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Interview   

Hell Of A Ride trace sa propre route


Pour ne pas s’essouffler, toute saga qui se respecte doit raconter quelque chose de nouveau à chaque épisode et ne pas se contenter de « faire une suite ». Prenez la saga des Rocky. Indépendamment de leur qualité, chacun des films traite son personnage principal avec un angle différent (oui, même le 4…) en utilisant la boxe comme décor.

Le groupe de hard moderne français Hell Of A Ride, au fil d’un EP et de deux albums, dont le dernier en date Nine Of Cups est sorti fin 2019, a lui aussi créé une saga, sur fond de road movie, dont chaque disque est un épisode. Et chacune de ces étapes musicales évoque à travers son personnage principal, Mad Dog, des questionnements existentiels renvoyant directement à la vie des membres du groupe.

Le guitariste Lone Wolf Low nous raconte ce voyage et cite notamment ses influences cinématographiques, des frères Coen à la série American Gods.

« Nous avons analysé tout ce que nous avions vécu au niveau des concerts, toutes les expériences scéniques et les interactions avec le public, et nous nous sommes dit : ‘Voilà ce qu’on voudrait reproduire, voilà l’énergie qu’on voudrait donner.' »

Radio Metal : L’album précédent, Bête Noire, avait été fait dans le tumulte : il y avait eu des changements de line-up, quelques prises de bec, ce qui avait fait qu’il était issu d’un processus assez compliqué. Dirais-tu que ce nouvel album a été fait plus sereinement ?

Lone Wolf Low (guitare) : Il a été fait différemment. Effectivement, Bête Noire a été fait avec des changements en cours, dans les deux années qui ont suivi le premier EP, Fast As Lightning, qui a été fait avec le line-up originel. Nine Of Cups, quant à lui, est beaucoup plus posé, et surtout, nous avons travaillé plus rapidement. C’est-à-dire que nous nous sommes donné une direction et nous avons travaillé ensemble sur la compo d’une manière complètement différente. Plutôt que de le faire de manière classique, en répète, sans vraiment chercher de ligne directrice ou un thème, ce qui avait été le cas pour Bête Noire, pour Nine Of Cups, nous nous sommes posés, nous avons analysé tout ce que nous avions vécu au niveau des concerts, toutes les expériences scéniques et les interactions avec le public, et nous nous sommes dit : « Voilà ce qu’on voudrait reproduire, voilà l’énergie qu’on voudrait donner. » Ça a permis de le faire beaucoup plus sereinement, effectivement, et d’une façon plus efficace, dans un temps plus réduit.

Bête Noire était la suite de l’EP et racontait la suite des aventures du cascadeur que vous aviez introduit à l’époque. Qu’en est-il de ce Nine Of Cups ? Est-on toujours sur l’idée de raconter les aventures de ce personnage ?

Effectivement, c’est la suite logique de là où s’arrête Bête Noire, de ce que racontent le disque et tout ce qui tourne autour, ce que l’on peut retrouver dans les livrets, les vidéos, et d’autres contenus. C’est ce qu’il se passe juste après. Je ne vais pas spoiler l’histoire, mais c’est la suite logique, c’est la suite des aventures de Mad Dog, qui va faire de nouvelles rencontres qui, contrairement à son passé, vont lui permettre d’évoluer. Bête Noire est beaucoup plus introspectif. Il tourne beaucoup sur nos expériences passées, les expériences que nous faisons raconter via le personnage. Nine Of Cups est plus ouvert et positif, il va plus de l’avant, il est vraiment dans l’optique de la détermination du personnage, de sa quête de revanche, de sa volonté d’aller jusqu’au bout de son truc. Cette fois-ci, il ne va pas regarder en arrière, il ne va pas essayer de se remémorer des cicatrices, etc. Il va vraiment aller de l’avant. C’est vraiment quelque chose que nous avons voulu amener là-dedans, l’échange que l’on peut avoir dans les rapports humains, et aussi le fait de ne pas se retrouver coincé par une fatalité. C’est vraiment le fait de se battre contre cette espèce de force supérieure qui a parfois l’air de nous restreindre. C’est vraiment : aller de l’avant. C’est un peu le jour et la nuit. Là où Bête Noire était sur une espèce de nostalgie, de rage causée par tout ça, Nine Of Cups est beaucoup plus ouvert.

