie et en tant que musiciens. Je ne suis pas sûr que ça aurait été possible pour nous de faire en 2006 ce que nous avons fait en 2016, et c’est grâce à plein de petites choses que nous avons acquises par expérience dans la vie et la musique. De plus, en dehors de la musique, nous avons appris que Green Carnation est un groupe qui a pris de l’ampleur même durant nos dix années d’absence, il semblerait. Il y a plus de gens qui s’intéressent à Green Carnation aujourd’hui qu’en 2006, j’en suis certain, ce qui est une bonne nouvelle pour nous.
En tant que musicien, est-ce très différent de jouer une chanson de soixante minutes par rapport à douze chansons de cinq minutes ?
[Petits rires] A bien des égards, oui. C’est quelque chose auquel j’ai beaucoup réfléchis et aussi peut-être qui nous a donné certains enseignements : les gens étaient épuisés après nos concerts quand nous avons joué Light Of Day, Day Of Darkness. Ils étaient épuisés mentalement, mais de manière positive, car ça leur a procuré plein d’émotions différentes. On ouvre le concert et on garde les gens dans notre monde pendant une heure sans les laisser partir une seule seconde. C’est quelque chose que nous essayons de récréer aujourd’hui, mais évidemment pas avec un seul morceau de musique comme Light Of Day, Day Of Darkness. Nous voulons faire en sorte que le concert commence dès la première seconde et ne s’arrête pas avant que nous sortions de scène. C’est une chose importante sur laquelle nous avons beaucoup travaillé durant les deux ou trois dernières années. C’est très intéressant, pour être honnête.
Le seul membre de Light Of Day, Day Of Darkness à en pas avoir participé à cet anniversaire et qui ne fait pas partie du groupe actuel, c’est le batteur Anders Kobro. Avez-vous essayé de le contacter ?
Oui. Nous vivons dans la même ville, donc nous nous croisons de temps en temps. Evidemment, il est de retour sur scène et sur album avec In The Woods, donc il a été pas mal occupé. Ils sont revenus à peu près au même moment que nous. Nous nous croisons encore parfois à Kristiansand d’où les deux groupes sont originaires. Je suis en contact avec lui et quelques membres de Green Carnation ont un petit peu participé aux albums d’In The Woods ; Bjørn [Harstad] a fait quelques guitares et Stein a fait un peu de basse et de guitare, je crois, sur le premier album après leur retour. C’est une petite ville. Nous sommes cent mille habitants ici à Kristiansand. Il y a plein de groupes mais tout le monde se connaît.
Leaves Of Yesteryear semble très lié à Light Of Day, Day Of Darkness : l’illustration est l’œuvre du même artiste (Niklas Sundin), vous aviez le même producteur (Endre Kirkesola), vous avez utilisé les mêmes claviers, et même la chanson « My Dark Reflections Of Life And Death » – qui vient à l’origine du premier album de Green Carnation – contient la phrase « light of day, day of darkness ». Y avait-il une envie de faire le lien avec les concerts anniversaires et cet album ?
Oui. Les gens qui connaissent Green Carnation savent que nous adorons ces petits messages, avoir des choses qui se recoupent, comme les nombres d’années, des concepts qui vont ensemble, etc. « Light Of Day, Day Of Darkness » a grosso modo été construit sur les thèmes et les émotions contenus dans « My Dark Reflections Of Life And Death » du premier album. C’est déjà un lien.
« Les gens étaient épuisés après nos concerts quand nous avons joué Light Of Day, Day Of Darkness. Ils étaient épuisés mentalement, mais de manière positive, car ça leur a procuré plein d’émotions différentes. »
Tu as mentionné le producteur de Light Of Day, Day Of Darkness, et c’est la première fois que nous travaillions avec lui depuis cette époque. Ce n’est pas parce que ça n’a pas bien marché la dernière fois. J’ai travaillé avec lui pour plusieurs autres groupes et projets, et le reste des gars également, mais après Light Of Day, Day Of Darkness, nous avions vraiment besoin de quelque chose de différent car ça aurait été stupide d’essayer de refaire la même chose. Par contre, après autant d’années… Et vu qu’Endre a joué du clavier avec nous quand nous sommes revenus en 2016, il connaît très bien le groupe, il connaît son histoire, il nous côtoyait aussi durant toute la période où nous ne jouions pas, donc c’était un choix très naturel pour nous, car il a très vite compris ce que nous voulions faire avec cet album, comment nous voulions qu’il soit, etc.
