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Interview   

Hanging Garden : cultive son univers


A bientôt vingt ans de carrière et désormais huit albums à son actif, il est étonnant qu’on ne parle pas davantage d’Hanging Garden, compte tenu de la qualité de son metal doom/gothique. D’après le chanteur Toni Hatakka, apparu au milieu des années 2000, le groupe s’est retrouvé noyé dans une période de sursaturation de productions metal. Mais il n’est jamais trop tard : son nouvel album The Garden, qui poursuit dans la direction musicale de Skeleton Lake, à savoir avec un sens de l’accroche accru et en s’émancipant légèrement des contrées doom, mais sans dénaturer sa sensibilité à fleur de peau, est une bonne occasion de se rattraper.

Thématiquement, en revanche, The Garden prend le contrepied de son prédécesseur. Certes, il est toujours question de l’effondrement du monde, notamment sur le plan écologique, mais là où Skeleton Lake prônait une perspective pessimiste, le nouvel opus apporte un brin d’espoir et de lumière au travers de ce « jardin », reflet des rêves récurants de Toni depuis sa tendre enfance. Nous avons donc échangé sur tout ça avec Toni mais aussi Riikka, chanteuse intégrée au groupe depuis 2019, les deux étant par ailleurs mari et femme. Il est donc question d’espoir et de désespoir, du monde d’avant, celui d’après et celui des rêves, de carrière, d’approche musicale, de line-up à désormais huit musiciens, etc.

« Je pense qu’il faut, non pas se résigner, mais accepter que les choses pourraient être très différentes dans le futur, y réfléchir et voir ce que ça pourrait vouloir dire. »

Radio Metal : Toni, tu as déclaré : « Après près de deux décennies à s’appesantir sur des thématiques musicales et dans les paroles sur le désespoir, la perte et la mélancolie, je me disais que notre prochain album aurait de la place aussi pour l’espoir et la lumière. » Dirais-tu que l’optimisme de The Garden répond au pessimisme de Skeleton Lake, dont le titre se voulait une « métaphore sur la fin qui nous semble être destinée » ?

Toni Hatakka (chant) : C’est une bonne question. Peut-être bien, je n’y avais pas pensé comme ça, mais ce n’est pas une mauvaise analyse. Il pourrait bien y avoir une part de vérité là-dedans. Je pense qu’il faut, non pas se résigner, mais accepter que les choses pourraient être très différentes dans le futur, y réfléchir et voir ce que ça pourrait vouloir dire. On vit à une époque tellement sombre, on a traversé la pandémie, j’ai été confronté à la mort de plusieurs proches, donc peut-être que ça pousse à prendre du recul et à voir les choses sous un angle différent. Quand on en a marre de ressentir de l’anxiété, du désespoir et de la résignation, il faut adopter un autre regard pour pouvoir avancer, et peut-être est-ce ce qui a apporté du changement. L’époque lugubre que l’on vit contribue peut-être au besoin d’éclaircir un peu cette obscurité, pas de façon légère, mais plutôt de façon très contemplative, je dirais.

Cet espoir est transcrit musicalement par quelques rayons de lumière. Y avait-il un dialogue entre la musique et les thématiques quand vous travailliez sur l’album ?

Peut-être, en tout cas sur les chansons que j’ai composées. Evidemment, il y a toujours une interaction entre les paroles et la musique. La plupart des chansons ont été écrites par notre guitariste Jussi [Hämäläinen] – j’en ai composé trois : « The Construct », « The Journey » et ensuite, j’ai deux chansons différentes à partir desquelles Jussi a créé « The Fireside », donc c’est principalement de moi mais en étant très produit et arrangé par lui. Nous avions une tonne de musique pour construire l’album, donc nous avons pu choisir différentes chansons pour constituer l’entité thématique. De même, le thème a été structuré un peu après avoir eu toute la musique, donc je pense que celle-ci a aussi affecté la façon d’écrire les textes au final. Il y avait donc une forme d’échange entre la musique et les idées de paroles.

Pensez-vous qu’une tension se créé entre l’espoir et le désespoir ?

Oui, je pense. Il y a une tension très forte entre les différents sentiments et le résultat final est cette sorte de nostalgie qui, pour moi, résonne avec l’image que j’avais de l’univers de cet album, pour ainsi dire.

Riikka Hatakka (chant) : Il y a des riffs assez heavy dans les chansons aussi, donc quand j’écris mes paroles là-dessus, je me tourne vers des pensées plus graves, et à la fois, il y a aussi beaucoup de lumière dans la musique.

Toni : Toute cette idée de tension décrit bien ce que je ressens par rapport à la composition musicale et aussi à notre son. Tout ça repose beaucoup sur la tension. Ce sont plein de sentiments et d’émotions contrastés, et ça a toujours été comme ça.

Tu as dit que ceci pourrait être votre chef d’œuvre. Dirais-tu que parfois les grandes œuvres naissent de ce genre de tension ?

Oui. Cette histoire de chef d’œuvre vient d’un rêve que j’ai fait où j’étais en train de parler à notre claviériste, Nino [Hynninen]. Dans ce rêve, Nino a dit que comme cet album sera notre chef d’œuvre, il faudrait qu’on l’appelle The Garden. Puis je me suis réveillé et j’étais là : « Il faut que je note ça tout de suite ! » J’ai proposé ce nom d’album et cette thématique aux autres gars. Je crois que nous étions à la moitié de l’écriture de l’album quand j’ai fait ce rêve, c’était il y a probablement un an, mais j’avais bel et bien le sentiment que c’était la meilleure collection de morceaux que nous avions constituée jusqu’à présent. Le futur dira si c’est notre chef d’œuvre et ce qu’en penseront le public et les critiques, mais la question portait sur les grandes œuvres et la tension… Toutes les émotions qu’on met dans l’art doivent être tumultueuses, d’une façon ou d’une autre. Il faut qu’il y ait une grande énergie dans les émotions qu’on met dans l’art, qu’elles soient positives, négatives ou les deux. Je pense que dans le cas présent, c’est les deux. Mais oui, je dirais que la tension est un prérequis pour l’art. Autrement, ce serait très fade.

