Il y a eu comme une faille temporelle chez Hardcore Superstar avec son nouvel album Abrakadabra : retour du producteur Johan Reivén, une approche très instinctive des compositions, une sortie sur le label Gain, une pochette dépeignant l’étoile tenue par une main… Les références à l’album sans titre de 2005 sont légion. Et c’est tant mieux parce que celui qu’on surnomme le « black album » reste le classique du groupe pour beaucoup de fans.
Pour autant, Hardcore Superstar n’a pas cherché la copie conforme. A l’image de cette pochette, justement, plus « monstrueuse », Abrakadabra a sa propre identité. Le son est plus brut, le groupe ayant souhaité présenter son rock n’ roll au naturel. A l’image du batteur Adde, l’un des principaux compositeurs, qui ne cherche pas à faire semblant, ni derrière sa batterie, ni dans la vie de tous les jours. La rock n’ roll attitude, en somme. C’est d’ailleurs avec lui que nous avons une nouvelle fois échangé pour qu’il nous présente son nouveau méfait et la « magie » qui a opéré, tout en prenant le temps de quelques détours…
« Si nous avions commencé à écouter la maison de disques, je ne pense pas que le groupe existerait encore aujourd’hui. Nous aurions probablement eu marre de l’industrie musicale il y a déjà dix ans. […] Quand on écoute ce que les gens extérieurs disent, ça devient un jeu de dupes. Tu ne fais qu’errer, perdu, et tu ne sais pas où aller. Il faut être un peu égoïste, têtu et croire en soi. »
Radio Metal : You Can’t Kill My Rock N’ Roll a eu un beau succès auprès des fans du groupe. Selon toi, qu’est-ce qui a fait la différence par rapport à un album comme HCSS qui, lui, a eu des retours assez partagés ?
Magnus « Adde » Andreasson (batterie) : Je ne sais pas du tout. Le truc, c’est que lorsque je compose de la musique, je me pose et j’écris ce qui me plaît. Parfois les gens aiment et parfois ils n’aiment pas. Je ne le contrôle pas. C’est pareil avec le nouvel album, Abrakadabra, je ne sais pas comment les gens vont réagir. Je peux seulement être mon propre juge : est-ce que j’aime la musique ? Est-ce que le groupe aime la musique ? Mais c’est très dur de savoir si quelqu’un d’autre va aimer.
Il y a eu un certain enthousiasme autour de ce dernier album et vous avez tout de suite commencé à écrire pour le suivant pendant la tournée. Dirais-tu qu’Abrakadabra est la conséquence directe de You Can’t Kill My Rock N’ Roll ?
En fait, pas vraiment, pour être honnête. D’une certaine façon, avec Abrakadabra je voulais revenir en arrière. Quand nous avons composé You Can’t Kill My Rock N’ Roll, j’ai voulu explorer de nouvelles façons d’écrire de la musique, alors qu’avec Abrakadabra, je voulais suivre mon instinct. Je ne voulais pas essayer d’ouvrir de nouvelles portes, je voulais juste faire du simple rock n’ roll, en essayant de miser sur l’impact, sans essayer de réinventer la roue, ni trop réfléchir. Parfois j’ai tendance à aller trop loin quand je compose des chansons. Vic [Zino] m’a dit : « Adde, fais-toi confiance. Si tu aimes, nous aimerons aussi. Tu n’es pas obligé de réinventer la roue. Fais juste ce qui te paraît bien. »
Est-ce que ça veut dire que tu te mets trop la pression quand tu composes des chansons ?
D’une certaine façon, oui, car j’ai toujours envie d’essayer quelque chose de nouveau. Tu enregistres un album et quand vient le moment d’en faire un autre, c’est presque une réaction, tu n’as pas envie que le nouvel album soit comme l’ancien, tu veux essayer autre chose, être frais. AC/DC est mon groupe préféré, mais je n’ai pas envie d’être AC/DC, car AC/DC sonne comme AC/DC album après album. J’ai envie d’être inventif, comme Queen. J’ai envie d’essayer de nouveaux trucs et d’explorer, et ce peut être une voie très périlleuse, parce que les gens peuvent penser que tu es fou, genre : « Qu’est-ce que vous faites, les gars ? Vous vous êtes complètement perdus maintenant ! » Alors que ce que fait AC/DC, c’est relativement sûr, ils font tout le temps la même chose. J’adore ça, mais je ne veux pas jouer dans un groupe comme ça. Sauf que cette fois, je ne voulais pas trop réfléchir et c’est parce que Vic me disait : « Ne suranalyse pas. Si ça te semble bien, c’est que c’est bien. »
L’artwork d’Abrakadabra est un clin d’œil au black album de 2005 et vous avez aussi pris la décision de retravailler avec le producteur Johan Reivén. Le black album étant un album très spécial pour Hardcore Superstar, avez-vous consciemment cherché à raviver cette flamme avec Abrakadabra ?
