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Interview   

Halestorm reprend son rock en main


Parfois, le challenge lorsqu’on connait le succès, c’est de ne pas se perdre soi-même, notamment face aux multiples sollicitations du business ou des fans, et ne pas perdre sa passion initiale. C’est avec des doutes et autres questionnements relatifs à ces problématiques qu’Halestorm, et en particulier sa frontwoman Lzzy Hale, a abordé l’écriture de son quatrième album.

Finalement, les réponses ont été trouvées grâce à l’aide du producteur Nick Raskulinecz. Vicious est l’album d’un groupe certes expérimenté mais qui renoue avec l’attitude de ses jeunes années. Un album de rock avant tout, énergique et mélodique, sur lequel les musiciens ne se sont pas économisés, où le côté propre et travaillé côtoie des interprétations humaines que la technologie n’aura pas dénaturé. Un art de l’équilibre dans lequel Raskulinecz est passé maître.

Nous avons discuté de tout ceci avec Lzzy Hale et le guitariste Joe Hottinger. Ainsi ils partagent avec nous leur expérience de conception d’un album qui se veut le plus représentatif de ce qu’est Halestorm, de leurs envies, de leur caractères individuels et collectifs, de leur son live.

« Au fil des années, […] tu perds de vue le petit groupe avec lequel tout a commencé. Et sur cet album nous sommes retournés en arrière, au commencement et nous avons renoué avec nos débuts. »

Radio Metal : Lzzy, avant l’écriture de cet album, tu t’es posée beaucoup de questions sur toi-même et ta place, professionnellement et personnellement. Tu as déclaré que tu « avais besoin de surmonter beaucoup d’obstacles qui se trouvaient en [toi] pendant le processus d’écriture et d’enregistrement. Cet album était un moyen de vaincre [tes] démons intérieurs. » Quels étaient ces démons et doutes que tu avais ?

Lzzy Hale (chant & guitare) : Pour être totalement honnête, nous avons eu beaucoup de succès avec le groupe, nous avons été très occupés pendant tellement longtemps que j’ai commencé à me perdre de vue. J’essayais de faire plaisir à trop de personnes autres que moi, de rendre tout le monde heureux et j’ai oublié de penser à moi. J’ai toujours été comme ça : chaque obstacle auquel je dois faire face, c’est généralement moi qui l’ai érigé, je suis très critique envers moi-même. Je ne prête pas vraiment attention à ce que les autres pensent de moi, c’est sur l’opinion que j’ai de moi-même que je dois constamment travailler. Tu remets des choses en question comme : « Est-ce que je mérite d’être là et le succès que j’ai ? Est-ce que je peux ne serait-ce que continuer là-dedans ? » Nous avons commencé à écrire des chansons au début de la conception de cet album et nous n’étions pas satisfaits des chansons que nous avions écrites avant d’entrer en studio. C’était comme si nous essayions de passer à la radio ou de savoir ce que les gens aimeraient dans ces chansons. En fin de compte, nous avions écrit des chansons que nous avions déjà faites. Donc nous avons décidé de laisser de coté ce premier jet de chansons et de recommencer à zéro avec Nick Raskulinecz. Ce n’était pas anodin parce que nous n’avions jamais fait ça auparavant. D’habitude, quand tu fais un album, les chansons ont été écrites, tu choisis un producteur et tu vas en studio pour un mois et tu enregistres. Cette fois, c’était très différent : nous sommes allés en studio avec quasiment aucune musique, si ce n’est quelques idées, nous ne savions pas dans quelle direction nous voulions aller, et nous avons tout construit à partir de rien. C’était un processus intéressant et Nick a apporté une très bonne énergie.

Vous aviez travaillé avec Jay Joyce sur Into The Wild, vous étiez le premier groupe de hard rock avec lequel il a travaillé et cet album a été critiqué parce qu’il s’aventurait trop en territoire pop. Est-ce que vous pensez qu’il était temps de travailler avec un producteur qui connait le monde du hard rock et du metal pour retrouver ce côté heavy et brut ?

