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Interview   

Griffon : des hommes et des dieux


Parmi les thématiques abordées par les groupes de black metal, celle de la religion a toujours été prédominante. Et si Griffon confirme ce constat, la formation française créée en 2013 incarne parfaitement une nouvelle rhétorique du sujet. Elle portait déjà avec son premier opus, Har HaKarmel paru en 2016, un regard engageant et singulier sur le paganisme. Un regard que le nouvel album ὸ θεός ὸ βασιλεύς perpétue par des biais différents.

C’est en effet grâce à une réflexion articulée autour des relations entre les pouvoirs spirituels et temporels, entre autorité et divinité au regard des sociétés, que Griffon embrasse la question religieuse. Ainsi, loin d’offrir une œuvre imprégnée d’anticléricalisme, la formation française pousse plus avant la réflexion et s’attarde sur le rapport qui unit société, autorité et divinité. Sans chercher à ériger une dialectique du pouvoir divin, le groupe entend en effet inviter ses auditeurs à parcourir l’histoire et à s’approprier les réflexions latentes que les épisodes convoqués induisent inévitablement. Un contenu riche soutenu par une musique tout aussi recherchée dont nous parlons avec les deux fondateurs du projet, Sinaï et Aharon.

« En termes de compo, je voulais changer. Enfin, je voulais tester de nouvelles choses. Je n’ai jamais essayé d’être forcément black metal, même si c’est la principale inspiration, c’est ce que j’écoute. »

Radio Metal : Griffon opère des changements à plusieurs niveaux sur ce deuxième opus. Sur le premier, Har HaKarmel, on avait une certaine continuité ou progression tout au long de l’opus. Sur ce deuxième, on a vraiment des morceaux différents les uns des autres sur le plan musical, avec davantage d’orchestrations, et une intention de vous détacher davantage du black traditionnel de vos origines. Est-ce que c’est un constat que vous partagez ? Comment percevez-vous cette évolution ?

Sinaï (guitare) : Oui, nous avons évolué, mais c’est par rapport aux goûts, par rapport à ce que nous aimons jouer et écouter. Nous avons toujours mis un peu d’orchestrations dans nos titres. Peut-être pas dans notre premier EP, mais dans Har HaKarmel, il y avait quelques samples, quelques violons, mais par le manque d’expérience et de moyens, nous ne pouvions pas trop travailler là-dessus. Nous avons évolué là-dessus avec le split. Et ensuite, nous avons eu un changement de line-up, avec l’arrivée d’Antoine, l’autre guitariste, qui a voulu beaucoup travailler sur les VST. Il a amené plein d’idées, j’étais OK, et nous avons travaillé ensemble sur les orchestrations. En termes de compo, je voulais changer. Enfin, je voulais tester de nouvelles choses. Je n’ai jamais essayé d’être forcément black metal, même si c’est la principale inspiration, c’est ce que j’écoute. Il y a des morceaux, sur Har HaKarmel, où il y a des riffs un peu rock, des riffs un peu death metal, death mélodique… Mais c’est un peu mélangé dans le tout, donc on ne s’en rend pas trop compte. Là, j’ai voulu tester d’autres horizons. En plus, nous avons mis des guitares sept cordes, donc ça a pu amener d’autres riffs, d’autres harmonisations. L’album a aussi été composé à plusieurs, cette fois. Avant, c’était moi qui composais tout et qui enregistrais tout. Là, il y avait Antoine et moi, et il y a un morceau que nous avons fait avec Tedd de Wyrms. Donc il y a beaucoup de choses qui sont mélangées, j’ai accepté un peu tout. J’ai toujours dirigé les compos, mais il y a eu beaucoup d’influences.

Tu dis que vous avez fait le processus de composition à plusieurs. On a par ailleurs l’impression que chaque morceau est un potentiel single, ils ont tous une identité forte. Comment ça s’est-il fait ? Est-ce que ça s’est fait dans une sorte de grande session avec tout l’album qui était pensé ou y a-t-il eu quelque chose de fait titre par titre, un peu plus étalé dans le temps ?

Sur le global, nous voulions une évolution. Il y a forcément un morceau avec une intro, un morceau de fin, un morceau de transition. On va dire que nous avions une idée à peu près, mais que nous avons fait les morceaux sans vraiment y penser. C’est dans la finalisation de la composition des morceaux que nous nous sommes dit : « Là, il faudrait peut-être plutôt faire ça, parce qu’on a déjà un morceau bien pour le début, il faudrait peut-être faire ça après. » C’est plus dans la finalisation que sur la composition globale du morceau. Ce que nous avons fait pour les compos, c’est que j’ai composé trois morceaux, Antoine en a composé trois, et il y en a un que j’ai fait seul avec Tedd. Et après que nous avons composé les morceaux, nous nous les sommes refilés, chacun les a modifiés, puis nous nous sommes redonné les morceaux, et c’est comme ça que ça s’est fait. Après, c’était moi qui avais le dernier mot sur tout, y compris sur le morceau avec Tedd. C’est un peu comme ça que nous avons travaillé. Il y a trois morceaux qui sont très inspirés par Antoine, qui a essayé de composer comme moi, et qui a aussi composé avec Aharon, qui est allé chez lui pour lui donner des idées. Il a donc essayé de mimer mes inspirations, et moi, j’ai essayé d’autres styles. Pour ce qui est des orchestrations, j’ai donné des idées, mais je n’ai pas donné beaucoup de contenu. Je n’ai pas composé beaucoup, j’ai juste dit : « Ça, c’est bien. Il faudrait peut-être faire plus comme ci, plus comme ça. » Et Antoine a travaillé dessus à chaque fois. En termes d’apport de compo sur les orchestrations, j’ai dû faire vingt pour cent. Tout le reste, c’est Antoine, en suivant ce que nous voulions.