Et puis c’est le même studio que pour Light Of Day, Day Of Darkness et Endre y a une centaine de claviers. Je lui ai posé la question avant que je ne commence à faire des interviews : « En fait, est-ce qu’on a utilisé certains claviers qu’on a déjà utilisés ? » Il m’a répondu : « Oui, tout à fait ! » Mais ce sont aussi des claviers avec lesquels on crée des sons uniques à chaque fois. Ce sont des claviers des années 80 qui n’ont aucun son programmé, on les crée sur place. Ça correspond aussi à la manière dont Endre aime travailler en studio. La plupart des groupes comme nous, Katatonia, Opeth, etc. choisissent des claviers des années 70, des mélotrons, des Fender Rhodes, des claviers acoustiques, mais nous avons eu une discussion en studio et nous avons décidé au final que ce serait mieux pour ces chansons que nous allions jusqu’aux années 80 – les années 70 et 80, en fait. Je trouve que les sons collent super bien aux chansons.
En ce qui concerne Niklas, nous travaillons avec lui depuis Light Of Day, Day Of Darkness, pour de nombreuses illustrations et différents projets artistiques. Il est de notre génération, donc c’est facile pour lui de comprendre ce que nous voulons. Nous lui avons envoyé toutes les démos et toutes les paroles dès le début, et nous lui avons demandé s’il était en capacité de faire l’illustration, et il se trouve qu’il a été très emballé par le projet. Il a réalisé quelque chose que nous avons trouvé parfait pour cet album !
Dans l’album on retrouve donc « My Dark Reflections Of Life And Death » qui est joué par le line-up actuel, ce qui fait que cette version sonne plus dans la veine de « Light Of Day, Day Of Darkness », mais également une chanson comme « Sentinels » qui fait écho au côté accrocheur de A Blessing In Disquise et au riffing heavy rock de The Quiet Offspring. On dirait un album qui couvre un peu toute la carrière du groupe…
Oui, ça faisait partie de l’idée. Nous voulions que cet album soit… C’est un peu une longue histoire, mais nous avons beaucoup analysé ce qu’était Green Carnation, quelles étaient nos caractéristiques les plus importantes, ce qui rendait Green Carnation unique. Ce que nous avons fait sur les cinq premiers albums était une recherche constante au sein des différents styles et sources d’inspiration. Nous cherchions dans une direction sur un album et ensuite nous cherchions dans une autre direction sur l’album suivant, et ainsi de suite. Car tous nos albums sont très différents. Avec ce nouvel album, nous avons voulu essayer de trouver le cœur de Green Carnation : qu’avons-nous trouvé à ces époques où nous étions en constante recherche ? Sur le nouvel album, nous avons un peu rendu hommage au passé, au présent et au futur de Green Carnation. On peut mettre tout ce qu’on veut là-dedans, mais ce que je veux dire en disant ça, c’est que nous avons essayé de comprendre quelles étaient les choses importantes que Green Carnation a emmagasinées quinze ans plus tard, avec toute notre expérience en tant qu’individus et musiciens, et en faire une version 2020. Nous sommes respectueux de notre passé, absolument, mais le plus important est aussi que ça sonne actuel.
Quand « My Dark Reflections Of Life And Death » a été enregistré pour la première fois pour Journey To The End Of The Night, le groupe était complètement diffèrent. Comment avez-vous eu l’idée de réenregistrer cette chanson vingt ans plus tard ?
Il y a plusieurs raisons pour avoir choisi de faire une nouvelle version de cette chanson pour l’album. L’une d’entre elles est que cette année, ça fait vingt ans qu’elle est sortie. De plus, Tchort est le seul membre du groupe à avoir participé au premier album ; il a changé tout le line-up sur le second album. Comme tu l’as dit, le line-up actuel est plus ou moins le même que celui de Light Of Day, Day Of Darkness. Ceci combiné au besoin de représenter chaque période de notre carrière… En fait, quand nous en avions fini avec Light Of Day, Day Of Darkness, nous ne jouions plus rien de cet album dans nos sets, mais nous pensions que ce serait sympa pour les gens qui ont suivi Green Carnation depuis le tout début d’avoir, au moins, une chanson du premier album. Nous avons donc inclus cette chanson dans nos concerts et nous avons travaillé dessus un petit peu de la même manière que nous avons travaillé sur l’adaptation scénique de « Light Of Day, Day Of Darkness ». Il fallait que nous conservions les éléments qui portaient la chanson, mais nous devions la rendre mieux adaptée au live, car ce qu’on trouve sur le premier album n’est typiquement pas une version conçue pour la scène. Nous avons dû tous nous plonger dedans, tous les membres du groupe, et essayer d’isoler les éléments porteurs et travailler dessus en salle de répétition.
