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Interview   

Hardcore Superstar : indomptable et inébranlable


Inutile d’essayer, Hardcore Superstar est indomptable. Les Suédois font ce qu’ils veulent, comme ils veulent, quitte à contrarier certains fans ou se mettre à dos des maisons de disques. Fervent défenseur du rock n’ roll dans sa forme, à la fois, la plus libre et divertissante, y compris dans son penchant commercial comme expérimental, Hardcore Superstar revient aujourd’hui, exactement vingt ans après leur premier album, avec You Can’t Kill My Rock N’ Roll. Une ode à la ténacité et l’obstination du groupe, mais aussi une incitation à lâcher prise et faire la fête. Attention tout de même à ne pas trop abuser des bonnes choses : Adde nous raconte, entre autres, comment ses deux premières années orgiaques dans le groupe ont failli avoir raison de sa santé.

Amoureux des riffs de guitare et principal compositeur du groupe avec le bassiste Martin Sandvik, le batteur nous parle des dessous de You Can’t Kill My Rock N’ Roll, et notamment le revirement de style qui a été opéré en plein processus de composition. Un album « écrit pour être comme la bande originale de [leurs] vies », aux multiples références et nous servant de prétexte pour en savoir un peu plus sur Adde et son rôle, pas si commun, de batteur-compositeur.

« Nous ne sommes pas constants. Chaque fois que nous sortons un album, nous fâchons beaucoup de monde [rires]. »

Radio Metal : Vous avez publié pas moins de la moitié de l’album sous forme de singles depuis octobre 2017, soit un an avant la sortie de l’album. Quelle était l’idée en dévoilant des chansons de l’album aussi tôt ?

Magnus « Adde » Andreasson (batterie) : Nous voulons vraiment donner à chaque chanson sa propre identité et personnalité, presque, permettre à chaque chanson de vivre sa vie. Parce que j’ai l’impression qu’aujourd’hui, le format album ne reçoit pas l’attention qu’il mérite. Fut un temps où c’était bien de se contenter de sortir tout l’album, mais tout va tellement vite désormais, donc nous avons décidé de faire un clip pour chaque chanson. Voilà, en gros, la raison, pour simplement donner de l’espace à la chanson afin qu’elle puisse respirer. C’est presque comme un vin français : il faut le laisser respirer pendant un petit moment avant de le boire. Et ça nous a un peu été inspiré par Ghost, car je sais qu’ils ont aussi fait ça. Metallica aussi, ils ont sorti pas mal de chansons avant que l’album ne sorte. Ce que je peux te dire est que lorsque nous donnons un concert, les nouvelles chansons reçoivent toute l’attention du public et les gens les apprécient, car nous jouons tous les singles dans notre set live désormais. Il y a donc quatre nouvelles chansons dans le set, ce qui peut être difficile à faire parce que les gens veulent en premier lieu entendre les anciennes chansons, mais vu la manière dont nous avons procédé, ça a été très bien accepté par le public car ils ont eu le temps de [digérer ces chansons]. Ils ont pu assimiler une chanson, puis nous sortions un autre single et alors ils pouvaient assimiler cette nouvelle chanson, et ainsi de suite, plutôt que d’avoir à assimiler tout l’album d’un coup.

Est-ce que ça signifie que les chansons n’ont pas été écrites et enregistrées en une session mais plutôt sur une longue période de temps ?

Nous avons enregistré toutes les chansons en août et septembre de l’année dernière, et la première chanson que nous avons mixée pour l’album était « Have Mercy On Me », qui était le premier single. Nous avons passé beaucoup de temps à mixer l’album parce que nous voulions que ça sonne exactement comme nous l’imaginions. Donc ça a pris pas mal de temps, et en plein mixage de l’album, nous avons dû partir en tournée européenne pendant un mois, donc ça a enlevé un mois à la réalisation de l’album.

D’après Jocke, pour cet album vous avez écrit environ cinquante chansons. C’est énorme ! Qu’est-ce qui vous a poussé à une telle productivité ?

Nous voulions être certains du type d’album que nous voulions faire. Donc nous avons écrit beaucoup de choses. D’abord, je crois que nous avons passé presque une année à écrire des choses qui sonnaient un peu plus comme Dreamin’ In A Casket, on pourrait dire. C’était un style plus hard, et en écoutant toutes les chansons, nous les trouvions très bonnes mais nous avions le sentiment que c’était quelque chose que nous avions déjà fait avant. Alors nous nous sommes dits : « Concentrons-nous pour faire quelque chose de plus exaltant, de plus positif, plus pour faire la fête. Faisons un album pour le vendredi soir plutôt qu’un album thrashy. » Il nous a donc fallu expérimenter avant de trouver ce que nous voulions vraiment faire.

Effectivement, l’album contient des chansons très joyeuses presque naïves (« Have Mercy On Me », « Bring The House Down »…), très différentes de ce que vous aviez fait sur un album comme Dreamin’ In A Casket, qui est votre album le plus heavy et abrasif. Votre état d’esprit était radicalement différent ? Vous ne vous reconnaissiez plus dans ce style plus sombre et sérieux ?

Quand nous avons écrit Dreamin’ In A Casket, nous avons trouvé une formule, et cette formule était de combiner le sleaze rock et le thrash metal. Nous n’avions jamais vraiment entendu ce type de musique chez un autre groupe avant, c’est-à-dire avec un riff principal très thrashy et ensuite un refrain plus sleaze. Car dans le thrash metal, ils ne passent pas beaucoup de temps à faire d’énormes refrains ; ils passent beaucoup de temps à faire des riffs à la guitare. Donc nous nous sommes concentrés là-dessus et avons trouvé plein de choses sympas pour construire les chansons de Dreamin’ In A Casket. C’était un vrai plaisir de composer cet album mais on n’a pas vraiment envie de se répéter, n’est-ce pas ? Donc le fait de revenir à cette même formule nous semblait presque être une solution de facilité. Même si je suis toujours amoureux de l’idée de combiner le thrash et le sleaze, nous voulions essayer autre chose. Aussi, sur cet album, nous voulions employer plus de synthétiseurs, nous voulions rajouter cet instrument que tout le monde a appris à détester dans les années 80 ! [Rires] Nous trouvons que les synthétiseurs sont un super outil pour établir l’atmosphère d’une chanson. Il se peut que dans le futur nous composions un album qui sonne comme les trucs plus hard, comme Dreamin’ In A Casket, mais cette fois, c’était le moment de faire un album de vendredi soir.

