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Interview   

Gus G : la science de l’instrumental


Décidément, Firewind a la poisse. Alors que Gus G venait tout juste de remettre sur pied le groupe et de sortir son nouveau disque, sobrement baptisé Firewind et symbolisant une forme de renaissance, après avoir une nouvelle fois perdu son chanteur et alors qu’il était à deux doigts de jeter l’éponge, voilà qu’une pandémie s’abat sur le monde et met à mal ce nouvel élan. Mais, passé maître dans l’exercice de la résilience, Gus G a fait contre mauvaise fortune bon cœur et a profité de ce temps libre pour vaquer à d’autres occupations, comme nombre de ses collègues. Surtout, il s’est attelé à un projet réclamé depuis longtemps par ses fans : réaliser un album solo instrumental.

Ainsi est né Quantum Leap. Mais attention, pas question de tomber dans la démonstration stérile et sans constance qu’on voit parfois dans ce genre d’album et qui explique un peu la réticence du guitariste jusqu’à présent. Un album de guitare instrumental doit être tout aussi accrocheur et accessible aux non-musiciens qu’un album chanté. Son approche est simple : remplacer la voix par la guitare, ouvrant par là même à une certaine diversité stylistique. Nous en discutons avec Gus G ci-après.

« Peut-être que certains guitaristes voyaient ça presque comme une carte de visite, genre : ‘Voici qui je suis. Voici ce que je sais faire’ mais ça ne veut pas dire que c’est un album plein de bons morceaux [rires]. Au mieux, c’est un album plein de bons solos. Et c’est ce que je voulais éviter. »

Radio Metal : Quantum Leap a été réalisé pendant la pandémie. Il s’agissait pour toi de faire quelque chose quand il n’y avait rien d’autre à faire. Il se trouve qu’avant, tu tournais constamment, que ce soit avec Firewind ou en solo. A quel point t’es-tu senti perdu ou désorienté en étant forcé de rester chez toi pour un temps indéterminé ?

Gus G (guitare) : Je ne dirais pas que j’étais complètement perdu, car je dois dire que j’ai réalisé, surtout durant le premier confinement, que j’avais un grand besoin d’être à la maison. C’était une pause sympa, car j’en suis arrivé à un point où j’ai réalisé que je tournais depuis mes vingt ans et que maintenant j’en avais quarante. Ça a été vingt années non-stop. J’ai profité de ce temps pour faire plein de choses, le passer à la maison, réfléchir et faire des trucs que je n’avais pas encore faits. Evidemment, je me suis senti très créatif les premiers mois et c’est la raison pour laquelle l’album sort aujourd’hui. Je pense que c’était surtout dur pour moi durant le second confinement, c’est là que j’ai commencé à en avoir marre. Mais ce n’est pas que moi, c’était comme ça pour tous les gens qui étaient bloqués chez eux. Au bout de huit mois, tout le monde en avait marre.

Penses-tu qu’être créatif aide à gérer la situation ?

Je suppose. Il est clair que ça aide, mais le truc, c’est qu’au bout d’un moment, on ne se sent plus créatif et on n’a pas toujours le sentiment d’être dans le meilleur état d’esprit pour faire quelque chose. A un moment donné, je m’ennuyais et je n’avais envie de rien faire. Après avoir terminé l’album, je n’ai même pas touché de guitare pendant un mois. C’était vraiment étrange. Au milieu de tout ça, heureusement, nous avons déménagé. Donc j’avais des trucs à faire. Déménager et construire un nouveau home studio, c’était beaucoup de travail, mais c’était bon pour me vider la tête.

Ça fait des années que les fans te réclament un album instrumental et enfin, tu leur en proposes un avec Quantum Leap. D’un autre côté, je sais que tu n’es pas toujours fan des albums de guitare, ce qui explique pourquoi tes albums solos jusqu’à présent étaient chantés. Etait-ce donc une question pratique vu les circonstances ou bien as-tu toujours eu en tête de faire un album instrumental à un moment donné ?

