Durant de nombreuses années suite à son départ d’Exodus, Steve ‘Zetro’ Souza a travaillé la musique en dilettante, participant ici et là à quelques projets sans ambition de carrière. L’homme nous le dit en interview, il connaît le business de la musique à l’heure actuelle et ne peut espérer vivre à plein temps d’un projet de thrash metal. Cependant, sans aller jusqu’à tout plaquer pour ça, il semble qu’il soit prêt à investir tout son temps libre dans un développement à long terme pour Hatriot, un groupe de thrash à l’ancienne, où il joue en famille avec ses deux fils, Nicholas et Cody.
L’homme semble particulièrement fier de la musique qu’il écrit tout comme de la participation de ses fils, avec qui il a été particulièrement intransigeant quant à la pratique de leurs instruments respectifs (basse et batterie) afin de couper court à toutes formes d’accusation de favoritisme.
Hatriot est désormais le futur de Steve.
En fin d’interview, le chanteur met également les choses au clair quant à ses relations avec ses anciens collègues d’Exodus.
Radio Metal : Tu as déclaré dans une interview qu’avant de créer Hatriot, tu n’avais pas l’intention d’être de nouveau membre à plein-temps au sein d’un groupe. Qu’est-ce qui t’as fait changer d’avis ?
Steve « Zetro » Souza (chant) : Le heavy metal coule dans mes veines, voilà tout. Les raisons pour lesquelles j’ai quitté Exodus en 2004 ont à voir avec mon mariage de l’époque et mes enfants. Depuis ceux-ci ont grandi et, en fait, deux d’entre eux sont dans Hatriot. Je ne suis plus marié avec leur mère et je me sens plus libre mentalement : je suis prêt à faire ce truc à 100 %. Je veux avoir un projet à plein-temps, je veux être impliqué dans le metal comme je le fus dans les années 80. Je suis très excité de faire des albums et de partir en tournée : en fait, on a déjà écrit trois chansons pour le prochain album ! Hatriot n’est pas un side-project comme Tenet, Dublin Death Patrol ou autre chose que j’ai pu faire dans le passé. Je vais aborder Hatriot comme au temps de The Legacy (NDLR : premier album de Testament) ou d’Exodus.
Que peux-tu nous dire de ces nouvelles chansons que vous avez écrites ?
Elles sont très heavy et plus techniques. Le groupe démontre qu’il est ensemble depuis un bon moment déjà et que grâce à cela, tout le monde prend un pied pas possible. Je pense donc que la musique va être encore meilleure. Kosta (NDLR : Kosta Varvatakis, guitariste d’Hatriot) écrit toute la musique et moi les paroles. La majorité des groupes aujourd’hui sortent leur premier album que beaucoup de gens apprécient mais, dès le second album, c’est déjà moins bon. Je ne pense pas que cela va arriver à Hatriot. C’est juste ma prédiction d’après ce que j’ai vu et de ce que Kosta et moi écrivons.
Tu as dit que les groupes, à l’heure actuelle, ne peuvent plus vivre des ventes de disques. Vas-tu essayer de faire cela avec Hatriot, et si oui, de quelle manière ?
Je n’en vis pas à l’heure actuelle et je sais très bien que le music-business, et spécialement le heavy metal, est très difficile. Bien sûr, je vais essayer de le faire. J’ai un très bon travail : je suis contremaître pour une entreprise de BTP et je gagne bien ma vie en Californie. Je sais ce que je veux faire pour gagner ma vie car c’est ce que j’ai fait lorsque j’étais dans Exodus. Mais en 1993, au moment où sortait notre disque Force Of Habit, le grunge est arrivé et beaucoup d’entre nous ont perdu des deals avec les maisons de disques car personne ne voulait nous signer. J’ai donc cherché du boulot et puis travaillé : cela fait vingt ans maintenant. Quand je fais ces side-project, Tenet et Dublin Death Patrol, et que je pars en tournée, je retourne après à mon job. Mes deux fils travaillent et tout le monde dans le groupe aussi. Si tu fais du heavy metal, tu n’en vivras probablement pas : c’est possible, mais ce ne sera pas un truc du genre : « Oh, on va être des rockstars et devenir riches. On n’a pas à s’en faire car notre disque sort la semaine prochaine ! ». Je sais tout cela car cela fait trente ans que je suis dans le business. Je n’arrêterais pas Hatriot parce qu’on ne pourrait pas vivre seulement de nos ventes : ça, on le sait. Cela ne veut pas dire qu’on va faire un disque et se dire après : « Oh, c’est trop dur, je veux faire autre chose ! ». Je sais ce qui nous attend et je l’ait dit au groupe : mes fils le savent, car ils l’ont vécu. Chaque répétition est une leçon apprise dans le monde du business. Pour répondre à ta question, j’adorerais vivre uniquement de cela, mais le monde du metal n’est pas nécessairement fait pour cela.