Qu’allez-vous faire de toutes les chansons qui vous restent ?

Peut-être que nous les utiliserons dans le futur, ou pas. Je commence à me sentir comme Frank Zappa, car j’ai toute une bibliothèque de chansons inutilisées. Au fil des années, nous avons tendance à écrire plein de choses avant d’enregistrer un album, donc j’ai des tonnes de chansons et d’idées de chansons dans mon disque dur ; je suis sûr que j’ai suffisamment de matière pour dix albums ! Parfois il faut que ce soit le bon moment. On peut aimer une chanson mais ce n’est pas le bon moment pour l’enregistrer. Donc qui sait ? Nous pourrions déterrer quelque chose que nous avons écrit pendant la conception du Black Album, mais nous avons tendance à regarder devant nous et écrire tout le temps de nouvelles choses, ça nous paraît mieux.

Sur HCSS, votre précédent album, vous aviez déterré et utilisé de très vieilles démos…

Ouais, le dernier album c’était très « revenons en arrière et voyons ce que nous avons fait, » mais celui-ci, c’est l’opposé, c’est « regardons devant nous. » Tu vois, quand tu achètes une nouvelle veste ou un nouveau jeans, parfois tu te dis « oh bon sang, c’est super, » et parfois tu as juste envie d’enfiler ta vieille veste ou ton vieux jeans. Là nous ne voulions pas faire un bond en arrière, nous voulions faire un bond en avant.

« Dans le business, ils n’ont pas leur mot à dire ! Faut faire ce que nous disons [petits rires]. C’est comme ça que ça doit se passer, et ils le savent. Ils savent que s’ils commencent à essayer de nous contrôler, nous nous débarrassons d’eux. »

L’album s’intitule You Can’t Kill My Rock N’ Roll. Votre premier album qui est sorti il y a vingt ans s’appelle It’s Only Rock N’ Roll. Ce nouvel album pourrait-il être une réponse à ce premier album ?

Ce n’était pas prévu comme ça, c’était plus prévu comme… Dans le climat musical actuel, les gens disent que le rock est mort : ce n’est pas du tout l’impression que nous en avons ! Nous trouvons qu’il y a plein de bonnes choses qui sortent en ce moment dans la scène rock. Et à la fois, quand on se rend à tous ces super festivals, comme le Wacken Open Air ou le Hellfest que vous avez ici, et le Download, nous trouvons que le rock est vraiment vivant. Peut-être qu’il y a des magazines et des maisons de disques qui galèrent en ce moment, mais je pense que ce n’est qu’une passade, ça reviendra. Ça a toujours été comme ça. C’est comme lorsque le punk est arrivé, ça a presque tué le rock et le hard rock du jour au lendemain, mais c’est revenu plus fort que jamais ! Donc c’est une déclaration sur notre ténacité et longévité. On peut dire ce qu’on veut mais on ne peut pas nous enlever le fait que nous vivons pour ça, et nous respirons le rock n’ roll après vingt ans. Ça fait désormais partie de notre ADN [petits rires].

Qu’est-ce que le rock n’ roll pour toi ?

C’est un style de vie, vraiment. C’est quelque chose avec lequel on ne se soucie pas trop d’être… On est fidèle à soi-même. C’est presque comme être un enfant. Le rock n’ roll c’est pour beaucoup être comme un enfant, on est fidèle à ses principes, on n’est pas obligé de faire tout un tas de chose parce qu’on est adulte. Il y a des choses qu’on doit faire, on doit être responsables, etc. mais sérieusement, on n’est pas obligé de faire plein de choses pour que les choses soient comme il faut. Il faut être relax et écouter du rock n’ roll, et tout ira bien [rires]. Ce n’est pas nécessaire que tout soit tout le temps sérieux. Il faut vivre un peu.

Au niveau visuel, avec cet album, vous utilisez les codes de la religion : est-ce que le rock n’ roll est une religion pour toi ?

C’est une religion saine, je dois dire, parce qu’on ne part pas en guerre en son nom. Au lieu de ça, nous nous amusons. Si on veut appeler ça une religion, alors c’est une religion pleine d’amour, ce n’est pas rempli de haine ou quoi. Je trouve que la religion peut créer beaucoup de tension et parfois, on n’a simplement pas besoin de cette tension. C’est genre : pourquoi ne pas être différent ? On est tous différents ! Pourquoi ne pas apprécier que les gens soient si différents ? Donc le rock n’ roll, c’est juste : amusez-vous, faites ce que vous voulez et soyez sympas avec vos frangins et frangines.

Quels seraient les dix commandements du rock n’ roll ?

Je te donnerais un commandement : rester hard ! [Rires] C’est tout ce dont on a besoin !

Dans l’album précédent vous aviez inclus un vaste éventail d’influences, comme des influences des années 70 et même reggae. Cette fois, vous semblez revenir à un son plus traditionnel. Avez-vous ressenti un besoin de vous refocaliser sur le rock n’ roll ? As-tu le sentiment que vous avez trop dévié sur vos albums passés ?

Ce n’est pas du tout quelque chose que nous pouvons contrôler. Ce n’est pas quelque chose pour lequel nous nous sommes assis pour le planifier, ou même en discuter. Ça c’est juste fait. Tu suis la direction que prennent toutes les bonnes idées. C’est très dur de conserver la même atmosphère au fil des albums, c’est très dur de rester cohérent. Si tu as fait un album et que tu l’as sorti, tu as épuisé toutes les idées dans cet album et tu n’as plus d’idées qui soient dans l’esprit de ce type d’album. Ça peut donc être très rafraichissant de commencer sur un nouvel album et avec ça vient l’inspiration, et cette inspiration, généralement, est autre chose. Si tu suis ton chemin créatif et ton cœur, tu peux écrire de très bonnes chansons, je pense. Et nous n’avons pas envie d’être pris dans une spirale. Nous n’avons pas envie de nous limiter à écrire le même album encore et encore. Nous voulons juste suivre notre cœur. Alors le style sera un peu différent d’album en album, parce que si tu suis ton cœur, ce ne sera jamais pareil, en tout cas pas avec nous. C’était donc une réaction contre l’album précédent, presque. C’est presque comme une rébellion : « rebellons-nous contre le dernier album que nous avons fait ! » [Petits rires] On ne veut pas se répéter, on veut rester créatif. C’est très important pour nous.