« Toutes les émotions qu’on met dans l’art doivent être tumultueuses, d’une façon ou d’une autre. La tension est un prérequis pour l’art. Autrement, ce serait très fade. »

Tu as qualifié le désespoir de « vieil ami ». D’où te vient ton désespoir ?

Je suis dans le groupe depuis le troisième album. Avant moi, les paroles étaient toutes écrites par l’ancien bassiste Matti Reinola. Il est parti avant que nous commencions à faire le troisième album, mais ses thèmes parlaient déjà de la fin du monde tel qu’on le connaît et de la façon dont on a bousillé notre propre planète, celle de l’humanité dans sa globalité. C’était un thème et une esthétique qui me parlait aussi, et j’avais moi-même écrit là-dessus avant. C’était donc très naturel de canaliser cette anxiété sur le monde qui s’effondre dans la musique de ce groupe. Nous ne nous appesantissons pas systématiquement sur le désespoir, mais il y a cette idée de douleur mondiale.

Riikka : Quand on était jeune, avant l’apparition d’internet, il y avait beaucoup d’espoir sur ce que le futur allait apporter, mais aujourd’hui, quand on sait tout ce qui se passe dans le monde, ça te démoralise un peu. A la fois, il faut trouver des choses positives dans sa vie et un équilibre.

Toni : J’ai le sentiment que le fait de faire une musique sinistre et mélancolique apporte un grand équilibre dans ma vie. J’ai peut-être la capacité de jouer avec des choses intertextuelles et de trouver des thèmes et des émotions à partir desquels faire de la musique. Je pense que tes paroles sont un petit peu plus introspectives que les miennes, donc tu puise dans ces sentiment sombres en toi, comme l’anxiété personnelle. Tu fais ta propre musique durant les moments difficiles de ta vie.

Riikka : Oui, les moments difficiles sont ceux où il est plus facile pour moi d’écrire des paroles et de la musique, ce qui est dingue ! A chaque fois, quand j’écris des paroles ou des poèmes, c’est de là que je puise mes sentiments. Les paroles peuvent aussi avoir une part de positivité, mais je pense que c’est ça ma force principale.

« Ami » est un terme très positif. Avez-vous l’impression qu’il y a parfois un confort dans le désespoir ?

Toni : Oui. C’est principalement la raison pour laquelle je me suis mis à écouter du metal. C’est très réconfortant, surtout quand on est soi-même dans des eaux profondes. Il y a un côté curatif, je trouve. C’est très réconfortant d’embrasser ces émotions négatives, de les contempler et de les accepter. Je trouve que ce genre de metal sombre est un super médicament pour l’âme.

Riikka : Quand tu passes un moment merdique dans ta vie, tu te tournes vers la musique qui correspond aux émotions que tu ressens et qui te permets de t’en libérer. Pour moi, c’était pareil que pour toi, Tony, mais ce n’était pas tellement en écoutant du metal, mais plutôt de la folk sombre ou des chansons tristes. Il faut aussi trouver une forme de lumière. On n’est pas obligé de s’appesantir sur de la musique sombre si on n’en a pas envie. C’est plus que tu vas vers celle-ci dans les mauvais moments.

Plus spécifiquement, Toni, tu as déclaré que « l’approche que [tu as] décidé de prendre était de tisser une histoire sur la façon dont l’humanité pourrait quand même prospérer et trouver un sens après que le monde tel qu’on le connaît ait enfin touché à sa fin. » As-tu l’impression que l’on est à la veille d’un énorme changement ? Et à quoi ressemblerait le prochain monde ?

Toni : Bien sûr, j’espère qu’on trouvera les solutions pour maintenir notre société civilisée intacte et régler tous les problèmes auxquels on fait face, et j’en voit la possibilité. Mais il est aussi possible que, de notre vivant, on soit témoin d’une sorte de chute. En tout, cas, je dois admettre que c’est une possibilité. Je pense que le prochain monde devra vraiment dépendre de plus petites communautés et sociétés. « Tribalisme » est un mot qui a une connotation négative aujourd’hui, donc je ne parle pas de ce genre de tribalisme, mais plutôt dans le sens que, si on n’a pas les grandes infrastructures, il faudra faire un pas en arrière et compter les uns sur les autres en tant qu’êtres humains. On dirait des trucs de hippie [rires], mais si on repense aux sociétés agraires d’il y a cent ou deux-cent ans, je pense qu’on a toujours la connaissance culturelle qui nous permettrait de nous entendre et de construire quelque chose ensemble sans ces Etats ou grandes sociétés qui nous offrent la sécurité et le confort. C’est un peu l’état d’esprit vers lequel je me suis tourné quand j’ai pensé à la thématique de l’album et l’histoire qu’il y a derrière. La spiritualité et peut-être la tradition, dans un sens positif, celui de la culture, joueront probablement un rôle plus important, comme c’était le cas avant. Je ne suis pas un conservateur ou quelqu’un qui trouve que c’était mieux avant, mais je réfléchis à ce qui donne du sens à nos vies quand il n’y a pas de travail à trente-cinq heures, de grandes machines qui nous offrent tout le luxe et ce genre de chose. C’est cette idée de revenir à des sociétés plus petites et conviviales.

« C’est très réconfortant d’embrasser ces émotions négatives, de les contempler et de les accepter. Je trouve que ce genre de metal sombre est un super médicament pour l’âme. »

Tu trouves qu’on a perdu la notion de culture ?