Je l’avais dans un coin de la tête mais je n’avais jamais trouvé le bon moment pour me concentrer là-dessus. Il fallait que je sois mentalement prêt. Je pense que maintenant j’étais mentalement prêt pour ça. Quand on est tout seul et qu’on ne peut pas voyager, rencontrer d’autres gens, aller dans un autre studio ou prendre l’avion pour aller quelque part ou collaborer… Enfin, en temps normal déjà je collabore à distance avec plein de gens, mais cette fois, je pense qu’il y avait un côté psychologique : « Bon, ok. Peut-être que je devrais essayer de faire un truc complètement tout seul cette fois. » Plus j’y pensais, plus ça avait du sens pour moi de ne même pas avoir de chant, de m’exprimer uniquement au travers de la guitare. Cet album n’aurait probablement pas existé sans la pandémie. Si j’avais été encore sur la route avec Firewind, peut-être que la vie aurait pris un autre tournant, peut-être que nous serions directement retournés en studio pour faire un autre album de Firewind, car il y avait un bel élan avec le dernier album. Nous avions de belles tournées de prévues et si nous les avions faites, peut-être que je n’aurais même pas songé au prochain album solo avant bien plus tard. Peut-être que je l’aurais fait dans quelques années. Donc l’idée c’était : « Peut-être que je devrais faire quelque chose maintenant car je me sens créatif. » Mais tout en me disant : « Faire un autre album comme le précédent, ça n’a pas de sens. » Donc j’essayais aussi de changer des choses dans mon propre intérêt.

Tu viens de mentionner le dernier album de Firewind, qui est sorti en mai 2020, en pleine pandémie, ce qui signifie que tu n’as pas eu l’occasion de le promouvoir en tournée. Ça a dû être frustrant…

Oui, c’était très frustrant ! J’ai mis beaucoup d’efforts et de travail là-dedans, et juste avant ça, nous avions traversé une crise majeure au sein du groupe, nous avions perdu deux membres. Je suis passé à deux doigts de séparer le groupe fin 2019, mais j’ai pris la décision de continuer encore une fois, de retenter le coup, parce que j’avais déjà l’album entre mes mains et il ne me manquait plus qu’un super chanteur. Je l’ai trouvé et là, l’album sonnait comme il faut. Tout semblait bien se goupiller, enfin, et nous allions démarrer une grande tournée en Amérique et continuer après ça, mais tout ça est arrivé. Il ne devait pas en être ainsi, j’imagine. On verra !

« Le problème, c’est lorsqu’il n’y a pas de chant et qu’il y a tout cet espace à remplir. Si tu es très bon techniquement, tu peux tomber dans une boucle à trop en faire, et ce n’est pas toujours une bonne chose. »

Tu as déclaré que même si tu étais guitariste, tu ne supportais pas la plupart des albums de guitare instrumentaux. Penses-tu que le plaisir de l’auditeur est trop souvent négligé dans ces albums ?

Je ne supporte pas certains albums de guitare, ceux où il n’y a que des backing tracks avec des gars qui font des solos dans tous les sens par-dessus. J’adore les albums de guitare qui ont de super morceaux et des idées sympas et rafraîchissantes, mais peu de gens font ça. Il y a les classiques, comme les Joe Satriani et Steve Vai qui sont les meilleurs et le seront éternellement. Et il y a des trucs qui sont sortis dans les années 80 chez Shrapnel Records et tout, mais à un moment donné, tout le monde en a fait un. Mais je comprends aussi que ça peut être vu comme un outil pour un guitariste afin de faire la démonstration de son talent. Plein de guitaristes avant faisaient ce genre d’album peut-être juste pour se faire remarquer par un autre groupe ou quelqu’un qui les choisirait pour rejoindre une plus grosse formation. Peut-être que certains guitaristes voyaient ça presque comme une carte de visite, genre : « Voici qui je suis. Voici ce que je sais faire » mais ça ne veut pas dire que c’est un album plein de bons morceaux [rires]. Au mieux, c’est un album plein de bons solos. Et c’est ce que je voulais éviter. Je voulais avoir non seulement de bons solos, mais aussi de bons morceaux. C’était mon intention. Je ne suis pas très jeune, ce n’est pas comme si j’avais vingt ans et je devais montrer mon talent. J’ai fait vingt albums. Donc faire un album instrumental aujourd’hui, pour moi, ça a un autre sens. Voilà pourquoi je ne voulais pas faire ce type d’album instrumental.

Malgré tout, n’y avait-il pas des moments où tu es tombé dans le piège de sur-jouer ? As-tu été obligé de réfréner un peu tes instincts de guitar hero ?