Jocke a déclaré que les « gens étaient mitigés avec » votre album précédent, HCSS. Comment avez-vous pris ces réactions ? Etiez-vous déçus que les gens n’aient pas forcément compris cet album ?

Non. Ils ont encore le droit de penser ce qu’ils veulent. Ça fait vingt ans que nous sommes un groupe, à sortir des albums. Quand on sort des albums et qu’ils ne sonnent pas exactement pareil, il y aura forcément des réactions. Quand on sort un nouvel album, certaines personnes espèrent pouvoir écouter le premier album indéfiniment, et certaines personnes espèrent pouvoir entendre l’album sans titre indéfiniment, et certaines personnes… Ils ont tous leurs albums favoris et quand ça ne sonne pas comme leur album favori, ils sont contrariés. Mais c’est comme ça. Et ça a toujours été ainsi. Prend Led Zeppelin, par exemple, ils ont fait les premier et second albums, et ils étaient très différents l’un de l’autre, et ensuite le troisième album, c’est presque un album folk d’auteur-compositeur. C’est très différent. Et puis, ils ont sorti le quatrième. Led Zeppelin est un groupe vraiment cool parce qu’ils ont essayer plein de styles et ça sonnait toujours comme Led Zeppelin. « Fool In The Rain », c’est presque un rythme reggae ! Ou bien comme une chanson de calypso. C’est fantastique mais ça sonne vraiment comme John Bonham, Robert Plant, John Paul Jones et Jimmy Page. Je pense que nos fans commencent à s’y habituer, mais un petit pourcentage de gens sera toujours déçu quand on sort un album, et je suis sûr qu’en leur temps, quand Queen ou Led Zeppelin sortaient des albums, il y avait aussi plein de fans furieux. Mais au bout d’un moment, les gens ont tendance à comprendre ce qu’on a fait. Il faut juste donner du temps à l’album et vous comprendrez.

« Certains groupes oublient pourquoi ils jouent de la musique. […] C’est presque comme s’ils étaient en pilote automatique, comme si on devait juste écrire une chanson qui sonne cool mais n’a aucun sens, ça ne divertit pas, ça n’effraie pas, ça ne fait rien du tout et c’est quand on en arrive là qu’il faut commencer à se poser des questions. »

Essayer de faire un autre album juste pour les fans, déjà ce n’est pas la bonne démarche, mais c’est aussi dur à faire. Nous ne serions pas fidèles à nous-même. Nous avons toujours fait ce que nous voulions faire, donc nous avons toujours été assez contents de ce que nous faisions. C’est une chose que j’adore avec Hardcore Superstar : personne ne peut nous dire quoi faire, nous décidons quoi faire. Si nous nous sentons de faire un album hard agressif, nous le ferons. Si nous nous sentons de faire un album pour faire la fête, nous le ferons. C’est un sentiment merveilleux que de pouvoir faire ce qu’on veut. Et pour être honnête avec toi, il y a plein de groupes, mais il n’y en a pas beaucoup qui existent depuis vingt ans. Si tu fais sans arrêt le même album, il y a peu de chances que tu parviennes à tenir vingt ans.

Est-ce que ça vous a déjà joué des tours, est-ce que vous êtes tombés sur des obstacles à cause de ça ?

Ouais, parfois ça nous a amené des problèmes, ça a énervé des gens et tout. Mais ce qu’il y a de bien, c’est que les vrais fans, ceux qui nous suivent, savent comment est le groupe et apprécient le changement. D’ailleurs, ils s’attendent à du changement, genre « oh, qu’est-ce qui va arriver ensuite ? » Et dans le business, ils n’ont pas leur mot à dire ! Faut faire ce que nous disons [petits rires]. C’est comme ça que ça doit se passer, et ils le savent. Ils savent que s’ils commencent à essayer de nous contrôler, nous nous débarrassons d’eux. Il y a de nombreuses années, nous étions sur un autre label, et nous avons commencé à composer pour notre album sans titre, le Black Album. Nous avons envoyé à la maison de disques les démos des chansons qui allaient devenir cet album, et ils nous ont dit : « C’est quoi ça ?! » « Ce sont les nouvelles chansons pour l’album ! » « Ouais, mais c’est de la merde ! Ce n’est pas bon du tout ! » Nous avons dit à la maison de disques : « On veut revenir à nos origines et faire une musique dans une veine sleaze, un peu comme ce qu’il y avait dans les années 80, comme Guns N’ Roses et tout. » Et la réponse était : « Ouais, mais ce ne sont pas les bonnes années 80 ! Il faudrait que vous sonniez plutôt comme The Hives. » Nous leur avons dit : « On adore The Hives, c’est un super groupe, de bons gars, mais on n’a pas envie de faire ce genre de choses. Ils sont supers dans ce qu’ils font mais on n’est pas The Hives. » Ils n’ont pas du tout compris. Nous avons alors demandé à la maison de disques : « D’accord, donc si on ne peut pas se mettre d’accord, est-on libres de partir ? » Et ils ont répondu : « Oui, vous pouvez partir. » Et nous avons sorti le Black Album via Gain Records, et c’est l’album qui a rencontré le plus de succès parmi tous nos albums ! Et c’était parce que nous sommes restés obstinés et nous n’avons pas écouté le business. Je dois être honnête, j’adorais cette maison de disques, j’adorais vraiment les gars de cette maison de disques, mais nous avions des avis divergents concernant le Black Album, ils n’y croyaient pas du tout. Donc nous avons décidé de quitter une très bonne maison de disques parce que nous ne parvenions pas à nous mettre d’accord avec eux, nous ne voulions pas refaire des chansons et sonner comme The Hives. Et ça nous a ramené quelques années en arrière, car ensuite nous avons du faire une sorte de pause et il nous a vraiment fallu remonter une longue pente [petits rires]. Ça prouve à quel point nous sommes têtus.