C’est en effet un clin d’œil. Nous voulions vraiment que les gens aient l’impression que cet album, Abrakadabra, est le successeur du black album. Car je peux te dire honnêtement que, tout comme ce nouvel album, le black album était cent pour cent naturel pour nous. Cet album s’est fait très naturellement, nous ne nous sommes pas forcés à réfléchir non plus. Nous avons agi normalement ; nous avons composé ce qui nous plaisait. Pareil pour le producteur Johan Reivén : il est exactement comme moi en ce qui concerne la musique, il aime les mêmes groupes et les mêmes batteurs. Nous avons plus ou moins la même personnalité et quand nous travaillons avec lui, c’est comme s’il était le cinquième membre du groupe, et c’est très facile, car je ne suis pas obligé de superviser ce qu’il fait, je peux lui faire confiance. Il est à fond dans ce que nous faisons. C’est une personnalité forte et un super producteur. Il y a donc un côté magique quand nous travaillons avec lui. C’est incroyable que nous n’ayons pas travaillé ensemble depuis le black album. Nous faisons de la moto ensemble. Nous avons un genre de gang constitué uniquement de musiciens, avec par exemple le guitariste d’At The Gates. Johan et moi faisons partie de ce club de moto et nous avons commencé à rouler avec ce club. Pendant une pause-café, j’étais en train de discuter avec Johan, je lui ai dit : « Ce serait sympa de retravailler ensemble, et pas faire juste de la moto. » Il était là : « Ouais, faisons encore un putain de grand album ! Réécoutons Creatures Of The Night de Kiss et faisons un putain d’album heavy ! » Nous étions assis là, à boire du café, à nous amuser avec ça et à rire. Il était là : « Tu dois jouer plus comme Cozy Powell sur cet album et être super heavy ! Tu vas toujours trop vite, il faut qu’on fasse un album heavy ! » Et nous avons commencé comme ça, autour d’un café, en conduisant nos motos et en nous amusant.
« Il n’y a qu’une seule personne sur cette planète qui peut produire un album d’Hardcore Superstar, et il s’agit de Johan Reivén. Je serais très méfiant même si je travaillais avec un gars comme Bob Rock. J’adore Bob Rock, soit dit en passant, mais j’ai peur qu’il ne comprenne pas. »
Tu as justement déclaré qu’Abrakadabra te donnait l’impression d’être l’album que vous auriez dû faire après le black album. Est-ce que ça veut dire que tu regrettes d’avoir fait Dreamin’ In A Casket, qui était plus agressif, après ça ? Penses-tu que vous auriez dû capitaliser un peu plus sur ce que vous aviez fait avec le black album ?
Non. J’adore absolument Dreamin’ In A Casket. Cet album était aussi très amusant à composer. Beg For It également. J’ai adoré écrire des chansons pour cet album et tout le processus. Nous avons travaillé très dur pour le black album, le red album – Dreamin’ In A Casket – et Beg For It. Nous avons beaucoup répété pour ces albums. Pareil pour Split Your Lip : nous avons répété sept semaines, de dix à dix-sept heures tous les jours, en ne nous arrêtant que pour prendre un café, déjeuner et boire de la bière. C’était beaucoup de boulot. Je suis très fier de ces albums, compte tenu de tout le travail que nous y avons mis. Il y a de super chansons aussi dessus. Je ne changerais rien du tout, en fait, pour être honnête.
Le black album est considéré encore aujourd’hui comme étant le classique d’Hardcore Superstar et celui sur lequel le groupe a trouvé son style. Qu’est-ce qui a fait le déclic ?
Je pense que c’est ce dont je parlais, le fait que nous avons agi naturellement. C’était : « On se détend et on fait ce qu’on fait », même si peu de groupes combinent le sleaze rock et de gros refrains presque hair metal avec des riffs, des tempos et une sorte de jeu thrashy. En 2005, il n’y avait pas beaucoup de groupes qui combinaient thrash et sleaze, et tout le monde nous disait de ne pas le faire, parce que si on parlait à un gars qui écoutait du thrash, il détestait le glam et le sleaze, et vice versa, si on parlait à un gars qui écoutait du glam, il détestait le thrash. Donc on nous disait : « Ne faites pas ça ! C’est un mauvais mélange ! » Mais pour nous, c’était très simple : nous adorons ces styles, le sleaze et le thrash, alors pourquoi ne pas les combiner ? Nous tenions quelque chose, mais nous ne réalisions pas que les gens allaient autant aimer, honnêtement. C’était : « D’accord, ça fonctionne. » Mais nous n’étions pas du tout sûrs quand nous étions en train de faire l’album si ça allait marcher auprès du public.
