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Interview   

Haken : une question d’affinité


Diego Tejeida - HakenLorsque l’on voit des groupes comme Haken émerger et sortir des albums de la trempe d’Affinity, on peut dire que la relève du metal progressif est bel et bien là. Une toute nouvelle génération qui n’a pas peur de prendre le terme « progressif » au pied de la lettre, renvoyant à son état d’esprit initial, c’est à dire jouant d’influences diverses et profitant des technologies contemporaines plutôt que d’institutionnaliser un son vieux de quarante ans. C’est en tout cas la vision qu’a Diego Tejeida, claviériste d’Haken, de son groupe et de la nouvelle vague de formations progressives dont il fait partie aux côtés des Leprous et autres Between The Buried And Me.

Un claviériste bidouilleur mais aussi bosseur, qui s’amuse à façonner des multitudes de sons, quitte à partir un peu dans tous les sens. En tout cas, on pourrait presque dire que son travail est au centre de ce nouvel opus d’Haken qui se veut largement inspiré par les trop souvent méprisées années 80, tout en faisant le grand écart, embrassant des sonorités tout ce qu’il y a de plus modernes.

C’est donc de ça, de cet amour pour le synthétiseur et ce fin travail de créateur de sons dont l’influence d’un Jordan Rudess (Dream Thearer) n’est pas étrangère, que nous parle Diego dans l’interview qui suit, mais aussi de la dynamique d’un groupe d’amis avant tout, d’un album conçu de façon collaborative, les affinités humaines étant même au centre de sa thématique comme son nom le suggère, et plus généralement de metal progressif.

Haken 2016

« ‘Années 80’, c’est perçu comme un gros mot parfois, surtout dans la scène prog. […] Alors qu’il y avait plein de bonne musique dans les années 80, et je trouve que ça vaut le coup de s’y intéresser parce qu’il y a du caractère, […] les sons de synthé des années 80 sont incroyables ! »

Radio Metal : The Mountain a été votre album qui a récolté le plus de succès. Comment vois-tu cet album avec le recul ?

Diego Tejeida (claviers) : Comme tu l’as dit, The Mountain nous a propulsés à un tout autre niveau. C’était vraiment bien. C’est aussi un album sur lequel nous avions un son différent. Je dirais que pour la plupart des membres du groupe, c’est probablement jusqu’à ce jour notre album le plus mature. Evidemment, nous avons continué à évoluer mais lorsque nous avons fait The Mountain, c’était le meilleur que nous puissions faire à ce moment-là. Et nous avons impliqué Jens Bogren, c’était la première fois qu’il travaillait pour nous sur le mixage de l’album, et je dirais qu’il a représenté une part essentiel de notre son ; il fait un boulot incroyable. Donc, ouais, avec le recul, c’est presque comme s’il y avait un avant et un après The Mountain pour nous. C’est vraiment le genre de chose qui, assurément, a provoqué un changement dans notre carrière. The Mountain nous a ouvert à plein de nouvelles opportunités. Nous avons reçu l’attention de plein de grands noms, comme Mike Portnoy, même Jordan Rudess – c’est comme ça que j’ai eu l’occasion de le rencontrer il y a quelques années. Nous avons fait une croisière avec Mike Portnoy, nous avons embarqué pour Cruise To The Edge, nous avons fait quelques super tournées avec Between The Buried And Me et Leprous, [nous avons] rencontré plein de gens en chemin, en jouant dans d’énormes festivals comme le Hellfest ou en jouant plusieurs fois à la Night Of The Prog. C’est clair que ça nous a ouvert à de nouvelles opportunités.

Est-ce que ça a mis une pression sur le groupe pour lui donner un successeur ?

Je pense que la pression a toujours été là. Pas dans le sens de contenter l’audience, c’est très difficile : tu dois avoir conscience que tu ne contenteras pas tout le monde. La seule chose que tu peux faire, c’est te contenter toi-même, dans un sens d’auto-accomplissement et de se sentir à l’aise avec ce que tu as fait. Donc, en ce sens, la pression a toujours été présente. Nous avons toujours été très déterminés à amener le groupe au niveau suivant pour pouvoir nous concentrer dessus. Beaucoup de gens savent que la plupart d’entre nous ont des emplois à plein temps et nous essayons de faire en sorte qu’Haken en prenne la place, et nous n’y sommes pas encore. La pression du côté business a toujours été là. D’un autre côté, musicalement, nous essayions toujours d’aller un peu plus loin sur chaque album. Donc, comme je l’ai mentionné, lorsque nous avons fait The Mountain, c’était ce que nous pouvions faire de mieux à ce stade. Il sonnait vraiment bien et représentait plusieurs pas en avant pour nous à bien des égards, comme en termes de composition ou simplement vis-à-vis de la production, du son. Nous essayons toujours de faire les choses différemment sur chaque album et repousser les limites un tout petit peu plus loin encore et encore. Donc, ouais, la pression vient surtout de nous, je dirais.

Vous avez été plutôt du côté des années 80 cette fois en termes d’inspiration pour Affinity, ce que l’on retrouve beaucoup dans le visuel très rétro de l’album et dans la chanson « 1985 ». Qu’est-ce qui a déclenché ce penchant pour les années 80 ?