Joe Hottinger (guitare) : Into The Wild était en quelque sorte un album expérimental, je me rappelle écouter le mix en conduisant, nous venions de recevoir le premier mix, on pouvait sentir que nous tentions des choses, il y avait du clavier et des arrangements et sonorités un peu plus pop. C’est ce que nous voulions faire, cet album était précisément fait pour ça. Nous avons immédiatement su que nous voulions faire un album de hard rock ensuite. Nous étions amis avec Nick depuis des années, nous discutions avec lui, nous avons fait notre EP de reprises avec lui comme une sorte de test d’enregistrement. Quand il a été temps de faire cet album, il avait une vision de ce qu’il voulait entendre sur un album de Halestorm, il n’avait encore jamais entendu ce qu’il recherchait sur un de nos albums. Nous partagions tous cette même vision : faire un album de rock, faire quelque chose qui nous demanderait des efforts, en particulier après le dernier album que nous avions fait. Beaucoup de groupes contemporains sortent des albums avec des sons pop tendance très dominants, et nous voulions mettre l’accent sur le coté rock et Nick était la bonne personne pour ça.

Est-ce que vous avez compris les critiques que l’album Into The Wild a reçu ?

J’ai compris certaines critiques parce que nous avons pris un risque, et certaines personnes ont dit que l’album sonnait trop country, ce qui n’avait pas vraiment de sens pour moi parce que nous ne savons pas jouer de la musique country, nous ne faisons pas de la country et nous n’avons jamais été un groupe de country. Je pense qu’ils ont entendu le mot « Nashville » et l’ont associé à la country. Qui sait ? J’ai trouvé ça assez marrant. Nous avons aussi fait cet album à Nashville et pourtant il n’y a aucune influence country !

A propos de Nick, Lzzy, tu as dit qu’il t’a « poussé mentalement et physiquement. Il y a des choses sur cet album que [tu] ne pensai[s] pas être physiquement possible pour [toi] et les autres membres du groupe. » As-tu des exemples ?

Lzzy : Oui, Nick nous a vraiment tous poussés à être la meilleure version de nous-mêmes et il n’est pas seulement un très bon producteur de rock et un fan de rock, il est aussi fan de Halestorm. Il nous a vu en concert à de nombreuses reprises et il savait de quoi nous étions capables ; quand nous pensions être au maximum de nos capacités et que c’était la chose la plus dingue que nous ayons jamais faite, il nous disait : « Oh non, je vous ai vu en concert, je sais que vous pouvez faire plus que ça, je sais que vous pouvez monter d’un cran, je sais que tu peux aller plus haut avec ta voix, je sais que Arejay peut être plus fou à la batterie. » Il a simplement essayé de capturer tous ces moments. Donc oui, il y a des moments sur cet album où je n’ai jamais été aussi agressive sur un enregistrement et je chante plus haut que ce que je n’ai jamais chanté. Il m’a encouragé moi et tout le monde à foncer et ne pas jouer la sécurité. C’est ce que l’album a fini par devenir, y compris d’un point de vue thématique.

Vous avez déclaré que « c’est l’album qui illustre au mieux ce qu’est Halestorm. » Est-ce que vous pensez que c’est quelque chose qui manquait aux albums précédents ?

Je pense que parce que nous formons un groupe depuis si longtemps, il était temps de montrer à tout le monde ce que nous pouvions faire. Sur certains de nos précédents albums, je pense que nous avons un peu arrêté…

Joe : Nous apprenions avec ces albums, nous étions constamment à la recherche de « qui sommes-nous ? Comment est-ce qu’on recrée qui nous sommes sur un enregistrement ? » Nous sommes avant tout un groupe live, nous sommes tout le temps en tournée et nous créons nos moments de gloire sur scène. L’enregistrement en studio est quelque chose de totalement différent.