Justement, votre maison de disques à l’époque, Music For Nation, ne croyait pas du tout en cet album. Tu nous disais la dernière fois qu’ils voulaient que vous sonniez comme The Hives et que vous aviez « décidé de quitter une très bonne maison de disques parce que [vous ne parveniez] pas à [v]ous mettre d’accord avec eux, [vous ne vouliez] pas refaire des chansons et sonner comme The Hives ». Avez-vous toujours cru en vous-mêmes ? N’y a-t-il jamais eu de moments de doutes, surtout à l’époque ?
Tout le temps ! Il y a tout le temps des doutes, mais au bout du compte, les seules personnes en qui tu peux avoir confiance, c’est toi-même et les gars du groupe. Donc au lieu de regarder dans quelle direction le vent souffle, tu vas au plus simple. Tu te poses avec le groupe et tu demandes à tes collègues : « Est-ce qu’on aime ça ? » « Oui, on aime bien. » Ensuite, tu présentes la musique au producteur – dans ce cas Johan Reivén – et il donne sa vérité, en toute franchise. Si tous les cinq nous aimons les nouvelles chansons, qu’est-ce qu’il nous faudrait de plus ? Ça me suffit. Si ça nous plaît, avec un peu de chance ça plaira à d’autres. Ça implique beaucoup de travail d’être dans un groupe pendant vingt ans et si nous avions commencé à écouter la maison de disques, je ne pense pas que le groupe existerait encore aujourd’hui. Nous aurions probablement eu marre de l’industrie musicale il y a déjà dix ans. Je suis sûr que ce qui nourrit notre flamme, c’est la créativité – tout du moins, c’est mon cas. Je ne ferais pas ça s’il n’y avait pas la créativité ; le côté créatif de la composition, c’est ce que j’aime le plus. Si quelqu’un me dit : « Vous devez sonner comme The Hives », tout de suite, ça enlève la passion et la créativité. The Hives est un super groupe, mais nous ne sommes pas The Hives, c’est clair [rires]. Quand on écoute ce que les gens extérieurs disent, ça devient un jeu de dupes. Tu ne fais qu’errer, perdu, et tu ne sais pas où aller. Il faut être un peu égoïste, têtu et croire en soi.
Selon toi, le producteur Johan Reivén était une part importante de la magie qui a opéré à l’époque du black album ?
Oui. C’est clair, car nous avions toutes les chansons, mais une chose que j’ai apprise est qu’il faut plus que de bonnes chansons. Il faut les emmener jusqu’au bout. On ne peut pas faire de compromis. Tu peux écrire un album fantastique, mais si le gars qui l’enregistre et le mixe ne le comprend pas, le résultat ne sera pas génial. Certains disent : « Ouais, mais une bonne chanson est une bonne chanson. » C’est vrai, mais si le gars derrière la console de mixage ne pige pas ou ne l’aime pas, il va bousiller une bonne partie de la magie. Il faut donc travailler avec quelqu’un qui croit en tes chansons et a vraiment l’oreille pour entendre : « Ok, c’est ça dont ces gars ont besoin pour atteindre un autre palier. » Johan a cette capacité. Il sait créer un déclic chez nous. Il sait que nous ne sommes pas purement des fans de Bostons ou de Guns N’ Roses. Il sait que nous aimons le thrash metal. Il sait que nous avons grandi avec tous ces groupes, à la fois dans le thrash et dans le sleaze. Il comprend ça. Il fait donc clairement partie de la magie.
« Nous avions pour habitude d’appeler Johan John McEnroe, à cause de son mauvais caractère. Quand Jocke enregistrait le chant, ils se gueulaient dessus : ‘Putain, je vais te tuer mec ! Je vais te tuer !’ […] C’est douloureux de faire un album avec Johan [rires]. »
Est-ce pour cette raison que vos deux précédents albums étaient autoproduits, parce que vous ne trouviez pas d’autres producteurs qui, comme Johan, comprenaient votre musique ?