Pas exactement, mais… Bon, j’ai changé de boulot, mais nous avons tous les deux longtemps travaillé en tant qu’éducateurs. Quand on regarde les jeunes d’aujourd’hui, il y a une grande monoculture d’internet qui définit leurs centres d’intérêt, tous les moyens, toutes les modes, etc. Je vois que notre façon de penser la culture ou de la vivre pourrait changer. Je ne suis pas en train de dire que c’est bien ou mal, mais c’est quelque chose qui fait beaucoup réfléchir.

La nature est très présente dans cet album, déjà dans son titre mais aussi avec les sons de mouette, de rapaces, de la mer, de bourdonnements rappelant les insectes dans « The Journey », etc. Pouvez-vous nous parler de votre relation à la nature ?

J’ai toujours passé beaucoup de temps dans la nature. Quand j’étais enfant, nous vivions tous les étés dans les îles de la côté ouest de la Finlande. J’ai fait beaucoup de randonnée. D’ailleurs, j’ai aussi étudié la survie et ce genre de truc il y a un petit moment. Je ne suis pas un survivaliste ou quoi que ce soit de ce genre. Ça faisait partie d’études pédagogiques à l’université. C’était comme une éducation à l’aventure, mais nous faisions de longues randonnées, par exemple en hiver dans la Laponie norvégienne, sur plusieurs semaines, avec des skis, en dormant dans des grottes de glace, etc. Le côté survit était donc très présent.

Riikka : Depuis mon enfance j’ai toujours été attirée par la forêt. C’est un endroit calme. J’ai aussi fait beaucoup de randonnée avec Toni. Partout où je vais dans le monde, les milieux naturels est ce que j’aime le plus. Les bâtiments, c’est sympa, mais la nature est toujours ce qu’il y a de plus génial pour moi.

Toni : Nous avons beaucoup de forêts et de lacs chez nous, bien que la plupart des forêts ont été plantées ; l’industrie forestière fait partie des plus grandes exportations en Finlande. Ce n’est pas cette forêt sauvage qui couvre la majorité de notre pays, mais ce sont ces rangées bien ordonnées d’épicéas et de pins.

Riikka : Mais on a quand même plein de parcs naturels.

Toni : Oui, le nord de la Laponie, c’est principalement des parcs naturels et des zones sauvages protégées. Nous avons donc beaucoup de nature brute aussi.

Pensez-vous que la nature sera notre salut ?

Oui. Il faut que ça le soit. On doit changer notre relation à la nature dans les sociétés occidentales. On se repose trop sur l’exploitation aujourd’hui, donc il faut revenir à ce que c’était avant. On a toujours utilisé la nature et on a besoin de l’utiliser pour survivre. On a besoin de nourriture, de matériaux pour construire, mais… En fait, je trouve que ça va bien avec les anciennes religions et sociétés animistes qu’on a connu il y a quelques centaines d’années. Quand on prenait la vie d’un animal, on avait des rituels de gratitude. Il faut qu’on soit plus respectueux de la nature et il faut que ce soit reflété dans nos actes et dans la structure de nos sociétés de façon à ce que ce soit, au moins, durable. De cette façon très concrète, oui, la nature doit être notre salut. Peut-être que la technologie aussi via des avancées qui nous permettront de continuer à consommer sans détruire la planète. La technologie doit également être notre salut si on veut éviter la chute. On doit faire beaucoup d’efforts et mettre beaucoup de ressources dans la recherche pour pouvoir continuer. Je me suis toujours beaucoup intéressé à la technologie et je pense qu’elle va probablement, et avec un peu de chance, nous sauver.

Riikka : Mais il faut trouver un équilibre entre les deux.

Toni : Oui, parce que ce sont encore les écosystèmes qui nous fournissent l’oxygène et la nourriture. Je ne nous vois pas avoir de sitôt des synthétiseurs comme dans Star Trek [rires].

Evidemment, l’album fait référence au nom du groupe, mais quel est ce « jardin » pour vous ?

C’est une métaphore pour la planète et notre relation à celle-ci, car un jardin, c’est toujours plus ou moins cultivé. C’est la nature avec une touche humaine, c’est ça un jardin, et c’est quelque chose qui nous alimente. Mais c’est aussi venue de ce paysage onirique que j’ai depuis mon enfance. C’est très étrange, parce que ça a toujours alimenté ma créativité. Depuis mon enfance, je fais ces rêves où je voyage toujours dans un monde paisible, avec très peu de gens, si ce n’est personne. Tout est envahi par les herbes et rouillé, et les proportions de toutes les structures sont exagérément énormes. Il y a un petit côté inquiétant mais aussi réconfortant. La nature y est très présente et proéminente. C’est aussi reflété dans ce nom, The Garden, ainsi que dans ce que cet album, dans son ensemble, représente pour moi. J’ai cherché ce même sentiment dans les chansons et les paroles que j’ai lors de ces rêves. Riikka, tu as aussi écrit des paroles pour quelques chansons, mais par exemple, « The Journey », dont tu as co-écrit les paroles, parle totalement de ce voyage onirique. Donc les thématiques sont très fortes et authentiques, en ce sens.

« Si on repense aux sociétés agraires d’il y a cent ou deux-cent ans, je pense qu’on a toujours la connaissance culturelle qui nous permettrait de nous entendre et de construire quelque chose ensemble sans ces Etats ou grandes sociétés qui nous offrent la sécurité et le confort. »

Riikka : Je pense que c’est facile, parce que nous vivons ensemble, donc nous pouvons toujours échanger des pensées et des idées.