Hatriot a été formé il y a deux ans, mais l’album ne sort que maintenant : peux-tu nous expliquer pourquoi ?
Cela a pris un peu de temps pour le faire, je pense. Je ne voulais pas me précipiter pour trouver des zicos et composer des chansons : je voulais être sûr que les futurs membres étaient les bons, tu sais. Sur la démo de l’album, il y avait un autre batteur et guitariste, mais cela n’a pas collé finalement. Mon fils Nicholas est notre batteur maintenant et on a un guitariste incroyable, Miguel Esparza, dont le jeu solo est hallucinant. Cela a pris un peu de temps, car je devais trouver une maison de disque, comme tout le monde, et je ne voulais rien précipiter et sortir le disque rapidement. Nous avions fini le disque en septembre dernier, mais nous savions que nous ne pouvions PAS le sortir avant Noël : on a donc attendu janvier 2013.
Tu as dit dans une interview que les gars jouant avec toi dans Hatriot étaient jeunes et qu’ils injectaient une sorte de parfum death metal à ta musique, mais qu’ils comprenaient aussi ce que tu avais fait dans les années 80. Quelle serait la différence, d’après toi, entre le thrash metal des 80’s et celui d’aujourd’hui ?
Je pense que c’est à peu près la même chose, mais les groupes originels, comme Exodus, Slayer, Testament, Kreator, Anthrax par exemple, ont réellement cré2 ce son spécial que nous croyons avoir réussi à capter sur l’album. Je crois qu’aucun groupe depuis n’a réellement été capable de le faire, à part Hatriot. Notre album est un très bon album qui déchire vraiment : chaque chanson t’en met plein la gueule.
Ton nouveau batteur est ton fils Nicholas. Il a auditionné pour le groupe après le départ d’Alex Bent (NDLR : le premier batteur d’Hatriot). N’est-ce pas étrange de faire auditionner son propre fils ?
Eh bien, Cody, mon autre fils, est dans le groupe et a aussi auditionné : cela n’a donc pas été un problème pour moi. Je ne voulais pas que les gens se disent : « Oh, Steve Souza prend ses fils dans son groupe parce que ce sont ses fils et il leur donne le job à cause de ça ». Je voulais être sûr que les membres d’Hatriot seraient de solides musiciens et pourraient jouer la musique, tu vois. J’ai pensé que ce seraient super cool que mes fils jouent avec moi, bien sûr. Si tu écoutes la batterie sur le disque, je pense que Nicholas a tout déchiré : je suis très fier de son jeu.
Tu sais cependant que tu n’empêcheras pas les gens de penser que tu les a pris parce que ce sont tes fils…
Je savais que tout le monde dirait cela. Je le savais. C’est pourquoi je n’ai pas arrêté de leur dire : « Écoutez, la presse, les fans et le monde entier vont dire que l’unique raison de votre présence dans le groupe c’est parce que vous êtes mes fils. Vous devez donc être très bons ! ». J’ai harcelé Nicholas sur son jeu de pédale pendant un an et demi pour qu’il le travaille sans cesse et devienne encore plus rapide. Alex (NDLR : Alex Bent, le précédent batteur) joue à une vitesse hallucinante, c’est un batteur incroyable, mais il voulait jouer avec d’autres groupes : je voulais avoir mes zicos près de moi pour pouvoir composer et aller de l’avant. Lorsqu’Alex est parti, Hatriot a été mis en stand-by. Voilà pourquoi cela a pris deux ans : à chaque fois qu’Alex partait en tournée, les répétitions, le processus de composition s’arrêtaient. Maintenant, à chaque fois qu’on aura besoin de Nicholas, il sera là. Tu sais, j’étais inquiet que le producteur (NDLR : Juan Urteaga), qui a bossé avec Machine Head et Testament, vienne un jour me voir et me dise : « Steve, on doit parler de Nicholas. Il n’y arrive pas et on doit trouver un autre batteur ». Je ne voulais pas entendre cela, alors durant les trois dernières répétitions effectuées avant d’enter en studio, je l’ai harcelé ! Je lui ai dit : « Fils, tu dois tout faire pour que ce soit toi le meilleur : je ne vais pas être assis là et écouter ce type me dire que t’es pas bon ». Il est entré en studio pendant quatre jours et a assuré grave ! Les parties de batteries qui sont sur l’album sont celles de Nicholas : elles ne sont pas arrangées du tout. Si tu voyais mon fils en live, il est comme Dave Lombardo de Slayer !