Est-ce que cette maison de disques a eu des regrets après coup ?

Je ne leur ai pas vraiment parlé après ça. Lorsque nous jouons à Londres, ils viennent à nos concerts mais nous n’en parlons jamais. Nous ne voulons pas contrarier qui que ce soit, tu sais [rires]. Mais honnêtement, tu es assis là et tu te dis : « on avait raison et toi, tu avais tellement tort ! » [Petits rires]

L’illustration avec les nonnes en train de fumer et boire est clairement provocante. Est-ce l’un des objectifs du rock n’ roll, être provocant et ébranler l’ordre établi ?

Je pense que dans la provocation il y a une grosse part de divertissement. Il ne faut pas oublier que la musique doit être divertissante. Elle peut être effrayante, elle peut être drôle, elle devrait être divertissante. Parfois on dirait que plein de groupes ont perdu de vue l’objectif, ils ne savent plus de quoi il s’agit, car au final, ceci est un show business, c’est du divertissement et nous ne sommes là que pour amuser les gens. Il ne faut pas se prendre trop au sérieux parce que nous sommes des amuseurs. Si vous voulez être pris trop au sérieux, allez faire de la politique ou quelque chose comme ça. Mais le rock n’ roll est censé être marrant, effrayant et divertissant ! Je trouve que plein de groupes aujourd’hui… Et il est clair que je ne parle pas de tout le monde, mais certains groupes oublient pourquoi ils jouent de la musique, ils oublient « pourquoi je fais ça ? Pourquoi j’écris cette chanson ? Qu’est-ce que j’ai envie d’accomplir ? » C’est presque comme s’ils étaient en pilote automatique, comme si on devait juste écrire une chanson qui sonne cool mais n’a aucun sens, ça ne divertit pas, ça n’effraie pas, ça ne fait rien du tout et c’est quand on en arrive là qu’il faut commencer à se poser des questions. Il faut savoir pourquoi on est là, pourquoi on fait ça. Je trouve que c’est important. Et si tu prends Alice Cooper comme exemple, lui savait ! Il était là : « Je veux effrayer les gens, je veux les divertir, je veux être Macbeth, je veux transposer ça dans le business de la musique. » Et ça a toujours été ça avec lui, « je veux divertir. » Et il ne s’en est jamais écarté, il a toujours été ce personnage d’Alice Cooper. Il représente grosso-modo ce que nous voulons être mais à notre façon. C’est une énorme influence ! Il a plein de bonnes chansons et il a en même temps ce côté divertissant. J’adore vraiment Alice.

« Sur la totalité d’une année, je joue de la batterie un pour cent du temps. Quatre-vingt-quinze pour cent du temps, je joue de la guitare, et le reste c’est le piano. […] Je suis plus un guitariste qu’un batteur aujourd’hui. »

J’imagine que tu n’aimes pas trop les groupes qui ont tendance à être cérébraux avec leur musique…

Ouais, mais je pense quand même que si tu te posais avec Jimmy Page, ou Freddie Mercury s’il était encore vivant, ou David Gilmour, ils te diraient : « Mais mec, c’est du divertissement ! » Ce côté mystique chez Jimmy Page, évidemment, c’est du divertissement. Le fait qu’il s’intéresse au système de pensée d’Aleister Crowley et tout ça, c’est super mais c’est de l’image, c’est du divertissement. Pareil pour Freddie Mercury : ils divertissent les gens, ils font de supers clips, ils s’habillent en drag-queens dans les clips [rires]. Et avec David Gilmour, le spectacle qu’il met en place, c’est l’un des meilleurs auxquels on puisse assister, et c’est du pur divertissement. Même The Wall est du divertissement. Et il ne faut pas prendre ça trop au sérieux, parce que c’est du divertissement. Evidemment, si tu regardes le film La Liste De Schindler, c’est un film sérieux, mais ça reste un film et c’est dans l’industrie du divertissement, et ils savent qu’ils doivent donner envie aux gens d’aller voir ce film au cinéma, alors il faut rendre ça divertissant. Ce n’est peut-être pas divertissant dans le sens où les gens sont assis là à se marrer mais ça a bien une valeur pour que les gens aillent acheter un ticket pour voir ces choses horribles. Donc, d’une certaine façon, c’est aussi du divertissement.

En parlant d’influence, il y a au moins deux références musicales qui sautent aux oreilles dans cet album : la première est « Legs » de ZZ Top dans « YCSMRNR », la seconde est « Just Can’t Get Enough » de Depeche Mode dans « Bring The House Down ». C’était voulu ?

Le truc est que cet album est vraiment écrit pour être comme la bande originale de nos vies. Nous voulons que les gens entendent d’où nous venons, et qu’ils le voient aussi via l’illustration ; l’illustration doit vous placer dans le monde où nous voulons vous emmener. Il y a beaucoup de nostalgie là-dedans. Nous aimons croire que la bonne musique nous rappelle d’autres choses. On peut être totalement unique, et c’est cool, mais j’aime assez entendre les racines, d’où viennent les groupes. Si on prend un groupe et le copie, alors on est rien d’autre qu’un copieur, mais disons qu’on prend toutes nos influences de notre enfance pour les combiner, là ce sera unique, mais on entendra quand même des fragments de « oh, j’entends Kiss ici, j’entends un peu de Metallica là, ou du Queen ici. » Ce n’est pas nouveau, quand on écoute Led Zeppelin, on peut clairement entendre d’où ils viennent, les racines blues. Et il existe énormément d’imitateurs d’AC/DC et AC/DC est probablement le meilleur groupe de rock n’ roll au monde mais tu sais quoi ? Il existe d’autres groupes géniaux qui ont besoin d’attention. Slade, par exemple, est un super groupe. Comment peut-on écrire une chanson hommage de façon à ce que les gens ouvrent les yeux sur Slade ? Comment peut-on faire ça ? Comment peut-on leur rendre hommage ? Car c’est ce que beaucoup de groupes font avec AC/DC. Ça sonne exactement comme AC/DC et j’adore mais il existe d’autres groupes qu’AC/DC qui ont besoin qu’on leur rende hommage. Et donc nous prenons tous ces groupes que nous estimons mériter de la reconnaissance.