Toni : Et nous parlons beaucoup de musique et de nos idées. C’est très sympa d’avoir quelqu’un qui est là en permanence avec qui réfléchir.

Te souviens-tu de la première fois que tu es allé dans ce monde de rêve ?

Pas vraiment. Le premier souvenir que j’en ai, j’étais probablement à l’école élémentaire, en CM1 ou CM2. Je vivais dans la banlieue d’Espoo, qui est la ville juste à côté de Helsinki, donc dans la région de la capitale. Dans ce rêve, j’étais dans les escaliers de notre maison et une lettre m’était adressée sur la porte du sous-sol. C’était une lettre d’amour écrite à mon intention par une fille qui vivait dans le phare. Evidemment, il n’y a aucun phare dans la banlieue d’Espoo, mais dans ce rêve, il y avait une énorme falaise, au sommet d’une montagne, où se trouvait un phare et elle vivait en haut de ce phare, et elle désirait être avec moi. La falaise avec le phare était aussi au milieu de la nature. J’ai été soudainement transporté vers ce espère de monde mêlant une grande construction délabrée et rouillée et la nature. Je pense que c’est le plus loin que je me souvienne de ce monde.

Qu’est-ce que ça dit de toi ?

C’est aussi une bonne question. J’y ai un peu réfléchis, mais je pense que ça défini surtout mon sens de l’esthétique. On a un mot en finlandais qui veut dire « désirer être quelque part de lointain » et c’est aussi quelque chose qui m’est très typique. Par exemple, nous sommes au Japon actuellement et c’était presque compulsif pour moi de revenir ici. De façon similaire, j’ai hâte de repartir faire des randonnées et de voyager loin au nord. Le fait de voyager vers une destination inconnue est quelque chose qui me fait vibrer. Je pense que ces rêves ont été la manifestation de cette part de ma personnalité.

Penses-tu que les rêves ne se produisent pas simplement dans notre tête, mais qu’il pourrait y avoir une réalité derrière ceux-ci ? Y vois-tu une dimension spirituelle ?

Oui. J’ai toujours été relativement sceptique. Je me défini comme un agnostique, mais je crois fermement en la science et en ce qui peut être prouvé. Ceci étant dit, je crois intuitivement à la possibilité que ce monde de rêve et quelques autres expériences peuvent avoir une réalité.

Riikka : Il y a beaucoup de choses que l’on ne sait pas sur ce monde dans sa globalité. J’ai moi-même des lieux que je revisite dans mes rêves. Ma mère voit des genres de présages dans ses rêves. J’ai donc toujours trouvé le monde des rêves très intéressants et j’ai toujours essayé de comprendre d’où ces choses venaient.

Toni : Elle essaye toujours d’analyser mes rêves et de me dire ce qu’ils peuvent signifier [rires].

Toutes les chansons sont nommées avec l’article « The » au début. Quelle était l’idée derrière cette « norme » dans les titres ?

J’avais un paquet de chansons qui commençaient avec l’article « The », mais ensuite Jussi a suggéré que ça aurait l’air cool si les titres ressemblaient aux chapitres d’un livre, sachant que c’est une esthétique que j’ai déjà utilisée auparavant. Ensuite j’ai essayé de trouver… Trouver des titres de chansons est probablement, pour moi, toujours le processus le plus difficile dans la réalisation d’un album. Bien sûr, le titre de l’album est la tâche la plus ardue de toutes. J’ai donc suggéré que j’allais essayer de mettre les titres de toutes les chansons sous la même forme, ce que j’ai fait, et je pense que ça a bien fonctionné. C’est donc un simple choix esthétique, mais ça va bien aussi avec la sorte de narration qu’on retrouve dans l’album. Je pense que ça raconte une histoire, mais il y a aussi des interactions avec des allers-retours. L’ordre des chansons dans l’album constitue en partie la narration d’un voyage entrepris par une personne qui reconnaît ses racines, mais les quitte pour trouver autre chose, et à la fin, les retrouver, en ayant fait face à plein de choses, bonnes comme mauvaises. Voilà un peu la narration de l’album. C’était mi-accidentel, mi-intentionnel, au final.

« Depuis mon enfance, je fais ces rêves où je voyage toujours dans un monde paisible, avec très peu de gens, si ce n’est personne. Il y a un petit côté inquiétant mais aussi réconfortant. La nature y est très présente et proéminente. Ça a toujours alimenté ma créativité. »

Skeleton Lake s’éloignait déjà légèrement du doom et vous poursuivez sur ce chemin avec The Garden dans lequel on retrouve plus de chansons accrocheuses, un peu plus entraînantes, comme « The Four Winds ». Tu as toi-même dit qu’il y avait « une nouvelle sorte d’énergie dans les chansons qui n’étaient pas là avant ». Comment expliquer que vous vous éloigniez progressivement du doom ?