« Avec ce nouvel album, nous avons voulu essayer de trouver le cœur de Green Carnation : qu’avons-nous trouvé à ces époques où nous étions en constante recherche ? Sur le nouvel album, nous avons un peu rendu hommage au passé, au présent et au futur de Green Carnation. »
Nous avons ouvert nos concerts avec cette chanson durant la dernière année et demie, au moins, et ça a été une part importante de notre set, car cette version comporte certains des aspects essentiels de Green Carnation en 2020. C’est aussi pourquoi nous avons pensé que ça irait très bien dans le nouvel album, musicalement et thématiquement parlant. Evidemment, c’est étrange d’enregistrer une de ses propres chansons, mais je trouve qu’il y avait plein de bonnes raisons de le faire. Et c’est une bonne chanson ! Que les gens l’aiment ou pas, je pense qu’elle a un rôle très important dans l’album.
Comment avez-vous abordé le remaniement de cette chanson pour qu’elle soit plus adaptée aux circonstances live mais aussi pour vous l’approprier, puisque par exemple tu ne chantais pas dessus à l’origine ?
C’est une bonne question. Evidemment, ce sont des gens différents qui jouent, donc il fallait que nous la fassions à notre manière et que nous nous l’approprions. Le bassiste devait jouer de la basse comme il le ferait sur une telle chanson, et pas comme le bassiste originel. Je devais chanter comme je chante, et pas comme le chanteur originel chantait. Malgré tout, c’était un compromis entre ça et le fait d’essayer de recréer la bonne atmosphère dans la chanson. Il y a une atmosphère très spéciale dans cette chanson sur le premier album, donc si nous nous en étions éloignés et que les gens qui écoutaient cette version ne reconnaissaient pas l’ambiance, par exemple, ça n’aurait pas été. Quand j’ai commencé à travailler dessus, j’ai réécouté « Light Of Day, Day Of Darkness » et je l’ai abordé sous cet angle, car je sais que « My Dark Reflections Of Life And Death » parle en grande partie des mêmes choses que ce dont parle « Light Of Day, Day Of Darkness » pendant une heure – ça a constitué la base de « Light Of Day, Day Of Darkness ». J’ai très vite reconnu de nombreux éléments. Je connais très bien « Light Of Day, Day Of Darkness » – comme je te l’ai dit, nous avons bossé dessus un nombre ridicule d’heures –, donc j’ai utilisé les mêmes astuces que j’ai utilisées pour ça en 2016 pour me l’approprier.
D’un autre côté, il était tout aussi important d’aborder cette chanson de la même manière que les quatre autres chansons du nouvel album. En fait, c’était même plus important. Nous avons de grosses variations de style sur le nouvel album, mais ça sonne vraiment comme un album. Ça ne sonne pas comme si c’étaient des chansons provenant de trois ou quatre albums différents. Quand nous avons commencé à travailler sur « My Dark Reflections Of Life And Death », oui, je l’ai abordé sous l’angle de « Light Of Day, Day Of Darkness », mais malgré tout, une fois en studio, il fallait que ça colle à l’album Leaves Of Yesteryear. Autrement, nous n’aurions pas pu mettre la chanson sur l’album et nous aurions peut-être fait un single conceptuel avec ou autre chose. Mais il se trouve que cette version a sa place sur l’album, donc nous avons fait ce qu’il fallait pour que ça colle.
Vous remontez encore plus loin dans le passé sur Leaves Of Yesteryear, puisque l’album se termine sur une reprise de « Solitude » d’un de vos groupes favoris, Black Sabbath. Qu’est-ce que cette chanson et ce groupe représentent pour Green Carnation ?
Ce groupe a été une grande inspiration pour la plupart des gars dans Green Carnation, j’en suis sûr. Pour Stein Roger, qui est le principal compositeur et parolier des nouvelles chansons, c’est l’un de ses groupes préférés de tous les temps, Tchort a… Nous avons tous une relation forte avec Black Sabbath. Ca faisait deux ou trois ans que nous travaillions sur cette chanson, car nous avions prévu de faire des vidéos acoustiques en studio sur YouTube entre 2016 et 2019, et celle-ci était l’une des premières chansons sur lesquelles nous avons travaillé. Nous en avons fait quelques autres. Au final, nous n’avons pas eu le temps de faire le projet YouTube, mais vu ce qu’allait devenir l’album, vu les paroles de la chanson et sachant que « My Dark Reflections Of Life And Death » allait y être, il était évident que, thématiquement parlant, étant donné l’idée de ramener des bouts de passé de Green Carnation… Nous avions fait Acoustic Verses en 2006 et cette version de « Solitude » aurait pu apparaître dessus. Il y avait dans cette chanson plein d’aspects qui collaient bien à l’album, y compris la thématique des textes qu’on retrouve dans le reste des chansons de Leaves Of Yesteryear. Nous trouvions qu’elle complétait très bien l’album.