Et donc oui, absolument, c’était conscient ! Iggy Pop, quand il a écrit la chanson « Lust For Life », il a dit : « Je veux un rythme de batterie à la Motown. » Et ils ont commencé [chante le rythme en question], avec un feeling typiquement Motown. C’est aussi exactement comme ça que nous avons travaillé sur quelques chansons. Comment peut-on faire en sorte que les gens entendent que nous étions influencés par ZZ Top ? Surtout par celui des années 80. On leur a balancé pas mal de merde pour leur musique des années 80 et, inversement, on leur a attribué beaucoup de mérite pour leur musique bluesy, mais nous, nous aimons aussi la musique qu’ils ont sorti dans les années 80, c’est très entraînant, très accrocheur, et nous voulions leur rendre hommage à notre façon. Peut-être que la référence à Depeche Mode n’était pas autant consciente, mais je peux te dire que sur la chanson éponyme, nous avons non seulement flirté avec ZZ Top, mais aussi avec Queen et Slade, et nous voulons que les gens l’entendent. Nous voulons qu’ils entendent le lien, car c’est de là que nous venons. Ces albums nous ont énormément influencés. C’est très semblable au dernier album de Turbonegro. On entend tout de suite d’où ils viennent et j’adore ça ! C’est probablement l’album de l’année pour faire la fête. J’adore vraiment le dernier album de Turbonegro parce que je peux entendre avec quoi ils ont grandi, j’ai grandi avec les même choses et c’est génial ! Et j’entends quand ils font du AC/DC [chante le refrain de la chanson « RockNRoll Machine »] : « Rock and roll machine, Oï ! » Et je peux entendre l’influence de Van Halen…

Et The Who sur « Hot For Nietzsche » !

Oh ouais! [Petits rires] C’est juste super. Je peux vraiment m’identifier à ces mecs !

Vous voulez montrer d’où vous venez et rendre hommage à vos influences, mais d’un autre côté, vous avez rarement fait des reprises !

Ouais. Le truc est que nous avons enregistré plein de reprises mais nous avons le sentiment que… Je ne sais pas si nous sommes amoureux de nous-mêmes ou… [Rires] A chaque fois que nous enregistrons une reprise ou que nous en parlons, nous finissons par dire : « Nan, mettons la reprise de côté et sortons ce qu’on a à la place ! » Mais je pense que c’est peut-être le moment de faire un album avec que des reprises, car nous en avons. Une des dernières reprises que nous avons faites – le chant n’est pas encore vraiment enregistré – est une reprise de Foreigner, et c’était hier ! C’est peut-être très inattendu mais nous sommes de grands fans de Foreigner . Nous adorons ces trucs : Boston, Foreigner, Journey… Qui sait ? Nous pourrions sortir un album de power ballades uniquement avec des reprises ! [Rires]

« J’adore la musique commerciale ! […] Je n’ai jamais vraiment compris les gars qui disent : ‘On ne veut pas être des vendus… Si on fait un album de tubes, c’est qu’on est un vendu…’ J’emmerde ça ! Si Metallica n’avait pas suivi cette voie, ils n’auraient pas été cet énorme groupe dans les années 90, et ils sont toujours là grâce à tous ces tubes. »

Vous avez à nouveau autoproduit l’album et avez ensuite donné le mix à Dino Medanhodzic. On dirait qu’avec chaque album vous changez de mixeur : c’est fait exprès ? Je veux dire, avez-vous besoin de tester différents regards sur votre musique ou bien n’avez-vous jamais été complètement satisfaits du mix ?

Nous sortons toujours un produit contents et satisfaits. Ce qui est bien avec la musique est qu’on s’inspire les uns les autres. J’ai beaucoup apprécié faire le dernier album avec Joe Barresi, c’est un de mes héros en raison de son histoire, de tous les superbes albums qu’il a fait avec Monster Magnet, Kyuss et Queens Of The Stone Age. Pareil avec Randy Staub, son histoire avec Mötley Crüe et Metallica, ça ne se discute pas. Mais à la fois, faire intervenir de nouvelles personnes, c’est comme aller à un rendez-vous à l’aveugle, c’est très excitant, on ne sait pas vraiment ce qu’on va obtenir ; nous aimons assez faire des paris. Je sais qu’il y a des groupes qui se contentent de se répéter, mais nous, nous avons sérieusement peur de nous répéter. Comme je disais, je pense que c’est pour ça que nous existons depuis vingt ans maintenant ; j’aime croire que nous ne nous sommes jamais répétés.

Plus tôt tu disais que vous avez passé beaucoup de temps à mixer l’album parce que vous vouliez que ça sonne exactement comme vous l’imaginiez. Quelle était votre idée en termes de son ?

C’est très proche de ce que tu peux entendre. C’est très, très dur de faire un album qui sonne moderne tout en faisant en sorte que ça sonne comme nous le voulons. Si tu regardes tous les grands groupes… Prend Queen, par exemple, à chaque fois qu’ils ont sorti un album, ça sonnait très à la pointe de la technologie, ils étaient vraiment en avance sur leur temps. Si tu écoutes The Miracle aujourd’hui, tu peux te rendre compte que ça vient des années 80, et si tu écoutes les albums des années 70, tu peux te rendre contre que ça vient des années 70, et donc nous ne voulions pas faire un produit qui sonnerait comme… Nous voulions que ça sonne vraiment comme 2018, même si plein de musiques aujourd’hui ne sonnent pas si bien que ça, donc nous avons pris beaucoup de temps pour combiner ce qui est sympa aujourd’hui et notre feeling personnel en termes de son. Si ça ne sonnait que comme 2018, nous sonnerions comme n’importe qui d’autre. Nous voulons sortir du lot. Il faut de la personnalité dans le son et ça, ça a pris du temps.