Ce n’est pas un choix à proprement parler, mais c’est ce qui nous a inspiré. Nous nous envoyons aussi les idées musicales entre membres, surtout avec le guitariste Jussi qui à la fin produit nos albums. Ce genre de structures de chansons et d’idées musicales plus énergiques nous a inspiré et c’est pourquoi on les retrouve dans l’album. Peut-être que ça nous a même poussé à composé plus de choses avec ce type d’énergie. J’ai écrit bon nombre des chansons les plus courtes et accrocheuses sur Skeleton Lake et The Garden. J’ai un background dans la composition de musiques de jeux vidéo, donc je pense que les mélodies accrocheuses et le côté plus énergique vient de là. Ensuite, je me dis : « J’ai l’impression que ce n’est pas du Hanging Garden. Est-ce qu’on peut jouer ça ? » J’envoi ces idées à Jussi et il est là : « C’est génial, faisons ça ! » Donc, ce n’est pas vraiment une décision, mais ces idées musicales plus ouvertes ou, en tout cas, pas très typiques de nous sont des choses avec lesquelles Jussi et moi avons joué. Puis nous avions aussi de longues chansons progressives et doom. Nous avons enregistré peut-être quinze ou seize chansons, et il a fallu choisir lesquelles mettre dans l’album, car on ne peut pas faire un album de seize pistes – enfin, on peut, mais alors c’est un double album. Cette fois, ça semblait former un bon album en mettant ces chansons dessus. Ça semblait être le meilleur album que nous pouvions construire avec les briques que nous avions composées, et il se trouve que cette fois, c’était des chansons plus courtes et accrocheuses. Nous sortirons plus tard, sur une forme ou une autre, les autres chansons que nous avons laissé de côté. Nous ne les avons pas exclues parce qu’elles étaient moins bonnes, mais parce qu’elles ne contribuaient pas à l’ensemble. C’était donc un choix délibéré, mais pas du genre : « Posons-nous pour écrire des chansons courtes et accrocheuses. »

Avec désormais huit albums à votre actif, vous êtes loin d’avoir la reconnaissance que vous devriez probablement avoir – vous n’avez même pas de page Wikipedia ! Pensez-vous que le fait d’être catégorisé dans la niche doom a limité votre portée ?

Je n’en ai aucune idée. Il y a des groupes connus dans la niche doom, comme Katatonia et Swallow The Sun. C’est une toute petite niche, mais en fait, je ne sais pas quoi en penser !

Riikka : Pour nous, c’est plus important de faire de la musique que nous aimons et dont nous sommes fiers que de réfléchir à si nous rentrons dans une catégorie ou pas.

Toni : Nous ne faisons pas des choix pour intentionnellement mener notre carrière plus loin ou pour nous rapprocher d’une sorte de percée. Evidemment, j’espère que nous obtiendrons plus de reconnaissance et peut-être un peu plus de ressources pour nous faciliter la vie et faciliter notre processus créatif. Nous sommes maintenant signés sur un label un peu plus gros, Agonia, et ils nous ont alloué – selon les standards actuels – pas mal de ressources pour faire l’album et les clips. C’était très sympa. Selon ces termes, j’espère que nous gagnerons en reconnaissance, mais ce n’est pas un prérequis, nous pouvons continuer à faire de la musique, car c’est un besoin que nous éprouvons en tant qu’individus.

Penses-tu que le fait que des groupes comme Katatonia et Swallow The Sun aient assez vite été sur de plus gros label a fait la différence pour eux ?

Probablement et, bien sûr, Hanging Garden a vu le jour à un moment de sursaturation de la musique metal, au milieu des années 2000, quand la production est devenue beaucoup plus accessible et des centaines de groupes de metal ont germé. Donc Swallow The Sun et surtout Katatonia étaient des pionniers. Ils ont fait ça quand c’était très difficile à faire. Hanging Garden est arrivé bien après. Même si nous ne sommes que quatre ans plus jeunes que Swallow The Sun, dans ces quatre ans, beaucoup de choses se sont passées. C’est mon point de vue, mais je pense que le fait d’être pionnier ou pas – eux le sont et nous ne le sommes pas, parce que nous sommes arrivés un peu plus tard – joue beaucoup. C’était beaucoup plus difficile pour nous d’obtenir une adhésion et de la visibilité, parce que tout d’un coup, il y avait énormément de groupes.

Avez-vous remarqué une augmentation de l’intérêt envers le groupe grâce aux chansons plus accrocheuses sur les récents albums ou est-ce que ça n’a pas changé grand-chose ?

Je pense que nous avons reçu un peu plus d’attention avec Skeleton Lake qu’auparavant. Nous avons gagné un petit peu en envergure et en attention à chaque album, mais je pense que celui-ci a été un plus grand pas en avant. Je ne sais pas si c’est parce que nous sommes devenus plus facile à écouter ou plus accrocheurs, mais c’est possible que ça y contribue.

« J’espère que nous gagnerons en reconnaissance, mais ce n’est pas un prérequis, nous pouvons continuer à faire de la musique, car c’est un besoin que nous éprouvons en tant qu’individus. »

Riikka, on dirait que ta part de chant n’a cessé d’augmenter depuis que tu as officiellement rejoint le groupe avec Into That Good Night. Tu apparais désormais sur presque toutes les chansons et une belle dynamique se créée. Comment perçois-tu l’évolution de ton implication dans la musique et le son du groupe ?

Riikka : Avant de rejoindre le groupe, j’ai fait des sortes de featurings. Toni m’avait demandé de chanter et Jussi a aimé ma voix, donc il m’a demandé d’en faire plus.

Toni : Je te coupe, mais l’origine de Riikka dans Hanging Garden, c’était parce que j’ai eu un gros syndrome de la page blanche à l’époque de l’EP Hereafter, qui est le premier sur lequel elle est apparue. Comme c’est une auteure-compositrice-interprète, j’étais là : « Voilà des paroles. Pourrais-tu me faire des mélodies ? » Elle l’a fait. J’ai envoyé ces idées de mélodie à Jussi, notre guitariste et producteur, et il était là : « C’est génial ! S’il te plaît, peut-on mettre ça sur l’album, si ça ne pose pas de problème à Riikka ? »

Riikka : Dans le groupe, mon évolution est que nous cherchons toujours à savoir où nous voulons mettre quel type de chant. Si Jussi ou Toni expriment un besoin, ils disent : « Peux-tu s’il te plaît faire quelque chose comme ça ? » Alors j’essaye et nous voyons si ça convient. Il semblerait qu’ils aiment ce que je fais [rires], donc peut-être que c’est la raison pour laquelle on m’entend de plus en plus. Mais quoi qu’il en soit, nous essayons d’avoir un équilibre pour qu’il n’y ait pas que moi ou que Toni. Je crois que nous chantons tous les deux la majorité des chansons.