Oui, c’est clair, car au bout du compte, il y a suffisamment de trucs durs à jouer là-dedans. Ce n’est pas comme si j’avais besoin d’en rajouter [rires]. Le problème, c’est lorsqu’il n’y a pas de chant et qu’il y a tout cet espace à remplir. Si tu es très bon techniquement, tu peux tomber dans une boucle à trop en faire, et ce n’est pas toujours une bonne chose. Donc j’ai dû trouver un équilibre avec tout ça. Je pense y être parvenu au final, car il y a plein de bonnes accroches dans tous les morceaux de l’album. A la fois, si vous êtes guitariste et que vous voulez apprendre à jouer des plans, il y en a plein aussi. Je trouve que c’est un album intéressant du point de vue guitare, mais il est aussi intéressant musicalement de façon générale, peu importe si vous jouez de la guitare ou pas.

Tu as essayé de faire en sorte que la guitare agisse comme une voix. Comment abordes-tu cet aspect ?

J’ai réécouté plein de morceaux de Satriani, car c’est le maître en la matière. J’ai réécouté mes albums de guitare préférés et je les ai disséqués et écoutés avec une autre paire d’oreilles, pas tellement en y prêtant attention en tant que guitariste mais en tant que compositeur-arrangeur, pour voir comment font ces gars et leur emprunter des idées. Là, j’ai réalisé : « D’accord, c’est comme ça qu’on fait, c’est comme ça que ces gars abordent l’exercice. » Et c’était de toute façon des musiques que j’aimais. Je pense qu’au final, la clé était d’entretenir les accroches et les mélodies, car on peut toujours ajouter des solos. Surtout avec la musique instrumentale, quand il n’y a pas de chant, ce n’est qu’une toile vide. On peut faire tout ce qu’on veut. On peut changer les tonalités, on peut changer les tempos, on peut ajouter des couches, on peut ajouter des harmonies, on peut ajouter des contrepoints. On peut ajouter énormément de choses. Ça peut devenir très intéressant. A la fois, ça peut aussi devenir trop, donc il faut trouver un équilibre.

Tu as mentionné Joe Satriani, mais je sais que Paul Gilbert a beaucoup travaillé dernièrement sur l’imitation de l’expression vocale à la guitare. As-tu écouté ce qu’il a fait et ses techniques en la matière ?

Oui, j’ai écouté. Il utilise beaucoup de slide et il essaye avec ça de reproduire les articulations de la voix avec une guitare. C’est intéressant. C’est vraiment unique. Mais je n’ai pas essayé de faire la même chose, parce qu’alors j’aurais sonné comme lui. Or j’ai envie de faire mon truc et non pas ce que lui fait, mais évidemment, c’est l’une de mes influences. Je ne suis pas un grand fan du jeu de guitare en slide, pour être honnête. Ça marche pour Paul, il peut le faire vraiment bien. Et bien sûr, sa musique a aussi beaucoup changé par rapport à ce qu’il faisait avant. J’adore le Paul Gilbert de Racer X, les trucs plus metal.

Dans cet album, on retrouve un morceau inspiré par la synth-wave, une ballade bluesy, des éléments prog, des éléments power metal. Est-ce que le format instrumental ouvre les perspectives ?

Absolument. On peut faire tout ce qu’on veut parce qu’il n’y a pas de voix pour dicter le style. On peut aller d’un morceau acoustique à un autre plus bluesy, à de l’électronique, à du metal pur, etc. Si on a son propre son et son propre style, on a quand même une cohérence, car la guitare est une voix.

« Il y a vingt ans, si j’avais fait une démo comme ça et l’avais envoyée aux maisons de disques, elles auraient dit : ‘Désolé, on ne peut pas vendre ça. Ajoute du chant et ce sera super.’ D’ailleurs, c’est une histoire vraie. Ça m’est véritablement arrivé et c’est ainsi que Firewind est né. »

Penses-tu qu’il y ait aussi plus de liberté en termes d’expression pure, que tu canalises encore plus tes émotions et sentiments du moment au travers de la guitare, vu que tu n’as pas à partager ça avec un chanteur ?

On peut dire ça, dans une certaine mesure. Enfin, ce n’est pas comme si je ne m’exprimais pas quand je fais des chansons pour mon groupe ou quand j’ai un chanteur, c’est juste que dans une situation de groupe, la créativité vient aussi d’autres gens et tout le monde apporte quelque chose. Au final, c’est ce qui fait que le groupe devient ce qu’il est. Un album instrumental est centré sur une personne, je suppose. Ça pourrait être un album point de repère pour moi, du genre : « Si vous voulez entendre comment sonne Gus G à cent pour cent, vous pouvez écouter cet album. » Mais sans dévaloriser mes œuvres précédentes, parce que mon jeu de guitare est partout dessus, de toute façon. Mais oui, peut-être que maintenant il y avait plus de vides à remplir, vu qu’il n’y a pas de voix.