Je suppose que c’était juste une transition naturelle. La plupart des gars dans le groupe sont très fans de la musique des années 80, surtout des groupes comme Toto ou des gars comme Vince DiCola qui est une influence majeure dans Affinity, ou Van Halen, ce genre de trucs qui sont apparus dans les années 80 et qui sont souvent négligés. Je pense que « années 80 », c’est perçu comme un gros mot parfois, surtout dans la scène prog. Les gens disent : « Non, les années 70 étaient super, peut-être qu’il n’y avait pas grand-chose dans les années 60, mais les années 70, c’est la grande décennie pour le prog. » Plein de proggeux regardent les années 70 comme l’âge d’or. Et les années 80, eh bien, je ne sais pas… Les gens sont un peu réfractaires aux années 80. Alors qu’il y avait plein de bonne musique dans les années 80, et je trouve que ça vaut le coup de s’y intéresser parce qu’il y a du caractère, surtout en tant que claviériste, les sons de synthé des années 80 sont incroyables ! Certes, c’était souvent ringard, mais ils étaient supers. Ça fait partie de ces choses qui valent le coup d’être conservées et de partager avec les nouvelles générations. Dans le groupe, nous sommes de grands fans de ce son et lorsque nous travaillions sur les esquisses du nouvel album, c’est assez drôle parce que « 1985 » était l’un des premiers morceaux que nous avons écrits, ou tout du moins la version initiale de « 1985 ». Nous savions dès le départ qu’elle aurait ces sonorités et qu’elle avait besoin d’une section à la Vince DiCola et de ce genre de son, et tout a pris forme à partir de là. Nous nous sommes lancés là-dedans et avons trouvé que c’était une bonne façon d’expérimenter que de combiner ce son avec le côté moderne de notre musique.

Plus particulièrement, qu’est-ce que l’année 1985 a de spéciale pour en avoir fait une chanson ?

Il n’y a rien de spécial, c’est juste l’année de la chanson. Pour nous, l’album a un thème récurrent, presque comme une histoire et ça fait parfaitement sens pour nous en termes de… C’est presque comme un film. Cependant, nous avons consciemment décidé de ne pas trop en révéler au public parce que nous voulons que l’audience se crée sa propre histoire à propos d’Affinity. Donc, pour nous, ça fait parfaitement sens de l’appeler « 1985 » mais ça ne veut rien dire, en réalité ce n’est qu’un nom qui te véhicule l’idée d’être dans les années 80. Ça aurait pu être 1987 ou 1983. Bon, je suppose que si tu considères l’année 1985, c’est à mi-chemin dans la décennie où les années 90 ne montraient pas encore le bout de leur nez – les trucs grunge ont commencé à apparaître à la fin de la décennie -, donc je dirais que c’est un peu l’épicentre de toute cette scène synth-pop et tous ces sons de synthétiseurs qui ont émergé dans les années 80.

Connais-tu le groupe norvégien Kvelertak ?

Non, je ne le connais pas !

En fait, leur nouvel album sort presque en même temps que le vôtre et ils ont aussi une chanson qui s’appelle « 1985 » !

Ça c’est étrange, c’est une drôle de coïncidence [petits rires]. Il y a peut-être quelque chose dans l’air, je ne sais pas ! [Rires] C’est quoi déjà leur nom ? Ok ! Je viens de me noter ça ! C’est vraiment intéressant ! C’est drôle ! Je veux dire, c’est une coïncidence, évidemment, mais c’est amusant !

Haken 2016

« Je ne vois vraiment pas l’intérêt de recréer quelque chose qui a été fait et qui appartient au passé. »

Cette chanson est évidemment un hommage aux années 80 mais plus que ça, elle semble carrément faire le grand écart entre les années 80 et les temps modernes, en ayant ces parties avec d’énormes guitares sous-accordées, créant un vrai paradoxe. Est-ce ce que vous visiez ?

Nous n’essayions pas consciemment d’être astucieux et créer un paradoxe. Je dis ça d’un point de vue personnel, mais je pense qu’il n’y a aucun intérêt à recréer quelque chose qui a déjà été fait. Il y a plein de groupes qui veulent vraiment sonner comme une certaine époque, genre : « Je veux vraiment sonner comme les groupes des années 70 ! » « Je veux vraiment sonner comme dans les groupes des années 90 ! » Et ils sonnent vraiment comme les groupes des années 70 ou 90 ! Mais voilà le truc : ça a été fait. D’un point de vue personnel, je ne vois vraiment pas l’intérêt de recréer quelque chose qui a été fait et qui appartient au passé. Il faut aussi prendre en compte le contexte de l’époque : le son des années 70 n’était pas une décision consciente. Les années 70 étaient le résultat de la technologie et du sens musical de l’époque, les gens n’avaient pas Logic ou ProTools pour enregistrer, ils n’avaient que des enregistreurs à bande et un nombre de pistes limité, et tout ça conditionnait le son qu’ils obtenaient à cette époque. Et c’était pareil dans les années 80 : tu avais le développement des synthétiseurs polyphoniques qui a engendré ce son si reconnaissable des années 80. Donc, comme je l’ai dit, si nous avions été jusqu’au bout pour faire sonner cette chanson exactement comme dans les années 80, il n’y aurait eu aucune créativité, n’est-ce pas ? Car je pense qu’au final, tu ne ferais rien d’autre que rendre hommage à quelque chose qui a disparu. Donc, d’une certaine façon, nous avons intégré des influences des années 80 mais, évidemment, en les combinant avec un son moderne. Il y a aussi plein d’influences modernes. Peut-être que les années 80 correspond à l’influence la plus notoire dans l’album mais il y a aussi plein d’influences vraiment modernes dans Affinity mais, évidemment, en restant sur notre terrain, tu sais, nous jouons du rock progressif, souvent du metal progressif, peu importe comment tu veux nous étiqueter mais c’est ça notre son. Je pense que c’est ça qui donne un son différent, lorsque tu combines différents aspects et chemins.