De nos jours, c’est rare d’entendre des parties de batteries enregistrées live et pas arrangées après l’enregistrement !
Oui, je ne voulais pas de cela. Nicholas avait une petite place dans le studio et il y a eu quelques erreurs, mais tout est live à 100 % : c’est du solide et je m’en suis assuré. Le batteur qui entre en studio doit jouer live. Bien sûr, tu peux tout arranger en studio, mais si tu pars ensuite en tournée et que ton batteur joue comme une merde, ça, je ne peux pas le supporter ! Tu dois être aussi bon en studio que sur scène. Les parties de batteries n’ont pas été arrangées : c’est lui.
Est-ce que le fait de composer et de jouer avec sa famille donne une plus grande alchimie au groupe ?
Mes fils savent ce qu’ils peuvent attendre de moi car je les ai engendrés. On s’entend bien : je n’ai jamais eu de problèmes avec eux mais il ne faut pas me faire chier. Ils savent ce qu’ils vont avoir, donc ils ne s’amusent pas à déconner. Mes garçons sont très intelligents : Cody (NDLR : Cody Souza, bassiste d’Hatriot) bosse pour une entreprise et Nicholas a deux boulots et se débrouille très bien. Les deux vivent dans un appartement dans le nord de la Californie et vont dans le local de répétition très souvent, sans les gratteux, juste pour jouer basse / batterie. Ils sont très liés. Composer et jouer de la musique avec mes enfants, c’est le top. Je les vois tout le temps désormais : je leur parle tous les jours car ils doivent faire des interviews pour les magazines. Les gens veulent savoir ce que ça fait de jouer du metal avec son papa car il y a peu de groupes avec pères et fils qui existent ! J’ai entendu que le fils de Max Cavalera allait jouer dans Soulfly, mais à part ça, je ne vois personne qui a enregistré son premier album avec ses propres enfants.
Beaucoup de musiciens se plaignent de ne pas voir leurs familles pendant les tournées : apparemment, tu as résolu le problème ! (rires)
Je ne suis plus marié avec leur mère, je suis avec une fille que j’aime beaucoup et je vais avoir avec moi mes fils sur la route : je n’ai pas envie de revenir à la maison mais de continuer ! Ma famille ne me manquera pas car elle sera à mes côtés.
L’album s’appelle Heroes Of Origin. Qui sont ces héros ?
Nous-mêmes. Nous sommes ceux qui ont survécu à toutes les guerres et qui ont duré plus que n’importe qui d’autre : nous sommes les « Heroes Of Origin ».
La violence est le thème principal de l’album. Penses-tu que les héros apparaissent seulement lors de situations violentes ?
Je le pense. Regarde les héros : ils se sont sortis de situations violentes et c’est la raison pour laquelle l’album est écrit de cette manière.
Il y a deux ans, tu as déclaré vouloir revenir dans Exodus. Mais Gary Holt (NDLR : guitariste et fondateur d’Exodus) a répondu que tu avais eu ta chance et que cela ne se reproduira plus jamais. Sa déclaration était assez agressive. Es-tu toujours en contact avec eux ?