« Night Driver » est le morceau influencé par la synth-wave, avec des sons de clavier très années 80. Il y a une forte nostalgie pour les années 80 depuis quelques années. Qu’est-ce que cette décennie évoque pour toi ?

J’ai grandi dans les années 80. Pour moi, le rock et le metal des années 80 sont naturels à jouer. Je ne me suis pas trop intéressé à la synth-wave. La raison pour laquelle j’ai essayé de faire ça, c’est que nous avons voulu essayer de faire autre chose. C’était l’idée de mon pote au Valve Studio d’essayer de faire de la synth-wave. En fait, j’avais une démo de cette chanson et c’était plus dans la veine d’un groupe de rock, avec de la batterie, de la basse et tout. Il a dit : « Essayons d’en faire une version électronique. » Donc nous nous sommes débarrassés de la batterie et de la basse, et nous avons fait cette sorte de son de synthé monotone. J’ai commencé à jouer le riff que j’avais par-dessus ça et à réajuster toutes mes idées. Mais pour moi, ça sonne naturel, normal, parce que j’ai grandi dans cette décennie. Je dirais que c’est ma décennie préférée. Enfin, j’aime toujours plein de trucs des années 70, surtout niveau guitaristes et pour certaines musiques. J’adore Jimi Hendrix, par exemple, et j’adore le classic rock et ce genre de chose, mais les années 80 c’est clairement quelque chose de naturel, parce que quand j’étais gamin, c’était la musique qui accompagnait mon quotidien. Même dans les films qu’on regardait, c’était la musique qu’on entendait.

Tu as ajouté à l’album le morceau « Force Majeure », avec Vinnie Moore, qui était sorti en 2018. Quelle était l’idée derrière ce morceau au départ ?

En fait, j’ai composé ce morceau à la même période où j’ai fait mon album précédent, Fearless. Pour une raison que j’ignore, je ne l’ai pas terminé. J’ai livré l’album au label. Puis il me restait ce morceau que je trouvais super. Je me suis dit : « Je suis un idiot. J’ai un super morceau instrumental, j’aurais dû le mettre dans l’album, mais je le l’ai pas fait » [rires]. Ensuite, une tournée américaine avec Vinnie Moore se profilait à l’horizon. J’ai dit au label : « Pourquoi est-ce qu’on ne sortirait pas un nouveau morceau maintenant, juste un single ? Je peux demander à Vinnie de jouer dessus et ça fera une promotion croisée avec les dates de tournée. » Nous l’avons donc sorti et la chanson a très bien marché. J’ai continué à la jouer durant mes concerts. C’est l’un de mes morceaux instrumentaux ayant rencontré le plus de succès. Je crois qu’il a déjà été écouté un million de fois sur Spotify, ce qui est plutôt pas mal pour un morceau de shred instrumental [petits rires]. Mais c’est resté un single et maintenant que je faisais un album solo instrumental, j’ai voulu l’inclure dans la tracklist pour qu’il fasse partie d’un album. Même si c’est un morceau plus ancien, il va bien avec le reste.

Tu as initialement créé cet album entièrement seul en programmant la batterie et en jouant la guitare, la basse et le clavier, mais au final Vincent Velasco a enregistré la batterie et Dennis Ward la basse sur huit morceaux. Comment t’es-tu retrouvé à les impliquer ?

C’est une histoire assez drôle avec Vincent. Il a vu sur internet que j’étais en train de faire un album et il m’a envoyé un e-mail. Il s’est présenté et m’a envoyé un tas de liens, disant que si j’avais besoin d’un batteur, il pouvait s’en charger. Au début, j’ai décliné son offre. J’ai dit : « Non, ça va. Je programme toute la batterie moi-même » et c’est effectivement ce que j’ai fait. Puis je me suis dit : « Bon, si un super batteur t’offre ses services, peut-être que tu ne devrais pas refuser » [rires]. Donc je l’ai recontacté et j’ai dit : « Ecoute, c’est impossible d’enregistrer parce que je ne peux pas faire le voyage pour me rendre dans un studio, or je veux être là quand on fait la batterie parce que je produis l’album. » Vincent a son propre studio dans lequel il pouvait enregistrer, donc il a dit : « Ecoute, je peux t’envoyer une chanson et si tu aimes bien, super. Sinon, pas de problème, je comprends. » Il a donc fait une chanson pour moi et j’ai adoré. Le son de la batterie était bien du point de vue technique et le jeu était super. Donc voilà, il a eu le job et il a joué sur tout l’album. Je suis content que nous ayons fait ce choix. Puis, bien sûr, j’ai demandé à Dennis Ward de mixer l’album. Je lui ai dit que peut-être il pouvait jouer la basse dessus et c’est ce qui s’est passé.

