Peut-on parler d’une renaissance du thrash ? Sans aller dans les extrêmes, le fait que les ténors de la scène que sont Metallica, Slayer, Anthrax, Testament, Megadeth et Overkill continuent de s’illustrer avec un certain succès et côtoient des groupes plus jeunes et non moins talentueux tel que Lost Society en dit long sur la santé de la scène. Le quatrième album d’Havok, successeur d’Unnatural Selection (2013) intitulé Conformicide ne viendra pas le démentir. Très simplement, Havok revient plus rapide, plus puissant, plus ouvert, plus inspiré.
Conformicide est tout d’abord le résultat d’un processus d’écriture différent. Le guitariste/chanteur David Sanchez a privilégié une collaboration accrue avec les autres membres, son comparse Reece Scruggs, le batteur Pete Webber, et le nouveau venu Nick Schendzielos (Cephalic Carnage, Job For A Cow Boy) à la basse, remplaçant Mike Leon parti s’illustrer chez Soulfly. Rarement un changement de line-up se fera aussi bien sentir. Nick Schendzielos rappelle d’emblée les heures inspirées et débridées d’un Robert Trujillo au sein de Suicidal Tendencies et Infectious Grooves avec le slapping classieux sur le titre d’ouverture « F.P.C. ». Havok ne dénigre pas son côté crossover, peut-être moins rentre-dedans qu’un Lost Society au final, mais pas moins intense. La présence accrue de la basse distingue véritablement Conformicide de ses prédécesseurs sans pour autant devenir un instrument d’exhibition. « Hang ‘Em High » illustre cet équilibre entre lignes de basse alambiquées, à coup de sweeping et slapping, et riffs thrash traditionnels. Au final le travail réalisé sur les lignes de basse est à l’image de ce que dégage Conformicide : la volonté de proposer un thrash extrêmement ambitieux, avec une pléthore de mouvements au sein des compositions. Ainsi on trouve des introductions pseudo-atmosphériques à l’image de « Dogmaniacal » (Metallica n’est jamais très loin…) ou simplement loufoques avec le jingle de news évocateur qui introduit « Intention To Deceive ». Bien qu’Havok reste par essence un groupe de thrash pur et dur, des titres comme « Ingsoc » (référence à 1984 de George Orwell), avec ses rythmes surprenants, parviennent à nous faire douter. Parfois, le spectre de formations plus progressives telles que Primus semble planer, la distorsion et la rage en plus, ou – plus proche dans le style – celui de Vektor voire de Coroner (le couplet de « Dogmaniacal » qui rappelle un « Internal Conflicts »).
Que les connaisseurs soient ainsi rassurés, Havok n’a pas perdu sa verve, bien au contraire. Que ce soit dans ses paroles ou son chant, David Sanchez incarne cet Havok furieux à l’instar de l’enragé « Masterplan » et de ses soli endiablés. Havok cherche à s’inscrire dans la lignée de ce qui l’inspire, pas seulement en terme de composition mais en terme de propos : parler de ce qui dérange et enrage, en l’occurrence le conformisme comme mort de l’expression. Havok parvient à un compromis plutôt difficile à réaliser dans un genre aussi direct que le thrash, à savoir marier instrumentalité et riffs tranchants. Pourtant, non sans une certaine insolence, Havok y excelle. Surtout, le groupe arrive à composer en conservant les impératifs de la prestation live en arrière-plan. Soli tranchants, du headbang et des lyrics percutants. Ainsi, un titre comme « Peace Is In Pieces » verra son refrain scandé par une foule se laissant malmener avec plaisir. Havok est un jeune groupe, pourtant il paraît presque intemporel : hommage aux groupes des années 80, amateur de la croisée des genres des années 90 et ancré dans les thèmes du monde contemporain.
Conformicide place Havok sur un piédestal. Impossible désormais d’évoquer le thrash sans évoquer le quatuor du Colorado. Leur quatrième album est aussi brutal que pertinent, voire divertissant à certains égards. Havok ne lasse pas, ne s’épuise pas, ne freine pas. L’air de rien, Conformicide vient donner du crédit aux propos du frontman David Sanchez, à savoir « combler le vide » lorsque les monstres du thrash prendront leur retraite.
Chanson « Intention To Deceive » en écoute :
Chanson « Ingsoc » en écoute :
Chanson « Hang ‘Em High » en écoute :
Album Conformicide, sortie le 10 mars 2017 via Century Media. Disponible à l’achat ici
Très intéressant cet article, bien écrit surtout.
Tout à fait d’accord, ce groupe est l’avenir du Thrash.