On sent aussi qu’il y a eu une intention, dans les compositions, de conter quelque chose. Ça se perçoit notamment dans l’écriture des guitares. Il y a cette sensation que la répétition est un peu empêchée ou qu’il y a une recherche presque progressive derrière tout ça. Est-ce que ce sont les textes ou la thématique qui ont inspiré la musique, ou inversement ? Ou tout s’est fait de manière symbiotique ?

On va dire que les thèmes, c’est Aharon qui les donne, et nous essayons de nous raccrocher à ça. Mais il n’écrit pas les textes avant, il nous parle juste des idées.

Aharon (chant) : Effectivement, j’ai en tête les grands thèmes que je veux traiter, les éléments historiques que je veux mettre en avant. Je leur en parle généralement, je leur envoie, je leur explique ce qu’il se passe, mais ça s’arrête là. Les paroles arrivent vraiment tardivement dans le processus et bien entendu, après que le morceau a été vraiment finalisé. Parce que ça ne sert à rien d’écrire des paroles si elles ne tombent pas bien. Cette fois-ci, nous avons essayé de plus faire en sorte que les textes soient calés au moment où ça sera important de caler des textes et donc de servir plus la musique. Auparavant, j’avais tendance à écrire un texte et après à essayer de le caler, et c’était beaucoup plus difficile, d’ailleurs, de faire ça en me disant : « Il faut que je dise cette phrase-là, mais je dois la dire en tant de vers, et je dois la faire rimer sur ce mot-là… » Tout doit être pensé au moment où la musique a été intégralement finalisée, sinon, ça ne tombe pas aussi bien.

Sinaï : Et pour les guitares, oui, nous avons fait moins de répétitions. En fait, nous changeons les harmonisations. Parfois, nous ne nous en rendons pas compte, mais il y a des répétitions, mais comme l’autre guitare change, l’harmonisation change et ça donne l’impression qu’il y a moins de répétitions. Ça dépend des morceaux, mais globalement, Antoine aime faire ça, des choses qui ne se répètent pas trop et qui jouent sur l’harmonisation. Il fait en sorte qu’il y ait le plus de variantes possible. J’essaye un peu plus d’être comme ça aussi. Nous avons beaucoup essayé de varier, je crois.

« Disons que la religion, c’est le propre de l’être humain et que ce soit sur le paganisme ou sur la religion monothéiste, c’est la même chose, pour moi. »

Au niveau du son, on a quelque chose de bien plus massif en termes de production. Ça s’entend sur un morceau comme « Abomination ». Tu expliquais que vous aviez moins de moyens avant. C’est ce qui explique ce changement de production ?

Aharon : Moins de moyens financiers, c’est certain. Moins de moyens aussi dans le sens où nous savions moins nous entourer et, surtout, où nous avions moins d’expérience.

Sinaï : Oui, déjà, il y a eu le mix mais aussi, il y a eu la composition. Le fait de composer intelligemment fait que tu as plus de chances d’avoir un gros son. Si tu fais les harmonisations tout le temps sur les mêmes tessitures, sur des écarts de notes très bas… Si tu joues tout dans les graves, forcément, tu auras un son très grave et tu n’auras pas d’effet massif. Alors que si tu joues une partie dans les aigus, une partie dans les graves… Tu as des méthodes dans la composition qui permettent de faire quelque chose de bien. Par exemple, Misþyrming, je trouve qu’ils font ça très bien. Après, pour « Abomination », par exemple, les premiers riffs se jouent sur la septième corde, c’est très grave et ensuite nous avons ajouté des orchestrations, ce sont des chants aigus, et ça comble. Ça rend le truc plus massif. Et après, il y eu le mix, avec Frédéric qui a fait un taf de ouf. Tout ça réuni, forcément, ça donne une belle production. Il faut bien réfléchir sur les riffs, avoir du matériel, et avoir un ingé son très pro et très talentueux.

Aharon : L’ingé son est Frédéric Gervais, qui joue dans Orakle. Il a fait le dernier Pensées Nocturnes, le dernier Moonreich, entre autres. Après, il y a aussi la précision de l’enregistrement qui joue beaucoup.

Sinaï : C’est vrai. Avant, c’était la course pour enregistrer et ce n’était pas forcément hyper propre. Là, pour les guitares, je m’y mettais tous les soirs. J’ai mis quatre mois, tous les soirs, pour faire des trucs très propres.

Quand avez-vous commencé concrètement la composition de ce nouvel album ?

Le split est sorti en 2019, donc nous avons dû commencer à composer les premiers morceaux en 2018. Nous avons finalisé les compos guitares, basse, batterie à l’été 2019, et nous avons finalisé toutes les orchestrations pendant le confinement.

Aharon : C’est-à-dire que nous nous étions mis d’accord avec Les Acteurs De L’Ombre sur les sorties, nous leur avions fait écouter nos maquettes et ils ont validé un an avant. C’est globalement ce que prend le temps d’une production d’album.

Sinaï : Nous avons dû mettre deux ans à tout composer, peut-être un peu moins.

Aharon : C’est un processus normal pour un groupe qui sort un album de temps en temps. A chaque fois qu’un album sort, nous sommes déjà en train de composer pour celui d’après.

Le split avec Darkenhöld s’est donc fait dans le même cycle ?