J’imagine qu’à travers ça, c’est vous-mêmes qui avancez par rapport à vos propres problèmes et qui voulez aller de l’avant ?

Exactement ! C’est vraiment lié à beaucoup de choses. C’est-à-dire que Bête Noire, c’était une période où nous nous découvrions, nous lancions le projet, et nous découvrions le public. Nine Of Cups, c’est un peu la somme de toutes ces expériences. Au niveau scénique, nous avons fait pas mal de festivals où nous nous sommes rends compte qu’il y avait vraiment un échange avec le public. C’était ça que nous voulions retranscrire. Nous voulions aussi des titres beaucoup plus ouverts et beaucoup plus taillés pour la scène, et continuer à développer cet échange d’énergie avec le public, qui est vraiment la motivation première. Nous nous sommes dit que si nous étions positifs, en encourageant et en montrant une certaine détermination, ça profitait à cet échange.

Vous êtes apparemment des mordus de cinéma et de séries, et ça fait partie des choses qui vous inspirent. Cette inspiration joue-t-elle au niveau de vos textes ou bien aussi de votre musique, par le biais des BO et des ambiances ?

Effectivement, il y a des séries où nous allons retrouver des BO très rock’n’roll qui nous correspondent. Il y a aussi des thématiques, des univers qui sont complètement dans l’esprit rock’n’roll. Mais c’est surtout dans les situations de ces séries et ces films, où l’on retrouve toujours ces espèces de mythes fondateurs qui correspondent à notre esprit, comme par exemple être déterminé à se battre, apprendre à se relever après une chute, avoir cette envie d’avancer. Nous nous retrouvons dans ces personnages, dans ces situations, que ça soit dans les comics, dans les séries, ou dans les films. Ça va nous inspirer. Ça fait partie de nos codes, de notre culture. Par exemple, dans Nine Of Cups, il y a quelque chose qui nous a beaucoup inspirés et que nous rajoutons à la dimension road movie, road trip, c’est tout ce qui est mythologie. Il y a une série qui s’appelle American Gods, où ça parle de quelque chose de très contemporain, avec une histoire de vengeance, on ne sait pas où ça mène, mais on découvre au fur et à mesure les fils de la mythologie grecque, nordique, et de toutes les mythologies, en fait. C’est quelque chose qui nous inspire et que nous avons voulu insuffler dans l’histoire de Mad Dog, en rapport avec son passé, son destin, et la volonté de prendre ça en main. On est toujours dans l’esprit road movie, que l’on trouvait déjà dans les westerns, où il faut aller à la conquête de quelque chose, s’émanciper de ses racines pour aller conquérir quelque chose de nouveau. Ce genre de film et ce genre de série, c’est exactement ça, c’est : dépasser sa condition pour renaître. C’est vraiment tout l’esprit de Hell Of A Ride, depuis le début.

« Dépasser sa condition pour renaître. C’est vraiment tout l’esprit de Hell Of A Ride, depuis le début. »

L’album a été produit et réalisé par Charles « Kallaghan » Massabo avec qui c’est votre troisième collaboration de suite, vu qu’il a travaillé sur tous vos disques. Comment décrirais-tu son apport sur votre musique ?

Par notre expérience avec lui, nous avions déjà commencé à avoir un échange beaucoup plus concret sur Bête Noire, où nous avions plus pris le temps que sur Fast As Lightning pour le faire. Nous avons voulu garder cette synergie avec lui, parce qu’il a une culture musicale qui correspond exactement à ce que nous avons dans l’ensemble du groupe. C’est aussi un musicien, c’est un mec hyper curieux qui ne va pas hésiter à collaborer avec des artistes de genres différents. Il y a toujours un échange avec lui, en studio, comme si c’était un membre à part qui faisait partie du truc. Il apporte toujours des idées intéressantes, il rebondit toujours, il y a vraiment un échange avec lui, qui est hyper rapide, hyper instinctif, parce que nous prenons vraiment la partie composition avec lui tout le long du processus, et encore plus lorsque nous sommes en enregistrement. Nous aimons vraiment l’interaction qui se passe avec lui, pour revenir aux interactions avec les gens. Il y a vraiment quelque chose de naturel qui se fait avec lui, et c’est toujours un plaisir, c’est toujours drôle. Nous nous amusons vraiment avec lui.