Comment parvenez-vous à maintenir la cohérence des chansons en mélangeant ces éléments rétro avec des éléments très modernes ?

Je pense que ça vient du processus de composition. Nous sommes six dans le groupe et nous sommes très, très, très perfectionnistes. Nous sommes toujours très critiques et nous nous impliquons dans chaque aspect de la production. Par exemple, j’avais des retours par rapport à certaines parties de clavier ou je donnais mes impressions sur certaines parties de guitare. Nous sommes donc tous très connectés en ce sens, nous partageons beaucoup nos opinions. Les gens écoutent le résultat final mais ils ne voient pas tout le processus d’écriture fait de hauts et de bas, de différentes étapes, et parfois, lorsque j’enregistre des trucs, il se peut que je trouve une idée de dingue, je l’enregistre et au final il est possible que ça ne fonctionne pas ! C’est donc du tâtonnement jusqu’à obtenir quelque chose qui fonctionne. Le plus important, c’est la chanson. Ce n’est pas une question de simplement frimer et faire les fous. C’est une question de musique, de ce qui a du sens et de structure narrative de la chanson. D’un autre côté, dans le groupe, nous avons tous nos différentes influences. Même si notre terreau commun est le prog’, nous écoutons tous des musiques très, très différentes. Donc, au final, lorsque nous travaillons et écrivons, c’est comme un genre de melting pot, et tu sais que cette phrase a été utilisée plein de fois mais c’est vraiment ainsi [petits rires]. Je veux dire qu’il n’y a pas d’autre analogie pour le décrire. On balance nos influences personnelles mais ensuite quelqu’un d’autre va venir et balancer ses propres influences personnelles, et tout d’un coup, tu te retrouves avec quelque chose qui rappelle autre chose mais sans y ressembler et là ça devient quelque chose de différent.

Tu as mentionné plus tôt les supers sons de clavier des années 80 mais sur cet album, tu as aussi ces sons presque dubstep sur « The Endless Knot » et les arrangements orchestraux classieux de « Bound By Gravity »… J’imagine que tu as dû sacrément t’amuser avec ton clavier sur cet album…

Ouais, c’était super amusant ! C’était aussi beaucoup de travail ! La phase d’enregistrement de l’album était vraiment intense. Je me souviens que je travaillais du lundi au samedi et ne dormais que quelques heures, car le monde des claviers est un brin complexe. Tu dois travailler sur tes sons et ce genre de choses mais ouais, je me suis éclaté. J’envoyais les trucs aux autres et ils adoraient ce que je faisais, donc j’ai continué sur ma lancée, ce qui fait que j’ai eu beaucoup de liberté par rapport à ça, même si évidemment, il fallait toujours faire des compromis et c’est un peu ça la beauté dans le fait de travailler en groupe. Mais ouais, comme tu l’as dit, « The Endless Knot » possède ces influences venant de la musique dance électronique, ou presque. En dehors du prog, j’ai grandi en écoutant de la musique psychédélique, des groupes comme Infected Mushroom ou même des producteurs de musique transe comme Armin Van Buuren, des choses pour lesquelles certains inconditionnels du prog me jetteraient peut-être de sales regards [petits rires], mais en tant que claviériste, c’est génial d’écouter ces groupes et tous ces artistes, écouter ce qu’ils font avec les sons et le côté synthétique. J’ai eu l’occasion de balancer ce genre de choses dans cet album et je trouve que ça a fonctionné ! Donc ouais, cet album était vraiment amusant ; beaucoup de programmation mais aussi beaucoup de fun.

Habituellement, les claviéristes dans le metal progressif ont leurs sons signatures. Je veux dire par là que lorsqu’on entend Jordan Rudess, on sait immédiatement que c’est lui à cause des sons qu’il utilise. Mais toi, tu sembles partir dans tous les sens en termes de sons. Dirais-tu que tu as une approche différente des claviéristes traditionnels de metal progressif ?

Non mais c’est marrant que tu mentionnes ça. C’est quelque chose à laquelle j’ai réfléchi. L’une des choses me concernant, c’est que je suis obstiné à ne pas utiliser de préréglage, quelle que soit la chanson. A moins évidemment que j’utilise un son de piano, de piano électrique ou d’orgue qui existe déjà, ça n’a pas de raison de changer. Mais j’ai étudié la synthèse sonore à une époque et c’est quelque chose qui me passionne vraiment. J’adore ajuster les sons et je pense que c’est quelque chose qui est souvent négligé, surtout par les non-claviéristes. Les guitaristes ou autres musiciens parfois négligent la part d’expression sonore de la musique. Donc ouais, d’une certaine façon, j’ai tendance à construire mes sons à partir de rien. En fait, j’ai une banque de sons que j’ai développé au cours des dix dernières années. Lorsque j’étais étudiant, je passais mes soirées à programmer des sons pour des utilisations futures, pour simplement les avoir dans ma banque de sons. Pour la plupart des choses que je fais, je pioche dans cette banque de sons que j’ai développée. Mais je suppose que la conséquence, comme tu l’as dit, c’est que je pars dans tous les sens [petits rires] ! Il se passe plein de choses et je n’ai pas encore ce genre de signature. J’aime me dire que si mais je ne crois pas en avoir une au point où elle serait facilement reconnaissable, et je crois que c’est quelque chose qui vient avec le temps. C’est comme une personnalité, ça prend du temps pour avoir une personnalité définie, alors peut-être que c’est ça.