Toni : En fait, aujourd’hui, la production se passe très souvent ainsi : nous prenons deux ou trois octaves et harmonies faites par chacun de nous pour chaque chanson, et ensuite Jussi essaye de voir lesquelles utiliser. Parfois, nous changeons lorsque nous mixons, durant l’étape de post-production en studio. Dans la dernière ligne droite, il se peut que nous disions : « D’accord, c’était beaucoup mieux quand Riikka chantait. » Même si c’était mon idée, ma chanson et mes lignes de chant sur la démo à l’origine, et que je me suis beaucoup investi dedans, et qu’ensuite Riikka a doublé mon chant en backing, nous remarquons en studio : « Eh, cette voix douce et éthérée fonctionne bien mieux ici, utilisons ça. »

Riikka : Ou alors tu dois faire quelque chose avec une voix plus douce. Ça peut marcher dans les deux sens. Nous essayons d’opter pour ce qui fonctionne.

Toni : C’est toujours ce qui sert le mieux la chanson et chaque passage de celle-ci. Pour l’instant, en tout cas, nous n’avons jamais été obligé de faire de la place pour l’autre vocaliste ; le partage se fait naturellement.

Vous formez tous les deux un couple et vous vous êtes d’ailleurs mariés en 2020. Votre relation a, de toute évidence, une dimension supplémentaire par rapport à celle que vous entretenez avec le reste du groupe. Pensez-vous que ça fasse la moindre différence dans ce contexte ?

Nous avons l’opportunité de… Par exemple, pendant que nous nous brossons les dents ou revenons des courses, si nous avons une idée, genre « et si on essayait ce genre de chose là-dedans ? », nous allumons l’ordinateur, le home studio, et nous l’essayons. Je pense que c’est assez unique, le fait que nous vivions aussi bien une relation de partenaires romantiques que celle de collègues d’un groupe.

Riikka : C’est vrai. Le fait d’être avec quelqu’un vingt-quatre heures sur vingt-quatre…

Toni : Heureusement pas, nous avons chacun un travail [rires]. Bien sûr, nous pouvons peaufiner les idées et travailler dessus de façon très différente. Nous nous connaissons tellement bien que, peut-être, ça amène certaines possibilités, mais aussi certaines difficultés. Presque tous les membres du groupe ont des home studios où, souvent, nous enregistrons nos parties et j’en suis presque à envoyer Riikka chez Jussi pour qu’elle enregistre son chant, car ça s’échauffe facilement quand il y a une mauvaise communication, ou si je ne suis pas content de sa prononciation ou quelque chose comme ça. Parfois, si nous n’avions pas cette relation, il se peut que ce serait plus facile car ça resterait au niveau professionnel. C’est facile de s’énerver contre quelqu’un quand c’est ta moitié. Mais ça amène aussi une grande force. Même quand nous chantons, j’ai l’impression que le timbre de nos voix et les harmonies sont un reflet de notre relation.

Soit dit en passant, Toni, tu as choisi d’abandonner totalement ton nom, Toivonen, pour adopter celui de Riikka. Ce n’est pas très courant. Comment as-tu pris cette décision ?

C’est une question intéressante, à laquelle j’ai répondu… Bon, en fait, pas lors d’interviews. C’est probablement la première fois qu’on me pose la question. En Finlande, cinq à dix pour cent des hommes prennent le nom de leur épouse. Dans mon cas, c’était pour plein de raisons différentes. L’une d’entre elle est que ça fait chier les conservateurs [petits rires]. Après, mon ancien nom, Toivonen, est très commun en Finlande. Rien que dans l’industrie de l’art, il y a un éminent artiste dans l’art visuel qui a exactement le même nom que moi et est né la même année, et je suis la raison pour laquelle il utilise aussi la lettre de son second prénom dans son nom d’artiste. Donc mon nom est très ennuyeux, et je pense que celui de Riikka est vraiment unique. Il est aussi associé avec des musiciens, comme Kärtsy Hatakka du groupe Waltari. Je trouve que c’est aussi un nom cool et intéressant. Quand nous avons commencé à sortir ensemble, j’ai tout de suite dit : « Quand on se mariera, si on se marie, je prendrais ton nom parce qu’il est beaucoup plus cool à tous les niveaux ! » [Rires].

« C’est facile de s’énerver contre quelqu’un quand c’est ta moitié. Mais ça amène aussi une grande force. Même quand nous chantons, j’ai l’impression que le timbre de nos voix et les harmonies sont un reflet de notre relation. »

Riikka : Je n’ai eu aucune influence sur sa décision de changer de nom !

Toni : Oui, il n’y a eu aucune conversation sur le sujet, parce que c’était évident pour moi. En fait, j’ai déjà été marié avant et à l’époque, nous avions tous les deux gardé notre nom, donc là, c’était vraiment parce que je voulais ce nom, mais aussi parce que c’est drôle de voir certaines personnes s’en agacer. C’est un peu osé, parce qu’on ma parfois posé la question dans le sens de : « Pourquoi as-tu pris le nom de ta femme ? Es-tu émasculé ? » Je trouve ça absurde. Ce sont que des noms !

J’ai lu que « comme certains membres éloignés les uns des autres, [vous] répét[ez] très peu » et que « souvent, c’est seulement quelques semaines avant un concert ». Etant sept dans le groupe, est-ce que ce n’est pas compliqué de mettre les chansons en place sans beaucoup répéter ?