(Rires) Gary est toujours un peu en colère après moi. En fait, lorsqu’il est en face de moi, il me dit toujours « Hello ! Quoi de neuf ? » et a l’air content, mais parfois, il dit des choses assez dures. Un jour, un fan m’a contacté sur Facebook ou m’a envoyé un SMS, je ne sais plus, et me dit : « Hey ! Y’a un problème entre toi et Gary ? » Je lui ai répondu : « Non, rien, je l’ai vu il y a deux semaines : il jouait avec Slayer, j’étais avec mes enfants, et il a vu ma fille ». Le fan me dit : « Eh bien, il a dit quelque chose d’assez dur envers toi ». Tu sais, y’a pas de soucis de mon côté. En fait, voilà ce qui est arrivé : on m’a posé cette question « Si tu avais l’opportunité de retourner dans Exodus, le ferais-tu ? » et j’ai répondu « Oui, bien sûr ! Exodus a été mon groupe, j’ai fait des erreurs et je dois les réparer. Ce serait cool de pouvoir chanter ces chansons de nouveau, mais je ne suis pas sûr que cela va arriver. Peut-être ». Tout ça a été mis sur Blabbermouth sous le titre « Steve Souza retournerait dans Exodus ». Donc un matin, Gary m’appelle et était furieux. Il m’a dit : « Steve, tu ne retourneras jamais dans Exodus. J’en ai marre que tu utilises les médias pour revenir dans le groupe ». Je lui ai répondu : « Gary, je n’utilisais pas les médias pour revenir dans Exodus, je répondais juste à une question ». Mais il ne m’a pas cru. Ce n’était pas mon intention. Je pense que Rob Dukes (NDLR : le chanteur actuel d’Exodus) fait du super boulot. C’était ma faute : j’ai laissé le groupe et ils ont dû trouver quelqu’un. Tout ceci est arrivé il y a deux ans, mais maintenant, si tu me posais la même question, je te dirais : « Non ! Pas question ! ». Je ne voudrais pas décevoir mes fils et les deux autres gratteux qui ont tant bossé dur. Je ne peux pas faire ça.
Donc, tes propos ont été déformés par les médias ?
Malheureusement, oui. Mes propos ont été déformés et Gary l’a mal pris. J’ai juste répondu à une question. Que devais-je dire ? « Non » ? Cela a été mis sur Blabbermouth et tu pouvais voir les gros titres « Steve Souza veut revenir dans Exodus ! ». Maintenant, je réponds : « Non, je ne veux pas revenir dans Exodus : Hatriot est ce que je veux faire » ! (rires) Je ne veux pas avoir de mauvaises relations avec les gens : je n’ai pas déclenché une bagarre et je ne souhaite pas agir de cette manière. Je n’agis pas comme ça. Je suis cool avec tout le monde : je fais des interviews, je te dis ce que tu veux savoir et je ne cache rien. Je suis très accessible et je sais que mon job est important pour que tu puisse faire le tien. Tout le monde devrait être respecté et traité avec respect.
Peut-on s’attendre à un autre album de Tenet et de Dublin Death Patrol ?
Non. Et un gros « Non » ! (rires) Vous pouvez vous attendre à d’autres albums d’Hatriot. Après la sortie de l’album, on partira en tournée et une fois que Heroes Of Origin aura pris un peu de bouteille, on en enregistrera un autre. Et on fera ça jusqu’à ce que je meure. Chuck (NDLR : Chuck Billy, chanteur de Testament) est très occupé avec Testament et Phil (NDLR : Phil Demmel, guitariste de Machine Head) l’est aussi avec Machine Head. Pour moi, ce ne serait pas faire justice à Hatriot de faire ça : quand tu es dans Hatriot, y’a pas de side-project.
Interview réalisée par téléphone le 18 janvier 2013
Retranscription et traduction : Jean martniez – Traduction(s) Net
Site internet officiel de Hatriot : hatriotmetal.com
Album Heroes Of Origin sorti le 25 janvier 2013 chez Massacre Records
Je pense que cet album rentrera dans le top 3 des meilleurs albums thrash 2013, et dans le top 3 des pochettes les plus laides, toutes catégories confondues
c’est clair que la pochette c’est « des flammes, de la destruction, des drapeaux americains »
N’oublions pas l’incrustation moche des musiciens au charisme incroyable!
Et cet album est vraiment une tuerie pour moi….