Haken - Affinity

« J’ai grandi en écoutant de la musique psychédélique, des groupes comme Infected Mushroom ou même des producteurs de musique transe comme Armin Van Buuren, des choses pour lesquelles certains inconditionnels du prog me jetteraient peut-être de sales regards [petits rires]. »

Jordan Rudess est réputé pour être un dingue de technologie, produisant des sons avec un iPhone et ce genre de choses. Est-ce quelque chose que tu fais également ?

Ouais ! C’est assez drôle parce que celui qui m’a poussé à m’intéresser à ce genre de choses, c’est Jordan. En fait, nous sommes en contact depuis [pas mal de temps], nous entretenons une bonne relation aujourd’hui, nous nous parlons souvent. Il m’a intéressé à cette appli qui s’appelle GeoShred. C’est une application pour iPad, c’est comme une appli d’émulation de guitare, ça permet de faire plus que ça mais c’est pour résumer. D’ailleurs, je l’ai utilisée sur Affinity : j’ai enregistré un solo avec cette appli sur « The Architect ». Juste avant la section avec du growl, il y a un genre de petit solo. Ça sonne presque comme de la guitare slide mais ça a été fait sur un iPad. Cette semaine, je viens tout juste d’annoncer que j’étais endossé par Roli, pour leur Seaboard, ce nouvel instrument qui est un genre de clavier capable de faire des bends et ce genre de choses avec des touches glissantes. C’est l’une de ces choses que j’ai d’abord connu grâce à Jordan. J’aime le fait qu’il n’y ait plus de barrière entre l’expression et le fait d’être claviériste. Il y a tellement de choses maintenant avec lesquelles tu peux jouer, tellement de choses avec lesquelles tu peux produire des sons, et c’est vraiment palpitant ! On vit une époque excitante. C’est la meilleure époque pour être claviériste, je dirais.

Cette fois, tout le monde dans le groupe était sur un pied d’égalité en termes de contribution par rapport à avant où Richard Henshall et Ross Jennings avaient tendance à arriver avec les idées de départ pour les chansons. Qu’est-ce qui a déclenché ce nouveau processus ?

Ce n’était pas à proprement dit un déclencheur. Je dirais que c’était une sorte de transition naturelle. J’ai rejoint le groupe juste après la première démo, Enter The 5th Dimension, et après ça, Charlie et moi étions relativement nouveaux. Je veux dire que Ray, Ross et Richard étaient dans le groupe depuis le tout début, évidemment Tom était là aussi, mais au début nous n’étions pas aussi impliqués d’un point de vue créatif. J’étais le nouveau gars, Charlie l’était aussi un peu, donc d’une certaine façon, je ne voulais pas marcher sur les pieds de quelqu’un. Tu rejoins le groupe et tu essaies d’analyser comment ils fonctionnent et comment les gens s’entendent mais je crois que l’intention de tout le monde était de s’impliquer d’un point de vue créatif. Je pense donc que plus nous évoluions, plus nous nous impliquions. Sur Aquarius, je dirais que la plupart des trucs ont été écrits par Richard et nous, nous fonctionnions surtout comme des arrangeurs. On me donnait une partie de clavier très simple, une partie de cordes très simple, et au lieu que ce soit une partie programmée, je la jouais, l’arrangeais ou peut-être que je créais une orchestration pour ne pas avoir que des cordes mais aussi un cor français ou quelque chose comme ça pour l’enrichir, pareil avec les guitares et d’autres choses. Avec Vision, nous avons évolué et nous nous sommes de plus en plus impliqués de façon créative. Idem avec The Mountain, nous nous sommes de plus en plus impliqués, dans tous les aspects, les paroles, la musique… Nous en sommes donc arrivés au stade où c’était une transition naturelle. Nous savons tous ce que nous faisons, nous connaissons tous les spécialités de chacun, donc nous déléguons à quelqu’un qui nous le savons fera un meilleur boulot ou qui souhaite s’impliquer. Il n’y a donc aucun conflit, nous travaillons, c’est tout. Nous en sommes arrivés à un point où nous travaillons vraiment bien ensemble et savons que quelqu’un s’occupe de tel ou tel aspect, et au final ça fonctionne.

Vous êtes six dans le groupe, donc ce n’est pas parfois un peu compliqué de rassembler toutes les idées et les assembler ?

