« Plus complexe et cinématographique ». C’est en ces termes que Sam Kiszka, bassiste de Greta Van Fleet, veut qualifier le dernier effort de sa formation. Greta Van Fleet avait fait couler beaucoup d’encre, bénéficiant d’une promotion de premier plan et d’une comparaison légitime avec Led Zeppelin tant l’identité musicale est calquée sur le mastodonte. Le chanteur Josh Kiszka a d’ailleurs été adoubé par Robert Plant, frappé par la ressemblance de timbre. Anthem Of The Peaceful Army avait en outre relancé les débats sur le cachet « old-school » dans la musique, sa pertinence et l’utilité de refaire du vieux avec du vieux, aussi jeune soit-on. Greta Van Fleet divise autant qu’il fédère, il va même plus loin en déclenchant la colère de certains artistes – Steven Wilson en tête – considérant que le produit marketing a pris le dessus sur le produit musical dès les origines. Pas de quoi freiner les jeunes Américains, redoublant d’ambition et conscients de l’inévitable comparaison avec Led Zeppelin. The Battle At Garden’s Gate n’a pas pour dessein de mettre un terme à cette assimilation : une évidence musicale et non un crochet journalistique. Il veut toutefois approfondir la recette. Rendre le parallèle moins évident en somme.
Sam Kiszka ne ment pas quant à la volonté de complexifier le propos. Greta Van Fleet s’écarte légèrement du rock seventies brut pour privilégier un agencement d’atmosphères subtil. « Broken Bells » repose justement sur quelques nappes de clavier, jeux de cordes, accords de guitare folk et l’interprétation délicate de Josh empreinte de nostalgie et de mélancolie, avec passage de témoin à un solo de Jake Kiszka servant de catharsis. La pseudo-ballade « Tears Of Rain » nous fait d’ailleurs profiter d’une évolution vocale bienvenue de la part de Josh, capable d’érailler sa voix. Idem avec un « Heat Above » jouant sur des mélodies chatoyantes. « Age Of Machine » va jusqu’à emprunter quelques codes au western spaghetti et nous plonger dans un univers aussi poussiéreux que mystérieux. Indéniablement, les articulations de Greta Van Fleet sont moins évidentes. Les neuf minutes de « The Weight Of Dreams » – dont un solo homérique qui en prend trois à lui seul – ont le mérite de ne pas téléphoner leur déroulé. La méthode de The Battle At Garden’s Gate est explicite : le groupe s’est évertué à ne pas tomber dans la redite car il n’est plus une révélation. Il y a une intégration moins juvénile des influences, que ce soit le blues-rock de « Caravel » ou le rock progressif de « The Weight Of Dreams », avec un sens de l’arrangement qui sait sublimer les chansons, en témoignent les chœurs radieux portés par le mellotron à la fin de « Trip The Light Fantastic ». Il y adjoint cette aisance à impliquer l’auditeur émotionnellement. Si les ficelles de « Light My Love » ressemblent à du cordage de galion, on ne peut pas réfuter leur puissance éprouvée depuis maintenant une cinquantaine d’années.
En réalité, appréhender Greta Van Fleet est une histoire d’acceptation. Greta Van Fleet est une sorte de réincarnation de Led Zeppelin, pour le pire et le meilleur. Le problème est que nous vivons une autre époque, que les uns innovaient quand les autres reformulent à peine. Ce n’est pas qu’une question de timbre vocal, les sonorités de guitare de Jake doivent tout à Jimmy Page. Un fait qui se ressent jusque dans un phrasé du riffing de « Built By Nations » sur lequel plane le fantôme de « Black Dog », mais aussi dans le mix avec ces leads de guitare placés en retrait, comme si les méthodes d’enregistrement appartenaient elles aussi à un autre temps. « Le cachet », dira-t-on. Une pilule de nostalgie. Rien d’aliénant ou de méprisable, rien de fantastique ou d’inoubliable. Tout est une question d’intention du quatuor, qui ne fait que jouer ce qu’il aime avec un savoir-faire incontestable. De là à le vendre comme une révélation…
The Battle At Garden’s Gate et Greta Van Fleet n’apportent rien à la musique. Et ce n’est pas grave, car ce n’est une nécessité pour aucune production que ce soit. L’expérience de l’auditeur n’appartient qu’à lui et si le rock des seventies est une madeleine de Proust, alors Greta Van Fleet est la formation ultime quand réciter par cœur Led Zeppelin fatigue. The Battle At Garden’s Gate a même le mérite d’élever largement le niveau par rapport à son prédécesseur et d’aller effectivement un peu plus loin. Quant à ceux qui ne peuvent dissocier le groupe de l’idée de produit commercial ou de fac-similé, il leur reste Led Zeppelin justement. Personne ne perd, personne n’est à blâmer.
Chanson « Age Of Machine » :
Clip vidéo de la chanson « My Way, Soon » :
Album The Battle At Garden’s Gate, sortie le 16 avril 2021 via Lava/Republic Records. Disponible à l’achat ici
S’il y a une bataille au portail du jardin, j’ai du batailler dur pour arriver au bout de ce CD : tout me désole dans cette galette : de la voix nasillarde et omniprésente de Josh, en passant par la guitare hésitante et faiblarde de Jack ( soli dignes de l’école de musique, niveau adolescent), sans oublier la batterie atone de Danny ( coup de cymbale toutes les 3 mesures !!!) le tout mixé sur un 16 pistes analogique moins performant que le mien en 1991,ya de quoi éventrer son Marshall !
J’ai eu l’impression d’écouter le même morceau découpé en 12 parties, que c’était un des nombreux groupes amateurs avec qui j’ai pu faire le bœuf, bref une démo maladroite mais sympa !
Dans quelques années, peut être, avec un peu de maturité et beaucoup de travail, on aura peut-être un résultat correct…
[Reply]