Le bassiste Martin Sandvik et toi êtes les principaux compositeurs dans le groupe. Martin nous a dit par le passé que si tu écris « un riff, ce n’est pas fait de la même manière qu’un guitariste le jouerait […] parce que ce n’est pas ton instrument principal. » Es-tu d’accord ? Comment abordes-tu la composition et les riffs en étant batteur ?

Lorsque je pars à la chasse aux vinyles, quand je cherche un album, je cherche toujours quelque chose avec des riffs. J’ai toujours été du genre à adorer les riffs de guitare et je trouve qu’il faudrait qu’il y ait plus d’albums avec des riffs de guitare. Je suis amoureux du monde des riffs de guitare. C’est pour ça ! C’est de là que je viens, un pur amour pour les riffs de guitare. On ne peut pas refuser un super riff de guitare, c’est ce qu’il y a de mieux ! Ceci étant dit, j’ai en fait écrit beaucoup chansons sur cet album au piano. Ce qu’il y a de génial avec le piano est qu’on peut se poser et vraiment colorer les accords, et tu as tous les accords en face de toi de manière très évidente. « Oh, je peux voir que c’est un Do majeur 7. Je peux voir que le Si dièse est… Oh, je devrais jouer un Si, et alors ça deviens un Do majeur 7. » C’est très facile au piano. Quand nous avons composé « Electric Rider », j’ai écrit le riff à la guitare mais le refrain je l’ai écrit au piano. Quand j’écoute cette chanson, maintenant je comprends pourquoi, parce que sur le refrain je peux entendre toutes ces harmonies à deux voix au chant. C’est parce que je l’ai fait assis devant le piano, je voyais les accords que je jouais, et je pouvais voir la qualité des accords sur le piano, et je pouvais voir que l’auriculaire allait être la partie de Jocke, le pouce celle de Martin et l’index celle de mon harmonie. C’est tellement simple ! Et voilà comment on aboutit à « Electric Rider ». Et pour une certaine raison, c’est assez dur à faire à la guitare. A la fois, c’est très dur d’écrire un riff de guitare hard, un peu metal, qui déboite au piano. C’est quasi-impossible, donc il faut le faire à la guitare. Mais sérieusement, il se peut que je joue de la batterie… si je joue d’un instrument, sur la totalité d’une année, je joue de la batterie un pour cent du temps. Quatre-vingt-quinze pour cent du temps, je joue de la guitare, et le reste c’est le piano. Je ne touche presque jamais la batterie quand je suis chez moi. Quand je me rends à mon studio, je prends toujours une guitare, c’est le premier truc que je fais. J’ai probablement plus joué de guitare dans ma vie que je me suis entraîné à la batterie, car je compose toujours à la guitare. Je suis plus un guitariste qu’un batteur aujourd’hui.

Alors pourquoi es-tu devenu batteur plutôt que guitariste ?

Très bonne question [rires]. Et je crois que c’est la première fois en vingt ans qu’on me pose ce type de question. Tu sais quoi ? Je n’y ai jamais réfléchi. Je ne sais pas ! Peut-être… Mon premier concert était en 1984, j’avais dix-huit ans, je suis allé voir Kiss avec mon frère et mon père. C’était la tournée Animalize. Bon Jovi ouvrait pour Kiss [petits rires]. Après ce concert, j’ai voulu devenir un batteur. C’était Eric Carr qui était à la batterie. Ca paraissait être tellement génial d’être batteur, avec cette grosse batterie. Quand j’étais jeune, c’était vraiment ce que je voulais faire et c’est ce que j’aimais regarder. Un kit de batterie peut être très beau à voir. Je suis donc tombé amoureux de la batterie, en gros.

« Je me souviens très clairement qu’une fois mon technicien batterie m’a dit : […] ‘Vous allez beaucoup boire maintenant sur cette tournée et peut-être sur la prochaine, mais ensuite vous allez grandir, car vous ne pourrez pas vraiment continuer comme ça.’ [Petits rires]. Après vingt ans, je me demande toujours quand nous allons arrêter de faire la fête [rires]. »

D’un autre côté, je ne sais pas si tu es responsable de cette chanson, mais « Medicine Man » est une chanson très rythmique, surtout le break, donc ça sonne un peu comme si ça avait été composé par un batteur…

[Rires] Ouais, c’est moi qui l’ai écrite. Cette chanson était un peu une erreur au départ. Ça a commencé quand je m’amusais sur la guitare slide. Je suis vraiment nul quand il s’agit de jouer de la guitare slide, or c’est quelque chose que j’ai toujours voulu apprendre à faire. Donc j’étais assis-là à essayer. J’avais la bonne guitare, le bon son, et j’ai trouvé cette espèce de mélodie qui sonne comme une guitare slide presque à la « Jesus Built My Hotrod » de Ministry. Un truc façon hillbilly. Nous nous sommes assis et avons bien rigolé quand nous l’avons écrite. Je l’ai enregistrée, j’ai joué de la batterie dessus, et voilà ! Très souvent, les meilleures chansons ou de nombreuses idées viennent quand on fait l’idiot et s’amuse, quand on ne cherche pas à être sérieux. Quand on essaye de déconner avec quelque chose… Par exemple, pour « ADHD » : « Essayons de jouer une sorte de rythme black ou death metal, presque un blast beat. Faisons ça et puis un refrain un peu comme dans une église ou une cathédrale, mais en conservant la patte Sleaze. Déconnons avec ce concept pendant un moment. » De ça est sorti « ADHD ». C’est presque comme si on prenait du punk, une batterie black metal et des chœurs d’église, et on en fait une chanson.

Penses-tu avoir une vision plus globale d’une chanson du fait de ta position un peu centrale en tant que batteur ?