Eh bien, évidemment que ça l’est. Mais c’est plutôt naturel. C’est comme dans une famille : parfois tu peux être furax contre ta mère parce qu’elle n’a pas remis ton repas au frigo, par exemple, et c’est complètement idiot mais, au final, ça te passe. Nous avons des opinions différentes, ce qui peut prendre certaines proportions parce que nous sommes très passionnés dans nos opinions ; comme je l’ai dit, nous sommes un groupe de six perfectionnistes. Nous croyons fermement en ce que nous disons et en nos idées, et il faut faire des compromis. Je ne dirais pas que c’est plus difficile. Au contraire, je dirais que c’est plus facile parce que, comme je l’ai dit, tout le monde peut porter un aspect de la chanson où si tu es coincé, quelqu’un viendra t’aider. Je vois ça comme une collaboration au sens premier du terme. Evidemment il y a des moments où les gens sont en phase et d’autres où ils ne le sont pas. Bien sûr que parfois c’est délicat mais, au bout du compte, je pense que le but principal, c’est la musique, c’est toujours ce que l’on vise en premier, donc les égos n’entrent pas en considération. Si ça sonne mieux, ça sonne mieux. Si ça sonne bien, ça sonne bien. Si ton idée ne marche pas, elle ne marche pas, tu essaies autre chose. C’est comme ça qu’on avance. Et je crois que si ça n’était pas comme ça, les résultats ne seraient probablement pas ce qu’ils sont.

Est-ce que vous avez dessiné une ligne directrice avant d’entamer le processus d’écriture, par rapport à la direction que devait prendre l’album ?

Ouais. Ceci dit, c’est marrant parce qu’au stade initial, lorsque nous ne faisions que discuter les idées, comme un genre de brainstorming, la plupart du temps ce brainstorming initial n’a rien à voir avec le résultat final. Je crois que tout commence à prendre forme au fur et à mesure que tu fais les choses. C’est vraiment difficile à expliquer mais une fois que tu t’y mets et que tu commences à travailler, c’est presque comme si l’album prenait vit et tu y vas, tu suis le mouvement. Et je pense que c’est la seule règle que nous avons, nous laissons la musique nous emmener où elle veut.

Penses-tu que ce soit ce côté très collaboratif qui a permis cette grande diversité dans l’album, le fait qu’il ait reçu des contributions de tout le monde ?

Peut-être. Je dirais que c’est peut-être vrai. Cependant, et je ne parle que selon une perspective de claviériste, toutes les influences que nous avons dans Affinity, mises à part évidemment celles des années 80 ou de la musique dance électronique, font que nous avons des choses différentes qui ressortent dans l’album, peut-être pas de manière aussi proéminente… Tu sais, si tu écoutes The Mountain, l’influence la plus notoire, c’est les années 70 mais il s’y passe aussi plein de choses ; il y a des moments cinématographiques, presque comme une bande originale de film, il y des trucs électroniques… Il y a donc plein de choses qui ressortent, même si ce n’est pas aussi manifeste. Et peut-être que pour Affinity, nous explorons un peu plus loin et avons rendu ces influences un peu plus évidentes.

Haken 2016

« J’aime le fait qu’il n’y ait plus de barrière entre l’expression et le fait d’être claviériste. […] C’est la meilleure époque pour être claviériste. »

Il s’agit du premier album avec Conner Green à la basse. Qu’a-t-il apporté au groupe et à la musique de cet album ?

Conner a été un super type avec qui travailler. Il est très, très talentueux. Il colle parfaitement au groupe depuis le départ et dans tous les aspects. C’est un super bassiste, il est très focalisé sur son art. Je l’ai déjà mentionné par le passé mais il est rare de rencontrer un bassiste qui aime expérimenter avec les sons et Conner est l’un d’entre eux. Il cherche toujours à obtenir différents sons de sa basse, en essayant différentes pédales et approches créatives, et c’est vraiment génial. Surtout étant moi-même le principal mordu de son, le fait d’avoir quelqu’un d’autre qui fait ça, ça fait plaisir à voir : « Oh mec, c’est super, tu as quelqu’un d’autre qui fait comme toi ! » Et c’est le genre de type à vraiment se concentrer sur le groove et je trouve ça vraiment cool parce que parfois, la basse ne fait que devenir une extension de la guitare, à ne jouer que les fondamentales et presque se battre avec la guitare ; c’est pourquoi peut-être les gens ont du mal à identifier la basse dans le mix, pour les oreilles inexpérimentées. Alors que Conner fait partie de ces gars qui écoutent de supers bassistes qui parfois aiment prendre un peu le premier rôle, peut-être jouer une note différente ou simplement quelques ornements pour faire groover la musique et la rendre plus fluide. Donc ouais, c’était vraiment cool de travailler avec lui !

Haken a toujours eu une grande variété de longueur de chansons et de structures. Est-ce qu’il y a une volonté consciente de la part du groupe d’avoir d’un côté une chanson plus directe de quatre minutes, comme le single « Initiate », et d’un autre côté les montagnes russes de quinze minutes de « The Architect » ou bien est-ce complètement un processus organique et naturel ?