Houlà, non ! Il a été composé bien avant. Nous avons quasiment attendu deux ans avant que ça sorte. Ça avait été enregistré sous l’ancien line-up. Quand c’est sorti, nous étions vraiment en mode : « Ces morceaux sont dépassés pour nous ! »

Sinaï : En fait, sur le premier album, je n’étais pas hyper satisfait des prises et du mix. Nous avions des compos et je voulais faire un EP, puis Aharon a eu l’idée du split. Mais j’ai mis autant de temps à enregistrer le split que le premier album, pour dire que quand c’est mieux fait, quand c’est mieux enregistré et que nous prenons un peu plus notre temps, nous pouvons faire un meilleur album.

Pour revenir sur les textes, vous parliez de la mort du paganisme et sur cet album, vous vous êtes penchés sur l’histoire et la religion. Est-ce que pour vous, c’est complémentaire ? C’est une suite logique dans votre œuvre conceptuellement ? Comment envisagez-vous ce « changement thématique » ?

Aharon : Il n’y pas trop de changement thématique. Disons que la religion, c’est le propre de l’être humain et que ce soit sur le paganisme ou sur la religion monothéiste, c’est la même chose, pour moi. C’est-à-dire que c’est la spiritualité humaine qui va impacter le politique et qui va impacter la vie et les relations humaines. La religion, c’est tout. Tout est régi par la religion, en tout cas à l’époque, pas dans notre société. Sur Har HaKarmel, les textes, c’était la même chose. C’était la vision païenne du christianisme, qui s’impose sur leur société. Cet album est du point de vue chrétien, mais ce sont toujours les mêmes enjeux, c’est la religion qui est persécutée par rapport à un opposant et ce sont les hommes qui défendent leurs croyances face à une opposition. C’était pareil sur le split aussi. Par contre, sur le split, nous ne nous sommes pas seulement intéressés au christianisme, mais nous nous sommes aussi intéressés à l’islam, avec le morceau « Souviens-Toi, Karbala », qui est sur le massacre des chiites par les Omeyyades, à la bataille de Karbala. Il y a la question de la croisade avec le morceau « Jérusalem » et celle de la chute de l’Empire romain avec « Si Rome Vient À Périr ». Nous avions traité de grands conflits. Or ici, j’ai voulu non pas revenir sur le conflit entre religions, mais plutôt questionner le grand enjeu du Moyen Âge, que l’on retrouve dans les écrits des auteurs chrétiens, avec en tête de liste, bien sûr, saint Augustin, qui est la relation entre Dieu et la société humaine. Dans l’album, j’ai voulu questionner non seulement l’Antiquité, mais aussi un côté plus proche de nous, à savoir jusqu’à la Révolution, avec la mise à mort de Louis XVI et donc la fin de l’Ancien Régime, qui est effectivement le début de notre société actuelle, où la religion est totalement boutée de la sphère politique. Il s’agissait donc de montrer autant le début que la fin de cette relation entre roi et dieu.

« C’est un album politique en soi, car la question de la politique est toujours présente. Néanmoins, c’est plutôt un questionnement général. Nous présentons diverses grandes périodes qui vont justement se répondre. »

Historiquement, ce sont plusieurs bribes d’histoire qui sont imbriquées et qui traitent du pouvoir et de la religion, comme tu l’as dit. As-tu une formation en histoire ou en lettres ?

Sans trop de surprise, je suis chercheur tant en histoire qu’en droit ! Donc effectivement, je fais actuellement un doctorat où – je ne vais pas m’étaler dessus – je questionne la religion, et notamment la question du droit religieux au regard de l’histoire.

Comment fais-tu cette différence entre étudier ça et le traduire artistiquement avec Griffon ? Finalement, la frontière peut être assez mince…

Je le fais également dans mes autres groupes. Malheureusement, j’ai du mal à me sortir des sujets que je maîtrise. C’est-à-dire que quand j’écris, j’estime que je dois écrire sur des questions où je peux être pertinent. Je ne vais pas écrire sur des notions que je ne maîtrise pas du tout. Quand j’ai commencé le groupe, j’étais plus jeune, j’étais étudiant, donc je maîtrisais un peu moins les thèmes que j’abordais, mais plus ça va, plus je m’intéresse uniquement aux sujets où je sais que je peux apporter quelque chose. Ce que j’ai envie de faire dans la musique, c’est de pouvoir apporter aux autres un enseignement de ce que je pense être important, et pour ces sujets-là, je m’estime compétent pour en parler. Si on me demandait de parler de science-fiction, de spiritisme hindou, je ne serais du tout compétent pour parler de ça, donc effectivement, je ne me risque pas trop sur ces sujets. Il y en a que ça passionne et tant mieux ! Naturellement, je ne me pose plus la question de : « Est-ce que je vais parler de ça ? » Je me dis : « Ça, c’est important, il faut que j’en parle. »

Le choix des épisodes historiques assez particuliers qui a été fait sur cet album, c’est parce que ça rentrait dans ton domaine de compétences et que, pour toi, la signification de ces événements historiques complétait le concept de l’album ?

L’album, pour le coup, il parle de tout. Si vous voulez tout savoir, je suis spécialiste du monde oriental-chrétien du IVe siècle, donc rien à voir avec les thématiques qui sont traitées ici, parce qu’elles vont d’un épisode post-Christ, avec notamment l’Empire romain, par le biais de Caligula, qui va tenter d’imposer le culte impérial au monde juif, en mettant sa statue au sein du temple du Jérusalem, ce qui est repris dans deux morceaux. Il y a également la question de la divinisation de l’empereur romain après sa mort, l’apothéose, qui est justement un peu une fusion de tout ce que nous retransmettons dans cet album, avec non seulement la question du religieux, mais aussi la question de l’empereur romain et celle de la place de ce dernier dans le panthéon romain, et surtout la place qu’aura l’empereur romain une fois que l’Empire sera converti au christianisme. Dans la question de l’apothéose, je l’écris en pensant à Constantin le Grand qui, quand bien même il serait le premier empereur officiellement chrétien, va également recevoir la cérémonie de l’apothéose après sa mort. Il va également être élevé au rang de dieu païen. C’est aussi ça que je voulais mentionner comme étant un point important et un point final, un point d’orgue de l’album.