Nous aurions pu bien sûr choisir plein d’autres chansons de Black Sabbath – il y en a tellement ! – mais nous n’en avons finalement pas considéré beaucoup d’autres, parce que pour nous, sur cet album, certes, c’est une reprise, mais c’est aussi une chanson qui, si nous l’avions écrite, aurait parfaitement trouvé sa place dans cet album. Une fois que je commence à chanter, il ne faut pas attendre très longtemps avant de reconnaître que c’est une chanson acoustique de Green Carnation. C’est une version typiquement Green Carnation de ce genre de chanson. Je suis très content des retours, parce que ce n’est jamais facile de faire des reprises, surtout quand on fait notre premier album en quatorze ans et qu’on a « seulement » quatre chansons de Green Carnation, même si certaines sont très longues, comme toujours. De même, c’est un honneur de reprendre un groupe comme Black Sabbath, mais c’est dangereux aussi, car on veut que ce soit traité avec respect et lui donner une nouvelle vie, d’une bonne façon. Il en existe plein de reprises intéressantes, mais il existe aussi plein de reprises inutiles, je trouve, donc nous voulions éviter ça.
« Nous sommes dix ans plus vieux, nous avons une approche légèrement plus analytique de ce qu’est l’identité du groupe. […] Nous parlons beaucoup plus de l’identité du groupe, de ce que nous faisons, etc. aujourd’hui que nous le faisions à l’époque. »
Comme on en a discuté, on peut dire que cet album contemple le passé pour construire le futur du groupe. Est-ce justement pourquoi il s’intitule Leaves Of Yesteryear, car ces nouvelles feuilles se nourrissent des nutriments du passé ?
[Petits rires] C’est une façon de voir les choses ! Et il y aura toujours de nouvelles feuilles, bien sûr, mais je ne veux pas sur-interpréter le titre par rapport à ça. Nous avons trouvé que c’était un joli titre pour l’album et ça ne faisait pas non plus de mal que Leaves Of Yesteryear puisse se rapporter à une idée qui est une part importante de l’album. Mais nous n’avons pas été jusqu’à dire que les feuilles meurent et germent à nouveau, etc. Ce n’est pas aussi intelligent que ça [rires].
Malgré tout, ça sonne comme un titre nostalgique : penses-tu qu’il soit important de ne pas perdre de vue nos racines et notre passé ?
Je ne suis pas sûr que ça vaille pour tous les groupes, mais je pense que c’est ce que ressentent la plupart d’entre eux. Pour notre part, après quatorze ans, en repensant à notre discographie, en voyant notre constante recherche, en analysant ce que nous sommes aujourd’hui, etc., je pense que c’était important pour nous cette fois de respecter notre passé musical, tout en regardant vers l’avenir. Ce n’est pas comme si c’était le dernier album de Green Carnation, donc c’est tout aussi important de regarder devant nous. Je pense que nous avons quelques nouveautés dans cet album. Il est plus heavy que la majorité de ce que nous avons fait. Il est plus progressif, à notre façon. Evidemment, Light Of Day, Day Of Darkness est hyper-progressif en termes de structure et du fait que c’est une seule chanson, mais nous avons beaucoup travaillé sur les éléments progressifs de manière générale. On peut même reconnaître, comme tu l’as fait remarquer, des éléments de A Blessing In Disguise, mais nous avons également apporté des éléments bien plus heavy. C’est quelque chose sur lequel nous avons travaillé et que nous voulions faire. Donc ça peut être quelque chose qui donne un indice sur le futur.
Les trois nouvelles chansons sur l’album ont été écrites par le bassiste Stein Roger mais avec pas mal de retours de la part des autres membres. Pourquoi Stien Roger était-il cette fois le seul à apporter de nouvelles chansons et du coup, quel a été processus ?