C’est juste organique et naturel. Certaines chansons paraissent convenir en ne faisant que quatre minutes et d’autres sont super en faisant vingt minutes. Comme je l’ai dit, c’est juste une question de musique. Lorsque tu travailles dessus, tu ressens que la chanson a besoin d’être courte. Comment je l’ai mentionné précédemment, c’est presque comme si la chanson prenait vie et lorsque tu travailles dessus, ça te dit ce qu’il faut faire. Lorsque tu travailles sur une nouvelle chanson et que tu la joues en répétition, tu te rends compte de l’impression qu’elle donne – la chanson donne l’impression d’être trop courte ou peut-être on a le sentiment qu’une section devrait être rallongée ou que la chanson n’envoie pas assez ou qu’elle doit prendre une autre direction sur un passage… C’est naturel, c’est tout. Ce n’est pas intentionnel.

Peux-tu me parler de la contribution d’Einar Solberg de Leprous sur « The Architect » ?

Nous avons rencontré les mecs de Leprous à la fin 2014 lorsque nous avons fait une relativement courte tournée en Angleterre ; c’était environ dix concerts, si je ne me trompe pas. Ce sont des super mecs. C’est un super groupe. Ils sont incroyables à voir en live. Si tu ne les as pas encore vus en concert, il faut que tu les voies ! C’est l’un des meilleurs shows live. Et nous nous entendons très bien. Nous avons simplement discuté de l’idée de faire revenir les growls. L’idée de faire intervenir Einar est immédiatement venue, car c’est un grand chanteur et nous nous entendons très bien. C’était un peu un choix naturel. Et il était très content de le faire. Il a incroyablement assuré.

Comment allez-vous adapter en concert la contribution d’Einar mais aussi les beats électroniques qu’on entend dans l’album ?

En fait, nous y travaillons actuellement. En l’occurrence, Ray a récemment acquis un pad de batterie pour lancer des samples. Jusque-là, il ne l’a pas utilisé comme il l’aurait dû. De temps en temps, il tâtait le terrain et maintenant, pour Affinity, pour ces sons de batterie électronique, ça va venir de ce pad, ce qui est cool. Il nous a montré des vidéos dernièrement de ce qu’il fait et ce qu’il prévoit de faire. Pour ma part, ça représente juste plein de programmation mais c’est déjà ce que je fais normalement. En ce moment même, je travaille justement sur mes sons pour les concerts. Nous cherchons toujours à nous rapprocher le plus possible du son de l’album. Lorsque j’étais jeune, je me souviens avoir écouté des albums de groupes et dire : « Oh, c’est génial ! Cette partie est excellente ! » En analysant vraiment la musique. Et lorsque j’allais les voir en concert, peut-être que dans l’enregistrement original il y avait des parties de cordes et en live ils n’avaient pas de claviériste et ces parties avaient disparues, et pour moi, c’était un peu décevant de ne pas retrouver en concert les mêmes choses et éléments que j’avais entendu dans l’album. C’est donc l’une des choses que nous visons toujours, le fait d’être le plus proche possible de l’album, y compris avec les chœurs, les effets et tous ces trucs. Pour ce qui est du chant d’Einar, par le passé, tu sais, dans Aquarius, nous avions quelques passages avec du growl et c’était Ross et moi. Je fais moi aussi du growl. Bon, évidemment, pas aussi bien que Ross ou peut-être Einar mais ouais, je fais du growl, donc par le passé, nous doublions les growl sur scène. Les gens ne se sont probablement jamais rendu compte que je faisais des growls.

D’ailleurs, pourquoi aviez-vous abandonné les growls ?

Eh bien, je n’en sais rien ! Peut-être que la première fois, sur Aquarius, nous étions un peu partagés dans le groupe par rapport à ça. Personnellement, j’adorais parce que c’est un truc qui me plait de manière générale mais les avis étaient partagés. Nous ne voulions pas mettre des growls dans la musique simplement parce que nous le voulions ou parce que nous en avions besoin. Lorsque nous écoutions les ébauches de « The Architect », lorsque nous écoutions cette section, et bien sûr elle était complètement instrumentale, je me souviens que nous étions tous ensemble et nous disions : « Mec, il faut vraiment qu’il y ait des growls ici. Je m’en fiche, il les faut ! » C’est dont le genre de trucs qu’il fallait faire parce que ça apporte quelque chose à la musique et qu’elle en a besoin. C’était le bon piment au bon moment !

Haken 2016

« C’est la seule règle que nous avons, nous laissons la musique nous emmener où elle veut. »

Même si Affinity n’est pas un album conceptuel, il a quand même un thème global résumé par le nom de l’album. Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?

Ouais. En fait, comme je l’ai dit, il y a des thèmes récurrents dans Affinity. De façon littérale, Affinity explore le comportement humain, pourquoi on peut être proche de certaines personnes et ne pas se sentir repoussé. Il explore comment on se comporte en groupes, comment on se comporte séparément. Tous ces trucs. Ça touche également presque à la technologie et comment ceci peut nous rassembler mais aussi, à la fois, nous séparer. Donc ouais, c’est un thème récurrent dans Affinity mais je ne veux pas trop en dire parce que nous voulons que le public se fasse sa propre histoire.

Ross a dit que, même si Charlie, Ray et lui s’étaient partagés les paroles, tu « as sauvé la mise sur plusieurs morceaux également. » Qu’est-ce qu’il voulait dire ?

C’est une information confidentielle mais ouais… Je ne sais pas si je devrais le dire [petits rires]. Nous étions dans une position où nous n’étions pas sûrs de certains morceaux en termes d’arrangements ; comme je l’ai dit, nous sommes très critiques par rapport à la musique. Et ouais, littéralement à la dernière minute, j’ai balancé des idées qui, aussi amusant que ça puisse être, étaient suffisamment bonnes pour amener les chansons plus loin. Et j’ai également été impliqué sur les paroles de ces chansons. Voilà ce qu’il voulait dire.