Certains ingénieurs et mixeurs disent que, très souvent, le batteur est celui, dans le groupe, qui a les meilleures oreilles. Et très souvent, les batteurs font les meilleurs producteurs. Je pense que ça à avoir avec le fait que nous ne jouons pas vraiment d’un instrument – la batterie est un instrument mais je parle plus en termes de tonalité – donc nous devons avoir des oreilles affutées et grandes ouvertes, nous devons être assis-là, jouer de la batterie et écouter très attentivement quand nous jouons. Les batteurs ont l’habitude d’être assis derrière un kit et écouter. Ils doivent écouter les instruments et les accompagner. Ils développement une très bonne oreille ; ils peuvent vraiment identifier les mélodies et ce genre de chose parce qu’ils sont obligés de mémoriser les mélodies et les entendre dans leur tête, alors que si tu es guitariste, tu peux, rien que par la technique, simplement les jouer avec tes doigts, et tu n’es pas obligé de vraiment apprendre les mélodies… Je ne sais pas s’il y a une vérité là-dedans mais je sais que souvent, les batteurs – comme par exemple Vinnie Paul ou Dave Grohl – ont tendance à avoir une bonne oreille. Je pense que c’est pour cette raison que plein de batteurs deviennent de bons compositeurs et producteurs. Et de nombreux mixeurs sont de très bons batteurs au départ, et ils savent comment jouer une bonne partie de batterie.

Es-tu influencé par d’autres batteurs qui sont aussi connus pour leur talent de composition ?

Pas vraiment. J’aime beaucoup Genesis et Phil Collins, c’est un compositeur et un batteur fantastique, il est incroyable à la batterie. Il est probablement responsable des plus grands tubes des années 80 et c’est un batteur ! Et un super compositeur. Il a été beaucoup critiqué après avoir écrit toutes ces super chansons. Pourquoi il a été si critiqué ? Parce que justement c’était super ! J’adore Genesis et tous ces trucs, c’est putain de génial.

Tu viens de dire que Phil Collins « a été beaucoup critiqué après avoir écrit toutes ces supers chansons, » ainsi que ZZ Top « pour leur musique des années 80. » Penses-tu que faire des tubes est perçu, à tort, comme être un vendu dans le monde du rock ?

Oh ouais ! Quand ils entendent qu’un groupe fait des tubes, certaines personnes ont tendance à penser que ce n’est pas assez cool, c’est devenu quelque chose qui « n’est pas bien », pour je ne sais quelle raison. Lorsque j’en parle parfois avec d’autres gens, je dis toujours que j’adore la musique commerciale ! J’aime le rock commercial. Mais souvenez-vous : Dark Side Of The Moon de Pink Floyd, c’est un album commercial parce qu’ils ont vendu une tétrachiée d’exemplaires ; c’est bien que c’est commercial, non ? Prenons Appetite For Destruction de Guns N’ Roses, c’est du rock commercial. Je n’ai jamais vraiment compris les gars qui disent : « On ne veut pas être des vendus… Si on fait un album de tubes, c’est qu’on est un vendu… » J’emmerde ça ! Si Metallica n’avait pas suivi cette voie, ils n’auraient pas été cet énorme groupe dans les années 90, et ils sont toujours là grâce à tous ces tubes. C’est très important d’écrire des tubes si on veut faire carrière dans ce business. On peut aussi écrire des chansons différentes ou difficiles et tout, c’est cool, mais tous les grands groupes… Si tu prends Muse, par exemple, ils font de la musique merveilleuse, et sur chaque album ils font quelques chansons, comme « Starlight » et « Uprising », qui sont faites pour être des tubes, et c’est ce qu’elles sont. Il n’y a rien de mal à ça. J’adore ces chansons ! J’adore le rock commercial, et le rock commercial, pour moi, peut-être tout de Frank Zappa à Depeche Mode. Je n’ai pas envie d’être un groupe qui ne fait que jouer dans un sous-sol.

Comme je l’ai précisé plus tôt, la sortie de You Can’t Kill My Rock N’Roll coïncide avec les vingt ans de votre premier album It’s Only Rock N’ Roll. Même si tu avais rejoint le groupe un tout petit peu après, qu’est-ce que tu penses de cet album avec le recul ?

C’est comme si c’était hier ! Mais je peux aussi vraiment entendre le progrès, le groupe se construire. Ça peut paraître ennuyeux, mais je pense que nous avons évolué pour devenir un groupe mature et intéressant. J’aime le penser, car nous ne faisons pas sans arrêt la même chose, et je peux vraiment entendre à quel point nous nous sommes développés, et j’aime assez ça. Je peux nous entendre grandir au fil des albums. Mais sérieusement, on dirait que c’était il y a cinq ans, pas vingt ans !

De quoi te souviens-tu sur le groupe lors des premières années ?

[Rires] Nous tournions constamment. Il me semble que quelqu’un nous a dit que nous étions le groupe qui tournait le plus en Suède durant ces année-là, en 2000 et 2001. Ces deux premières années était juste dingues ! J’ai partagé un appartement avec Martin et je crois que nous y avons été seulement trois jours sur cent-quatre-vingt-dix ! Nous n’étions jamais chez nous ! [Petits rires] Nous étions toujours, toujours en train de boire de l’alcool et jouer du rock n’ roll. Nous nous éclations tellement [rires]. Je me souviens très clairement qu’une fois mon technicien batterie m’a dit : « Hey, les gars, vous buvez beaucoup ! Tu t’en rends compte, n’est-ce pas ? » « Ouais, je m’en rends compte. » « Vous allez beaucoup boire maintenant sur cette tournée et peut-être sur la prochaine, mais ensuite vous allez grandir, car vous ne pourrez pas vraiment continuer comme ça. » [Petits rires]. Après vingt ans, je me demande toujours quand nous allons arrêter de faire la fête [rires]. Nous aimons être bien préparés, répéter et passer beaucoup de temps en studio, mais quand nous avons fait nos devoirs et partons en tournée, nous aimons boire un coup ou deux. Nous passons de bons moments, nous aimons parler avec les gens qui viennent au concert. Nous voulons juste nous amuser pendant les tournées.

« C’est bien plus important de faire l’album que tu veux faire. Ce qui n’empêche pas que j’aime la musique commerciale, mais je n’ai pas envie de compromettre la direction que veux me faire prendre ma créativité. »

Comment êtes-vous parvenus à accomplir quoi que ce soit en ayant autant fait la fête ?