Oui, et c’est pourquoi désormais nous sommes huit et nous répétons constamment ! [Rires] Nous avons donc changé ça. Pour la toute première fois, nous répétons au moins une fois ou deux par mois. Nous avons recruté Kimmo Tukiainen de The Chant et Rapture. Il a souvent fait du remplacement avant soit pour notre bassiste, soit pour notre guitariste. Ensuite, nous étions là : « Eh, Kimmo, ça te dirait de devenir un vrai membre du groupe ? » Nous avons donc maintenant trois guitaristes. Mikko [Kolari] ne répète pas tellement avec nous, mais nous avons désormais plus de possibilités de jouer live parce que nous avons des membres de rechange. Nous pouvons aussi jouer à huit. Je crois que la plupart de nos chansons ont été écrites pour trois à cinq guitaristes, et c’est le cas depuis longtemps. Il y a énormément de couches et d’éléments mélodiques et atmosphériques différents créés avec les guitares, si bien qu’il y a toujours une place utile pour un troisième guitariste, si nous devions jouer à huit, mais je pense que, le plus souvent, nous jouerons à sept avec un membre manquant. Kimmo est capable de jouer nos parties de basse et de guitare, et notre bassiste Jussi [Kirves] – nous avons deux Jussi dans le groupe – est aussi claviériste – il est principalement pianiste –, donc il peut jouer nos parties de synthé. Nous pouvons faire cette sorte de manège et faire les concerts même s’il manque quelqu’un. Mais nous répétions régulièrement maintenant. Tu as totalement raison, ça a toujours été difficile. Par exemple, quand nous avions une série de concerts, les premiers étaient très stressants parce que nous étions à peine préparés. Généralement, nous y arrivions, mais ce n’était pas très agréable, parce que tu ne peux pas juste ressentir les chansons et en profiter, il faut constamment réfléchir et se concentrer, ce qui n’est pas marrant. C’est pourquoi c’est super de répéter maintenant.

Donc, quand on ira voir Hanging Garden en live, on ne saura jamais exactement quel groupe on ira voir…

[Rires] Oui, mais j’espère que, quoi qu’il arrive, ça sonnera pareil. Nous sommes d’ailleurs en ce moment en train de répéter des versions électro-acoustiques, non-metal, d’une poignée de chansons issues du nouvel album, et ça peut aussi être jouer à, disons, cinq membres. C’est pour notre release party, car la salle est une petite galerie et on ne peut pas y faire un concert de metal. Nous avons commencé à essayer de voir comment ces versions simplifiées ou plus atmosphériques des chansons fonctionneraient, et a priori ça fonctionne bien. Nous avons donc maintenant aussi ceci dans notre arsenal et nous pouvons jouer dans de plus petites salles avec un set différent si besoin. Je trouve que c’est intéressant. C’est aussi intéressant comme le Whatsapp du groupe est constamment en train d’envoyer des mix des versions électro-acoustiques. Les gars sont actuellement à la salle de répétition, ou ils viennent tout juste de la quitter, et il y a des conversions intenses !

En parlant de line-up, le batteur Antti Ruokola a réintégré le groupe l’année dernière après sept ans. Comment ça s’est fait ? Pourquoi a-t-il même quitté le groupe au départ ?

Antti est parti en 2015, juste après avoir enregistré l’album Blackout Whiteout, simplement parce qu’il n’avait plus le temps. Il a décidé d’arrêter et ça n’a posé de problème à personne. Evidemment, nous étions un peu tristes, parce que c’est un chouette type et un formidable batteur. Ensuite, Sami [Forsstén] a rejoint le groupe et nous avons connu des difficultés en termes de dynamique personnelle. Il y avait des disputes au sein du groupe et nous avions du mal à communiquer. Au final, cela l’a amené à quitter le groupe. J’ai alors appelé Antti, genre : « Il s’est passé ça dans le groupe et on rentre en studio dans deux semaines. On n’a pas de batteur, donc ça te dirait d’être de nouveau notre batteur ? » Il était là : « Ouais, bien sûr ! » et c’était décidé. Il a dû apprendre quinze chansons en deux semaines, mais ça s’est bien passé. Les pistes de batterie sont géniales sur l’album.

« Kimmo est capable de jouer nos parties de basse et de guitare, et notre bassiste Jussi [Kirves] est aussi claviériste, donc il peut jouer nos parties de synthé. Nous pouvons faire cette sorte de manège et faire les concerts même s’il manque quelqu’un. »

Vous avez dernièrement sorti les EPs Against The Dying Of The Light et Neither Moth Nor Rust. Pensez-vous que les albums Skeleton Lake et maintenant The Garden ont bénéficié, d’une façon ou d’une autre, de votre expérience sur ces EPs ? Je pense par exemple au morceau « The Derelict Bay » qui a l’air de dériver d’Against The Dying Of The Light…

Exact. En fait, c’est intéressant. J’ai fait le même rapprochement parce qu’Against The Dying Of The Light a été largement facilité par le fait que notre bassiste Jussi fait ces parties de clavier presque synth wave ou goth wave, et il a aussi fait « The Derelic Bay », justement. Je pense que la similarité vient de son style de composition dans la musique électronique. Et oui, je pense que c’est là que cette facette du groupe a été trouvée. Même si certaines critiques ont dit que ce morceau était à part dans l’album, il y a des parties très similaires dans d’autres chansons où nous avons fait usage de la même esthétique au synthé. Je crois que c’est grâce à cet EP que nous avons trouvé cette esthétique. En tout cas, j’aimerais le croire. Il se peut que les autres gars pensent différemment… Même si, souvent, les EPs sont enregistrés pendant le cycle de l’album qui les précèdent, ils nous offrent l’opportunité d’essayer des choses différentes. Il y a d’ailleurs un EP qui va arriver… Enfin, nous n’avons pas encore décidé combien de chansons enregistrées pendant les sessions de The Garden nous allons utiliser et sous quelle forme, mais je pense qu’un EP verra le jour à un moment donné.