Pendant longtemps, Dream Theater a été considéré comme le roi du metal progressif. Mais dernièrement, des groupes comme Haken, Leprous et Between The Buried And Me ont vraiment gagné en popularité, prenant un peu la succession du genre. Selon toi qu’est-ce que la nouvelle génération, dont vous faites partie, apporte au genre ?

J’aimerais croire que les groupes que tu as mentionné – tu as mentionné Between The Buried And Me, Leprous et nous… Je ne fais que supposer mais d’une certaine façon, nous essayons d’explorer la vraie signification du mot « progressif ». On dirait qu’il y a deux définitions du prog. Il y a des gens qui pensent que la musique progressive, c’est de la musique venant des années 70, tu as un moog, un orgue Hammond, un melotron et certain sons, c’est ça le prog parce que c’est ainsi qu’il a été inventé ; c’est presque comme si ça avait été institutionnalisé. Cependant, cette nouvelle vague de groupes – bon, j’ai dit « nouvelle » mais ils existent depuis un sacré moment, surtout Dream Theater qui existe depuis vingt-cinq ou trente ans -, ils étaient les premiers à aller dans une autre direction avec un son moderne, en explorant la signification du mot. Mais maintenant, si on parle du milieu des années 2010, ces groupes que tu as mentionné sont des groupes qui explorent en ce sens et ne s’attachent pas la signification institutionnalisée du terme, en apportant de nouvelles influences, de nouveaux sons, de nouvelles techniques, de nouvelles technologies, ce que faisait déjà le prog à l’origine dans les années 70, car c’était l’invention des synthétiseurs portables et toute cette technologie qui a permis de faire du prog à cette époque et de développer ces nouvelles choses. Je pense donc que de nos jours, il y a une nouvelle génération de musiciens qui font la même chose, exploitant la technologie, amenant des influences, amenant ce qui est populaire ou peut-être ce qui provient de notre génération et intégrant tout ça au genre.

Mais en fait, pendant longtemps tous les groupes de prog suivaient les pas de Dream Theater, voire peut-être également ceux de Symphony X. Comment ça se fait qu’il a fallu si longtemps pour que les groupes se détachent de l’ombre de ces deux groupes ?

Eh bien, je ne sais pas. En fait, à proprement parler, ces deux groupes que tu mentionnes sont des icônes. Tu vois, il suffit d’aller sur la page Facebook de Dream Theater, ils ont littéralement des millions de fans et c’est quelque chose que tu ne vois pas très souvent dans un genre aussi spécifique. Le prog est une niche, à proprement parler. On ne le retrouve pas dans les hitparades, on ne le retrouve pas souvent à la radio. Peut-être qu’on en voyait sur MTV dans les années 90 mais c’est de l’histoire ancienne. Bon, de toute façon, MTV ne joue plus de musique. Mais, tu sais, ces groupes sont des icônes et je pense, d’une certaine manière, qu’à l’époque, ces groupes étaient ceux qui ont ouvert, comme je l’ai dit, cette nouvelle définition et ce nouveau son, et c’est certain que c’était une avancée énorme. Ce sont encore aujourd’hui des icônes monumentales. Si tu vas sur les chaînes YouTube de chaque nouveau groupe, la première chose que tu verras, c’est des fans qui les comparent à Dream Theater. Voilà à quel point ils sont énormes. Tout doit être comparé à eux, et peut-être que c’est ainsi simplement parce qu’ils sont vraiment gros. Je suppose aussi qu’avec le développement des technologies… YouTube a dix ou quinze ans, ce n’est pas si vieux mais nous y sommes tellement habitués, nous sommes habitués à trouver plein de musique partout. Mais en réalité, pour des groupes comme nous, nous avons commencé en 2007, à cette époque c’était MySpace et nous avions des fans là-dessus, nous avons commencé à jouer et nous avons eu des contacts pour faire des concerts. Evidemment maintenant nous sommes sur YouTube, nous sommes sur Facebook et c’est une bonne façon et une bonne époque pour se faire des contacts. En l’occurrence, nous sommes un groupe international. Conner vit dans l’Indiana, aux Etats-Unis, je suis à Mexico et le reste des gars sont en Angleterre, donc seule la technologie rend possible de faire des choses. Je pense aussi qu’il y a des gens qui s’intéressent aux nouveaux sons, alors qu’il y a cinq, dix ou quinze ans, ça aurait été presque impossible d’avoir des passages radio ou de l’exposition pour que les gens puissent écouter ce que tu fais.

L’année dernière, pendant l’un de vos concert, Mike Portnoy et Jordan Rudess se sont croisés. Comment c’était de ton point de vue de prendre part à ça ?

