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Interview   

Gregor Mackintosh : l’élévation par la racine


L’année fut chargée pour Greg Mackintosh. Avec ses groupes Paradise Lost et Vallenfyre, l’homme a dû jongler entre la composition, la sortie et la tournée deux albums, respectivement Medusa et Fear Those Who Fear Him. Et pourtant, et ce malgré un Medusa revenant plus que jamais aux premiers amours doom-death, l’univers des deux groupes tendent plus à se compléter que se répéter. Contre l’élégante et omniprésente mélancolie de l’un, une rage puissante et libératrice se présente dans l’autre. Mais, malgré toute l’importance personnelle que ce dernier peut revêtir pour lui, Greg a décidé de clore l’aventure de ce groupe à la démarche originellement cathartique. Fin 2018, il faudra donc vraisemblablement se séparer de Vallenfyre mais les souvenirs de brutalité grasse qu’il nous a offert en live resteront, tout comme ses trois albums.

Si nous avions vu avec Nick Holmes plusieurs aspects de Paradise Lost et de Medusa, nous avons profité du passage du musicien, ayant troqué sa casquette de guitariste pour celle de chanteur, pour obtenir à la fois un deuxième angle de vue mais aussi voir les interconnexions artistiques entre ses deux groupes. Ainsi pendant que, dans sa loge, il raccommodait lui-même le pantalon qu’il allait porté le soir-même sur scène, il nous parle de sa manière de penser, de composer, sa relation à la scène metal et à l’underground ou encore d’une sphère plus privée.

« Si tu regardes un grand nombre de groupes de metal aujourd’hui, surtout la production, c’est tellement aseptisé. C’est plus propre que la pop ! C’est aux antipodes de ce qui m’a fait rentrer dans le metal, et la musique extrême, je ne comprends pas vraiment. »

Radio Metal : Tu as sorti ton troisième album avec Vallenfyre seulement quelques mois avant le nouvel album de Paradise Lost. Apparemment, tu as composé les deux albums en même temps. Comment es-tu parvenu à ne pas mélanger les choses, surtout étant donné la direction très doom old school que vous avez emprunté avec Paradise Lost ?

Gregor Mackintosh (guitare & voix) : J’étais inquiet par rapport à ça au départ, mais lorsque le processus de composition a démarré, je me suis rendu compte qu’en fait, c’était une bonne chose pour les deux groupes, car ça m’a aidé à comprendre ce que les deux groupes devaient être et à me concentrer sur les éléments essentiels de chacun d’entre eux. Dès que j’avais un riff, je savais si c’était un riff pour Paradise Lost ou un riff pour Vallenfyre. Vallenfyre sonne plus méchant et sinistre, et Paradise Lost est plus raffiné, plus mélancolique, aigre-doux. J’ai effectivement pensé que ce serait difficile mais en réalité, ce n’était pas si difficile de les séparer. Je passais deux jours à faire des chansons de Paradise Lost et ensuite, je passais quelques jours à faire des chansons de Vallenfyre, en inter-changeant ainsi. Si je pensais que quelque chose ne convenait pas à l’un, je voyais si ça convenait à l’autre. Mais généralement j’aime que les deux groupes restent dissociés dans ma tête. J’ai un grand mur entre les deux.

Pour autant, une chanson comme « Apathetic Grave » sonne presque comme si elle aurait pu devenir une chanson de Paradise Lost sur le nouvel album…

Je ne pense pas que celle-ci aurait pu, en fait. C’est Hamish [Hamilton Glencross], le guitariste, qui l’a initiée. Il a écrit les trois ou quatre riffs de cette chanson, donc ce n’était même pas moi qui l’ai faite. J’ai juste écrit le refrain et les couplets. Je pense que « The Merciless Tide », la chanson dont nous avons fait un clip, est le plus proche que nous ayons été de franchir un peu la limite sur une chanson, et ça c’est dû à mon jeu de guitare sur le refrain, je pense ; c’est simplement ainsi que je joue, je ne sais pas jouer autrement, donc c’est voué à sonner un peu comme Paradise Lost. Je pense que niveau riff, ce n’est pas pareil, vraiment, c’est juste le jeu de lead par-dessus qui parfois sonne un peu similaire.

As-tu pris autant de temps pour composer ces deux albums ?