Oui, c’est ça. De même, quand on travaille avec un producteur, ce dernier a un rêve, il veut accomplir quelque chose, mais quand on essaye de faire ce que nous faisons, c’est-à-dire combiner le sleaze et le thrash, ce sera difficile pour un producteur de la vieille école d’y croire, car il vient soit du hard rock, soit du thrash. On croise rarement un gars qui est dans les deux. C’est difficile de trouver un producteur qui croit en Hardcore Superstar, d’une certaine façon, car les gens sont encore divisés. Nous faisons énormément confiance à Johan, donc il peut produire nos albums. Nous ne laisserions personne d’autre… A ce stade de notre carrière, selon moi, il n’y a qu’une seule personne sur cette planète qui peut produire un album d’Hardcore Superstar, et il s’agit de Johan Reivén. Je serais très méfiant même si je travaillais avec un gars comme Bob Rock. J’adore Bob Rock, soit dit en passant, mais j’ai peur qu’il ne comprenne pas. Peut-être qu’il aimerait les refrains, mais il serait sûrement là : « Vous devez vous débarrasser de cette attitude sur les couplets. » Ça ne nous plairait pas. Pareil avec Bob Ezrin. Je trouve que Bob Ezrin est la plus grande star sur les albums Destroyer de Kiss et Billion Dollar Babies d’Alice Cooper. Ce sont deux de mes albums préférés, soit dit en passant, mais c’est totalement des albums de Bob Ezrin. Bien sûr, Paul [Stanley] et Gene [Simmons] ont écrit les chansons et le groupe d’Alice Cooper a composé les chansons, mais Bob Ezrin a fait ces deux albums – Destroyer et Billion Dollar Babies. Donc, d’une certaine façon, Bob Ezrin est une grande rock star. De même, nous nous sommes toujours intéressés au monde du studio. La musique, c’est bien plus qu’aller jouer live. En tant que groupe, nous avons toujours beaucoup aimé être en studio et tout le processus d’enregistrement. Et dès que tu fais un album et que tu t’intéresses vraiment à la production, tu apprends des choses.
Tu as aussi dit que « travailler avec Johan était comme revenir dans le passé ». Qualifierais-tu cet album de nostalgique ?
Oui, peut-être. Je dirais plutôt que l’alchimie était de retour, car il y avait une grande alchimie entre nous et Johan. C’est très facile d’enregistrer quand on a une si bonne alchimie. Ceci dit, ça a effectivement fait remonter des souvenirs. Le truc, c’est que lorsque nous avons enregistré le black album, nous avions pour habitude d’appeler Johan John McEnroe, à cause de son mauvais caractère. Quand Jocke enregistrait le chant, ils se gueulaient dessus : « Putain, je vais te tuer mec ! Je vais te tuer ! » Evidemment, de façon affectueuse. Ça nous est revenu, donc il avait plein de plaisanteries sur John McEnroe et beaucoup d’interactions physiques, presque comme du catch ou des bagarres – les hommes sont ce qu’ils sont, je suppose. C’est douloureux de faire un album avec Johan [rires]. Nous plaisantons et nous amusons beaucoup. Notre vieux tour manager Sanjay [Larsson] était là pour filmer tout le processus d’enregistrement, et il n’arrêtait pas de dire : « Les gars, vous n’avez pas changé d’un iota en vingt ans. Les gens disent qu’on change avec le temps, qu’on devient plus sage et mûr, mais pas Hardcore Superstar. Vous êtes exactement les mêmes cinglés avec qui j’ai grandi ! » La musique nous maintient jeunes !
La production d’Abrakadabra est très brute et sonne très live, plus que le black album : le but était-il que le groupe sonne comme il sonne sur scène ?
Oui. Nous voulions garder le son au naturel. Je crois que nous n’avions même pas de percussion. Nous mettons toujours un petit peu de tambourin et de shaker, mais là nous n’avons rien utilisé de tel. Nous voulions que ce soit presque comme un album de Dio – Holy Diver et Last In Line ont une production très brute, et même s’ils avaient Claude Schnell, on ne l’entendait pas jouer du clavier [petits rires]. Et AC/DC, évidemment, si vous écoutez l’album Highway To Hell, il sonne très naturel. Nous avons aussi parlé des premiers Ozzy Osbourne avec Randy Rhoads. Les deux premiers albums d’Ozzy, c’est le type de production que nous visions. En fait, nous avons fait la batterie, la basse et la guitare en live, puis nous avons fait des overdubs et les solos de guitare bien sûr. Nous voulions vraiment avoir la batterie, la basse et la guitare sur une prise. Nous avons probablement passé tout l’été à répéter pour l’album et Johan était là et nous éclatait la tête, il nous malmenait, et nous passions des heures à rentrer les chansons, à essayer différents tempos, différentes signatures rythmiques, etc. La partie facile c’était vraiment quand nous avons commencé à enregistrer l’album, car nous étions très préparés. La partie difficile, c’était dans la salle de répétition. J’ai enregistré la batterie en trois jours. Nous avons passé seulement trois jours à faire tout l’album, batterie, basse et guitare. C’était assez rapide. Je pense que ça s’entend quand on écoute l’album, il sonne très naturel.