Il y a des raisons pratiques pour ça et notamment le fait que nous avons travaillé à la fois sur le court et le long terme pendant deux ans. Le court terme, c’était cet album. Le long terme, c’est quelque chose que nous allons annoncer, j’espère, plus tard cette année. Nous avons déjà créé pas mal de musique pour quelque chose qui va arriver probablement à la fin de l’année. Tchort a été très occupé durant les deux dernières années avec sa vie personnelle et durant le temps libre qu’il avait pour faire de la musique, il s’est concentré sur le projet à long terme, tandis que Stein Roger s’est concentré sur le projet à long terme et celui à court terme, et c’est un peu pareil pour moi. C’est l’une des raisons pour lesquelles Stein Roger est l’homme derrière les idées des nouvelles chansons, mais comme tu l’as dit, en ayant pris en compte plein de retours des autres gars.
J’ai beaucoup travaillé sur les démos en studio avec Stein pour arranger la structure des chansons, genre : « Il nous manque une partie ici, on devrait doubler la longueur de cette partie, ça on peut le dégager, etc. » Ensuite, nous avons emmené ça en répétition et nous avons travaillé dessus pour voir comment ça sonnait, et là de nouvelles choses se sont produites. Nous avons essayé de sans cesse améliorer les chansons. « Hounds », par exemple, je crois qu’il s’agissait de la treizième version quand nous sommes allés en studio. Et encore là, nous avons fait de petits changements en studio, pour le meilleur, j’espère. Ça a été un processus très collectif pour la majorité des chansons, mais Stein Roger écrit beaucoup de musique pour ses propres projets et pour Green Carnation ; il avait écrit une grande partie de The Quiet Offspring et Acoustic Verses, donc ce n’est pas nouveau.
Au début du groupe, Tchort était le compositeur principal. Il est toujours considéré comme le leader du groupe, mais il s’est progressivement retiré de cette position de compositeur principal pour laisser d’autres membres faire des chansons. Comment cette progression s’est produite ?
Il y a deux raisons à ça. Je pense qu’il était content d’inclure d’autres compositeurs dans le groupe. Sur Acoustic Verses, je crois que tous les membres du groupe ont écrit des chansons. Je ne connais pas beaucoup d’autres groupes qui pourraient dire ça – même le batteur a écrit une chanson sur Acoustic Verses. Mais je pense que c’est aussi une des raisons pour lesquelles Tchort a peut-être eu l’impression d’avoir perdu le contrôle de la direction artistique du groupe, car il y avait plein de nouveaux sons dans le groupe. Il a écrit l’intégralité du premier et du second album. Sur A Blessing In Disguise, c’était lui et un peu Stein Roger. Puis, comme tu le dis, il y avait de plus en plus d’apports des autres membres. Si on y songe, c’est toujours bien que les gens dans le groupe s’impliquent à un certain niveau. Au final, une chanson enregistrée en studio, c’est de toute façon la somme des membres du groupe, mais pour ce qui est de la direction artistique, ça pouvait être un petit peu compliqué. Avec le recul, je peux comprendre que ça ait pu être une des raisons pour lesquelles nous ne savions pas quelle direction prendre, car nous nous éparpillions dans plein de directions en même temps.
« L’idée de The Rise And Fall Of Mankind et de la trilogie gravite autour de Green Carnation depuis même peut-être le premier album ou depuis Light Of Day, Day Of Darkness. […] Je peux dire que le projet à long terme que nous faisons aujourd’hui pourrait bien être lié à ça. »
Est-ce que Tchort gère mieux cette perte de contrôle sur la composition désormais ?
Oui. Lui et Stein Roger ont tous les deux beaucoup travaillé ensemble avant et après notre séparation, sur le projet à long terme et sur le projet à court terme. En plus, nous sommes dix ans plus vieux, nous avons une approche légèrement plus analytique de ce qu’est l’identité du groupe. Donc nous parlons de ce genre de chose maintenant. Je ne crois pas que nous le faisions beaucoup entre 2000 et 2006. Nous nous contentions de faire ce que nous voulions, ce qui était super à l’époque, mais… En gros, je suis le gars qui gère le groupe aujourd’hui. Pas forcément lorsqu’il s’agit de composer la musique, mais pour tout ce qui est des choses autour du groupe, c’est Tchort et moi qui gérons le groupe, et c’est important de savoir où tu veux aller. Donc nous parlons beaucoup plus de l’identité du groupe, de ce que nous faisons, etc. aujourd’hui que nous le faisions à l’époque. Donc je ne crois pas que ce soit un problème maintenant.
Tu penses qu’il y avait un problème d’identité dans le groupe par le passé ?