Non, Vallenfyre a pris plus de temps, en fait. Car, je suppose, Paradise Lost est plus confortable pour moi. Paradise Lost était aussi un peu la priorité. Donc j’ai commencé à composer ce troisième album de Vallenfyre parce que je pensais que j’avais du temps libre par rapport à Paradise Lost. Mais ensuite Paradise Lost a signé chez Nuclear Blast, et eux voulaient un album rapidement. Alors j’ai dû faire les deux en même temps. Du coup, ça faisait beaucoup de boulot ! Je ne pense pas que je voudrais refaire ça. C’était chaque jour, toute la journée, pendant des mois. Les autres gars dans Vallenfyre étaient là pour m’aider, je disais : « Je suis occupé avec l’album de Paradise Lost. Un de vous a-t-il des idées ? » Et Hamish a envoyé des trucs très sympas qui sont devenus de super chansons sur l’album. Mais ouais, Vallenfyre a pris un peu plus de temps peut-être parce que je priorisais Paradise Lost à un moment donné. Tu sais, c’est bien d’avoir des priorités… Bon, pas des priorités mais des dates butoir. Car par le passé, il y a eu des moments avec Paradise Lost où nous n’avions pas de date butoir. Quand tu te retrouves à tourner un peu en rond avec la composition et ne pas parvenir à quelque chose de solide, les dates butoirs peuvent te permettre de te focaliser, car il faut se concentrer et s’y mettre. Et puis nous avons dû améliorer notre manière d’écrire les chansons, donc le processus de composition a changé sur le nouvel album de Paradise Lost aussi, ce qui a fait qu’il a été plus rapide et facile à écrire.

Tu as récemment révélé que tu étais « désormais à 90% sûr que [tu] n’enregistr[eras] plus rien avec Vallenfyre » et que ça restera une trilogie. Pourquoi ?

Parce que nous avons fait un peu tout ce que nous devions faire. Au niveau enregistrement, je ne vois rien d’autre que j’ai envie de couvrir. Parce que Vallenfyre avait avant tout à voir avec la musique avec laquelle j’ai grandi, et j’ai couvert toutes les époques liées à ça, en particulier sur ce nouvel album. Ça remonte au punk hardcore de 1981/1982, jusqu’au crust punk, au grindcore, les débuts du death metal, le doom et ce genre de choses. J’ai donc couvert tout ce que je devais couvrir avec Vallenfyre, vraiment. Je veux que ça reste spécial, et c’est quelque chose que je n’apprécierais pas et n’arriverais pas à conserver son côté spécial si je continue à le faire. Au début, c’était censé être un seul album ! Littéralement, il ne devait y avoir que ce premier album parce que je voulais faire quelque chose de positif à partir de la mort de mon père, donc je l’ai fait comme une catharsis. Il ne devait y avoir que cet album, mais ensuite nous avons donné des concerts, et il s’est avéré que nous nous sommes amusés à faire ça. Donc, effectivement c’est parti de quelque chose de très mauvais pour en faire quelque chose de très bien, et j’en suis fier. Mais ouais, nous en resterons à cette trilogie et nous arrêterons de tourner avec Vallenfyre à la fin de l’année 2018. Nous allons faire toute l’année prochaine, quel que soit ce qu’on nous proposera, mais ensuite on remballera, je pense.

Est-ce que tu t’es senti mieux après la catharsis que le premier album a représentée ?

Ouais, au départ, avec le premier album, je me demandais : « Est-ce que je le sors ? » Parce que c’est très personnel, peut-être trop personnel. Mais après l’avoir sorti, j’ai croisé certains de mes pairs, comme les gars de Bolt Thrower ou d’autres groupes que je connais, et ils disaient : « Tu sais, nous avons aussi perdu des parents et c’est vraiment sympa de… » Ce sont des choses dont je n’aurais pas parlé avec les gens que je connais autrement, sans ça. Donc c’est un peu devenu thérapeutique.

« Ça te fait prendre conscience qu’il existe bel et bien des personnes sincères et pas seulement qui veulent constamment tirer profit de ce que tu fais. J’avais donc besoin d’être à nouveau parmi ce type de personnes pour essayer de retrouver un sens à tout ça. »

Quel est ton sentiment sur la façon dont Vallenfyre a évolué sur trois albums ?