La batterie en particulier est très organique, mais à la fois elle est puissante – en particulier sur une chanson « Forever And A Day ». Je n’ose imaginer comme tu as dû frapper ces fûts pour obtenir un tel son avec une production aussi naturelle…
Oui. Il faut savoir aussi que quand on joue de la batterie, il faut vraiment être détendu pour frapper fort et il faut connaître la chanson pour obtenir un bon son, car si tu es assis là et que tu es tendu au moment de faire une prise de batterie, ça sonnera plus rigide et plus faible, alors que si tu es à l’aise et que tu joues de façon décontractée, tu obtiendras un son plus ouvert sur l’instrument. Quand on connaît parfaitement la chanson lorsqu’on la joue, on n’est pas sur le fil du rasoir, on rentre vraiment dans le groove et on joue de façon détendue et ample. Ça sonnera toujours mieux si on est totalement confiant lorsqu’on joue, c’est comme ça qu’on obtient un très bon son à la batterie, et je pense que ça s’entend dans l’album. Nous sommes des vieux maintenant et nous sommes très old school, et pour nous, c’est très important de ne pas appliquer de corrections sur la batterie avec un logiciel. Nous sommes fiers parce que ce qu’on entend, c’est ce qui est joué. Il n’y a pas de tricherie. Pas de batterie quantifiée ; avoir recours à ça, pour nous, c’est un ratage total. Il faut jouer ce qu’on joue et ne pas corriger derrière. On obtient aussi un certain son en faisant ça. Ça ne sonnera peut-être pas très commercial, mais ça sonnera organique et authentique.
« La batterie ne me suffit pas. Si j’aime quelque chose dans une chanson de Kiss, j’éprouve le besoin de jouer la partie de guitare, celle de la basse et celle de la batterie. Ça ne s’arrête pas à la batterie. J’adore aussi jouer de la guitare et me prendre pour Ace Frehley. »
Johan est lui-même batteur. Penses-tu que vous ayez un lien spécial parce que vous êtes tous les deux batteurs ?
C’est un super batteur, mais c’est aussi un super bassiste. Il peut jouer de plein d’instruments. Nous aimons tous les deux jouer de la guitare, nous aimons jouer de la basse et de la batterie, parce que nous aimons tellement la musique. La batterie ne nous suffit pas. Si nous aimons quelque chose dans une chanson de Kiss, nous éprouvons le besoin de jouer la partie de guitare, celle de la basse et celle de la batterie. Ça ne s’arrête pas à la batterie. Johan est exactement comme ça. J’aime ce genre de gars, car j’adore aussi jouer de la guitare et me prendre pour Ace Frehley.
L’album a été enregistré en 2020 et début 2021. Vu l’enthousiasme qui transpire dans cet album, est-ce que l’avoir réalisé durant cette période angoissante revenait un peu à être dans une bulle ?
La seule bonne chose concernant la pandémie était que nous avons pu ralentir, nous poser tout l’été en salle de répétition et essayer des choses. Car autrement, il y a toujours une maison de disques pour nous dire : « Vous devez aller en studio, vous devez sortir l’album, vous devez faire ci, vous devez faire ça. » On nous met la pression. Or là, nous n’avions pas cette pression. Nous cherchions juste à faire un super album, au lieu de faire un album à temps. Cette bulle était une très bonne chose pour nous. Pour moi, la musique a toujours été là où je me réfugiais pour oublier le monde extérieur. Je ne regarde pas vraiment la télé. Je ne regarde pas trop les informations. Je déteste la politique. La musique est le seul univers dans lequel je me sens chez moi. Pour moi, c’est très important de ne pas être stressé par le quotidien. Je ne veux pas avoir trop de quotidien. Si j’en ai trop, j’éprouve le besoin d’aller dans mon studio et de faire péter les guitares, de jouer et d’être dans ma bulle musicale. La musique a toujours été ainsi pour moi. La pandémie n’a pas beaucoup changé ma routine. Elle a tout ralenti, mais mes habitudes restaient plus ou moins les mêmes, à part le fait que je ne faisais aucun concert.
La biographie promotionnelle qualifie justement l’album d’« évasion rock n’ roll ». Quels étaient les albums qui te redonnaient le moral quand tu en avais besoin ?