Pour ce qui est des autres périodes, il y a tout ce qui est relatif au monde franco-français, parce que je me suis rendu compte que j’avais envie de parler de la France et que, justement, je ne me permettrais désormais d’écrire en français que pour des questions qui seraient relatives à la France. C’est notamment le cas de « Régicide » et de « L’Ost Capétien », qui sont les seuls morceaux en français sur l’album. Auparavant, j’écrivais tout en français sans trop me poser de questions, parce que j’estimais que l’anglais était une langue pervertie qui ne devait plus être présente dans ma musique… J’ai mis un peu d’eau dans mon vin depuis ! Tout ça pour dire que j’ai deux morceaux qui traitent de la période de la royauté française, avec « L’Ost Capétien » qui montre le roi de France au plus haut de sa gloire avec le début de la grande branche des Capétiens à la suite de Philippe II Auguste, jusqu’à son déclin et sa remise en question avec la trahison de Louis XVI. C’est le questionnement français de se dire : « Qu’est-ce qu’on fait, maintenant, tant au regard de notre politique qu’au regard de Dieu ? » Tout se répond, tout s’équilibre.

C’est un album politique en soi, car la question de la politique est toujours présente. Néanmoins, c’est plutôt un questionnement général. Nous présentons diverses grandes périodes qui vont justement se répondre. Il y a toujours une réponse, car il y a la vision juive, puis la vision romaine, puis la vision chrétienne royaliste où le roi est celui qui sauve le monde chrétien et la France, et puis il y a la grande trahison. Ça trahit mon incertitude vis-à-vis de la question : « Est-ce qu’il y a un bon régime ou un mauvais régime ? » La chanson « Régicide », c’est ça. C’est l’inquiétude de la recherche du bon régime qui n’existe pas. Et il n’y a pas de prise de position affirmée, parce que chaque chanson traite d’un point ou d’un autre. D’ailleurs, le dernier titre de l’album, c’est une chanson qui va glorifier le roi, puisque le roi est élevé au rang de dieu ; alors que la première chanson, « Damaskos », c’est justement Dieu qui est tout-puissant. C’est une chanson qui est en grec, donc ce n’est pas forcément compréhensible, mais effectivement, la première chanson, c’est le Christ en puissance qui s’impose sur l’être humain, sur saint Paul, et il n’y a aucun débat, c’est le Christ dans toute sa gloire. Donc, effectivement, nous sommes chapeautés sur cet album entre notre relation à Dieu et notre relation au politique.

« La grande valeur de notre société occidentale, c’est la liberté, depuis les philosophes des Lumières. Dans l’Ancien Régime, au Moyen Âge, et encore avant dans l’Antiquité, ce n’est pas le cas. Tout repose sur l’ordre, tout repose sur la continuité. »

Pour compléter ce rapport à la linguistique que tu as déjà évoqué, il y a ce choix pour ce nouvel album d’avoir une pluralité des langues. Comme tu l’as dit, le premier morceau est en grec ancien, justement parce que ça traite de thématiques liées au Nouveau Testament, à la Septante, la traduction grecque de la Bible hébraïque. Est-ce que c’était important d’avoir cette concordance de la thématique et de la langue, comme tu en as parlé pour le français ? Et qu’est-ce qui a amené au choix de l’anglais, au final, par rapport à l’idée que tu en avais ?

Là, c’est clairement Sinaï qui m’a secoué les puces. Quand j’ai commencé à écrire, il m’a dit : « Je ne vois pas l’intérêt d’employer du français sur des questions qui ne traitent pas de choses françaises. » Nous avions commencé à être catalogués comme étant un groupe de « black metal français » et ce n’était pas forcément judicieux. Il y a des groupes qui n’utilisent que le français, mais nous nous sommes dit : « On parle de questions qui dépassent parfois complètement le cadre français, donc il n’y a aucune justification à utiliser ça. » Là-dessus, il avait complètement raison. Si c’était à refaire, j’écrirais des textes dans la langue du pays à chaque fois, mais sans que ce soit de l’appropriation culturelle, je ne suis pas forcément le plus à même d’écrire sur un thème qui ne concerne pas mon intérêt. Je pense que de manière générale, j’écrirai toujours des choses qui parlent à la France, propres au français, qui sont importantes. Je pense que les deux textes en français sont les textes dont je suis le plus « fier ». Je ne suis pas du tout un homme de lettres à la base, je ne suis pas du tout dans la poésie, je n’écris pas de manière belle, j’écris de manière efficace. Je ne suis pas pleinement satisfait de ce que j’écris mais avec le temps, je trouve que je me suis un peu affiné dans mon choix de vocabulaire, dans ma façon de tourner les choses. J’écris peut-être de manière plus fluide et plus musicale, et j’en suis assez content.