Oh mec, c’était super ! C’était génial ! Jordan a joué un solo relativement court sur scène. Je crois que ce soir-là, Mike Portnoy a joué du gong à la fin de « Crystallised », je ne me souviens plus parce qu’il l’a fait pas mal de fois sur cette tournée. Evidemment, le dernier jour de la tournée, nous avons joué quelques reprises – une reprise de Metallica, une de Queensrÿche et même une de Dream Theater, « The Mirror », c’est sur YouTube pour ceux qui veulent aller voir. Mais ce concert à New York, avec Jordan sur scène, c’est juste fantastique. Comme je l’ai dit, je m’entends très bien avec Jordan, c’est un chouette type, c’est un modèle pour plein de choses, pas seulement musicalement mais aussi personnellement, c’est un mec vraiment humble, vraiment sympa, il est toujours prêt à rendre service. C’est le genre de type qui connaît des milliers de personnes et se souvient du prénom de chacune d’entre elles. Donc, le fait de l’avoir sur scène et qu’il soit derrière mes synthés pendant un court laps de temps, c’était juste incroyable. Si lorsque j’étais adolescent quelqu’un m’avait dit que quinze ans plus tard Jordan allait être là en train de jouer sur scène avec moi, j’aurais dit : « Ouais, ouais, bien sûr… » C’était un moment à chérir.

Haken @ Hellfest 2015

« Le but de faire de la musique, c’est de la partager en concert avec les gens. C’est ce qui maintient notre niveau d’excitation, le simple fait d’y aller, jouer, s’amuser, voir des amis… Ça représente un peu la lumière au bout du tunnel. »

Tu as mentionné vivre à Mexico. Comment est la scène là-bas ?

Pour le prog, c’est une scène musicale très, très petite, je dirais. Et pour être honnête, je ne suis pas trop au courant. Je connais quelques groupes avec lesquels je suis ami. Il y a un nouveau groupe qui a un genre de son à la Between The Buried And Me, ce sont de très chouettes types, ils s’appellent Anima Tempo. Ils viennent tout juste de sortir leur nouvel album et ce sont des mecs cool. Mais pour être honnête, je ne connais pas tant de groupes ici qui font du prog. En fait, c’était la raison première pour laquelle j’ai déménagé du pays lorsque j’étais adolescent. J’ai été en Angleterre parce que je savais que la scène en Europe est clairement plus active qu’ici. Et je ne suis pas trop au courant parce que, même si je suis ici, tout ce que je fais, c’est simplement travailler dans mon studio personnel et envoyer des trucs en Amérique et en Europe.

Comment maintenez-vous l’alchimie dans le groupe en étant si loin les uns des autres ?

Je ne sais pas. Même lorsque je vivais en Angleterre, nous avions un peu une approche similaire. Nous étions tous éparpillés et nous sommes aussi des personnes très occupées, donc nous nous rencontrons seulement une fois par semaine pour les sessions d’écriture mais, la plupart du temps, nous ne nous voyons pas pendant plusieurs mois. Mais nous sommes constamment en contact, nous nous envoyons tout le temps des emails, nous nous contactons via WhatsApp également, nous avons un groupe Haken… Nous sommes presque constamment en communication immédiate. Donc même si nous ne nous voyons pas, nous savons toujours ce qui se passe et puis nous nous entendons bien aussi, nous avons un grand sens de l’humour qu’apparemment nous partageons, très sarcastique et souvent pince-sans-rire. C’est ce qui nous fait avancer. Nous sommes amis, au bout du compte.

The Mountain ayant une influence plutôt années 70 et Affinity étant plus porté sur les années 80, est-ce qu’on devrait s’attendre à ce que le prochain album soit plus influencé par les années 90 ?

Eh bien, tu peux dire ça mais je ne sais pas ! Peut-être ! [Petits rires] Nous n’y avons pas réfléchi, pour être honnête. En fait, c’est difficile, nous venons juste de finir celui-ci et c’était très intense. Enregistrer Affinity a été un moment très intense, nous avions une date butoir très courte, donc tout a été livré tout juste à temps. Donc, pour l’instant, nous nous concentrons juste sur les tournées à venir. Nous avons une longue tournée qui arrive en Europe et quelques concerts en Israël. Donc, comme je l’ai dit, nous travaillons sur le live show en ce moment, faire en sorte que les sons et les chansons soient prêts. C’est ce qui nous accapare le plus là tout de suite. Au bout du compte, en tant que musicien, la raison principale pour laquelle nous faisons de la musique, c’est de jouer en concert. Je veux dire qu’à moins d’être un producteur ou quelqu’un qui n’apprécie que le fait d’être en studio, je pense que le but de faire de la musique, c’est de la partager en concert avec les gens. C’est ce qui maintient notre niveau d’excitation, le simple fait d’y aller, jouer, s’amuser, voir des amis… Ça représente un peu la lumière au bout du tunnel, là tout de suite.

Avez-vous pensé à enregistrer un album live ?

Ouais, nous y avons pensé. Nous en avons souvent discuté. Simplement nous n’avons pas encore pu mettre ça en place à cause de tout l’aspect logistique et les coûts. Ce n’est pas vraiment bon marché de faire enregistrer et filmer un concert par toute une équipe, sans compter les trucs à éditer. Ce n’est pas vraiment une tâche facile mais nous le gardons en tête et peut-être est-ce le bon moment pour en parler plus sérieusement parce que maintenant, nous avons quatre albums et un EP, donc ça fait suffisamment de matière pour sortir un enregistrement live correct.

Interview réalisée par téléphone le 14 avril 2016 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Robin Collas.
Traduction : Nicolas Gricourt.

Site internet officiel de Haken : www.hakenmusic.com



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