Un tas d’albums faits dans les années 80. Quand j’étais gamin, je m’évadais dans le monde de King Diamond. Je m’y perdais complètement. Il y a tellement de choses que j’aime chez King Diamond, à commencer par les chansons qui sont juste fantastiques, la composition est géniale, et l’image : j’adore l’image – en tant qu’énorme fan de Kiss –, j’adore l’occultisme, j’adore tout le côté maquillage. Par-dessus tout, quand on écoute les solos de guitare d’Andy LaRocque, c’est juste magique, et le jeu de batterie de Mickey Dee, c’est de classe mondiale. Je me réfugiais dans leur monde et je m’y perdais, comme avec Kiss : on peut se réfugier dans le monde de Kiss et laisser tous ses problèmes derrière soi et rester dans ce monde. Ça m’a souvent aidé, à la fois King Diamond et Kiss.
L’album s’intitule Abrakadabra, ce qui fait référence à la magie : est-ce que ça veut dire que, selon toi, il y a une part de magie, de quelque chose que tu ne comprends pas totalement dans cet album ou dans le rock n’ roll en général ?
Absolument. Je peux te dire que ce qui est arrivé aujourd’hui quand je suis parti courir était magique. Je pars toujours courir en écoutant de la musique. J’étais vraiment épuisé et j’étais en train d’écouter Lock Up The Wolves, un album de Dio que je n’avais jamais beaucoup écouté. Quand l’album était terminé, c’est directement passé à Holy Diver et « Stand Up And Shout » est arrivé. Dès que ce morceau a démarré, j’ai eu toute cette énergie pour courir encore plus loin que prévu. C’est une forme de magie, n’est-ce pas ? Où ai-je trouvé cette force ? Ça venait de la musique, parce que j’étais vraiment hyper fatigué quand l’album Lock Up The Wolves est arrivé au bout, puis est arrivé « Stand Up And Shout », et j’étais là : « Ok, faisons deux kilomètres de plus ! » C’est magique. Mais nous avons choisi d’appeler l’album Abrakdabra après avoir écrit la chanson qui parle d’autre chose. Imagine si tu étais un sorcier ou un illusionniste aujourd’hui… Disons que tu vas au travail du lundi au vendredi, le vendredi arrive et tu rentres chez toi, tu enfiles ton T-shirt heavy metal préféré, ta veste en cuir et tes Dr. Martens, puis tu vas au bar où ils jouent du rock n’ roll, tu bois… C’est presque comme être un illusionniste qui disparaît dans un nuage de fumée. Tu te transformes en quelque chose de complètement différent. Nous nous amusions avec ça : un sorcier ou un illusionniste des temps modernes qui vit sa vie à fond une fois le weekend arrivé [petits rires]. Donc nous avons écrit une chanson à ce sujet et nous avons trouvé que c’était tellement super que nous avons décidé de nommer l’album comme cette chanson.
« Les gens se disent : ‘Adde est musicien, donc il est censé être complètement timbré’ [rires]. Je peux me cacher derrière le fait que je suis musicien, mais si je n’avais pas été musicien et que je me comportais comme je le fais, on m’aurait probablement enfermé quelque part. »
Lock Up The Wolves est un album de Dio assez critiqué…
Je dois dire que Lock Up The Wolves était bien meilleur que dans mes souvenirs. Je ne l’avais pas tellement aimé quand il est sorti, mais il n’est pas aussi mauvais que ça. C’est même un plutôt bon album, je dois dire. Je pense que les critiques n’étaient pas justes. Il n’est pas aussi bon que les quatre premiers, mais ça reste un bon album, je trouve.
Crois-tu à la véritable magie ou au surnaturel ?
Oui et j’ai vécu des expériences par rapport à ça, mais je n’aime pas en parler, parce que ça me fait passer pour un fêlé. Je garde ça pour moi car je n’ai pas envie qu’on me dépeigne comme un cinglé [rires]. Je peux juste te dire que oui, je crois à la magie.
On peut aussi soutenir qu’il y a une part de magie dans l’inspiration. Y a-t-il des moments, des environnements ou des contextes qui favorisent ton inspiration ?