En revanche, sur les questions qui n’étaient pas françaises, nous nous sommes posé la question, parce que nous nous sommes dit : « En quoi doit-on écrire ? » Je rejetais l’anglais, au départ, parce que c’est la langue du rock, c’est la langue facile, accessible, mais en même temps, c’est la langue qui est comprise par le monde entier. Et nous voulons aussi faire en sorte que les gens arrêtent de se dire : « C’est du français, on comprend pas, et puis c’est tout. » Je me suis donc dit : « Est-ce que j’écris en latin pour les questions propres à la romanité ? », mais si c’est pour m’emmerder à écrire des textes pour qu’ils ne soient compris par personne – parce que tout le monde a abandonné les langues anciennes – ça ne sert à rien d’écrire pour écrire. Si personne ne se rend compte de ce que je veux faire passer comme message… Le but de la musique est quand même de transmettre quelque chose. Si je ne transmets rien, ça n’a plus d’intérêt. Je me suis contraint d’écrire en anglais et je me suis rendu compte qu’écrire en anglais, c’était facile. C’est triste à dire, mais les rimes viennent facilement ! Je ne suis pas du tout quelqu’un qui parle bien anglais, mais je le parle suffisamment, et c’est facile. C’est facile de bien faire sonner un texte en anglais, alors qu’en français, c’est bien plus compliqué. La gymnastique est plus simple et c’est un peu dommage.

Je voulais néanmoins me risquer à écrire un texte dans une langue classique, et étant spécialiste du grec et ayant des bases en grec, j’ai voulu écrire mon texte en grec, et en fait, ce sont beaucoup de reprises de la Septante, mêlées à un certain nombre de choses. Il y a quelques phrases en latin, car j’ai quelques notions, mais je ne suis pas philologue, ce n’est pas du tout ma spécialité. J’ai néanmoins écrit ce texte, intégralement en grec. Je n’en suis pas pleinement satisfait, parce que je trouve que pour le coup, c’était bien plus compliqué, même si le grec est une langue à déclinaisons, donc c’est plus facile de faire des vers. Après, ma prononciation n’est pas forcément la plus fluide si on compare aux textes en français. Si je pouvais choisir, si j’étais vraiment un bon linguiste, j’écrirais chaque chanson dans la langue originelle. Nous nous sommes aussi embêtés dans les samples. Nous avons tiré ce que nous avons pu de textes originels, notamment sur La Passion Du Christ de Mel Gibson ; vu qu’il est joué intégralement en araméen, nous nous en sommes pas mal inspirés pour des extraits.

Ce message, c’est une invitation à repenser ce qui doit être fondamental, une nouvelle civilisation et son rapport au religieux ? C’est faire ces constats du passé pour penser le futur, quelque part ?

Il y a deux points. D’une part, on vit dans une société qui, pour la première fois, refuse la religion, qui considère que c’est une chose qui est néfaste et qu’il faut oublier. Personnellement, je n’ai pas d’avis. Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise solution. J’ai quand même tendance à penser que notre régime n’est pas le pire et qu’on a pu faire rentrer plus aisément la raison dans notre système de pensée politique, et que ce n’est pas forcément un mal. Après, je ne pense pas que l’on puisse construire une société stable sans fondement religieux ou, en tout, cas spirituel. Je pense que notre monde souffre trop de vouloir absolument imposer sa norme de pensée et en voulant – en France en tout cas – empêcher ce monde d’être religieux, on crée nous-mêmes une religion. Sur les questions des caricatures et de l’islam en France, la France tient une position très religieuse, où elle va dire : « Non, il faut absolument caricaturer, il faut faire ça et ça. » C’est une position qui au final découle d’une pensée spirituelle qui est : « Non, la liberté, c’est plus important que ça » et du coup, il faut absolument que l’on critique la religion. Après, sur la question de qui a raison et qui a tort, personne n’a la réponse, chacun va défendre sa position.

« Le black metal, c’est ça, c’est aussi la résistance face au monde moderne. Que ce soit en Norvège dans les années 1990 ou maintenant en Iran avec les groupes qui se font persécuter, c’est un moyen de s’émanciper et de se rattacher à ce monde qui va beaucoup trop vite… »

Mais on est quand même dans un monde très spécial où l’on n’a pas d’expérience sur ce niveau-là : est-ce que le monde peut se passer de spiritualité et de religion ? J’aurais tendance à penser que c’est peut-être un peu présomptueux de penser que l’on peut se passer de religion, après chacun fait ce qu’il veut. Néanmoins, c’est bien d’avoir une liberté de conscience. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’on est une société qui prône la liberté. La grande valeur de notre société occidentale, c’est la liberté, depuis les philosophes des Lumières. Dans l’Ancien Régime, au Moyen Âge, et encore avant dans l’Antiquité, ce n’est pas le cas. Tout repose sur l’ordre, tout repose sur la continuité. Je ne pense pas qu’il y ait de meilleur régime l’un par rapport à l’autre. Je pense que l’on peut toujours trouver des enseignements dans l’ancien temps. Le monde n’a pas radicalement changé malgré ça, les grands enjeux sont toujours les mêmes. D’ailleurs, ce que je fais dans ce groupe, c’est que je montre que malgré les périodes, les enjeux sont toujours les mêmes. La question est : défends ton identité religieuse, défends ton identité propre, face à quelqu’un qui vient imposer un autre mode de pensée – qui va s’imposer quoi qu’il arrive, parce que le monde est en faveur de ce régime.

Pour autant, j’aime bien l’idée de résistance. Le black metal, c’est ça, c’est aussi la résistance face au monde moderne. Que ce soit en Norvège dans les années 1990 ou maintenant en Iran avec les groupes qui se font persécuter, c’est un moyen de s’émanciper et de se rattacher à ce monde qui va beaucoup trop vite, et qui justement cherche à imposer quelque chose. Le black metal, c’est la liberté, mais comme on vit dans une société très libérale, on a tendance à penser autre chose. C’est la rébellion, c’est la liberté. C’est la beauté que je trouve dans le black metal, en tout cas.