Lzzy : Nous passons quatre-vingt-dix pour cent de notre temps à faire ce que nous faisons sur scène. C’est une part très importante de ce que nous sommes et nous voulons toujours trouver un moyen de recréer cette sensation que tu as quand tu joues un concert mais sans que ce soit un enregistrement live, et c’est très difficile d’essayer de capturer cette énergie. Et j’ai le sentiment que nous avons essayé de nous rapprocher de ça avec chaque album.

Joe : Nous avons appris, en faisant ces trois albums et maintenant ce quatrième sur lequel nous avons travaillé avec Nick. Tout s’est mis en place et j’ai enfin l’impression que nous avons réussi : comme tu as dit, c’est l’album qui ressemble le plus à Halestorm. Je pense que dans ces chansons, nous avons cette énergie que nous avons toujours cherché à avoir. Mais je ne regrette aucun des albums précédents, ça fait partie de notre histoire.

« C’est plus rock n’roll : tu fais quelques erreurs, tu les assumes, et la façon dont tu les assumes et y réagis, c’est déjà la moitié du plaisir. »

Vous avez dit que « c’est le premier album sur lequel on peut vraiment entendre les quatre piliers de Halestorm. » Qu’est-ce que vous voulez dire par là ?

Lzzy : C’est simplement les quatre membres du groupe. Nous ne sommes plus le même groupe si l’une de ces choses est manquante et ça nécessite réellement chacun de nous quatre pour produire le son que nous faisons et créer la musique que nous faisons. Et Nick a renforcé ça.

Joe : Oui, Nick a fait un super boulot avec Arejay à la batterie et je pense que les fans de batterie vont avoir un très bon album à écouter. Alors que par le passé, que tu considères ça comme bien ou non n’est pas pertinent, mais peut -être que le jeu de Arejay était un peu trop retouché par les producteurs avec lesquels nous avons travaillé et ils ont en partie simplifié son expression, tandis que Nick a mis Arejay en avant, et même la basse aussi. Il y a de sacrés plans de basse sur cet album, et je me souviens que par le passé, les producteurs ont dit à Josh de simplifier son jeu, de jouer de façon plus ouverte et de jouer de longues notes. Je ne dis pas que ce n’est pas bien parce que je pense que tout ça, c’est bien, et ça correspond au style, c’est bien fait.

Est-ce que vous avez essayé d’enregistrer en live en studio ?

Lzzy : Oui, nous avons fait quelques trucs, ça dépendait des chansons. Pour certaines chansons, en particulier Arejay à la batterie et moi au chant… Pour deux chansons de l’album, j’ai chanté la chanson d’une traite du début à la fin et mon petit frère a fait pareil à la batterie, cela dépendait de la prise et de l’énergie qui s’en dégageait. Nick s’est assuré d’une chose sur cet album : rien n’a été coupé et collé dans Pro Tools, du coup tout avait un son légèrement différent. Il nous a fait prendre conscience de ça aussi, il a dit : « Vous allez jouer, chanter et faire le second refrain différemment du premier refrain parce que vous êtes déjà dans la chanson, donc pourquoi est-ce que je me contenterais de copier cet enregistrement et l’ajouter sur la prochaine partie ? Vous devez jouer absolument chaque partie. » Il nous a vraiment maintenus dans cet état d’esprit et ça fait une vraie différence dans la chanson parce que tu peux faire le même voyage que nous avons fait.

D’un autre côté, les chansons naviguent entre une sensibilité live et un côté plus travaillé dans leur construction et leur arrangement. Comment avez-vous fait pour trouver un équilibre entre ces deux approches ?

L’équilibre entre ces deux choses est très… Là encore, nous faisions confiance à Nick parce que tu veux un album qui sonne super bien, qui n’a pas l’air bâclé, qui ne sonne pas trop brut, mais tu veux retrouver cette sensation de l’aspect physique de la performance. En gros nous avons pris ces choses-là. Par exemple, il y a une chanson sur l’album qui s’appelle « Heart Of Novocaine », c’est une des chansons que j’ai chantées d’une traite, et la prise que Nick a finalement utilisée était l’une des toutes premières que j’avais faites parce que c’était comme si je venais juste de me réveiller, il y avait quelques difficultés dans ma voix parce que j’étais en train de m’échauffer dans la journée, et plus tard j’ai enregistré une prise bien plus claire parce que ma voix était échauffée et il continuait de dire : « Non, j’aime vraiment cette vulnérabilité, tu n’es pas juste une chanteuse qui fait ça bien, je veux entendre l’aspect humain. » Donc, je pense que Nick a fait en sorte que cet aspect humain soit présent dans chaque chanson d’une manière ou une autre.