Je peux dire que deux choses sont mes inspirations principales. Les conversations que j’ai avec d’autres gens sont l’une d’entre elles. Disons que nous sommes posés en backstage, il y a des gens et les discussions peuvent vraiment m’inspirer à écrire des paroles et des chansons. Ensuite, la deuxième chose serait quand je joue de la guitare. J’adore avoir une guitare entre les mains et me perdre dans le monde des guitares. C’est un peu difficile à expliquer, mais quand tu es inspiré et que tu as une guitare avec toi, au bout d’un moment tu as faim ou autre chose, tu regardes ta montre et tu es là : « Oh mon Dieu, ça fait cinq heures ! Je n’ai pas vu le temps passer, j’ai l’impression que ça ne fait que vingt minutes. » Me poser avec une guitare et le fait de discuter avec des gens, ce sont les deux circonstances qui m’inspirent le plus.
La dernière fois qu’on s’est parlé, je t’avais demandé pourquoi tu étais devenu batteur plutôt que guitariste, et tu m’avais parlé du moment où tu avais vu Eric Carr à la batterie sur la tournée Animalize de Kiss et du fait que ça t’avait paru génial d’être batteur. Il se trouve que tu as un jeu très visuel quand on te voit en live. Dirais-tu que le côté visuel de cet instrument est aussi important – dans le rock n’ roll en tout cas – que le jeu en lui-même ?
Si tu es à fond dans la chanson et dans ton jeu, ça vient naturellement. Si tu es à fond dans ce que tu fais, ça se verra. Je ne me suis jamais posé pour établir tout un plan là-dessus. Ça n’a jamais été intentionnel. C’est juste que quand nous jouons, je suis totalement absorbé par la musique et, comme je l’ai dit plus tôt, j’agis naturellement. Si vous voulez me connaître à cent pour cent, regardez-moi jouer de la batterie. C’est vraiment qui je suis. Dans la vie de tous les jours, je dois me contenir, mais quand je joue de la batterie, je peux être exactement qui je suis. Je suis quelqu’un de très énergique, tu sais, et la batterie me permet de rester sain d’esprit, d’une certaine façon [rires].
Tu penses que tu deviendrais fou sans la batterie pour évacuer toute cette énergie ?
En fait, je pense que souvent, les gens savent que je suis musicien et ils arrivent à accepter que je sois un peu fou, parce qu’ils se disent : « Adde est musicien, donc il est censé être complètement timbré » [rires]. Je peux me cacher derrière le fait que je suis musicien, mais si je n’avais pas été musicien et que je me comportais comme je le fais, on m’aurait probablement enfermé quelque part. Surtout quand je laisse mes enfants à l’école et que d’autres parents sont là, ils savent que je suis musicien et ils pensent que c’est normal que je sois cinglé, justement parce que je suis musicien, mais ils n’acceptent pas ça chez d’autres parents [rires]. La musique est donc un peu un masque pour moi me permettant d’agir comme je veux. En tant que musicien, on vit dans un monde de musique et on tourne, et avec ce qu’implique le fait de tourner et de sortir de la musique, je pense qu’on devient ce qu’on appelle une rock star. Je ne pense pas qu’on naisse rock star, c’est quelque chose qui devient notre mode de vie. Quand tu vis dans l’industrie musicale et que tu fais partie d’un groupe de rock n’ roll qui tourne, tu adopteras tôt ou tard le mode de vie d’une rock star. Ce n’est pas vraiment quelque chose que tu choisis ; c’est le mode de vie qui te choisit. Autrement, ça veut dire que tu n’es pas fait pour l’industrie de la musique. Tu deviens une rock star parce que le monde de la musique s’empare de toi et te transforme en une certaine personne.
« Une rock star n’est pas un gars qui joue les connards et qui est grossier avec les gens. Ce n’est pas être une rock star ça, c’est juste être un con. Une rock star c’est un gentleman ou une gentlewoman qui vit et respire pour la musique. »
C’est quoi une rock star pour toi, en fait ? Car les gens ont parfois cette image de quelqu’un de très distant et caractériel, ce que tu n’es pas…
Non. Pour moi, une rock star c’est quelqu’un qui… C’est naturel pour une rock star d’être musicien, de se lever tous les jours, de jouer de la musique, de gagner l’argent avec ça et de vivre une vie de musicien. Pour moi, une rock star n’est pas un gars qui joue les connards et qui est grossier avec les gens. Ce n’est pas être une rock star ça, c’est juste être un con. Une rock star c’est un gentleman ou une gentlewoman qui vit et respire pour la musique. C’est ça une vraie rock star pour moi.
Qui est la plus grande rock star à tes yeux ?
J’ai toujours adoré Black Sabbath, et donc je dirais le line-up originel de Black Sabbath, car tu as Ozzy, Tony Iommi, Bill Ward, Geezer Butler, et ces quatre gars sont de véritables rock stars. Et bien sûr il y a Jimmy Page, mais Black Sabbath est très cher à mes yeux. J’ai toujours adoré Ozzy Osbourne. J’adore son chant. J’adore tout chez Ozzy, en fait ! Je n’aime pas Sharon autant qu’Ozzy, évidemment [rires]. Donc, en ce qui me concerne, de vraies rock stars, ce sont Tony Iommi et Ozzy Osbourne.