Tu amorces justement ma prochaine question : est-ce que ça fait partie de l’évolution du black metal de se positionner sur la religion non pas en la critiquant frontalement comme on pouvait le faire dans les années 1990 – tu as parlé de la Norvège – mais en la questionnant, tout simplement ?

Je ne sais pas ! Je pense que critiquer la religion, c’est critiquer la société. Si les Norvégiens considéraient qu’ils devaient critiquer la religion pour critiquer quelque chose et mettre le doigt sur le mal qu’ils pensaient être le leur, pourquoi pas. Je pense que chacun peut avoir son combat à ce niveau-là. Moi, j’ai le mien. Il y a une question qui s’est posée il n’y a pas longtemps dans le « milieu » du black metal, c’est une amie à moi qui a un groupe de queer metal, Worhs. Ça a fait jaser au possible. Cette question était intéressante, parce que les détracteurs disaient : « N’allez pas nous faire pleurer, les milieux LGBT sont les dominants dans notre société, donc ils ne sont pas du tout à même de se plaindre et de se faire passer pour des victimes. » Sauf que dans Wohrs ils disaient : « Mais pas du tout ! Nous sommes nous aussi complètement victimes aussi de ce système. » Donc chacun se pensait victime et en droit de se penser comme ayant le « monopole » de la lutte au sein du black metal. Le black metal, c’est la résistance, du coup, « nous, nous sommes la résistance » et chacun défend son bout de gras. Je pense que personne n’a tort ou n’a raison dans cette question-là, même si c’est quand même bien de laisser les gens s’exprimer, car les menacer est la pire chose du monde. C’était affligeant. Au-delà de ça, c’était quand même intéressant de voir les positions.

Le vrai point, c’est que tout le monde se sent persécuté. Tout le monde aime se sentir dans la résistance, parce que la résistance, c’est cool ! On ne va pas se le cacher. Le rock, c’est un rejet, ce sont des gens qui disent : « Nous, on est des rebelles ! » Ce n’est pas inintéressant. Je pense qu’il faut prendre de la distance avec tout et ne pas trop se lancer dans une idéologie, parce que ça peut être dangereux. Néanmoins, ce que j’aime bien dans ce milieu, c’est que ce sont des gens passionnés et qui sont du coup peut-être extrêmes dans leur mode de pensée, mais extrêmes dans le sens où ils sortent de l’ordinaire. Ce que je n’aime pas, ce sont les gens qui sont vides et qui n’ont rien à dire. Notre société a peut-être trop tendance à en fabriquer facilement, des gens aseptisés – peut-être involontairement. Dans ce milieu, les artistes et les gens qui cherchent à affirmer quelque chose ont tendance à proposer des choses intéressantes. Bien sûr, il y a des gens qui ne proposent rien d’intéressant, qui ne font que singer les autres, parce qu’ils trouvent ça cool. Mais il y a quand même des choses intéressantes qui s’en dégagent.

Par rapport à Griffon, comment percevez-vous la suite conceptuelle, comment imaginez-vous l’évolution ? Est-ce que ça va continuer à évoluer en même temps que l’évolution musicale sur les influences, les guitares, les orchestrations ?

Pour ce qui est de l’évolution thématique, ça dépendra de mon humeur sur le moment, de ce que je vais vouloir défendre. Je ne sais pas encore. Je verrai au moment où j’écrirai. J’ai deux ou trois choses en tête. Je n’ai pas d’album-concept pour la suite, mais je sais que ça ne s’éloignera pas non plus de ce que j’ai fait jusqu’à présent. Pour ce qui est de l’évolution du groupe, nous pouvons toujours continuer à pousser la musique. Ce que nous voulons faire, maintenant, c’est surtout faire la musique qui nous plaît et essayer non pas de révolutionner les choses, mais de casser les genres, d’arrêter de se faire cataloguer comme étant « le groupe qui va faire ça ». Nous ne cherchons pas à surprendre, mais si on peut nous dire : « Ça, c’était bien, ça a changé, je m’y attendais pas, vous avez un son particulier », c’est le meilleur compliment qu’on puisse nous faire.

« Je rejetais l’anglais, au départ, parce que c’est la langue du rock, c’est la langue facile, accessible, mais en même temps, c’est la langue qui est comprise par le monde entier. »

Sinaï : Après, nous sommes en train de composer le prochain album tranquillement, nous nous envoyons des riffs. Je pense que nous allons essayer de nous calmer un peu au niveau des orchestrations, mais il y en aura toujours. Ça sera sûrement un peu plus lent, un peu plus régulier. Il y aura d’autres influences, mais ça sera un peu moins épique, un peu plus sombre, un peu plus lourd. J’aime bien quand il y a une transition dans les morceaux et que ça finit de manière épique, mais là, je pense que nous avons quand même beaucoup fait ça et nous avons juste envie de changer un peu. Ça ne va pas beaucoup changer, mais je pense que sur le prochain ça va être différent.

Si on prend un titre comme « My Soul Is Among The Lions », on n’est pas loin d’un Dimmu Borgir, en termes de rendu épique et d’orchestrations ! Je caricature en prenant le groupe par excellence qui va dans les orchestrations et le symphonique, mais peut-être qu’effectivement vous voulez lever le pied là-dessus…

Aharon : Si on parle d’influences, effectivement, je pensais notamment à Carach Angren qui en met des caisses partout, ça devient ridicule, au bout d’un moment !