De nombreuses chansons ont été enregistrées trois ou quatre fois avant l’enregistrement final de l’album. Est-ce que vous n’aviez pas peur de perdre un peu de cette spontanéité ?

Joe : Non, comme Lzzy l’a dit, Nick est doué pour apporter cette énergie et je pense que c’était une bonne chose d’avoir le luxe du temps. Nous avons fait trois ou quatre tournées pendant que nous écrivions cet album, nous n’avons pas travaillé pendant dix-huit mois d’affilée, et le fait d’avoir ce laps de temps de quatre semaines pendant lequel nous n’avons pas écouté les chansons sur lesquelles nous travaillions et de pouvoir se remettre dedans et les entendre de nouveau nous a aidé à faire cet album tel qu’il est. Nous n’avons pas enregistré, sorti l’album pour ensuite passer à autre chose. Nous l’avons enregistré, l’avons laissé de côté, oublié et puis nous y sommes retournés pour le peaufiner.

Lzzy : Et si la performance n’était pas aussi bonne la seconde ou troisième fois, nous utilisions les toutes premières prises en fin de compte, surtout en ce qui concerne le chant. Il y a certaines parties de chant sur cet album qui sont en fait les démos.

Joe : Oui, les trucs que nous avions enregistrés à la maison et qui avaient, comme tu l’as dit, cette spontanéité, nous en avions conscience et si la première prise du premier enregistrement était la bonne, très bien, nous allions travailler à partir de ça.

Dans quelle mesure est-ce que les chansons ont évoluées au cours des différents enregistrements ? « Conflicted » est quand même passée par neuf versions différentes !

Oui [petits rires], la chanson a beaucoup évolué. Nous avions une démo de la chanson et nous avons fait une version hard rock, nous avons ajouté quelques riffs et des grosses parties de guitare. Ensuite, nous avons fait pareil mais en ralentissant la chanson, de cinq à dix bpm, nous avons fait pareil avec la version rapide mais sans les grosses parties de guitares, puis une version plus lente sans les guitares, et puis une version acoustique…

Lzzy : Oui et il y avait sept brouillons de paroles ; je les ai encore tous.

Joe : Certaines chansons sont assez dures à composer, peu importe ce qu’il se passe parfois, on dirait qu’il y a toujours une de ces chansons sur chaque album.

« Quand tu arrêtes d’essayer d’être ce que tu n’es pas et que tu arrêtes d’essayer de plaire à tout le monde, alors tu deviens un meilleur modèle et tu deviens une meilleure personne pour ces fans. »

Avant de vous plonger dans la composition de cet album, vous vous êtes plus ou moins dit « on devrait faire ce qu’on ferait dans notre sous-sol. » Est-ce que d’une certaine façon, vous aviez l’impression de redevenir un groupe de garage avec cet album ?

Lzzy : Je pense que nous avons renoué avec ce que nous étions au départ avec cet album parce qu’encore une fois, nous sommes partis de rien, en enregistrant pendant que nous écrivions. Beaucoup de choses que nous avons incorporées sur cet album et même une partie de la musicalité évoquent les choses que nous faisions dans le sous-sol de mes parents, c’est comme ça que nous avions l’habitude d’écrire et de construire nos chansons. Je pense qu’au fil des années, le fait que nous soyons sur une grosse maison de disques, que nous ayons appris à écrire avec d’autres personnes, nous avons collaboré pour composer certaines chansons, etc. et ensuite tu as un peu de succès à la radio… Tu t’en éloignes un petit peu, tu perds de vue le petit groupe avec lequel tout a commencé. Et sur cet album nous sommes retournés en arrière, au commencement et nous avons renoué avec nos débuts.