Il n’a pas évolué ! Au contraire, il est parti dans l’autre sens ! [Rires] La musique était au départ plus raffinée. Le premier album est bien plus musical, et nous sommes devenus de moins en moins musicaux. C’était fait exprès parce que nous voulions que ça devienne de plus en plus épuré et cru, rendre le son vraiment horrible, sinistre et sale. C’était notre objectif avec Vallenfyre, et avec chaque album nous nous sommes rapprochés de ce but.

D’ailleurs, à propos du dernier album de Vallenfyre, tu as déclaré : « Douze chansons. Aucun sample. Pas de triggers. Pas de connerie. » Penses-tu qu’il y ait trop de « conneries » dans la musique aujourd’hui, que ça manque d’authenticité, qu’il y a trop de compromis ?

Je pense que c’est vrai pour le metal. Je ne peux que parler du metal parce que c’est la musique que je comprends. Je dirais que oui. Lorsque le metal, le punk, la musique extrême est apparue pour la première fois, c’était censé être une musique dangereuse, quelque chose de pas sûr et pas joli. Si tu regardes un grand nombre de groupes de metal aujourd’hui, surtout la production, c’est tellement aseptisé. C’est plus propre que la pop ! C’est aux antipodes de ce qui m’a fait rentrer dans le metal, et la musique extrême, je ne comprends pas vraiment. Si je veux écouter de la nouvelle musique, généralement je vais sur Bandcamp maintenant, car c’est là où se trouve la vraie innovation, je trouve. Un bon paquet de ces groupes s’autofinancent, et c’est de là que viennent les bonnes idées, les idées nouvelles. En grande partie, les groupes metal plus mainstream qui sont sur de gros labels jouent trop souvent la carte de la facilité, ils sonnent pareil, et ça m’ennuie profondément. Donc j’ai tendance à retourner dans les petites salles de concert aujourd’hui et écouter les groupes plus underground pour entendre de nouvelles idées.

Plus de trente ans après tes premiers pas dans Paradise Lost, tu es revenu au vieux death metal avec Vallenfyre mais aussi avec Paradise Lost. Généralement, les groupes ont tendance à se calmer et deviennent plus accessibles avec l’âge, alors qu’on dirait que l’opposé se produit avec toi, puisque tu as créé tes œuvres les plus heavy et extrêmes récemment. Comment l’expliquer ? C’est la crise de la quarantaine ?

Non ! Nous revenons vers la musique avec laquelle nous sommes tombés amoureux au début quand nous avions seize, quinze ans. Peu importe de quoi on tombe amoureux, musicalement, à cet âge-là, ça a tendance à rester tout au long de notre vie, à un certain degré. Et puis, au bout d’un moment, ça redevient la chose prédominante. Mais je n’aurais pas retrouvé cette passion pour ces musiques si je ne m’en étais pas éloigné. Si tous les ans c’était la même chose encore et encore, il est probable que je m’ennuierais ferme aujourd’hui. Donc c’est bien d’avoir quelque chose pour élargir tes horizons et ensuite pouvoir revenir à ce que tu adores. J’imagine que c’est juste l’histoire qui se répète et qui boucle la boucle.

Sur la veste que tu portes sur scène, on peut voir des patches de Motörhead ou Bathory. Est-ce que ce sont les premiers groupes dont tu es tombé amoureux ?

Les premiers groupes dont je suis tombé amoureux étaient des groupes de punk hardcore, comme Conflict, Discharge ou English Dogs. Et puis ces groupes ont commencé à devenir légèrement plus metal, comme Antisect et Amebix. Ensuite j’ai découvert des groupes comme Hellhammer et Celtic Frost. Les punks et les metalleux se détestaient avant, au début des années 80. J’étais punk, j’étais de ce côté de la barrière, et le seul groupe sur lequel tout le monde s’accordait, c’était Motörhead. Et puis tout le monde a fini par s’accorder sur Celtic Frost aussi. Et puis lentement, ils ont commencé à mélanger les deux, c’est comme ça que je me suis intéressé au metal. Je ne connaissais pas Black Sabbath ! Je m’y suis intéressé à cause du premier album de Candlemass. J’étais là : « Oh c’est super ça ! D’où ça vient ? Oh, Black Sabbath ! »

Comment ton expérience avec Vallenfyre a-t-elle impactée Paradise Lost ?