Le disque a été bossé entre Paris et Los Angeles. Concrètement, qu’est-ce qui a été fait à Paris, et qu’est-ce qui a été fait à Los Angeles ? Et quel impact cette distance a-t-elle eu sur votre travail ?

La distance, en soi, n’a pas eu d’impact sur le travail, dans le sens où nous avons vachement travaillé avec Internet, avec les clouds. Sur la phase de pré-maquettage, nous échangions beaucoup avec Kallaghan qui était à Los Angeles pour pouvoir diriger les compos. Ensuite, quand il est venu à Paris pour faire l’enregistrement de l’instrumental, c’est à ce moment-là que le gros des interactions s’est fait, et que toute la machine s’est mise en branle. Ensuite, pour la partie vocale, les textes, nous avions envie de collaborer avec d’autres artistes qui n’étaient pas forcément du milieu du rock-metal français. Nous avions quelques idées, et Kallaghan était en contact avec des artistes avec qui il avait déjà travaillé par le passé ou qui étaient ses potes. Il nous a soumis quelques noms, il y en avait déjà que nous aimions, et vu que ces personnes étaient aux États-Unis, il était plus simple d’aller vers elles que de les faire venir ou de les faire travailler à distance. Parce que quand on est en phase d’écriture, il y a non seulement le texte, mais aussi toute la mélodie voix qui dépend de ça. Donc c’est mieux d’avoir une proximité, et c’est pour ça qu’à ce moment-là, nous avons dû nous déplacer, pour la phase de production, vers le studio de Kallaghan à Los Angeles.

Vous avez sorti un clip pour « Echoes » qui a été inspiré par la série Altered Carbon. Apparemment, vous envisagez une suite à ça. Ça veut dire quoi, dans vos têtes, une suite ? Une autre vidéo ou carrément un album concept sur cette thématique-là ?

« Echoes », c’est le premier clip que nous avons sorti réellement, par rapport à l’album, au niveau « single ». Le clip est le premier épisode de cet album, qui pose la situation. Ce n’est pas directement inspiré d’Altered Carbon. C’est en partie inspiré d’Altered Carbon, dans le sens où il y a les constructs, ces endroits un peu virtuels, où la personne est enfermée et revit une situation pour être torturée, pour pouvoir être interrogée et délivrer des informations. Là, c’est inspiré de l’enfer, l’enfer personnel, que l’on va retrouver dans pas mal de choses, dans des séries, dans Lucifer, par exemple, ou Preacher, avec un endroit où les gens sont torturés et revivent une situation. C’est le fait d’être enfermé dans un endroit, dans une situation où on ne sait plus si c’est réel, si c’est une boucle, si c’est une torture psychologique et physique… Après Bête Noire, on nous posait souvent la question pour savoir si Mad Dog était vivant ou mort. Pour répondre à ça, nous n’avons rien trouvé de mieux que de montrer s’il est torturé, s’il est retenu prisonnier, ou s’il est mort et qu’il vit un enfer personnel. Il y a une suite qui a été faite après, c’est le deuxième titre qui est sorti, « Departed Ways », qui est une lyric video améliorée. C’est un petit motion video, toujours avec le personnage de Mad Dog, qui est montré perdu dans une brume et qui revit des petits moments à lui, des moments-clés, des moments codes. Il va ensuite être tiré de cette phase, de cette espèce de plan dont on ne sait pas s’il est spirituel, mais il en est retiré et « sauvé ». Le dernier clip développe plus le côté d’un autre personnage qui apparaît justement dans « Echoes ».

« Nous avons toujours aimé mettre de la mélodie, avoir une espèce de nostalgie, et gérer une espèce de grand écart entre la nostalgie et le côté rageux, le côté primordial du rock’n’roll, le côté fonceur, etc. »

Quand on voit le nom de votre groupe et toute votre imagerie, on pourrait s’imaginer que votre musique va être un hard rock très cradingue, très direct, très rentre-dedans. Il y a de ça, mais il y a aussi une grosse influence rock US avec des mélodies et des ambiances – comme dans « I’m Sorry », « Stand Down » ou « Departed Ways » – auxquelles on ne s’attend pas forcément. Est-ce qu’il y a une volonté de surprendre ?