Vous avez déclaré que « vous deviez jouer chaque aspect de la chanson, ce qui, de nos jours, devient rare. » Est-ce que vous pensez que la technologie nous a fait perdre quelque chose en termes de performance dans la musique rock ?

Oui, je pense que c’est le cas parfois. Il s’agit juste de nos préférences personnelles, nous sommes fiers de ne pas utiliser – y compris en live – de clic ou n’importe quelle piste ou autre supercherie, c’est littéralement juste quatre personnes en train de jouer des instruments et chanter. Cela donne quelque chose de spécial. Il n’y a rien de mal à vouloir la perfection, mais je pense que c’est extrêmement important pour nous et pour le rock d’avoir cet aspect humain.

Joe : Oui, c’est plus rock n’roll : tu fais quelques erreurs, tu les assumes, et la façon dont tu les assumes et y réagis, c’est déjà la moitié du plaisir.

Lzzy : Et puis c’est trop facile de s’établir en tant que musicien, chanteur et compositeur quand tu peux avoir tout un tas de trucs pour faire les choses à ta place. C’est même possible de composer une chanson avec la technologie : tu joues juste quelques notes, tu chantes quelques lignes et puis tu fais copier-coller et tu as une chanson. Le travail que tu abats, c’est un élément important, les difficultés auxquelles tu fais face, le dur labeur que tu dois fournir pour t’entraîner et être doué dans ton art, et ensuite jouer devant soixante milles personnes et ne pas te foirer ou alors si tu te foires, essayer de trouver un moyen de t’en sortir, ça apporte un quelque chose en plus et j’ai l’impression que beaucoup de personnes n’ont jamais eu à faire face à ça grâce à la technologie et la facilité avec laquelle tu peux rendre n’importe qui bon sur CD. Mais personnellement, nous préférons choisir l’option la plus compliquée.

Joe : C’est exigeant, tu dois vraiment bosser dur et le faire correctement. Parfois je faisais plusieurs prises et ce n’est pas gênant parce qu’au final le résultat n’en sera que meilleur.

Lzzy : Oui, la récompense est plus grande.

Il y a une chose qui est très caractéristique chez Halestorm : les mélodies vocales très accrocheuses qui peuvent rappeler ce qu’on entendait dans la musique pop et rock des années soixante-dix et quatre-vingt – je pense notamment à la chanson « Vicious » -, mais vous conservez néanmoins un style très contemporain. Est-ce que c’est votre recette secrète : puiser dans les mélodies accrocheuses des années 80 et l’emballer dans une musique rock pleine d’énergie et une production moderne ?

Tout d’abord, merci beaucoup, c’est un très beau compliment. Je pense que c’est en grande partie inconscient parce que quand j’ai grandi dans les années 90, je m’intéressais aux années 70 et 80 ; j’étais obsédée par cette époque et c’est une part importante de qui je suis. Donc, honnêtement, je crois qu’en tant que compositrice, j’écoutes tous les styles de musique parce que je pense que si c’est de la bonne musique, c’est de la bonne musique, mais je l’absorbe et ça ressort dans mon jeu, c’est certain, mais je ne pense pas que j’emploie consciemment une formule. C’est juste que je ne cache pas mes influences.

Le single « Uncomfortable » parle d’être soi-même et ne pas s’en excuser. Il semblerait que ce soit un thème récurrent sur cet album. Est-ce que c’est en lien direct avec ce que tu disais au début ?

Oui, absolument. Je considère personnellement que le groupe et le fait de faire partie d’un groupe comme la raison pour laquelle je deviens la meilleure version de moi-même. J’ai appris à avoir confiance en moi, j’ai appris à m’affirmer, j’ai appris l’art de la rébellion [petits rires] grâce à ce groupe et à cette musique et ce que ça me fait ressentir. Je crois donc fermement que je montre tout ça un peu plus sur cet album. Je suis bien plus à l’aise avec le fait de n’avoir aucun remord et de me dévoiler un peu plus à nos fans.