Oui, même si je ne m’en rendais pas compte quand nous jouions. Je me souviens d’avoir parlé à des journalistes qui disaient : « Vos albums sont d’excellente qualité mais vous allez encore être entre deux chaises, parce que ce n’est pas suffisamment metal pour le public metal et ce n’est pas suffisamment rock pour le public rock. » Ce n’était pas vraiment un problème pour nous à l’époque. Mais en y repensant, oui, il se peut que ça l’ait été. D’un autre côté, ça fait partie des choses que les gens qui ont suivi Green Carnation depuis le début jusqu’à aujourd’hui aimaient chez nous. Je ne pourrais pas revenir en arrière et dire que ce n’était pas bien, mais ça ne nous a pas facilité la tâche pour réussir.
L’illustration de Leaves Of Yesteryear est très détaillée et « contient des éléments de paroles de l’album, affectés par la musique et exprimés à travers le crayon de l’artiste Niklas Sundin ». Comment relies-tu les paroles et la musique à cette illustration ?
C’est comme avec le clip vidéo de Costin Chioreanu que nous avons sorti pour « Leaves Of Yesteryear ». Il s’agit de choisir des artistes qui comprendront ce que tu veux dire et leur faire confiance pour faire quelque chose qui renforce ce que tu veux dire, et le clarifie, peut-être, parfois. Ce que nous avons fait avec Niklas et Costin, avec l’illustration et le clip, était de dire : « On vous a choisis parce qu’on pense que vous pouvez exprimer ce qu’on veut dire avec cet album et cette chanson. » Je sais qu’ils ont passé énormément de temps sur leurs œuvres respectives, à préparer leur travail et à écouter les chansons, à essayer de s’imprégner des atmosphères, à essayer de déterminer quels étaient les éléments les plus importants dans les textes.
Avec Niklas, nous avions six ébauches différentes donnant les directions que nous pouvions prendre. Certaines de ces directions étaient assez universelles, et celle-ci en fait partie. Ce n’est pas trop spécifique, mais elle renferme les atmosphères : je peux entendre l’album quand je vois la pochette, d’une certaine façon. Il y avait une ou deux autres propositions universelles et puis Niklas avait aussi des propositions qui étaient plus focalisées sur les feuilles, par exemple, et sur différentes chansons fortes de l’album. Mais nous en avons choisi une qui serait plus universelle et qui inscrirait l’atmosphère globale de l’album sur la pochette, et non pas quelque chose de trop spécifique. Ce n’est pas forcément comme si on voyait les mots, mais je peux au moins voir l’album dans la pochette ; elle représente ce que je ressens quand j’écoute l’album. C’est dur à expliquer mais je me souviens que quand j’ai vu l’œuvre terminée, elle contenait plein d’éléments que j’avais en tête, et j’ai pensé : « C’est ça ! »
L’album possède des thèmes qui prennent forme dans notre tête. Ça peut être exprimé de manière physique mais malgré tout, avec Green Carnation, il s’agit toujours de réfléchir aux grandes questions. L’album parle de… Par exemple, il y a la peur de la solitude : la solitude est l’un des premiers mots qui est prononcé dans l’album et c’est un thème fil rouge à travers l’album. L’album se termine aussi avec la solitude, avec la chanson de Black Sabbath. Les autres chansons contiennent aussi des éléments liés à ces thème. Un autre fil rouge est l’idée de quelque chose qui va venir de l’extérieur et te contrôler. Ça peut être des choses physiques, mais ça peut aussi être des choses mentales. Ça pourrait être la maladie, par exemple. De graves maladies ont frappé certains membres de nos familles autour de Green Carnation dernièrement, et c’est encore le cas. Cet album a donc peut-être été influencé par ça, par cette idée de quelque d’extérieur qu’on ne peut toucher et qui prend le contrôle de notre vie – c’est assez drôle de dire ça aujourd’hui avec le virus et tout [petits rires]. Toutes ces choses se passent dans notre tête, évidemment, comme l’illustration le représente.
« L’état d’esprit de Green Carnation par rapport aux concerts, c’est un peu ‘plus c’est mieux’ [petits rires], que ce soit au niveau du son ou des lumières. Mais il faut aussi que nous ne soyons pas trop exclusifs au point de finir par ne jamais jouer. »
Dans le livret d’Acoustic Verses, Tchort a écrit que l’album studio suivant allait être la seconde partie de la trilogie de The Chroniques Of Doom qui a commencé avec Light Of Day, Day Of Darkness, et qu’il allait s’intituler The Rise And Fall Of Mankind, et qu’il l’avait terminé. Je suppose que Leaves Of Yesteryear n’a rien à voir avec ça et que les plans ont changé…
Oui, l’idée de The Rise And Fall Of Mankind et de la trilogie gravite autour de Green Carnation depuis même peut-être le premier album ou depuis Light Of Day, Day Of Darkness. Beaucoup de gens ont demandé si A Blessing In Disguise était la seconde partie, et nous avons dit non. C’était pareil avec l’album suivant, et l’album suivant. Evidemment, cette question revient aujourd’hui. Je peux dire que le projet à long terme que nous faisons aujourd’hui pourrait bien être lié à ça. Les plans ont changé depuis que Tchort a écrit ce truc en 2005. L’idée n’est plus forcément que Light Of Day, Day Of Darkness est la première partie de quelque chose. Peut-être que Light Of Day, Day Of Darkness sera autonome à l’avenir – c’est un petit indice aussi, peut-être [petits rires].