« C’était une grande décision d’essayer de faire autre chose comme ça. Rien que ça, en soi, c’était un saut quantique pour moi [rires]. »

La biographie promotionnelle mentionne que tes vingt années dans cette industrie t’ont appris que « le business et le marché ont évolué de telle façon que les albums instrumentaux sont bien mieux acceptés par rapport à lorsque [tu as] débuté ». Qu’est-ce qui fait la différence, selon toi ?

Je pense que la différence principale, c’est la numérisation du monde dans lequel on vit aujourd’hui. Il y a vingt ans, si j’avais fait une démo comme ça et l’avais envoyée aux maisons de disques, elles auraient dit : « Désolé, on ne peut pas vendre ça. Ajoute du chant et ce sera super. » D’ailleurs, c’est une histoire vraie. Ça m’est véritablement arrivé et c’est ainsi que Firewind est né. A l’origine, j’avais fait des démos instrumentales en 97 ou 98, et je les ai envoyées à des maisons de disques. Certains les ont trouvées bonnes, mais il leur fallait du chant, parce qu’il n’y avait pas de marché pour les albums instrumentaux à l’époque. Mais maintenant, ça n’a pas vraiment d’importance. Maintenant, tout le monde peut jouer ce qu’il veut. Il y a de la place pour toutes sortes de choses. Je veux dire que le prog rock et le prog metal, par exemple, ont fait un grand retour, c’est très populaire. Toutes sortes de musiques ont leur propre communauté de fans, leur propre public. Ce n’est donc plus autant un tabou de sortir un album comme celui-ci de nos jours. C’est rare, ce n’est pas très commun, mais ça intéresse clairement des gens d’écouter ça, en tout cas je pense, même si ce n’est pas vraiment le type de musique le plus commercial qui soit.

Peux-tu me citer cinq albums instrumentaux que tu adores, qui t’ont inspiré et que tu considères comme importants, et me parler de l’impact qu’ils ont eu sur toi ?

Je mettrais clairement en premier dans ma liste Surfing With The Alien de Joe Satriani. Je pense que cet album a ouvert la voie pour les albums instrumentaux de guitare rock, parce que ça a été un énorme succès commercial et cet album est un chef-d’œuvre du début à la fin. Quand j’étais gamin, je savais tout jouer, toutes ces chansons, d’un bout à l’autre. J’ai passé des heures à m’entraîner dessus. Ensuite, je dirais Rising Force d’Yngwie Malmsteen, le premier album. Ce n’est pas entièrement instrumental, il y a deux morceaux chantés, mais ça reste majoritairement instrumental. C’est clairement un album qui ne m’a pas seulement affecté, mais qui, je pense, a véritablement changé la trajectoire de la guitare électrique metal. Il a introduit un nouveau genre musical, le metal néoclassique. Je suppose que [Ritchie] Blackmore l’a initié, mais Yngwie l’a perfectionné. Ensuite, je dirais, en numéro trois, Passion And Warfare de Steve Vai. C’est aussi son plus grand classique. Cet album est un peu plus expérimental que les trucs de Satriani ou Yngwie, mais ça reste l’un des plus grands classiques de tous les temps. Si vous vous intéressez à la musique instrumentale et que vous êtes un guitariste, il vous faut vraiment cet album dans votre collection. Une histoire amusante est que lorsque j’ai auditionné pour obtenir une bourse d’études au Berklee College Of Music, j’ai joué une chanson de Steve Vai qui s’appelle « Sisters ». C’est grâce à ça que j’ai pu aller à Berklee. Ensuite, je peux en citer deux autres qui m’ont vraiment affecté. L’un est Dragon’s Kiss de Marty Friedman. C’est un excellent album de heavy metal du début à la fin. Il contient plein de super mélodies et compositions, mais c’est aussi un album très complexe. Il s’y passe plein de choses. On peut entendre que cet album a influencé plein de guitaristes parmi les générations actuelles. Pour le dernier, je dirais Mind’s Eye de Vinnie Moore. Avec Rising Force d’Yngwie, c’est clairement un chef-d’œuvre de guitare metal néoclassique, très inspirant. C’est un des albums de shred néoclassique les plus emblématiques.