Est-ce que vous pensez que c’est quelque chose qui manque dans notre société : on nous pousse à ne pas être nous-mêmes dès le très jeune âge ?

Je pense que c’est compliqué de nos jours avec Internet et les réseaux sociaux et le fait que ce soit… Tu sais, c’est comme avec les « j’aime » sur Instagram et compagnie, on en voit partout et les gens les considèrent comme réels. Peu importe ce que tu fais, tu vas recevoir de l’amour ou des tonnes de réactions échauffées. Et je pense que c’est difficile d’être simplement soi-même.

Joe : Les gens sont sans cesse en train de comparer leur vie avec celles des autres, c’est les réseaux sociaux, c’est un peu dommage que ce soit ainsi. Avec un peu de chance, les gens sauront trouver leur propre étrangeté parce que c’est ça la clé.

« J’ai appris à avoir confiance en moi, j’ai appris à m’affirmer, j’ai appris l’art de la rébellion [petits rires] grâce à ce groupe et à cette musique et ce que ça me fait ressentir. »

Lzzy, tu as dit que les réactions des fans à Into The Wild ont inspiré la direction que vous alliez prendre avec Vicious. Tu as également inclus des références aux interactions que tu as eu avec des fans sur internet. Est-ce que tu penses que c’est autant votre album que c’est le leur d’une certaine façon, et ce malgré ce que tu as dit plus tôt, quand tu parlais de faire plaisir à trop de gens ?

Lzzy : Absolument. Je l’ai déjà dit par le passé et je le pense vraiment : quand tu arrêtes d’essayer d’être ce que tu n’es pas et que tu arrêtes d’essayer de plaire à tout le monde, alors tu deviens un meilleur modèle et tu deviens une meilleure personne pour ces fans. Tu vois ce que je veux dire ? Je pense qu’en poursuivant ce qui nous excitait et en faisant un album que nous avions vraiment envie de faire, au vu des retours que nous avons eu de la part des fans, nous avons absolument fait un album pour eux. Et je pense que c’est quelque chose qu’ils vont pouvoir prendre avec eux, ils vont pouvoir tirer ce dont ils ont besoin de cet album. Ils m’ont inspiré autant que je les inspire, c’est certain. Nous discutons beaucoup de choses personnelles sur internet et tous ces problèmes auxquels je suis confrontée en tant qu’être humain, ils y sont également confrontés et c’est très agréable de pouvoir en parler avec eux et s’identifier aux autres et, en fin de compte, rassembler toutes ces choses pour en faire quelque chose de positif, comme une chanson que nous pouvons chanter comme un hymne.

L’album s’appelle Vicious. Est-ce que c’est comme ça que vous vous décririez ?

Oui, je pense qu’à certains moments, je peux être… Quand j’étais enfant, j’étais extrêmement timide, c’était très dur pour moi d’être une meneuse, de prendre les choses en main ou d’entrer dans une pièce et être confiante. Désormais, je suis fière de dire que je suis capable de mettre ma veste en cuir, entrer dans une pièce et tout déchirer.

Joe : Et d’être féroce.

Lzzy : Et être féroce, oui [petits rires]. Je pense que j’ai appris à être comme ça dans le sens le plus positif du terme.

Tu as déclaré que tu « as l’opportunité d’être une ambassadrice, pas seulement pour le groupe, mais pour un genre musical. » Est-ce que tu as l’impression que cela vient avec des responsabilités ?

Etre des ambassadeurs du rock n’roll, oui, je pense que ça fait partie de notre manifeste parce que ce style, cette musique et les tournées, tout ce que nous faisons, c’est bien plus qu’un choix de carrière, c’est une extension de qui nous sommes et c’est tellement incroyable de partager cette sensation qui s’empare de toi quand tu écoutes du rock ou quand tu vas à un concert de rock. J’espère que nous arrivons à apporter un peu de cet état d’esprit dans chaque situation où nous nous trouvons.