Effectivement ! Nous avions déjà commencé à titiller ça avec Bête Noire. Il y a certains titres avec pas mal de synthé, beaucoup de travail côté studio niveau composition, histoire d’aller un peu plus loin que l’EP qui était déjà très hard rock, très sobre dans les arrangements et les directions. Là, la volonté était vraiment d’amener ce côté road trip, c’est-à-dire que nous savons que nous voulons aller quelque part, nous nous donnons une direction, mais il y a toujours des imprévus et des surprises. Nous avons toujours aimé mettre de la mélodie, avoir une espèce de nostalgie, et gérer une espèce de grand écart entre la nostalgie et le côté rageux, le côté primordial du rock’n’roll, le côté fonceur, etc. Nous avons encore plus voulu creuser les différentes pistes sur cet album, notamment pour essayer de trouver de nouvelles sonorités et surtout pour créer la surprise. Ne pas faire nécessairement un album de onze titres qui dure une demi-heure, toujours au même tempo, à fond. Il y avait vraiment l’idée de trouver d’autres façons d’exprimer les émotions que nous avions déjà exprimées sur Bête Noire. Nous voulions essayer de renouveler quelque chose, avec une autre façon d’appréhender l’écriture et l’expression des mélodies et des émotions.

J’ai l’impression que l’influence américaine ne concerne pas que la musique et le cinéma chez vous. On parle beaucoup de road trip, et quand on pense aux Etats-Unis, on pense aussi aux longues routes que l’on parcourt pour traverser le pays. Dirais-tu que les États-Unis dans leur géographie pure et dure, c’est aussi un truc qui vous touche et qui vous inspire ?

Au travers du cinéma et de tout ce que nous pouvons connaître – on en revient au Far West, aux westerns et aux longues traversées – c’est quelque chose qui, géographiquement, nous inspire. Après, nous ne sommes pas là à fantasmer l’Amérique. Ça reste juste un décor et non pas une envie profonde de se projeter aux États-Unis. C’est vraiment quelque chose qui se pose dans l’imaginaire.

Si on sort des États-Unis mais qu’on reste sur le côté route, avez-vous un rapport particulier à la route, au fait de conduire ?

Personnellement, non. Je n’ai pas mon permis ! [Rires] Je suis le seul ! Mais c’est un projet ! Sinon oui, tailler la route… C’est surtout par rapport à la musique en général. C’est vraiment se dire qu’il ne faut pas rester sédentaire, qu’il ne faut pas hésiter à découvrir, s’ouvrir et aller vers des endroits que l’on n’a jamais vus, que ça soit imagé ou purement géographique. Il faut découvrir les choses. Je pense que c’est vraiment quelque chose qui est chez nous depuis le début.

Tu penses qu’il faut nécessairement aimer la route, aimer voyager quand on est musicien ?

Il faut aimer voyager. Mais pas forcément. Il y a des gens qui aiment composer, qui le font plus pour extérioriser certaines choses, et qui n’ont pas forcément envie de partager, mais à partir du moment où la musique te permet de communiquer, de découvrir des gens, des endroits, il faut aimer, il faut être curieux, et surtout, il y a plein de choses qui peuvent nous inspirer à différents endroits, partout dans le monde. C’est vraiment important.

Tu parlais de cinéma et de séries. Quel serait pour toi le meilleur road movie ?

Alors là ! [Réfléchit] Ce n’est pas spécialement un road movie rock’n’roll, mais c’est vraiment l’histoire de deux potes qui se retrouvent pour faire la route des vins aux États-Unis, et ça s’appelle Sideways. Dans ce film, ils vont faire la route des vins et parce qu’ils sont quasiment quadras et qu’ils n’ont pas fait ça depuis vingt ans, ils se redécouvrent entre des fantasmes de leur passé et leur réalité d’adultes. Je trouvais vraiment ça marrant, parce que c’est une comédie et en même temps, il se passe pas mal de choses. Il y a une situation un peu à la façon du cinéma des frères Coen où, à chaque fois, c’est une espèce de Far West moderne, avec des situations hyper contemporaines. J’adore les frères Coen, parce qu’il y a vraiment cet esprit sale, et en même temps touchant, car ce sont des humains, et ils vivent leurs situations comme tout le monde. J’aime beaucoup, comme True Grit, No Country For Old Men, j’ai aussi adoré Fargo…

Interview réalisée par téléphone le 20 mai 2020 par Philippe Sliwa.
Retranscription : Robin Collas.
Photos : Dorlis Photography (1 & 4).

Site officiel de Hell Of A Ride : www.hellofaride.fr

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