Fearless était un album sur lequel tu as testé le format de groupe en power trio et maintenant tu t’es essayé à un album instrumental. Ta carrière solo est-elle un peu ton laboratoire d’expériences ?

Oui, on peut dire ça. Enfin, je pense encore être aux balbutiements de ma carrière solo. J’en suis encore à tester des choses. Toute l’idée derrière ça était de me diversifier par rapport à ce que j’ai créé avec Firewind et faire d’autres choses que je ne pourrais pas faire en temps normal au sein de ce groupe. Ça peut vouloir dire collaborer avec plein de chanteurs ou ne collaborer avec personne, faire simplement des albums instrumentaux, ou ça peut vouloir dire qu’un jour je ferai un album vraiment expérimental et bizarre. C’est mon exutoire. Peut-être que Firewind en bénéficie, mais je préfère expérimenter seul dans un autre projet que de faire des albums expérimentaux avec Firewind. Firewind a un son et un style qui lui sont propres aujourd’hui. Je ne me vois pas m’en m’éloigner trop. Evidemment, nous voulons essayer de nouvelles choses à chaque fois si possible, nous ne voulons pas nous répéter, mais d’un autre côté, il y a un espace défini au sein duquel évoluer. C’est un défi en soi parce qu’il faut faire des morceaux suffisamment bons au sein de cet espace que nous avons créé. Je pense que tous les groupes ayant une certaine discographie, comme nous, sont confrontés aux mêmes problèmes. Il est clair que je ne me mettrais pas à faire un morceau de synth-wave avec Firewind.

Un saut quantique est une transition abrupte dans un système quantique d’un état à un autre, d’un niveau d’énergie à un autre. Est-ce ce que t’ont fait ressentir les circonstances dans lesquelles l’album a été réalisé ?

Oui, on peut dire ça, et aussi le simple fait que c’était une grande décision d’essayer de faire autre chose comme ça. Rien que ça, en soi, c’était un saut quantique pour moi [rires].

Il y a aussi derrière ça l’idée d’adaptation. Cette adaptabilité, est-ce ce que les artistes doivent apprendre, en particulier à cette époque de transition dans l’industrie ?

Absolument. Ça s’applique à tous les artistes. Essayer d’évoluer est important. Il faut essayer d’évoluer et d’apprendre de nouvelles choses, et essayer de nouvelles choses. Parfois c’est une situation risquée, mais il faut le faire si on veut continuer à avancer. Je ne peux pas parler à la place de tout le monde, je ne peux que parler par rapport à ce qui fonctionne pour moi et ce qui me convient. Si tu posais la même question à Angus Young, probablement qu’il s’en foutrait parce qu’il est AC/DC, il se fiche de savoir si le marché change ou pas. Il peut jouer demain et remplir un stade de quatre-vingt mille places. Peut-être qu’il se fiche de savoir s’il doit avoir un putain d’Instagram ou faire des live streams. Tout dépend à qui on pose la question et à quel type d’artiste on parle. Pour moi, ça fonctionne et c’est vital de continuer à changer et essayer de nouvelles choses.

Interview réalisée par téléphone le 22 octobre 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Gus G : www.gusgofficial.com

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  • Avec cette nouvelle production Gus G confirme sa place dans le cercle des guitaristes de haut vol ( ce qu’on savait déjà !).
    Tantôt dans la lignée d’un Satriani dans les morceaux »mélodiques », tantôt sur les traces d’un Petrucci dans les compos métal prog, le lead d’Ozzy nous en met plein la vue et plein les oreilles ! Coup de chapeau à la section rythmique (basse-batterie) qui n’a rien à envier à un LTE :suivre Gus n’est pas toujours évident !
    Après ces quelques louanges, je suis plus dubitatif sur la partie live : hormis les créations du maître, la reprise de Dire Straits est carrément hors sujet, quand à Cold Sweat, même Gus ne peut rivaliser avec John Sykes, seul héritier  » naturel » de Lynott…

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  • « Ensuite, je dirais Rising Force d’Yngwie Malmsteen, le premier album. Ce n’est pas entièrement instrumental, il y a deux morceaux chantés, mais ça reste majoritairement instrumental. »

    Je me trompe d’album ou c’est lui qui se plante ? Pour moi, « Rising force » est entièrement chanté, non ? À moins que l’album qui porte ce titre ne soit pas celui qui commence par la chanson éponyme ?

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