Je crois que ça m’aide à mieux apprécier Paradise Lost. C’est une chose. J’ai commencé à me dire qu’il fallait que je fasse quelque chose de mon côté, parce que je m’ennuyais un peu ou je ne sais quoi. Et maintenant, je suis à nouveau à fond. Ca a redynamisé ma passion ou ma croyance en ce type de musique grâce à des concerts comme ceux de cette tournée et au fait de rencontrer les gens qui s’occupent de notre merch, etc. Ce sont des gens qui font partie d’une scène dont je n’ai plus fait partie depuis vingt ans. Ça fait du bien d’y revenir et revoir des gens authentiques. Ça te fait prendre conscience qu’il existe bel et bien des personnes sincères et pas seulement qui veulent constamment tirer profit de ce que tu fais. J’avais donc besoin d’être à nouveau parmi ce type de personnes pour essayer de retrouver un sens à tout ça. Je me souviens lorsque Nick de Paradise Lost et moi nous allions dans de grands bureaux à New York, avec des businessmen qui nous racontaient à quel point nous allions être énormes et ce genre de choses, rien qu’à jouer les lèches culs. Au bout d’un moment, tu commences un peu à les croire mais tu sais que c’est stupide, et tu sais que c’est factice. Il fallait donc que je remette les pieds sur terre et être à nouveau avec de vraies personnes, et pas ces mensonges. En fait, ça continue mais je n’y peux rien. Je peux seulement faire des choses pour moi-même, je peux faire des choses comme celle-ci et m’assurer que je reste terre-à-terre. Donc Vallenfyre m’a aidé à reprendre contact avec ça. Ça a commencé comme une catharsis et ensuite c’est devenu quelque chose qui m’a redonné mon enthousiasme pour, pas seulement les groupes dans lesquels j’officie, mais la scène musicale extrême en général. Je suis vraiment emballé à l’idée de refaire plein de concerts et racheter plein de nouvelle musique. Mais ce n’est pas quelque chose de nouveau, ça s’est produit au cours, peut-être, des dix dernières années. Mais ouais, c’est en partie grâce à Vallenfyre, et en partie grâce à un besoin de retrouver mes racines.

« Je n’ai jamais vraiment eu d’estime pour ce que les guitaristes faisaient – les trucs techniques – qui n’apportaient rien à la chanson. Ça a toujours été la chanson qui était importante pour moi, pas vraiment le jeu de guitare. »

Tu as dit plus tôt que « le processus de composition a changé sur le nouvel album de Paradise Lost. » Ce nouveau processus consistait à envoyer plusieurs riffs à Nick et lui demander de chanter par-dessus ceux-ci autant de lignes vocales différentes que possibles. Pourquoi as-tu ressenti le besoin de changer maintenant ?

Parce que ce n’était pas suffisamment intuitif. J’avais besoin d’une façon de composer avec laquelle je pouvais toujours continuer à amener des idées et ne pas rester coincé. Et la façon d’y parvenir était d’avoir plein de versions différentes d’une chanson à n’importe quel moment, donc dix ou quinze versions d’une chanson, de manière à constamment avoir des idées qui circulent. Et au final, ça fait que c’est bien plus rapide. Nous avons écrit le nouvel album de Paradise Lost en peut-être six mois, alors qu’habituellement ça prend plus d’une année. Ça fait qu’il y a tout le temps des idées. Je n’arrive pas à croire qu’il m’a fallu près de trente ans pour penser à ça ! [Petits rires]

Apparemment, cette manière de composer t’as été inspirée par David Bowie. Quelle est ta relation à cet artiste ?

Pas énorme. Il a écrit plein de super chansons mais en dehors du fait que j’aime bien certaines de ses musiques, je ne suis pas spécialement un grand fan. C’était juste quelque chose que j’ai lu il y a longtemps à propos de la façon dont il écrivait ses paroles, en écrivant divers mots, les découpant sur des bouts de papier puis les balançant par terre. Je trouvais que c’était une manière très artistique de procéder, très décalée, mais probablement géniale, d’une certaine façon. Donc c’est quelque chose que j’ai essayé d’appliquer à la musique. Je ne sais pas si ça a été une réussite, mais quoi qu’il en soit, ça m’a aidé dans ma composition.

Medusa s’ouvre avec « Fearless Sky », qui est la chanson de Paradise Lost la plus longue à ce jour. Ouvrir un album avec une telle chanson est assez audacieux. Comment vous êtes-vous retrouvé à décider ça ?