Parmi les fans de Black Sabbath, tu es donc plutôt dans le camp d’Ozzy que dans celui de Dio ?
Je n’ai pas envie de les comparer, car j’adore Mob Rules et Heaven And Hell, et j’adore tous les albums qu’Ozzy a faits avec Black Sabbath. On n’est pas obligé de choisir. Je pense les aimer autant l’un que l’autre, mais si je mourais, j’aimerais que les gens jouent [à mes funérailles] quelque chose tiré des six premiers albums.
Quelle chanson ?
« Into The Void » ! J’adore ce morceau !
Le black album d’Hardcore Superstar était aussi celui qui avait vu le groupe revenir chez Gain Records, le label sur lequel le groupe avait signé au début pour son premier album, avant de partir chez Music For Nation. Vous avez été sur d’autres labels à d’autres moments depuis 2005, mais qu’est-ce qui vous pousse à toujours revenir sur votre premier label ?
Ce label a pris son envol avec le black album. Gain n’existerait pas sans le black album. Le black album a vraiment fait Gain, donc nous avons un respect mutuel. Gain existait avant que nous sortions le black album, mais ce n’était pas une grande entreprise. C’était une toute petite boîte lancée par notre manageur. Notre manageur est aussi le PDG de notre maison de disques. On nous dit toujours que nous ne pouvons pas avoir le même homme en tant que manageur de label et manageur de groupe, mais c’est le cas et nous nous en fichons. Nous sommes revenus chez Gain parce qu’ils nous comprennent.
You Can’t Kill My Rock N’ Roll est sorti en 2018. Deux ans plus tard, la pandémie a clairement laissé des traces sur le rock n’ roll. Penses-tu qu’il s’en relèvera, un peu comme un phénix, ou est-ce que cette situation aura des effets à long termes dessus ?
No, je pense que tout reviendra à la normale. Le rock n’ roll, en tant que style de musique et de mode de vie, aura toujours ses hauts et ses bas, mais je pense que le mouvement ne mourra jamais. Le rock n’ roll partira et reviendra toujours, mais il ne mourra jamais. Je le crois fermement. Ce qu’il y a de bien dans toute cette situation avec la pandémie, c’est que ça nous a forcés à nous mettre en retrait et à nous rendre compte que les festivals nous manquaient. En nous obligeant à rester chez nous, ça a fait que maintenant, ce qu’on aime vraiment nous manque. Parfois c’est une bonne chose, car quand on fait tout le temps ce qu’on aime, ça perd de son intérêt. Par exemple, si on va tout le temps dans des festivals, au bout d’un moment, ça ne nous amuse plus autant, mais maintenant qu’on a été forcé de rester chez soi, en mode prudent, on a envie de les retrouver. J’aime voir le bon côté des choses. Donc c’est bien que les gens aient eu beaucoup de temps pour se poser à la maison et songer à quel point tous ces festivals et concerts où ils allaient étaient amusants. Les gens réalisent ce qui est important pour eux, et d’ailleurs ça vaut aussi pour la famille par exemple. Et ceux qui sont vraiment tombés malades, c’était une sonnette d’alarme : ne soyons pas des pauvres cons, profitons de la vie. Je n’ai jamais vraiment été malade quand j’ai eu le Covid-19, mais j’ai eu des amis qui ont failli mourir et ça a changé la donne pour eux. Certaines personnes disent : « Je n’ai pas envie de revivre ça et je vais devenir une meilleure personne. »
Espérons qu’on aura bientôt l’occasion de revoir Hardcore Superstar sur scène !
Oui ! Nous avons eu une petite fenêtre de tire entre novembre et décembre où nous avons pu faire une tournée suédoise. C’était vraiment génial de repartir sur la route et jouer ! Les gens étaient en train de pleurer quand nous jouions, car ça faisait presque deux ans qu’ils étaient confinés. C’était magique ! Il y a eu un petit contretemps, mais en Suède, ils ont retiré toutes les restrictions le mercredi 9 février, donc on peut maintenant recommencer à vivre. J’espère vraiment que ça restera ainsi. On en a marre de tout ça !
Interview réalisée par téléphone le 11 février 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Julia Cronqvist.
Facebook officiel de Hardcore Superstar : www.facebook.com/OfficialHardcoreSuperstar
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