Sinaï : Voilà, nous l’avons fait sur un morceau. Nous voulions le chant clair d’Antoine. Il avait des idées, nous voulions lui donner carte blanche. Il y a beaucoup d’orchestrations sur ce morceau, avec une intro longue. Il est un peu atypique, mais nous nous sommes dit : « Pourquoi pas ? » C’est notre album, donc nous faisons ce que nous voulons ! Si ça gêne les gens… Globalement, nous nous sommes un peu donné carte blanche sur ce morceau, comme moi je me suis donné carte blanche sur « Abomination » en faisant des riffs djent et en utilisant la sept cordes à fond. Nous faisons un peu ce que nous voulons, et nous essayons un peu de varier. Donc je pense que sur le prochain album, ça va être un peu différent.

Aharon : Moi, je veux rester dans le metal extrême.

Sinaï : Oui, nous n’allons pas faire des trucs à la Fleshgod Apocalypse…

Aharon : De toute façon, il faut bien garder en tête que nous ne cherchons pas à faire du chiffre. Nous n’aimons pas faire de la musique qui fait de la vente pour faire de la vente. Donc effectivement, nous serons toujours dans une espèce de niche.

Vous ne feriez pas du black metal, sinon !

Ce n’est même pas ça ! Il ne faut pas croire. Dans le black metal, non pas ce qui se vend, car personne ne vend, mais en tout cas ce qui fonctionne en ce moment, c’est soit tu fais du post-black avec des petites guitares, brillantes, très au loin – ce qui n’est pas inintéressant, pourquoi pas, il n’y a pas de mauvais black metal, il y a des mauvais musiciens –, soit tu fais du black metal dissonant, ritualiste. Ce sont deux trucs à la mode. Ça commence même à dater un peu. Mais nous ne sommes pas là-dessus. Déjà, nous ne nous maintenons pas au courant, nous ne savons pas trop ce qui se fait, en vrai. Nous ne cherchons pas vraiment à coller notre musique à quelque chose. J’aime beaucoup le black mélodique de manière générale. Sinaï aussi, même s’il est un peu plus ouvert musicalement sur certaines choses. Je suis très black metal. Lui est un peu plus ouvert. Mais j’avoue que Griffon est un groupe que, musicalement, j’ai envie d’écouter. D’ailleurs, c’est marrant, car je vois les stats sur Spotify – quand on a une page artiste, on peut voir les autres groupes que les gens écoutent – et c’est terrible, mais tous les groupes qui sont cités sont les groupes que j’écoute aussi, comme Sühnopfer, Darkenhöld, etc. Comme quoi, nous faisons quand même de la musique qui nous plaît, que ce soit à Sinaï ou à moi. Après, pour l’évolution, je pense que Sinaï, en jouant avec Moonreich puis Pensées Nocturnes, a découvert aussi pas mal d’horizons, musicalement. Il a eu de nouvelles choses à jouer qui l’ont un peu changé.

Sinaï : Oui, un peu. Ça joue forcément.

Pour l’artwork, vous vous êtes tournés vers Adam Burke un artiste reconnu dans le milieu, qui a une véritable patte. Qu’est-ce qui vous a convaincus de le choisir ? Quelle était votre demande initiale pour la réalisation de l’artwork ?

Aharon : À la base, j’ai commencé à m’intéresser au milieu des graphistes metal et à me pencher sur tout ce qui se faisait avec cet album, et je suis devenu complètement fan de plein de gens. Maintenant, j’aime beaucoup avoir des conversations sur le graphisme metal ! En fait, nous voulions absolument une peinture qui représente le côté travaillé de ce que nous faisons. Sinaï disait qu’il voulait quelque chose de précis, beau et qui en impose un peu. En tout cas, nous voulions que ça colle avec notre musique. Nous estimons que notre musique est quelque chose de plutôt travaillé, propre et épique. Je voulais absolument quelqu’un qui nous fasse une peinture. Nous avons donc contacté le plus grand pour ça : Eliran Kantor. C’est celui qui a fait les derniers Testament, Bloodbath, Loudblast, etc. C’est lui qui était complètement en vogue, mais quand nous l’avons contacté, il nous a dit : « J’ai beaucoup trop de travail, je dois sélectionner. Par contre, j’ai un copain qui s’appelle Adam Burke, qui fait un travail extraordinaire et qui peut coller à ce que vous demandez. » Effectivement, j’ai regardé et j’ai dit : « Ah oui, effectivement, c’est exactement ce que je veux, c’est même plus pertinent ! » J’ai donc contacté Adam Burke qui, lui, enchaîne ! Il sort énormément de tableaux. Là, il nous a sorti le tableau en une semaine. Il nous a envoyé les croquis et c’était fini en deux semaines. Il travaille vraiment très vite. Pour le coup, nous étions super contents. C’était lui qui avait fait [Berdreyminn de] Sólstafir. Il travaille très bien et nous étions fous de joie. Voilà comment ça s’est fait avec lui. Je le recommande, si des artistes s’intéressent à ça.

« Ce que nous voulons, Sinaï et moi, c’est que les gens comprennent que ça soit quelque chose d’habité, quelque chose d’important. Nous voulons rendre le côté solennel de la chose. La musique est sérieuse, donc nous rendons les choses sérieuses »

Y avait-il des directives précises ?