J’ai toujours voulu faire une longue chanson mais à chaque fois que nous avons essayé de le faire, ou la plupart des fois que j’ai écouté des longues chansons, elles devenaient ennuyeuses à un moment donné ; peu importe qui c’est, ça devient ennuyeux. J’ai vraiment essayé, j’ai fait plusieurs versions de cette chanson. Elle était bien plus longue avant, elle faisait dans les dix minutes, mais je me suis dit « ce n’est pas nécessaire, ça ne marche pas, il faut que ça s’enchaîne de façon fluide, il faut maintenir l’intérêt, » donc je l’ai réduite à huit minutes et demi. Mais ouais, je suis très fier de cette chanson et lorsque Nick et moi étions ensemble, nous nous sommes dit qu’il n’y avait vraiment nulle part ailleurs où nous pouvions placer cette chanson sur l’album. Lorsque nous avons dit à Nuclear Blast que nous voulions ouvrir l’album avec une chanson de huit minutes, ils ont pensé que ce n’était pas une bonne idée, mais ensuite ils l’ont entendue et ont finalement été d’accord avec nous sur le fait que c’était la meilleure place.

Paradise Lost est un groupe qui a toujours été de l’avant, mais avec Medusa vous vous tournez clairement vers vos débuts. Comment cet album représente-t-il le Paradise Lost de 2017 et non celui de 1991 ?

Il y a assurément des éléments provenant des autres albums que nous avons faits plus tard au fil des années. Et je pense que c’est parce que ce sont les même personnes qui jouent la musique. Mais nous n’aurions jamais pu faire un album comme Medusa en 91 ou 92 car nous n’avions pas l’expérience que nous avons aujourd’hui. Donc ouais, il y a clairement des éléments de ces premiers albums, mais sur Medusa il y a aussi des éléments provenant de choses que nous avons apprises au fil des années. Nous n’essayons pas de recréer le début des années 90, ça n’a aucun sens de faire ça. Nous ne faisons qu’utiliser les choses à notre disposition et que nous aimons, en essayant d’amener tout ça, peut-être, dans un contexte moderne.

Vous avez des albums très différents dans votre discographie. Qu’est-ce qui fait le lien, d’après toi ?

Je pense que la seule grande différente, c’est vraiment la qualité de production. Parce que même sur Host, je pense qu’on peut se rendre compte que c’est le même groupe. Et les chansons ont un feeling similaire, des mélodies similaires, ça reste mon jeu de guitare. Nous avons juste décidé d’aborder les choses différemment parce que nous en avions marre de le faire d’une manière. Ce qui nous pousse à avoir cette carrière, c’est le plaisir. Si tu fais la même chose encore et encore, ça devient comme une chaîne de production à l’usine, donc ce n’est pas plaisant. Donc nous changeons pour maintenir notre propre plaisir. Et avec un peu de chance, d’autres gens aimeront ; si c’est le cas, super, mais ce n’est pas toujours le cas. Pas de problème. Chaque opinion est respectable.

« Lorsque tu regardes ces doctrines, ces illusions, peu importe, qui t’apprennent que quelque chose viendra après, que c’est la vie suivante qui est importante… C’est à cause de ça que les gens n’en ont rien à foutre de la vie. Ça m’agace, c’est très frustrant que ça existe encore à notre époque. »

Nick nous a dit que ton jeu de guitare est le fil conducteur de tous vos albums. Comment as-tu façonné ton jeu ?

Quand tu commences à jouer d’un instrument… J’ai d’abord façonné mes influences, et je pense que ces dernières étaient très variées. J’aimais beaucoup comment les instruments classiques fonctionnaient ensemble, les violoncelles et ce genre de choses. J’aime plein de styles différents de musique. Je n’ai jamais vraiment eu d’estime pour ce que les guitaristes faisaient – les trucs techniques – qui n’apportaient rien à la chanson. Ca a toujours été la chanson qui était importante pour moi, pas vraiment le jeu de guitare. Je trouve qu’il n’y a aucun intérêt à frimer en faisant un solo quand ça n’apporte rien ou que ça n’amène pas l’auditeur d’un point A à un point B. Il faut que ça fonctionne comme une voix, pour te transporter d’une partie de la chanson à la partie suivante. Mais c’est juste ainsi que je joue maintenant. Je ne sais pas jouer autrement, et ça ne m’intéresse pas.