Nous avons signé un contrat de cinq albums avec Season Of Mist, Leaves Of Yesteryear étant le premier. Nous allons ressortir Acoustic Verses en vinyle et autre format agrémenté de nouvelles chansons les prochaines années, ça c’est le second. Et ensuite nous avons trois autres albums, ce qui veut dire que nous savons exactement ce que nous allons faire avec le groupe jusqu’en 2023. Ça a été planifié depuis 2018 et je suppose que c’est l’une des choses qui ont convaincu Season Of Mist quand nous leur avons parlé, le fait que nous avons un plan à long terme avec le groupe aujourd’hui. Nous sommes déjà en plein processus et nous avons déjà planifié des choses très spécifiques pour au moins un an et demi. Mais ce que nous n’avions pas prévu, c’est que le monde s’arrêterait en mars 2020 [petits rires]. Donc il se peut que nous devions un peu nous ajuster, mais les grandes idées sont là. Si nous pouvons le faire comme nous l’avions prévu, ce sera bien, mais quoi qu’il arrive, les plans ne changeront pas. Il va y avoir de grandes nouvelles à ce sujet dans pas très longtemps ! [Rires]
Penses-tu que les circonstances sont bien meilleures aujourd’hui qu’en 2006 pour le groupe ?
Oui, je pense. Le plus important est que nous avons un plan, nous savons ce que nous voulons faire, et je pense que nous savons ce que nous sommes. Nous avons plus d’expérience. Nous abordons le travail dans le groupe de manière plus stratégique, car nous avons vraiment plein d’autres choses désormais. Les gens ont des enfants, des familles et des boulots, donc nous ne pouvons pas avancer sans réfléchir. Nous devons bien penser à tout ce que nous faisons, ce qui est une bonne chose je trouve. Nous avons désormais un super représentant, nous avons un super imprésario et nous avons un super label. Il s’est passé plein de bonnes choses pour Season Of Mist depuis que nous avons travaillé avec eux en 2006. Ça a été une très agréable surprise pour nous de retravailler avec Season Of Mist, car c’était un petit label en 2003. Ils ont énormément grandi et ils sont très solides aujourd’hui, et ils comprennent exactement ce que nous voulons, et ils soutiennent ça, ce qui est très bien. Donc je pense que nous sommes dans une meilleure situation que jamais avec le label. De même, nous n’avons jamais vraiment eu d’imprésario avant, et maintenant nous avons signé avec Doomstar aux Pays-Bas, ce qui semble bien coller. Ça aussi c’est un pas en avant. Et avec le représentant, Andy Farrow, nous avons quelqu’un qui connaît extrêmement bien la scène et a envie de nous aider à réaliser notre ambition. Ça se profile bien !
Comment envisagez-vous le futur de Green Carnation sur le plan live ?
Nous avons tous plus de quarante ans maintenant. Donc nous n’allons pas aborder le live de la même manière que nous le faisions quand nous avions une vingtaine d’années, car nous n’en avons pas la possibilité, ce qui veut dire que nous devons faire plus attention à ce que nous allons faire avec les concerts. Nous n’allons plus faire de tournée de cinq, six, sept ou huit semaines en Europe. Nous devons faire d’autres types de tournées et de concerts pour que nous puissions jouer en live. Mais encore une fois, c’est possible de trouver des solutions en prévoyant les choses à l’avance. Nous sommes très contents de ce que nous avons fait en 2016, des lieux où nous avons choisi de jouer, car c’étaient des festivals et des salles qui ont compris ce qu’était Green Carnation et ce que nous voulions faire. Nous avions besoin d’une grande scène pour jouer « Light Of Day, Day Of Darkness », avoir les visuels, etc. Ce n’était pas possible pour nous de faire une tournée européenne de six semaines dans des petits clubs, car nous n’aurions pas pu jouer « Light Of Day, Day Of Darkness » dans des petits clubs. Donc nous ne cessons de travailler sur comment sera le groupe en live. L’état d’esprit de Green Carnation par rapport aux concerts, c’est un peu « plus c’est mieux » [petits rires], que ce soit au niveau du son ou des lumières. Mais il faut aussi que nous ne soyons pas trop exclusifs au point de finir par ne jamais jouer. Nous devons jouer aux bons endroits, faire les bonnes tournées et les bons festivals. C’est l’objectif aujourd’hui et tant que nous saurons ce que nous voulons et que nous aurons des gens pour nous aider, je pense que ça sera bien.