Je lui ai dit textuellement : « Je voudrais illustrer cette histoire de statue de Caligula dans le temple de Jérusalem qui est détruite. Nous ne voulons pas de présence humaine. Nous voulons juste la pierre, le temple de Jérusalem, la statue dans le temple et le rideau déchiré. » C’est exactement ce qu’il a fait ! [Rires] Il m’a dit qu’il avait déjà fait des temples. Il m’a montré un temple de Jérusalem qu’il avait déjà fait, il me l’a refait, et c’était trop bien. C’était trop cool. Maintenant, parmi les graphistes avec lesquels nous travaillons, nous travaillons beaucoup avec Came Roy de Rat – c’est lui qui a fait l’affiche de Beltane notamment, c’est lui qui fait nos T-shirts… Ce sont deux choses : faire le graphisme de l’album et faire le graphisme de manière générale, ce ne sont pas les mêmes attentes. Donc il nous a fait les derniers visuels et nous étions super contents. Nous travaillons aussi pas mal avec Tedd, de Wyrms, qui était le graphiste de Griffon sur Har HaKarmel et sur Atra Musica, le split. C’est un bon copain, c’est toujours un plaisir de travailler avec lui. Si je pouvais, je ferais travailler tous les graphistes pour moi, parce que j’adore ça. J’adore passer commande pour le truc. Surtout que tu fais entrer des gens dans ton processus créatif, c’est super intéressant et super enrichissant. Je ne sais pas si ça évoluera, je ne sais pas par où nous passerons. J’aime bien innover, j’aime bien voir de nouvelles choses. J’aime bien faire de beaux objets. À la fin, quand ce sont les visuels que j’aime voir, je suis content. Mais il y a tellement d’artistes avec qui j’aimerais bien travailler ! Ou plutôt faire travailler, car c’est souvent de la commande, mais il se passe quand même quelque chose, ce n’est pas qu’une relation commerciale. Il y a vraiment ce côté : « Je te montre le concept, je te montre ce que je veux transmettre. » Il te fait quelque chose, tu lui dis ce qu’il faut changer… C’est vraiment très enrichissant et limite, je ne fais des albums que pour ça, maintenant ! J’adore vraiment sortir de beaux objets !

On a des souvenirs de prestations live assez incarnées qui allaient bien avec ce traitement du paganisme qu’il y avait dans les premiers moments de Griffon. Avec ce « tournant » conceptuel, comment envisagez-vous le prochain cycle live, quand il aura lieu ?

Tu trouvais ça très paganiste ? Il y avait moyen de pousser, pourtant ! Mais oui, j’essaye de vivre ce que je chante. Après, il y a le sang sur la tête, nous aimons bien ça car le sang est ce qui lie les hommes. Nous n’avons pas commencé à répéter pour l’instant…

Sinaï : Oui, nous n’avons pas trop pensé à ça en ce moment… Et puis je pense qu’en fonction, nous allons peut-être investir pour un ingé son, peut-être de la lumière, pour le décor on verra, mais ça ne va pas évoluer d’un seul coup. Si nous avons les moyens, nous le ferons, sinon, non.

Aharon : Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que faire un bon show, ça demande beaucoup de gens qui préparent en amont. Ça demande aussi beaucoup de problèmes pour les transports, car plus on est nombreux, plus c’est compliqué. Et puis ça dépend aussi de la salle et des conditions dans lesquelles nous serons accueillis. Dans le cas de Griffon, nous faisons en sorte de, mais nous ne sommes pas toujours accueillis dans les conditions qui permettent de faire le live de manière optimale. Il faut être pragmatique et ne pas vouloir mettre un backdrop de quatre mètres de haut sur deux mètres cinquante. Il faut aller à l’essentiel et il faut justement pouvoir se déplacer vite, être efficaces, vite monter le matériel… Il n’y a personne qui nous aide, nous n’avons pas encore de petites mains qui font les techniciens pour nous. Nous avons notre ingé son et c’est tout. C’est du temps en plus.

Sinaï : Pour l’instant, nous investissons dans un ingé son et ensuite, peut-être les lights, on verra. C’est en fonction de comment ça évolue.

Aharon : C’est aussi en fonction de combien on nous paye pour un cachet, parce que tous ces gens, il faut les payer ! Nous essayons déjà de ne pas perdre d’argent avec Griffon et nous y arrivons, c’est déjà très bien ! Dans Pensées Nocturnes, je m’occupe de cette partie-là, de cette organisation, et c’est un vrai boulot. Ça soulage aussi les musiciens car c’est beaucoup de choses à gérer. Pour ce qui est du show, nous considérons qu’il faut présenter un show. C’est-à-dire que nous faisons en sorte que ce soit habité, qu’il se passe quelque chose sur scène. Après, on est réceptif ou pas. Il y a les tambours, les costumes, le sang, le maquillage noir… Nous faisons en sorte qu’il se passe quelque chose. Après, il ne faut pas tomber dans le kitsch non plus. Nous n’allons pas nous déguiser pour le principe. Ça reste quelque chose que nous voulons sérieux, nous ne voulons pas d’interférence trop forte avec le public. Ce que nous voulons, Sinaï et moi, c’est que les gens comprennent que ça soit quelque chose d’habité, quelque chose d’important. Nous voulons rendre le côté solennel de la chose. La musique est sérieuse, donc nous rendons les choses sérieuses, ce n’est pas la fête du slip. Je pense que les gens comprennent ça. Globalement, nous voyons des gens plutôt habités. En face de nous, il y a de plus en plus de gens qui comprennent ce que nous faisons et qui voient où nous voulons en venir, mais ça restera toujours un peu sobre. Nous ne sommes pas non plus dans du guignolesque.

Interview réalisée par téléphone les 11 novembre 2020 par Jean-Florian Garel & Eric Melkiahn.
Retranscription : Robin Collas.

Facebook officiel de Griffon : www.facebook.com/griffonblackmetal

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