Ta musique traduit beaucoup de colère, frustration ou dépression. Comment ces sentiments ont-ils changés par rapport à quand tu avais vingt ans ?

Mes idées sur certaines choses, peut-être politiquement, socialement ou peu importe, n’ont pas changé. Mais à mesure que tu vieillis, ton point de vue change, tu vois le monde autrement. Et oui, ça affecte beaucoup comment tu perçois la vie en général. Tu prends peut-être mieux conscience de ta mortalité, tu deviens plus décontracté sur certaines aspects, et puis d’un autre côté, tu as moins de patience pour d’autres choses. Les choses changent beaucoup quand tu vieillis. Mais le cœur de ce en quoi je croyais est resté le même, c’est juste que je me suis assagi sur certaines choses et durci sur d’autres.

Au Motocultor, tu as joué une chanson contre les attaques terroristes…

Lorsque j’ai écrit cette chanson, ça parlait grosso-modo de la doctrine derrière tout ça. Pendant que nous composions et enregistrions l’album, ça n’arrêtait pas de se produire, de plus en plus, et le rapport avec cette chanson que j’étais en train d’écrire devenait de plus en plus fort. Elle parle plus du manque de respect envers la vie. Lorsque tu regardes ces doctrines, ces illusions, peu importe, qui t’apprennent que quelque chose viendra après, que c’est la vie suivante qui est importante… C’est à cause de ça que les gens n’en ont rien à foutre de la vie. Ça m’agace, c’est très frustrant que ça existe encore à notre époque. C’est un peu comme si nous avions encore des procès en sorcellerie à notre époque, ça me paraît tellement médiéval. Mais je ne fais la morale à personne. Je me fiche de ce qu’autrui croit, je ne fais que dire ce que je pense.

Je sais que tu étais un enfant très dépressif. Comment es-tu parvenu à soigner cette dépression, en supposant qu’elle a été guérie ? Est-ce que la musique t’a aidé ?

Les médicaments. J’en prends encore aujourd’hui. J’en prends depuis que je suis gamin, à divers moments. La musique ne peut pas soigner mais ce qu’elle peut faire, c’est te donner un exutoire. Si c’est quelque chose que tu apprécies, alors ça améliore ton humeur. Si tu fais quelque chose que tu apprécies, ça te rend heureux pendant un petit moment. En ce sens, oui, mais ça ne peut pas… La maladie mentale est quelque chose de physique, vraiment, donc tu ne peux pas la traiter avec ça mais ça peut te soulager pendant un court instant. Et mon conseil pour gérer la dépression serait de parler un peu plus aux gens, si c’est possible, et en attendant trouver quelque chose qui aidera, mais ce ne sera pas du long terme, comme avec des médicaments. Mais au final, j’ai envoyé un article à ma femme l’autre jour, ça racontait que le système immunitaire est lié à la dépression. Si tu vis un événement ou des blessures traumatisantes, ça affaibli ton système immunitaire, ce qui attaque le système nerveux et ensuite affecte la dépression. Je crois que c’est vrai. Je veux dire que c’est ça, c’est une chose physique que, peut-être dans vingt ans, peut-être dans cinquante ans, ils parviendront à soigner complètement, ce sera fini, éradiqué.

C’est tout pour nous, merci !

Bon timing parce que je viens tout juste de finir de raccommoder ce pantalon. Maintenant je peux le porter fièrement sur scène !

Interview réalisée en face à face le 13 septembre 2017 par Matthis Van Der Meullen.
Fiche de questions : Nicolas Gricourt & Matthis Van Der Meullen.
Retranscription : Matthis Van Der Meullen.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Jason Zucco (2 & 3) & Danny Payne (1, 4 & 5).

Site officiel de Paradise Lost : www.paradiselost.co.uk.
Site officiel de Vallenfyre : www.vallenfyre.co.uk.

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  • Ce gars là a une vraie carrière et fait preuve de recherche artistique avec une grosse personnalité: qu’il fasse de la cold wave comme sur « Host » ou du death old school avec Vallenfyre, ça sonne toujours comme du Greg Mackintosch.
    J’aime beaucoup l’évolution (regression) de Paradise Lost sur les 2 derniers albums. C’est clairement influencé par le doom death et la scène début 90, mais ça sonne très 2010 avec une grosse maturité.

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