Vous étiez chez Lifeforce depuis Blackout Whiteout en 2015, mais vous sortez désormais The Garden chez Agonia Records. Qu’est-ce qui vous a fait dire que c’était le moment de changer ?

Rien de particulier, mais à cause du Covid-19, nous n’avions plus aucun fonds sur les comptes du groupe, et c’était très difficile de commencer la production de l’album. En général, nous avions un contrat de distribution avec Lifeforce, c’est-à-dire que nous enregistrions, mixions et masterisions l’album majoritairement par nos propres moyens et ensuite nous leur passions le résultat, mais là ce n’était pas possible. De même, il y a le fait que toute l’industrie galère. A la fois, Agonia nous a contacté en disant : « On aime ce que vous faites. Ça vous dirait de venir chez nous ? » Ils nous ont proposé un très bon contrat. Nous avons aussi des amis sur ce label, comme October Tide et The Moth Gatherer, donc nous étions contents de les rejoindre, même si nous aimions beaucoup être chez Lifeforce. Stefan [Luedicke] est un chouette gars et il a toujours été le compagnon parfait pour notre groupe, mais nous avons décidé de tenter le coup avec Agonia.

Tu as mentionné le fait que tu composais de la musique pour des jeux vidéo à côté. Peux-tu nous en dire plus ? D’ailleurs, est-ce très différent d’écrire de la musique pour un jeu et pour un groupe ?

J’ai commencé à composer plus de musique il y a probablement cinq ou six ans, et pendant le Covid-19, j’ai monté un petit business. J’ai fait de la musique de jeux pour une entreprise qui créé des jeux éducatifs faits pour que les enseignants les utilisent dans leur classe. C’est une entreprise fondée par une connaissance et ils avaient besoin de quelqu’un capable de faire plein de musiques différentes très rapidement pour une douzaine de jeux sur cette plateforme. J’ai sauté sur l’occasion. J’avais déjà fait de la musique de jeux en tant que passetemps et dans des game jams. Maintenant, je me suis retrouvé à changer de boulot en janvier. J’enseigne le développement et la musique de jeux dans une école professionnelle. Pour moi, la composition, ça reste la composition, mais disons que quand je fais de la musique de jeux, je peux sans problème pasticher et copier plein de fois de façon éhonté des idées, car ce n’est pas nécessaire que ce soit une œuvre unique. Ça sert plutôt une fonction dans le jeu. C’est amusant à faire, mais c’est beaucoup plus épanouissant de faire Hanging Garden, car ça procure un sentiment très différent de faire quelque chose que je trouve unique et qui me parle à un tout autre niveau. Mais le travail, en soit, est très similaire, que ce soit avec des sons de jeu rétro ou des murs de distorsion doom metal écrasants. Donc le travail est le même, mais les moyens et le feeling sont différents.

Tu as aussi pratiqué les arts martiaux, du karaté et du kobujutsu à l’ancienne à la MMA ainsi que du kenjutsu traditionnel. Est-ce que la discipline qu’implique les arts martiaux t’aident de quelque façon que ce soit dans ton travail d’artiste ?

La discipline n’a jamais été mon point fort ; et c’est probablement la raison pour laquelle j’ai lâché de nombreux hobbys. Mais je suis capable d’établir une bonne routine et je fais des choses qui me passionnent. Je pense que, chez moi, les deux se manifestent principalement dans la musique. J’ai tendance à être hyper focalisé, donc ça joue dans la composition musicale. Je peux me poser pendant huit heures et ne rien faire d’autre que de la musique, et ça vient très naturellement. Ça ne nécessite donc aucune discipline. Donc je dois dire non, car je ne suis pas quelqu’un de discipliné. Carrément pas. Donc quand il s’agit d’art martial, je le fais avec la routine. Quand je n’étais pas capable de maintenir une routine, parce que j’avais des horaires vraiment irréguliers dans mon boulot, j’arrêtais les arts martiaux. J’ai recommencé à en faire quand j’ai commencé ce nouveau travail en tant que professeur avec des heures régulières. Maintenant, je peux ravoir une routine.

Riikka, as-tu toi aussi d’autres talents ou centres d’intérêts en dehors de la musique ?

Riikka : J’adore danser ! J’ai pendant de nombreuses années pratiqué la danse folklorique, mais j’ai aussi essayé différents types de danse : le ballet, la danse de rue, la danse moderne, la danse du ventre… Peu importe ce qui me passe par la tête, j’ai envie de l’essayer. La danse est une part importante de ma vie, mais comme je travaille en tant qu’éducatrice, mes horaires sont très irréguliers, donc c’est dur de trouver un hobby que je peux faire régulièrement.

Toni : Mais c’est aussi une gameuse, comme moi !

Riikka : Oui, jouer à des jeux vidéos, c’est mon hobby principal.

Avez-vous songé à incorporer de la danse dans Hanging Garden ?

Toni : Il y a eu des idées comme ça pour des clips où Riikka ferait une chorégraphie.

Riikka : Oui, mais je ne pense pas que mon niveau serait suffisant pour ça, je ne suis pas sûr que serais assez confiante. Mais nous avons eu quelques danseurs dans nos clips, comme dans « Field Of Reeds » sur Skeleton Lake.

Toni : Oui, nous avons fait appel à un danseur professionnel dans ce clip. Ça a été co-réalisé entre lui et moi. Je suis sûr que Riikka fera une chorégraphie un jour !

Riikka : [Rires] On verra !

Interview réalisée par téléphone le 30 mars 2023 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Kalle Pyyhtinen.

Site officiel de Hanging Garden : www.hanging-garden.net

Acheter l’album The Garden.



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