« [Nos ingénieurs de son et lumière] sont le septième et huitième membre du groupe, autant sur les aspects organisationnels qu’artistiques, car Green Carnation ne se résume pas à ce que nous jouons. »
En parlant de gens qui vous aident, Stein Roger a déclaré que votre « ingénieur du son et [v]otre ingénieur lumière font partie du groupe autant que [v]ous ». Comment travaillent-ils en tant que membres du groupe ?
Nous possédons les droits sur le groupe ensemble, par exemple. Nous avons une SARL ensemble. Donc même économiquement, nous sommes dans le même groupe. Depuis 2001, je crois que nous n’avons fait que deux concerts sans notre ingénieur du son. Quelque chose s’est subitement passé, je pense qu’il est tombé malade ou un truc comme ça, mais nous ne pouvions pas annuler les concerts car c’étaient deux concerts extrêmement importants. C’est le meilleur ingénieur du son au monde pour Green Carnation, j’en suis sûr. Personne d’autre ne pourrait faire ce qu’il fait pour nous. Il est clair qu’après avoir travaillé pendant presque vingt ans avec nous, il nous connaît très bien, il connaît nos qualités et là où nous ne sommes pas si bons, il sait comment nous devons sonner et comment créer ce son. C’est pareil avec l’ingénieur lumière. Nous ne voulons pas jouer sans ingénieur lumière. Parfois, nous nous retrouvons sur un festival à une heure de l’après-midi dehors et là, il ne peut pas faire grand-chose, donc il peut y avoir des raisons pratiques pour qu’il ne soit pas avec nous. Mais ils développent aussi le show live avec nous, l’allure que ça aura, etc. Donc oui, je dirais qu’ils sont le septième et le huitième membre du groupe, autant sur les aspects organisationnels qu’artistiques, car Green Carnation ne se résume pas à ce que nous jouons. Il s’agit de ce que les gens ressentent quand ils viennent nous voir et nous écouter, et les ingénieurs de son et lumière sont très importants pour ça.
Le groupe célèbre cette année les vingt ans de Journey To The End Of The Night et les trente ans du groupe. Même si le début de l’incarnation actuelle de Green Carnation correspond plus à Light Of Day, Day Of Darkness, que penses-tu de ce parcours étrange et unique qu’a eu ce groupe jusqu’à aujourd’hui ?
[Petits rires] Pour être honnête avec toi, je ne pense pas grand-chose de la toute première version de Green Carnation. C’était avant que je n’arrive en ville, donc je ne les ai jamais vus en concert, par exemple. Je pense même que je ne les avais jamais entendus à l’époque, mais Stein Roger, le bassiste, et Bjorn, le guitariste, par exemple, et évidement Tchort, se souviennent du Green Carnation de l’époque. C’était apparemment l’un des tout premiers groupes de death metal en Norvège. Il n’y a peut-être plus beaucoup de death metal dans Green Carnation aujourd’hui, mais… Il y avait plein de gens impliqués dans le premier album, plein de chanteurs différents – genre trois ou quatre, au moins – et du premier au second album, tout le groupe a changé. Mais il y a quand même plein de similitudes entre ça et Light Of Day, Day Of Darkness. C’est pourquoi c’est facile pour nous de le considérer comme l’un de nos albums, même si nous n’avons pas joué dessus. Et nous réintégrons un peu ce premier album dans l’histoire récente en faisant ce que nous faisons aujourd’hui sur l’album Leaves Of Yesteryear, en incluant une des chansons. On pourrait donc dire, au moins, que c’est un groupe qui a vingt ans d’histoire et qui est toujours pertinent aujourd’hui. Quand nous avons décidé de la manière dont nous allions célébrer les vingt ou trente ans, ça nous a donné un sacré coup de vieux ! Mais nous nous sommes dit que ce serait sympa de faire un concert très spécial pour marquer toute l’histoire du groupe.
Interview réalisée par téléphone le 7 avril 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Petter Sandell (1, 2, 3, 7) & Jacob Buchard (4, 6, 8 ,9).
Site officiel de Green Carnation : www.greencarnationmusic.com.
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