Vous avez fait une tournée avec In This Moment et New Years Day. Est-ce que vous vouliez faire passer un message en réunissant trois groupes de hard rock menés par des chanteuses qui en imposent, en particulier à notre époque ?

Joe : Oui, je dirais que c’est le cas.

Lzzy : Oui, absolument. Nous sommes tous ami(e)s et nous avons organisé cette tournée parce que nous voulions enfin faire ça ensemble, mais nous nous sommes rendus compte à quel point c’était important de faire cette tournée, pas seulement pour nous mais pour tous les groupes de rock à chanteuses que nous voyons sur scène tous les soirs. C’est génial parce qu’avec cette tournée, nous avons prouvé, pas seulement en tant que musiciens mais aussi en tant que publique, que ce style de musique n’a pas de genre. Cette musique nous fait tous ressentir la même chose et nous vivons ces mêmes grands moments, c’est incroyable à voir, quand d’habitude le public est composé de soixante pour cent d’hommes et quarante pour cent de femmes, ça a été l’inverse sur cette tournée où il y a soixante pour cent de femmes dans le public et ce sont des femmes comme nous, des femmes qui écoutent du hard rock et du metal et qui recherchent cette échappatoire autant que nous. C’est vraiment génial de voir ça et d’en être acteur.

Nous avons récemment parlé avec Donita Sparks de L7 et elle nous a dit que « des animateurs radio aux Etats-Unis ne voulaient pas diffuser de groupes avec des femmes, ça faisait partie de leur numéro comique en tant que rois de la vanne. » Est-ce que tu as toi aussi dû faire face à ces obstacles, à cette misogynie ou est-ce que tu penses que ça a changé ?

Oui, absolument. A mon époque, quand nous avons commencé à faire des tournées, j’étais généralement la seule fille alors que maintenant, tu vas dans n’importe quel festival et tu vois beaucoup de filles qui jouent d’un instrument et chantent, mais tu vois aussi des femmes qui sont manageuses de tournées, techniciennes lumière et ingénieures son et roadies, on voit très clairement tout ça maintenant. C’est vraiment cool d’être témoin de cette expansion parce que nous en faisions partie aussi : bien avant que nous signions chez Atlantic, quand nous parlions avec des maisons de disques et des stations de radio, nous recevions la même réponse : « On vous adore, mais on ne sait pas quoi faire de vous parce que des femmes dans le milieu du rock, ça ne fonctionne pas, les radios refuserons de jouer vos chansons. » Et donc de voir cette idée être réfutée, même un tout petit peu, c’est génial. C’est super de voir cette évolution.

Est-ce que tu as l’impression d’avoir la responsabilité de prouver à ces gens qu’ils ont tort, en particulier dans ce style de musique qui est apparu dans les années 80 comme un style très masculin ?

Absolument. Je crois que je ne me suis jamais découragée, j’ai simplement utilisé ça comme une arme. Par exemple, à l’époque, quand personne ne savait qui nous étions, je savais très bien que personne ne s’attendait à ce que je fasse partie du groupe ou que je fasse ce que je fais dans mon style hard rock. J’ai fini par dire : « Je vais monter sur scène et leur prouver tous les soirs. » Nous commencions presque tous nos concerts avec juste moi sur scène à chanter a capela parce que ça choquait, genre « c’est qui cette fille ? Pourquoi est-ce qu’elle monte sur scène ? » Et puis tu leur montrais qu’ils se trompaient, tu déchirais tout et tu leur ouvrais les yeux. Ça a été un long chemin.

Interview réalisée par téléphone le 13 juin 2018 par Nicolas Gricourt.
Transcription & traduction : Lison Carlier.

Site officiel de Halestorm : www.halestormrocks.com

Acheter l’album Vicious.



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  • Merci pour cet interview !
    J’ai connu Halestorm avec « Into the Wild » que je trouvais bof.
    Par contre, « The Strange Case of… » était vraiment au top ! 😉
    À l’écoute des 2 morceaux parus, « VICIOUS » présage du bon !
    Album déjà en précommande ! 😉

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