Pour être honnête avec toi, les deux premières années, je crois que nous avons pas mal dépassé les bornes, car on ne pense pas que ça durera plus d’un été ou peut-être deux. Donc peut-être étions-nous des enfants gâtés les deux premières années. Je ne peux pas vraiment dire, il faudrait demander aux gens qui nous entouraient [petits rires]. Mais ensuite, tu réalises que tu peux boire tout en restant un gentleman [rires], et tu peux t’amuser à faire de la musique et apprendre à boire juste ce qu’il faut, pas trop. Beaucoup de gens dans ce business ne savent pas s’arrêter, ils continuent à boire quand ils rentrent chez eux après une tournée, ils ne s’arrêtent jamais ! Et il faut apprendre à s’arrêter si on veut pouvoir faire ça. Je me souviens, j’ai cru que j’étais devenu allergique ou je ne sais quoi, et c’était après deux ans à constamment faire la fête et tourner. A l’époque, je sortais avec une fille et nous avions décidé d’aller au cinéma. Pendant que je m’asseyais dans le cinéma, j’ai eu comme l’impression de mourir. J’ai commencé à suer comme un dingue et je me sentais pris de vertige, comme si j’allais vomir, bien que je n’avais pas bu d’alcool depuis plusieurs jours. En quelques secondes, mon t-shirt était trempé de sueur. Je me suis excusé… J’avais l’impression de suffoquer, comme si je mourrais. Et ça m’a un peu suivi pendant quelques années après avoir constamment fait la fête, sans jamais faire de pause, sans dormir et toujours sur la route. Donc je crois que j’ai eu une crise d’angoisse ou quelque chose comme ça. Nous avons tous dû appuyer sur la pédale de frein. C’est dangereux ! Et tu n’as pas envie de vivre éternellement comme ça. C’est pourquoi il faut vraiment faire très attention à ne pas se consumer. Sur la route, ça va de prendre quelques bières, mais quand tu rentres à la maison, tu dois prendre quelques semaines de repos, au moins, et te prouver à toi-même que tu peux également apprécier la vie ainsi. C’est un équilibre très important.

Il y a vingt ans, t’imaginais-tu que le groupe serait toujours là aujourd’hui ou bien pensais-tu carrément que vous en seriez plus loin, à jouer dans des stades, par exemple ?

Non, pas du tout, aucune chance. J’étais certain que Hardcore Superstar allait être une idylle d’été. Quand Thomas [Silver] était dans le groupe, nous étions tous des amis d’enfance, nous avons grandi ensemble, mais nous pensions que ceci était notre truc pour le moment et peut-être l’été suivant, mais que tout serait fini d’ici au troisième été parce que nous allions faire partie du passé, car dans ce business de la musique, tu crois que les jeunes sont ceux qui réussissent, et puis tu réalises que ce n’est pas le cas. Mais je ne me serais même jamais imaginé en train de jouer de la musique vingt ans plus tard.

Comment expliques-tu que vous ne jouez pas dans des stades aujourd’hui ?

Je pense que ça a beaucoup à voir avec notre obstination. Et nous ne sommes pas constants. Chaque fois que nous sortons un album, nous fâchons beaucoup de monde [rires], car ça ne sonne pas comme l’album précédent. Les gens nous disent : « Vous devriez sonner comme ci, vous devriez sonner comme ça. » Et puis tu fais l’opposé, plus ou moins. Pour être honnête avec toi, je n’ai jamais vraiment été dans le côté « vendons plein d’albums. » C’est bien plus important de faire l’album que tu veux faire. Ce qui n’empêche pas que j’aime la musique commerciale, mais je n’ai pas envie de compromettre la direction que veux me faire prendre ma créativité. Si nous ne voulons pas faire quelque chose, nous ne le ferons pas, même si nous savons que c’est la bonne chose à faire. Si nous n’avons pas d’idée ou nous ne nous sentons pas créatifs en prenant une certaine direction, nous ne la prendrons pas. Nous ne nous sommes jamais trop souciés de ce type de succès.

Quel est l’album d’Hardcore Superstar dont tu es le plus fier ?

Le dernier. Toujours le dernier. Je pense que tous ceux qui sortent des albums seraient d’accord là-dessus. La raison pour laquelle on fait album après album est parce qu’on a quelque chose en plus à offrir, il y a quelque chose qu’on veut jouer aux gens. Tant que tu as quelque chose à dire, ce sera toujours le dernier : « C’est ça que je veux dire maintenant. Oubliez le passé. » C’est presque comme avec les fringues. J’ai peut-être aimé telle veste il y a dix ans mais aujourd’hui je porte cette veste et j’ai envie que vous la regardiez [petits rires]. C’est très simple. Le dernier album est toujours le meilleur album.

Quel est le sens de la dernière chanson de l’album « Goodbye » ? Vous n’avez pas peur que ça puisse être interprété par les fans comme un au-revoir à leur intention, comme si le groupe arrêtait ?

Eh bien, on ne sait jamais ! L’avenir dira ce qu’il adviendra… Rappelle-moi dans un an et je verrais quelle est la réponse. Je ne sais pas [rires]. C’est une question que j’aimerais laisser sans réponse, car je ne peux pas vraiment te dire pour l’instant. Le futur est toujours un peu effrayant et la chanson vient un peu de là, le fait d’avoir peur du futur. C’est genre, qu’est-ce qu’il va se passer après ? Et je pense que l’on a tous ces pensées en tête. Même si on ne fait pas de musique, on se demande ce qu’il va se passer demain, et cette chose parle en grande partie de ça. Ca fait vingt ans que nous faisons ça, et peut-être que ce sera fini l’année prochaine. Je n’en suis pas sûr, pour être honnête ! Ça peut être interprété de différentes façons, mais aussi nous avons vu ça comme la chanson de clôture du set live, et c’est pour ça que nous l’avons écrite.

Interview réalisée par téléphone les 4 & 19 septembre 2018 par Nicolas Gricourt.
Transcription : Nicolas Gricourt & Nathalie Holic.
Traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Hardcore Superstar : www.hardcoresuperstar.com

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